
Black nails.
Les sons sont vagues, les lumières sont tamisées, l’odeur reflète le tabac et la beuh, cette même odeur qui lui grattait la gorge. Larry ne sait pas trop comment il s'est retrouvé ici, ça a été plus un concours de circonstances qu’autre chose. Au début, il avait prévu de se calmer sur les soirées. Parfois, sa vie d’avant lui manquait et il passait des semaines entières à passer ses nuits à lire. Mais souvent, bien vite, l’envie de sortir et de voir le monde revenait, et il s’empressait de demander à son petit copain s’il pouvait sortir avec lui le soir d’après. C’est ce qui était arrivé ce soir-là. Larry ne connaissait pas bien les personnes présentes dans la pièce. Ils étaient des amis à Alex, et même s’il ne pouvait pas leur faire confiance étant donné qu’il ne les connaissait pas, ce fait lui suffisait pour se détendre. Et puis, dans tous les cas, Alex était là. Il ne le quittait pas d’une semelle, donc il ne risquait rien.
Depuis le début de la soirée, les amis d’Alex restaient calmes, posés sur les canapés du salon de l’appart qu’ils squattaient. Certains parfois se levaient pour se balader dehors, en pleine nuit, d’autres buvaient, mais les deux choses les plus fréquentes dans ce genre de soirées étaient les discussions philosophiques et la beuh. Si bien que Larry appréciait les longues discussions, la fumée était toujours quelque chose qui l’embêtait mais il ne disait mot et passait ses soirées à côté de la petite fenêtre de la pièce, ouverte, pour ne pas être pris de quintes de toux. Alex, non loin, assit dans la longueur du canapé, yeux cachés par ses cheveux comme à son habitude, ne fumait pas. Ce n’est pas qu’il n’était pas un grand fumeur, mais plutôt qu’il le faisait par respect pour Larry. Il était une bonne personne. Alex faisait toujours gaffe à garder un œil sur Larry, voir s’il allait bien, s’il ne se sentait pas trop mal pour quelconque raison. Et Larry, en retour, avait aussi un regard toujours posé sur son petit copain. Mais souvent, c’était pour apprécier la vue qu’il lui offrait. Il n’était pas plus grand que lui, mais plus large. Son visage était presque toujours caché par sa touffe de cheveux noirs et ondulés, bouclés parfois. Ses mèches de cheveux se confondaient souvent avec son début de barbe, deux trois poils poussant au niveau des commissures de ses lèvres, de son menton et de ses joues. C’était une partie du corps d’Alex que Larry aimait regarder et toucher, sentir sous ses doigts. Il portrait aussi ce soir là un t-shirt noir, ample, simple, sous lequel son corps rond se cachait sans vraiment de conviction. Par dessus, un hoodie ouvert, d’une couleur vert foncé, et enfin, un pantalon noir, déchirés à quelques endroits, dû à de nombreuses péripéties. Ses oreilles étaient percées et cela faisait quelque temps qu’il songeait à percer quelques parties de son visage. L’idée plaisait à Larry. Et cachée sous son t-shirt, un collier en croix, proche de celui que Larry portrait presque toujours aussi.
C’était souvent qu’en le regardant ainsi, Larry avait l’envie de lui grimper dessus. De s’installer, assit sur ses hanches, et de le regarder. La vue était plaisante par ici, et sentir sa chaleur sous son corps rendait les pensées de Larry confuses, le faisait rougir des joues aux oreilles, le faisait frissonner de haut en bas. Mais il restait assis, bien sagement, de l’autre côté du canapé, proche de la fenêtre ouverte pour qu’il n’étouffe pas. Et de toute manière, grimper sur lui devant autant de monde, c’était une idée obscène et embarrassante.
Enfin. L’embarras et l'obscénité n'empêchait pas certains des amis d’Alex d’avoir des “presque ébats” devant le reste du groupe. Bien que ce soir était une soirée calme, il y avait déjà eu des soirs durant lesquels, vers 1h du matin, certains amis couple d’Alex s’étaient mit à se grimper dessus, à s’embrasser, à passer ses mains sous les t-shirt et- Larry ne saurait dire quoi de plus car il avait fini par réussir à détourner le regard. Il était un peu jaloux de cette insouciance qu’il aurait aimé avoir un jour dans sa vie. Être à l’aise avec l’idée d’embrasser son petit-copain en face de tout le monde, pouvoir lui rouler des galoches sur le canapé sans se soucier du regard des autres, passer ses mains sous son t-shirt tandis-ce que la fumée le troublait.
Mais Larry n’était pas comme les autres. Et Alex et lui n’étaient pas un homme et une femme. Ce n’était pas l’envie de se conformer qui lui manquait. Parfois Larry pensait qu’il aurait aimé être une femme. Avoir des cheveux longs sans être dévisagé comme il l’était à présent. Avoir une poitrine, quelque soit la taille, et de jolies hanches. Ne pas avoir une voix grave, ne pas avoir de pilosité. Porter des vêtements plus féminin, sans être vu comme la bête de foire qu’il était en ce moment. Se maquiller, être désiré par son petit copain, comme une femme pourrait l’être par son amant.
Larry le savait, ce n’était pas possible. Et pourtant il en rêvait parfois.
Il avait besoin de reprendre son souffle. La fenêtre ne suffisait plus car il se sentait étouffer. Ce n’était pourtant pas la fumée qui lui grattait les yeux et la gorge à ce moment. Il se leva donc doucement, sans rien dire, et tenta deux ou trois pas flou ; l’alcool faisait son effet, et il semblait tituber un petit peu. Devant lui quelque chose bougea, Alex venait de se redresser, assit correctement sur le canapé à présent, se mettant en quelque sorte dans le chemin de Larry.
“Ça va?” Questionna t-il, inquiet.
Larry ne put répondre, il s’arrêta en chemin, les jambes flageolantes. Il balbutia quelques mots, sans grande réussite, et avant qu’il ai pu le voir venir, avant de pouvoir voir le monde autour de lui détourner le regard sur son attitude, Larry s’emmêla les pinceaux et tomba en arrière. Heureusement pour lui, sur les genoux d’Alex. Celui-ci le rattrapa, entourant ses bras autour de ses hanches.
“Bah alors, fallait me le dire si tu voulais un câlin…” dit Alex avec un petit sourire aux lèvres, tentant de capter son regard.
Ce n’était pas ce que Larry avait cherché à avoir, mais étrangement, ce fut ce dont il aurait eu besoin. Donc il se laissa aller, les joues rouges de gêne en voyant les yeux rivés sur eux, qui finirent par détourner leur attention ailleurs. Ainsi, Larry posa enfin son regard sur Alex et lui sourit, lèvres tremblantes.
“Est-ce que tu peux m’embrasser?” osa t-il demander, mains posées sur ses épaules.
Il ne fallut pas grand chose d’autres pour qu’Alex relève ses mains, les faisant glisser des hanches aux joues de Larry, cachées par ses cheveux, et pour mener son visage au sien.
Larry n’avait plus aucun doute de comment finira la soirée. Probablement dans une des chambres de l’appartement, à retenir son souffle dans le noir, collé au corps de son petit copain. S’il ne pouvait s’autoriser à réfléchir à ses pensées les plus “étranges”, Larry pouvait se laisser aller contre Alex en attendant.
Parce que s’il finissait par ne plus l’aimer à cause de ce que son cœur lui disait, actuellement, il pouvait toujours planter ses ongles vernis de noir dans sa peau jusqu’au lendemain, et finir par ne plus y penser, par ne plus penser à rien d’autre qu’à Alex, avant de pouvoir penser à lui-même.