recueil

Les yeux rivés sur un bouquin appartenant à une pile d’autres livres plus vieux et abîmés les uns que les autres, Larry lit, concentré. Il est presque 8h du matin, un mardi grisâtre par derrière la fenêtre, dans le salon d’un petit appartement habité habituellement par trois personnes, et d’une, fréquemment invitée. Sur la table du petit salon, visage appuyé dans sa main, Larry travaille déjà. 

Il est à présent huit heures et dix minutes du matin, le soleil se lève enfin bien que caché derrière d’épais nuages de pluie. Larry le sait, il a une alarme à cette heure précise. Son livre se ferme et il commence à prier, à voix basse, pour ne pas réveiller le si peu endormi homme, allongé dans le canapé, non-loin.

Looking out on the morning rain
I used to feel so uninspired
And when I knew I had to face another day
Lord, it made me feel so tired

“Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.” Un murmure, une louange, un air de douceur pour des mots si étranges à atterrir dans l’oreille d’une personne extérieure.
C’était le début d’une longue demi-heure de chuchotement. Larry se savait observé depuis maintenant quelques minutes. De jolis yeux brun s’étaient posés sur lui ; des cheveux ébouriffés, un air du matin, cet air perdu, ahuri, mais apaisé, attendri. 

N’était-ce pas hypocrite, d’ouvrir sa bouche et de prier un Dieu qui sûrement lui en voulait d’avoir dormi si proche d’un homme? Larry tentait de ne pas y penser, mais il savait qu’en faisant cela, il commettait à nouveau le péché d’acédie qui lui coûtait tant. Oh, rien ne s’était passé entre eux, rien qui pourrait être une honte. Vinh le prenait souvent dans ses bras, il lui avait déjà caressé la tête et tapoté l’épaule et sûrement que la nuit, ils avaient dormis tout proches l’un de l’autre mais, jamais rien qui frôlait l’impensable, n’est-ce pas? 

Before the day I met you
Life was so unkind
You're the key
To my piece of mind

N’est-ce pas?

“Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto. Sicut erat in principio…” Murmure t-il en chantonnant. C’est à ce moment que doucement, Larry se lève, yeux fermés, tourné vers là où doit se trouver Vinh, encore assis sur le canapé déplié. Il tapote, du bout du doigt, quelque chose sur la table. Quelque chose se trouvant être un petit bout de papier sur lequel était inscrit “Lait de noisette et cacao chaud dans le micro-onde, bon petit-déjeuner”. Larry se dirigea vers la porte d’entrée, et quelques secondes plus tard, celle-ci se referma.

Et lorsqu’il en revint, Vinh était assis, sa tasse en main. De l'autre côté de la table, là où les livres de Larry n’étaient pas, il souriait d’un air fatigué. 

“Ah, désolé, je n’ai pas rangé, je prend beaucoup de place…”
“Mais non, c’est bon, vraiment. Puis j’aime bien la tête qu'ont ces livres, ils sont vieux- enfin, anciens.”

Larry ricane légèrement, il se rassoit en face de la tête rouge, et ferme le livre qu’il lisait avant d'entamer ses louanges. 

Vinh n'avait pas les mots pour décrire comment il l’avait trouvé beau à réciter et chantonner, tout comme Larry n’avait pas les mots pour décrire à quel point il appréciait ne pas être seul de bon matin. 

Now I'm no longer doubtful
Of what I'm livin' for
And if I make you happy
I don't need to do more

Song inspiration : A Natural Woman, Aretha Franklin