
Jour 04
Pietro ouvre lentement les yeux.
Il ouvre lentement les yeux, c'est un fait, mais, rapidement, regarde celui à ses côtés.
Une jambe hors des couvertures, la bouche entrouverte, la tête à-même le matelas et son oreiller dans les bras, Clint dort encore. Et à poings fermés, s'il-vous-plaît.
Il sourit.
Le jeune homme, après un moment pour se donner du courage, sort des couvertures.
Sitôt un pied par terre, qu'il songe à le remettre sous les couettes et retourner dormir.
Il ne le fait pas.
À la place, il sort le deuxième (y a pas de raison pour que le pied gauche soit le seul à se les cailler, après tout) puis se lève. Il contourne ensuite le matelas pour remettre la jambe de l'archer sous les draps et les remonter sur lui. Clint s'agite un peu dans son sommeil. Il bouge, tourne, ramène l'oreiller un peu plus haut et y fait totalement disparaître son visage.
Pietro sourit. Ses doigts effleurent le visage de l'endormi, éloignant quelques petites mèches blondes de ses paupières closes.
Il gagne ensuite la cuisine. En deux temps trois mouvements, il va préparer une cafetière. Oui, oui. Une cafetière. Toute entière. Et juste pour Clint, s'il-vous-plaît ! Le matin, ce désastre a besoin de sa dose de café. De sa dose de « beaucoup de café, aw... café... non », apparemment.
Pietro cherche ensuite de quoi manger dans les placards. N'importe quoi qui soit déjà prêt à être mangé. Des gâteaux, du pain, des biscuits, des fruits... quelque chose.
Rien.
Il soupire.
Évidemment ! Il est dans les appartements de Clint, après tout. Il s'attendait à quoi ? Des placards pleins ?
Naïf petit être, va.
Pourtant, à sa grande surprise, tout en haut du dernier placard qu'il est allé vérifier (c'est toujours comme ça que ça marche)... il trouve enfin de quoi faire à manger.
Il devra « faire à manger » avant de « manger » mais c'est déjà ça.
De la part de Clint... c'est déjà beaucoup. Il n'en espérait pas tant.
Ses lèvres s'étirent lorsqu'il lit ce qui est annoté.
« De quoi faire des cookies. Que tu ne feras pas parce que tu es une catastrophe flemmarde. Mais tu peux laisser traîner ça (et des œufs ! Laisse des œufs traîner quelque part dans l'appart, aussi, sinon va en demander à Steve ou Scottie-boy) et espérer qu'un jour Pietro tombe dessus et t'en fasse. L'espoir fait vivre. Et tu es plein d'espoir, on dirait, sinon tu serais mort depuis l'an 40. Merci ! »
- Message reçu cinq sur cinq, sourit Pietro en attrapant le tout.
Il attrape la boîte en plastique dans laquelle Clint a tout réuni.
Un à un, il en sort tous les ingrédients et éclate de rire lorsqu'il trouve un nouveau petit message. Toujours de la part de Clint (qui d'autre ?).
Ce n'est pas un « merci » ni un « je t'aime ».
Non.
C'est mieux que ça.
« Thermostat 6. Environ 10 minutes. Pas trop cuit. C'est pas bon quand c'est trop cuit. »
Pietro le repose, un peu plus amusé encore.
Alors qu'il courait chercher un saladier dans lequel cookiser (il ne fait que réutiliser les néologismes de l'archer), il fait tomber le petit papier.
À son retour, en le ramassant, son cœur fond. Quelque chose est gribouillé au verso.
« Arrête d'essayer de faire des cookies et revient au lit. »
Un instant, il se demande comment Clint a fait.
Un troisième message arrive peu de temps après, scotché contre le paquet de farine.
Il n'a pas sa réponse...
« Pietro... revient... »
Mais saura vivre sans.
Tout se passe bien. Pas de désastre en vu (Clint dort encore, ça aide).
Le sokovien n'arrive cependant plus à s'arrêter de rire quand, alors qu'il arrive à la fin de la préparation, au dos de la plaquette de chocolat, il tombe (encore) sur l'écriture brouillonne de la catastrophe endormie.
« Bon, apparemment tu m'as pas lu... je t'aime (et pas juste parce que tu fais des cookies). Tu peux trouver un marteau pour casser le chocolat dans mon tiroir à chaussettes. »
Un endroit somme toute tout à fait normal pour cacher un marteau.
Et un marteau pour casser le chocolat pour les cookies ? C'est un peu radical... mais soit.
* * *
Deux heures plus tard, Pietro retourne dans la chambre qu'il avait quitté juste après avoir préparé une fournée de cookies matinaux.
Il se dit que ça y est, là, maintenant, c'est bon, hein, Clint doit être réveillé.
S'il l'est pas, tant pis pour lui. Pietro le réveillera.
C'est mauvais pour la santé, de trop dormir (si, si).
Ça et le fait que, sinon, Clint sera insupportable, voudra se dépenser, essaiera de le convaincre (lui, Sam ou Scott) de s'entraîner un peu... et que c'est une belle et grosse idée de merde quand on a un bras en vrac.
Enfin... ce n'est que supposition. Pietro n'est pas celui qui se blesse tous les quatre matins.
Il ne va pas devoir réveiller Hawkeye (dommage).
L'archer est déjà étalé sur la table basse du salon, un coussin sous la tête, un autre dans les bras, en train de regarder netflix.
Et non... Quicksilver ne va pas rebondir sur le fait que cet idiot soit sur la table.
Genre... littéralement.
Il sourit, plutôt, en découvrant le pot de café posé par terre, à moitié vide.
Pietro se dirige dans la cuisine avant même de s'annoncer à l'ancien forain.
Il espère se préparer un thé avant de rejoindre Clint et tenter le convaincre de s'installer sur le canapé, à la place.
- Qui a mangé tous les cookies ? Il demande, tout haut.
Très haut.
Clint l'entend malgré le fait d'être dans la pièce voisine, encore un peu dans le pâté (ou dans les cookies, plutôt) et avec la télé allumée. Il lui répond.
Pas que ce soit utile. Pietro se doute bien de l'identité du coupable.
C'est plus facile à trouver que gagner au cluedo (et de loin!)
Kate a (encore) embarqué Lucky, après tout.
L'autre suspect habituel absent... il n'en reste qu'un.
- La vraie question est surtout : comment est-ce que tu as fait pour cramer les cookies à ce point ?
- J'ai pas été assez rapide pour les sortir du four, marmonne Pietro en retournant dans le salon (et remettant son thé à plus tard).
Bien sûr, Clint éclate de rire.
On peut toujours compter sur lui pour avoir un peu de soutien. Pour remarquer toute l'ironie de la situation aussi.
Le regard rieur, les lèvres étirées en un sourire qui monte (presque) jusqu'à ses oreilles, l'agent Barton se redresse un peu pour regarder Pietro.
- - Te moque pas, toi.
- C'est un comble, pour toi, non ?
- Non.
- Si.
- Non.
- Pietro Maximoff, l'homme le plus rapide du monde... n'est pas assez rapide pour sortir les cookies du four. Si. Si, c'est un comble pour toi.
- Non.
Pietro croise les bras, un peu boudeur.
Soyez gentil et préparez des cookies pour votre petit-ami blessé et voilà comment vous serez récompensé !
- Si.
- Non.
- Ah si.
- Non.
- Friday ? Tu peux dire à Tony, Scott, Bucky et Sam ce que Pietro vient de faire, s'il-te-plaît ? Puis nous transmettre leur réponse.
Le plus jeune soupire.
Très longtemps.
Il est lui-même impressionné par la durée de son soupir.
- Le sergent Barnes demande s'il s'agit d'une plaisanterie. Scott espère que vous avez pu enregistrer cet aveu. Sam n'a rien dit mais a craché ses céréales sur le capitaine Rogers. Monsieur non plus n'a rien dit mais était, et est encore, en train de se rouler par terre, dans son atelier.
Pietro ronchonne de plus bel.
Le regard entendu reçu en retour de la part du malandrin n'arrange pas les choses.
- Tu vois... c'est pas que moi.
- Tu aurais demandé à Steve, Wanda, Vision et Bruce, tu n'aurais pas eu ces réactions.
Friday comprend d'elle-même la demande qui va suivre et la devance donc.
- Le capitaine Rogers comprend mieux pourquoi on lui a craché dessus et dit avoir trouvé votre cadeau de Noël. Votre sœur dit qu'elle ne vous laissera jamais oublier ça.
- Et moi non plus, ajoute Clint.
- Le docteur Banner espère que vous n'avez rien, s'inquiète que l'agent Barton déteigne sur vous...
- Hey ! S'offusque l'agent en question.
- Ah ah ! Préfère se réjouir Pietro.
- Et... reprend Friday. Et apprécie toute l'ironie de la situation. Quant à Vision, il est en chemin.
Le couple se regarde.
Comment ça, « en chemin » ?
Une tête apparaît au milieu du canapé.
Clint, pas prêt, sursaute, fait un bond et tombe de sa table basse. Pietro, étonné lui aussi, se reprend pour aller voir l'archer.
- Ça va ?
- Ouais. J'ai atterrit du bon côté. (il se tourne vers la tête, et le reste du corps). On entre pas comme ça chez les gens, Viz, j'aurais pu mourir !
- Pardonnez-moi, Clinton. Je tenais juste à apporter un minuteur à Pietro afin qu'un tel désastre ne se reproduise plus.
Hawkeye prend ces mots comme une excuse.
Appuyé contre Pietro, il lève les yeux vers le Sokovien.
- Tu vois : même eux ne manquent pas l'ironie de la situation.
Ce n'est pas un minuteur que le synthézoïde a apporté... non... mais une paire de baskets.