Une histoire d'enfants

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Une histoire d'enfants
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Summary
C'est l'histoire de Loki et de ses enfants. C'est une histoire de folie et de séparation, d'amour et de sacrifices. Au milieu de tout ça il y a Tony Stark, il y a la Magie et Yggdrasil.Gungnir entre les mains, Loki est le Roi d'Asgard après la révélation de la cruelle réalité. Accompagné de ses deux alliées les plus anciennes, il va chercher à Jotunheim et Vanaheim les objets qui lui permettront de libérer ses enfants du châtiment d'Odin, découvrant la vérité sur les Jotnar par la même occasion. Sur Midgard il trouvera l'aide et le génie de Tony Stark, qui sera une aide indispensable pour retrouver ses fils.Mais Odin est furieux et il ne compte pas les laisser tranquille, quitte à déclencher le Ragnarok.(Modifé le 13/12/2020)
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Les enfants

 

PARTIE 1

 

Midgard : 1284

Loki à 1901 ans (14 ans)

 

Sleipnir était né de l’innocence. Le soleil passait alors à travers les branches de la forêt d’Asgard, l’illuminant comme un ballet de lucioles. A cette époque, Loki ignorait tout de l’amour et des enfants, considérant qu’il avait encore le temps avant de se poser ce genre de question.

Sleipnir avait été créé sans être consentit, au milieu de sa terreur et de son incompréhension, l’ordre d’Odin résonnant dans ses oreilles, le palais loin derrière les arbres, Frigga hors de portée de ses appels à l’aide. 

Comme il avait pleuré ! Comme il s’était sentit seul ! Abandonné dans cette forêt, Svadilfari encore quelque part entre les ombres, incapable de reprendre forme humaine ou d’utiliser sa magie. Il lui fallut deux mois pour comprendre la raison, un mois de plus pour l’accepter et encore un mois de plus pour aimer ce qui grandissait en lui. Son enfant. Son bébé. La chaire de sa chaire, le sang de son sang. Au total, il fallut onze mois pour arriver au terme de sa grossesse.

Personne ne vint le chercher, il ne comprenait pas, il était si seul, il avait peur.

Il avait mille questions en tête à chaque instant : l’enfant serait-il comme lui ou comme son père, devait-il prévenir Svadilfari (1), Odin le laisserait-il élever son petit s’il était humain, comment l’élever s’il s’avérait être un équidé, comment le nourrir et répondre à ses besoins, serait-il un bon parent, l’aimerait-il assez, son enfant serait-il heureux ?

Il voyait déjà les regards, les murmures. Il ne savait pas pourquoi, mais personne ne l’aimait. Il n’y avait que sa nourrice Nyma et la petite fille d’une des servantes, Cassiopée, à être gentilles envers lui. Était-ce à cause de Thor ? Thor était si lumineux. Il l’éblouissait. Loki préférait rester dans l’ombre de la bibliothèque, où il y avait le calme et le silence, à écouter son frère et ses amis jouer à l’extérieur. Peut-être que s’il allait jouer dehors avec les guerriers comme son frère, on l’aimerait plus. Peut-être qu’il pourrait aussi avoir des sourires et gâteaux et qu’ils passeraient même leurs mains dans ses cheveux.

Il sentit immédiatement quand Sleipnir souhaita voir le soleil. Il se coucha sur l’herbe, ferma les yeux et l’accompagna, s’ouvrant, criant, pleurant. Il mit au monde le fruit d’une union forcée, son enfant chéri et adoré. Malgré la fatigue, il se força à se relever pour aider son fils à se stabiliser sur ses huit jambes, à frotter son museau contre le sien, à lui offrir son lait. Il regarda le cœur battre sous ses côtes grises et fut tellement soulagé. Son bébé allait bien. Il avait réussi.

Son cœur se gonfla d’un sentiment si fort qu’il l’étourdit un instant. L’amour. Les regards et les murmures n’avaient plus aucune importance, son fils était tout ce qui comptait.

L’ombre de Svadilfari fonça le crin du poulain, mais le Roi des Chevaux se contenta de donner un coup de museau sur son fils pour le reconnaitre et de repartir. Loki se détendit, réalisant qu’il ne comptait pas emmener son enfant loin de lui.

C’est à deux qu’ils rentrèrent à Asgard, Loki lui racontant l’histoire de chaque constellation d’une voix douce. A sa grande surprise, son fils avait hérité de sa capacité de télépathie et semblait avoir la même de la curiosité de sa mère.

« Et tu verras, Sleipnir, le Palais est si grand que l’on s’y perd facilement, mais nous l’explorerons ensembles pour que ça n’arrive jamais, d’accord ? » L’équidé hennit de joie, la chaleur de son corps réchauffant sa main.

Il sentit la Magie de sa mère avant de la voir apparaitre dans une nuée de plumes de corbeau, caractéristique de la cape qui lui permettait de voler. Elle lui tomba dessus, le serrant dans ses bras comme s’il allait s’échapper et disparaitre. « Loki ! J’étais tellement inquiète ! »

Il ravala les onze mois passés dans la forêt, il tut tous les matins passés à scruter les ombres dans l’espoir de la voir apparaitre, il cacha sa solitude et son sentiment d’abandon et s’en voulu pour son amertume. Frigga semblait tellement soulagée, il ne voulait pas gâcher son bonheur maintenant. Et l’étreinte de sa maman lui avait manqué plus que tout.

« Un poulain ? » s’enquit la Reine en les regardant avec un regard troublé.

La chaleur emplit immédiatement sa poitrine et il embrassa son fils d’un regard remplit d’amour. Il ne put s’empêcher de caresser sa crinière, tant elle était douce et belle. A cet instant, son aura était certainement aussi éblouissante que celle de Thor.

« Maman, je te présente mon fils, Sleipnir. » dit-il, avec cette voix qu’avaient les mères quand elles présentaient leur enfant.

« Ton… Oh. » Le visage de la Reine se fripa, comme si elle allait pleurer et Loki la regarda avec inquiétude, mais elle finit par sourire, rassurant son petit cœur. « Il est magnifique, Loki. Bonjour, Sleipnir. »

« Bonjour, Grand-Mère. » répondit l’équidé comme sa mère lui avait appris.

Le choc sur le visage de Frigga était si vif, que Loki éclata de rire, rapidement suivit d’un hennissement. La Mage finit par les regarder tous les deux avec incrédulité avant de secouer la tête et de leur sourire.

« On rentre à la maison ? »

Il n’eut jamais l’opportunité de lui faire visiter le palais. Si Frigga avait été prête à aimer et élever son enfant comme son petit-fils, Odin eut la réaction totalement opposée et le condamna dès l’instant où il le rencontra.

« Ce cheval difforme, n’est certainement pas mon petit-fils ! Qu’on l’emmène à l’écurie ! » ordonna le Roi et son cœur se brisa aussi violemment qu’il avait aimé Sleipnir profondément.

« Non ! » supplia-t-il, hurla-t-il, pleura-t-il. « Père ! écoutez-moi ! »

Mais Loki eut beau protester, il eut beau essayer d’expliquer, de faire comprendre ses sentiments, le Père de Toute Chose resta impitoyable.

Au moins, Loki avait-il la possibilité de voir son fils, de l’emmener se balader, de passer des après-midis à ses côtés. La douleur (de l’abandon, du sentiment de trahison, du jugement de son père) passa avec le temps. Savoir d’Odin utilisait son enfant comme monture le blessa mais il se tut. Quelque chose s’était brisé dans ses sentiments envers le Roi d’Asgard. Il devait maintenant faire attention à ne pas montrer la colère qui montait dans sa poitrine à chaque fois qu’il voyait le Père de Toute Chose et se rappelait le sort de Sleipnir.

Thor se montra toujours gentil vis-à-vis de Sleipnir, bien que mal à l’aise. Mais Loki ne vit jamais dans ses yeux l’amour d’un oncle pour son neveu, uniquement l’attention forcée que l’on accorde à l’enfant d’un autre.

Lorsque Odin décida de l’emmener livrer bataille, il crut mourir d’inquiétude.

Le box resta vide durant de longs, longs, longs jours.

Et Loki se retrouva seul avec son inquiétude.

 


 

Midgard : 1439

Loki a 2131 ans (presque 16 ans)

 

Jormungandr naquit avec sa peur. Craignant qu’il lui soit arraché aussi, il s’était réfugié au grand lac des Hautes Montagnes de Vanaheim, donnant l’excuse d’un voyage pour apprendre les arts magiques qui lui étaient inconnus.

Les sentiments exacerbés par la grossesse, Loki passa six mois à avoir peur à chaque minute. Il avait peur de ne pas pouvoir l’élever, peur de décevoir encore son père, peur que son enfant ne soit dédaigné, peur qu’il soit malheureux, peur qu’il soit un mauvais père, peur que Sleipnir ne lui en veuille. Par chance, sa forme reptilienne était la plus aisée à prendre : Thor adorait les serpents et souvent Loki se coulait dans la peau de l’animal pour lui faire plaisir. (Il se souvenait de s’être transformé en vipère pour faire une blague à Thor et de son regard émerveillé qui l’avait rendu jaloux, car Thor ne l’avait jamais regardé ainsi, et de l’avoir poignardé dans un sursaut de ressentiment et de jalousie.)

Il mit au monde un œuf émeraude dont Jormungandr mit encore trois mois à quitter (2). C’était un serpenteau déjà si beau et si grand. Il n’eut aucun mal à apprendre à chasser avec sa mère, à se servir des vibrations sur sol pour visualiser son environnement et à contrôler son venin.

Les Vanes étaient un peuple qui vénérait la Magie, et ils considéraient Jormungandr comme le fils de celui-ci. Ils étaient bons et bienveillants, s’extasiant devant son enfant… Loki n’était pas habitué, refrénant avec mal son instinct de protection qui lui hurlait de mordre quiconque s’approchant de son enfant.

Personne ne ferait de mal à son fils, personne ne le prendrait, personne, personne, personne !

Quand Jormungandr le mordit et que son venin se rependit dans ses veines, il crut mourir de douleur. C’était comme du feu liquide qui se frayait un chemin en lui, comme un tombeau d’aiguilles, comme bruler sous le soleil de Muspellheim (3). La seule chose qui lui permit de retenir ses hurlements fut l’inquiétude de son fils. Alors pour chasser la douleur, il lui parla des étoiles et des prophéties qu’elles dévoilaient de la part des Nornes. Le matin où il se réveilla sans avoir l’impression qu’on lui retournait la peau, il était immunisé contre tous les poisons d’Yggdrasil. 

« Un jour mon fils, tu seras si grand que tu pourras gouter les nuages, et tu seras si fort que tu n’auras pas d’ennemis. Tu t’enrouleras autour des branches d’Yggdrasil pour y passer l’hiver et tu protègeras les Neufs Royaumes. »

« Et toi Maman ? » demanda Jormungandr d’un sifflement, s’enroulant sur ses épaules pour se loger contre son cou. Loki sourit en caressant ses écailles qui brillaient de mille feux sous le soleil.

« Moi je veillerais sur ton sommeil depuis tous les Royaumes. Je tuerais tes ennemis avant qu’ils ne naissent, je chasserais les nuages avant qu’ils ne coulent dans tes yeux et ne t’aveuglent. »

« Maitre Loki. » l’appela d’une voix incertaine un Vane depuis l’autre rive. Les Vanes étaient connus comme l’incarnation de la nature et les maitres de la sorcellerie et celui-ci semblait vouloir faire présentation de ses titres en portant un manteau de feuille et une lourde ceinture de potions. L’amertume de son expression était autant le vestige d’une ancienne guerre contre les Ases que ses sentiments face à ce qui allait se passer dans quelques minutes. « Ils sont là. »

Il se redressa et le remercia sincèrement, essuyant les larmes sur ses joues pour faire face aux guerriers envoyés par Odin pour venir le chercher. La pensée que Heimdall, incapable de le voir, devait être frustré de son incompétence lui donna presque le sourire. Mais le poids de son fils sur ses épaules lui arracha rapidement toute trace d’amusement.

Il savait déjà comment ça allait se passer. Il n’avait pas besoin des Nornes pour deviner la réaction de son père quand il serait à ses pieds. Alors il s’enfuit.

Il fuit, durant des jours et des nuits, ne dormant jamais, rassurant son enfant, chantant pour bercer ses rêves. La peur avait la consistance de la boue et stagnait dans ses poumons. Chaque bruissement, chaque sifflement, chaque son le faisait sursauter. Jormungandr ne dit rien quand sa mère le serra trop fort contre sa poitrine. Il regarda les lances et les épées ostensiblement pointées vers eux et siffla. Il siffla jusqu’à ce que Loki l’endorme magiquement le temps du voyage jusqu’à Asgard. Et quand il se réveilla, quand on l’arracha de la chaleur de sa mère, il siffla de plus belle et mordit. Il mordit, encore et encore, jusqu’à ce qu’on le lâche, jusqu’à pouvoir se réfugier dans les habits de sa mère. Il avait peur. 

« Jormungandr, mon bébé, mon trésor, écoute-moi ! Peu importe le temps que cela prendra, je te retrouverais, d’accord ?! Je le te le promets ! Je viendrais te chercher !! » promit le prince contre les écailles, entre la colère, la peur et le désespoir. On lui enleva de nouveau le serpenteau des bras et un froid glacial lui remplit tout le corps, plus douloureux encore que le poison.

Loki hurla jusqu’à avoir la gorge déchirée, il se débattit jusqu’à être retenu par trop de guerrier pour pouvoir leur échapper, il supplia jusqu’à ce que les mots n’aient plus de sens. Seule la crainte d’un sort bien pire pour son fils l’empêcha de libérer sa Magie contre les Ases et Odin quand le Roi ordonna que l’on jette son enfant dans l’océan de Midgard.

« Ta Magie est une malédiction Loki ! Elle pervertie les bébés et leur donne une forme monstrueuse ! »

« Non ! Non, vous ne comprenez pas ! Ne faites pas ça ! Père ! » supplia-t-il encore et encore.

Frigga éclata en sanglot, mais ne fit aucun geste et ne dit aucune parole. Il eut envie de la mordre pour la faire réagir.

La paume de Thor contre son crane le brulait.

Qu’ils soient tous maudits !

Il pleura durant si longtemps que son corps cessa de produire des larmes. Il gémit de douleur pendant si longtemps que ses cordes vocales se turent. Il refusa de manger pendant si longtemps, que seule sa magie l’empêcha de mourir. Il refusa de voir quiconque durant trois mois. Un sort lui permit de regarder dans son sommeil son fils grandir trop vite, sa mue se transformer en volcans, la lutte de territoire contre un calamar géant. Il le regarda grandir sans parents, sans frère, sans famille. Tout seul.  

Quand il finit par sortir, il montra à tous ses yeux rouges de larmes. Il montra aux Neufs Royaumes ce que Asgard faisait aux mères.

Seule Cassiopée resta à ses côtés, même quand il avait si mal qu’il en devenait méchant. Thor essaya un temps de se faire pardonner et de lui changer les idées, mais il reprit rapidement ses anciennes habitudes.

Et Loki se retrouva seul avec sa douleur.

 


 

Midgard : 1520

Loki a 2250 ans (presque 17 ans)

 

Fenrir était le fils de sa colère et de sa haine. Cet enfant-là était né sur Midgard, au cœur d’une forêt, à l’endroit qui serait plus tard Washington.

Loki était alors tout le temps en colère : contre tous ceux qui le méprisaient, contre tous ceux qui se moquaient de ses enfants, contre les murmures et les regards, contre les amis de son frère, contre les guerriers qui voyaient en lui un lâche se servant de la magie, … Et dans son ventre de louve, il sentait son enfant s’agiter, il sentait sa colère, sa violence.

Mais cette violence ne l’inquiéta pas, au contraire, il se surprenait à souhaiter qu’elle se déchaine, que Fenrir brise Asgard entre ses crocs et qu’il piétine ses habitants sous ses pattes. Qu’il dévore Odin et son indifférence et Thor qui ne le voyait pas et ses amis qui le regardaient de haut, et Sif qui l’accusait de tous les mots des Neuf Royaumes, et Heimdall qui ne le laissait pas en paix et qui l’empêchait d’aller voir son fils, et… et… et sa Mère qui ne faisait rien.

Trois mois plus tard, il confrontait Odin, prêt à en découdre cette fois-ci. Remplit de colère et de détermination, il était prêt à déclencher Ragnarök (4) sur le champ si le Roi d’Asgard essayait de lui enfant un énième fils. Surement le borgne le vit-il, à moins que ce ne soit la lame qu’il tenait fermement, car il lui permit de rester avec son enfant, à condition qu’il soit discret et qu’il reste dans le palais. Fenrir était un enfant de l’extérieur, qui avait besoin de courir dans l’herbe et de chasser les nuages, mais Loki ravala chaque mot, conscient de sa chance.

Il se permit de pleurer de soulagement seulement une fois à l’abris dans sa chambre, et rit comme il n’avait pas ri depuis des années. Il lui consacra chaque seconde de son temps, envoyant un clone à son effigie vaquer à ses devoirs de prince. Sa haine diminua jusqu’à ne plus accompagner chaque battement de son cœur. Il était heureux de pouvoir voir l’un de ses enfants grandir, sans être séparé de lui par une clôture.

Quand Fenrir devenait agressif, à être resté trop longtemps enfermé et désirant se dégourdir les pattes, Loki se posait contre lui, caressait sa douce fourrure et lui racontait mille histoires. Il lui parla de Nidhogg, le Dragon qui rongeait la racine d’Yggdrasil, de l’Aigle Vidofnir perché dans ses branches, de la Chèvre Heidrun au sommet de l’Arbre, et de l’Écureuil Ratatosk qui semait la discorde entre Nidhogg et Vidofnir. Il lui parla de la fontaine de la source de toute sagesse à Jötunheim, gardée par Mimir qui détient tous les secrets de l’univers, du puit d’Urd gardé par les trois Nornes tissant la destinée.

Finalement, ils finirent par sortir la nuit, quand tous les Ases dormaient profondément. Loki les téléporta directement dans l’une des grandes plaines du Nord, avant de se transformer en Louve. Il ne voulait pas risquer d’attirer l’attention en invitant Sleipnir à venir, mais garda se regret au coin de son cœur.

Sa désobéissance eu des conséquences : les rumeurs. La rumeur qu’un loup plus grand qu’un ours était apparu au Nord arriva rapidement au Palais et Odin demanda à voir Fenrir.

« Je sais ce que vous voulez faire Père. Vous voulez faire comme avec ses frères, me l’arracher et le cacher là où personne ne saura qui il est, où personne ne le verra ! Mais je ne vous laisserais pas faire cette fois-ci. » susurra la Langue-d’Argent, de cette voix douce qu’il utilisait pour prévenir d’une éternité de souffrances. Son corps ne bougea pas de sa position quand Odin chercha à le repousser et continua de se dresser entre la porte de sa chambre, derrière laquelle grognait son fils avec menace, et le Père de Toute Chose.

« Loki ! »

« Non, Odin. » L’expression qui passa un instant sur le visage du Roi le fit jubiler. « Pas cette fois. Si vous essayez de faire quoi que ce soit contre lui, alors je ferais en sorte d’apporter unehonte sans fin sur Asgard. » Oh, il en était capable. Ils le savaient tous les deux. Et ce serait le pire cauchemar d’Odin.

Le Roi finit par se détourner, furieux et Loki se laissa glisser contre la porte le cœur battant. Les Nornes avaient été miséricordieuses. Il ne pensait pas réellement que cela marcherait. Faire du chantage au Roi, Dieu, et Père de Toute Chose ? Seul un fou s’y risquerait.

Lentement, un sourire étira ses lèvres et il rit. Il semblerait qu’il était fou.

Quand Odin présenta le loup des rumeurs comme son fils, il rit à nouveau. C’était si bon ! Voir l’expression fermée et furieuse du Roi alors qu’il faisait l’annonce devant les Ases le rendait si heureux… 

Maintenant, Fenrir pouvait sortir du Palais, explorer Asgard et courir le jour. Quand il faisait beau, il acceptait même de prendre la petite Cassiopée sur son dos pour l’emmener en balade. Peu importait leur peur et les murmures, Loki n’en avait cure. Il ne voyait que Fenrir et Sleipnir jouer ensemble.

Mais Fenrir grandit vite. Trop vite. Rapidement, les Asgardiens se mirent à avoir peur et à se plaindre de sa présence dans le Palais et le Royaume. Ils criaient que la bête allait dévorer leurs enfants.

Alors Odin essaya de capturer son troisième enfant et Loki devint fou.

La colère l’aveugla, la haine embrasa son sang et il déversa sa magie sur ses opposants, les pulvérisa, les massacra, les déchiqueta.

« COMMENT OSEZ-VOUS VOUS EN PRENDRE A MON FILS, VERMINES ?! JE NE LAISSERAIS PERSONNE BLESSER MON BEBE ! » hurla-t-il aux Ases encore en vie qui tentaient de se relever. Il tua et brula jusqu’à ce que Thor vienne le combattre. « Toi aussi Thor ? Tu vas encore une fois m’empêcher de protéger mon petit ? Me retenir alors qu’on me le prend ?! » Il évita les coups de Mjöllnir, riposta avec sa lance, blessa, frappa. « Mais je ne te laisserais pas faire cette fois-ci ! Je vous tuerais tous avant !! »

« Lo… »

« MAINTENANT ! » ordonna Odin quelque part dans son dos, là où se trouvent les traitres et les ennemis, les hommes qui font semblant d’être un père et les voleurs d’enfants.

Gungnir (5) lui brula le dos et il hurla. Thor en profita pour le plaquer au sol, Mjöllnir sur son dos (ça faisait mal, mal, mal) l’empêchant de se lever, et Loki regarda les gardes enrouler un ruban de soie qui empestait la Magie autour de Fenrir tandis que Thor emprisonnait ses mains avec des menottes bloquant sa propre Magie.

« Les Nains ont fini de fabriquer Gleipnir hier. Elle ne peut être brisé, par quoi que ce soit à travers Yggdrasil, et se resserre à chaque mouvement. » expliqua cruellement le Roi. Fenrir grogna, furieux et Loki grogna, furieux, et Frigga détourna les yeux.

Il rit quand son fils arracha la main de Tyr, il hurla quand ils plantèrent une épée à travers sa mâchoire, il pleura quand son fils disparu avec le jugement d’Odin. Son fils fut emmené loin de lui, enfermé, ligoté, lacéré.

Thor ne fit rien, Frigga ne fit rien, Odin lui enleva son enfant sans culpabiliser. Il hurla, encore et encore, il hurla des malédictions et des condamnations, déversa son venin dans l’air pour empoisonner le monde et souhaita qu’il brule.

Et Loki se retrouva seul avec sa haine.

 


 

Midgard : 1621

Loki a 2400 ans (presque 18 ans)

 

Hel vit le jour avec son désir de les voir mourir. Sa haine n’avait pas diminué au cours des 150 années passées. Parce que sa haine était telle qu’il s’enfonçait toujours plus loin dans le Chaos.

Si Asgard brulait, il raviverait les flammes en riant.

Qu’ils meurent, qu’ils brulent, qu’ils pleurent.

Il ne participait aux batailles que pour les faire taire, il ne sauvait les autres guerriers que parce que ce serait pire s’il ne le faisait pas. Il affrontait le monde en le méprisant comme il était méprisé, en les maudissant. Chaque regard, chaque rumeur, chaque moquerie se voyait répondre par une vengeance de sa création.

Une chevelure rasée, qui perd son doré pour aborder le noir de la nuit (6).

Des ombres et des illusions dans les couloirs pour nourrir les cauchemars.

Des hommes et des femmes ridiculisés en public, des secrets honteux dévoilés au grand jour.

Loki distillait le Chaos avec délectation.

Il utilisa ses talents de morphomage pour séduire, hommes, femmes, nains, elfes, peu importait. Son corps n’était qu’un moyen de parvenir à obtenir ce qu’il désirait, qu’un outil de manipulation. Il s’amusa des mœurs. Il était outrant de voir la peau dénudée au-delà des bras ? Il se baladait en simple pagne à travers le royaume. Avoir plus de deux conquêtes à la fois était une tare ? Il se créait un harem. Il l’avait promis à Odin après-tout, qu’il apporterait la honte sur Asgard.

Sa haine pour Thor grandissait. Thor, le puissant, charismatique et lumineux Thor. Le Dieu du Tonnerre, Prince Héritier aimé de tous, le futur Roi. Thor, qui participait aux moqueries, qui ne le défendait jamais, qui taisait toutes les fois où il lui avait sauvé la vie lors des batailles pour mettre son héroïsme en avant, qui laissait ses amis siffler leur mépris à son égard. Thor, qui ne se souvenait de l’existence de son frère que lorsqu’il avait besoin de lui ou quand il faisait parler de lui avec ses vengeances. Thor, qui le regardait toujours avec réprobation. Que Loki existe ou non, la vie de Thor ne changerait pas.

Et voilà si longtemps qu’il haïssait Odin qu’il ne se souvenait plus de la dernière fois qu’il l’avait considéré comme son père. Avant Sleipnir peut-être ? Ou avait-il était déçu avant ça ? A chaque fois qu’il posait les yeux sur lui, tous ses sentiments le faisaient suffoquer. Il se souvenait alors de chaque déchirement quand il lui prenait ses enfants. De ses yeux froids sur ses petits-fils. De son acharnement à le détruire. Non, Loki. Sa phrase favorite.

La haine de Loki grandit, grandit, et quand il sut qu’il était enceint de nouveau, il souhaita que le monde soit réduit en poussière.

C’est Nyma, son ancienne nourrice, qui lui chuchota une solution : partir. Il fallut à Asgard dix-sept jours avant de remarquer sa disparition, et uniquement car il n’était pas venu aider la Déesse de la Médecine Eir. Alors il envoya un double à son image, une illusion créée de toute pièce et qu’il chargeait suffisamment de Magie pour lui permettre de se comporter comme lui. Et personne ne comprit. Pas même sa Mère. Son cœur était déjà une plaie à vif, mais il eut quand même mal.

Par un quelconque miracle, l’enfant qu’il mit au monde à l’abris du regard d’Heimdall avait une apparence humaine. Une petite fille, qui pleurait quand elle avait faim, qui dormait quand elle était fatiguée, et qui souriait à sa mère quand elle la voyait. Une petite fille aux cheveux noirs et aux yeux verts, comme tous ses enfants.

Il la ramena à Asgard, rassuré et espérant même, sans même comprendre comment il pouvait encore espérer que les choses se passent différemment des autres fois. Odin lui accorda une chance, surement parce que Loki avait débarqué en pleine séance d’écoute des citoyens. 

A chaque jour il bénissait Yggdrasil pour lui avoir apporter une journée de plus aux côtés de sa fille. Il savait que tout finirait mal, qu’on lui arracherait cette enfant aussi. Son cœur était départagé entre sa haine contre les autres et son amour pour son bébé.

Les années passèrent. Elle ne fut jamais réellement considérée comme une princesse car elle était sa fille et les Asgardiens avaient peur d’elle comme ils avaient eu peur de Sleipnir, Jormungandr et Fenrir mais personne ne chercha à la blesser. L’enfant grandit, entourée de l’amour de sa mère et de sa Magie, habillée des robes de lui fabriquait Nyma et des bijoux en fleurs que tressait Cassiopée.

Il lui parla de ses frères et des Neuf Royaumes, il lui parla des différents peuples que couvrait Yggdrasil. Asgard, qui ne vieillissait pas. Vanaheim qui était le monde de la Magie. Jötunheim et son paysage de glace. Muspellheim, le Royaume de Feu, Svartalheim des Elfes Sombres et Álfheim des Elfes Clairs. Midgard, qui ne cessait d’évoluer, de sa course effrénée contre le temps. De Nifheim, le Royaume des Brumes et Helheim, Royaume des Morts. Hel était curieuse de tout et buvait ses mots avec l’empressement d’un assoiffé. Elle passait autant que temps dans la bibliothèque que lui autrefois et s’entendait si bien avec Cassiopée qu’il en était presque jaloux.

Quand Loki était si triste qu’il se perdait à l’intérieur de lui-même, elle se collait contre lui pour le réchauffer.

« La seule chose qui a de l’importance, c’est notre famille : Sleipnir, Jormungandr, Fenrir, toi et moi. Un jour, nous pourrons vivre tous les cinq dans une grande maison, peut-être sur Midgard. »

« Vraiment ? J’aurais ma propre chambre ? » s’exclama la petite princesse en escaladant le grand lit pour venir se nicher contre lui. 

« Oui. Il y aura un gigantesque jardin et le soleil réchauffera ta chambre tous les matins. En hiver nous tracerons des histoires dans la neige, au printemps nous décoreront toute la maison de fleurs, en été nous ramasseront tous les fruits de Midgard et en automne nous ferons des batailles de feuilles. »

« Est-ce que Fenrir va essayer de manger Sleipnir ? »

« Bien sûr que non ! Fenrir et Sleipnir sont frères, et ils s’entendent très bien. »

« Est-ce que Sleipnir me laissera monter sur son dos ? »

« Si tu lui demandes gentiment. »

Hel rit et le cœur de Loki se remplit de bonheur.

Puis on empoisonna son trésor.

Ils mangeaient dans la chambre du prince quand elle se mit à tousser, à cracher du sang, ses poumons se gorgèrent d’eau, et son cœur s’arrêta. Toute sa Magie, toutes ses connaissances, tous ses sentiments ne purent la sauver.

Elle était morte, morte, morte.

A cet instant, Loki haït de tout son corps le moment où Jormungandr l’avait mordu, car il aurait pu mourir avec elle, car il aurait dû mourir avec elle.

Les hurlements et les larmes se mélangèrent dans sa gorge, le firent suffoquer, le noyèrent. Il sombra dans la folie, se laissa tomber dans la folie, se nourrit du Chaos, provoqua le Chaos. Il conquit Helheim en riant, dévasté au plus profond de lui, irrémédiablement brisé. On lui avait arraché un autre enfant. Il n’y aurait aucune maison sur Midgard, aucun rêve, aucun rire.

Elle était morte.

Ils l’avaient tuée.

Il prit l’âme de sa petite et la plaça sur le trône du Royaume, faisant d’elle sa Reine. Le prix à payer était cruel : défigurant l’enfant pour la placer entre la vie et la mort, et il le paya en pleurant et riant.

Quand il revint à Asgard, il ne regarda pas Odin qui le fixait d’un regard glacial, il ne regarda pas Thor qui le couvrait d’un regard déçu, il ne regarda pas Frigga qui retenait sa tristesse. (Il avait mal.) Il regarda le ruban noir dans les cheveux courts de Nyma et les yeux rouges de Cassiopée.

Et Loki se retrouva seul avec sa folie.

 



 

(1) Svadilfari : Étalon Roi des Chevaux, compagnon du géant bâtisseur inconnu. Il est séduit par Loki sous forme de jument pour empêcher le Bâtisseur de gagner son pari, et remporter le Soleil, la Lune et Freyja.

(2) Il mit au monde un œuf émeraude dont Jormungandr mit encore trois mois à quitter : Le temps de gestation d’un serpent est de trois mois avant de pondre. Ensuite, il faut encore trois mois avant que le petit ne sorte de la coquille.

(3) Muspellheim : Royaume de Feu appartement à Yggdrasil.

(4) Il était prêt à déclencher Ragnarök : Une prophétie des Nornes annonça à Odin que Loki déclencherait le Ragnarök. Le Ragnarök est la fin du Monde, où les Asgardiens affronteront les enfants de Loki jusqu’à s’entre-tuer.

(5) Gungnir : Lance d’Odin, elle renferme ses pouvoirs.

(6) Une chevelure rasée, qui perd son doré pour aborder le noir de la nuit : Une nuit, Loki a rasé la chevelure de Sif, l’amie de Thor, pour se venger. La jeune fille fut tellement furieuse que Thor ordonna à son frère de lui rendre ses cheveux, ce qu’il fit. Cependant, les cheveux de Sif n’ont jamais repoussé blonds, mais bruns.

 

 

 

 

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