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Un siècle dans les limbes.

Et donc, nous y voilà. 

La douleur, abrupte, se loge dans son front. Mais le temps ne s’écoule plus,

seul ce liquide chaud s’écoule de sa tête, refroidi presque aussitôt par le temps, 

L’hiver. 

Une tombe de neige, c’est sûrement ce qu’il aurait mérité, car Ashley a toujours haï la neige.

 

C’est alors ainsi. Après tout ce qu’il a fait, après tout le mal qu’il a infligé, 

il fuit,

il prend la porte de sortie la plus simple, 

la froide, présumée mort.

 

C’est injuste.

C’est injuste.

Il aurait dû souffrir, tiraillé de part et d'autre par les pires instruments créés. Hurler jusqu’à plus de voix, pleurer jusqu’à la sècheresse. Mais à la place, le voilà allongé sur ces draps blancs, les yeux grands ouverts, vides, un restant de ce qui était son sourire au visage.

 

C’est fini. C’est enfin fini. Je peux m’en aller. Ne plus exister. Ne plus respirer. C’est fini.

 

Alors pourquoi s’entendait-il encore penser? Pourquoi se sentait-il cligner des yeux sans pour autant y voir? 

 

Non. Non, je suis MORT. Je suis mort, c’est fini, je suis mort, pourquoi…?

 

Pourquoi respirait-il? 

Pourquoi était-il capable de sentir le froid sous ses doigts? 

Pourquoi ressentait-il les bourrasques sur son visage?

Pourquoi sentait-il le sang couler le long de son front?

Pourquoi avait-il cette douleur au fond de la gorge lorsqu’il tentait d’avaler sa salive?

Pourquoi était-il même capable de tenter?

 

Une assourdissante vibration lui fait fermer les yeux de douleur. Bientôt, le froid sous ses doigts disparut, comme le liquide chaud sur son visage. C’est à présent tout ce qui l’entourait qui était chaud, mais pas assez chaud pour étouffer, juste assez pour se sentir bien. Trop bien pour quelqu’un comme lui.

 

Alors pourquoi, dites-moi pourquoi ses lèvres étaient encore capables de se tordre de douleur, pourquoi sentait-il quelque chose monter et vouloir sortir de ses yeux clos? 

 

T’as pas fait ça. Tu m’as pas ramené. T’as pas pu me faire ça. Laisse moi crever… Laisse moi crever.

 

Mais tant il essayait de s’éteindre, au plus il sentait son corps s’éveiller. Ce n’est pas qu’il sentait à nouveau le sang couler dans ses veines, ni même qu’il sentait son cœur battre, mais par quelque chose d’inexplicable, il se sentait à nouveau lui. 

Et tant il essayait de garder les yeux clos, plus ceux-ci souhaitaient s’ouvrir. 

Et cela l’effrayait. 

 

Dis moi que t’as pas fais ça…

 

Mais la réponse, silencieuse, demeurait pourtant affirmative. 

 

Pourquoi était-il capable de pleurer?

 

Sans vraiment qu’il sache comment, il fut capable de se redresser, mais qu’il ouvre ou ferme les yeux, la vision restait la même. Tout était blanc, aveuglant. Sans savoir comment, il eut l'impression de tomber à genoux. 

 

Son interlocuteur n’avait pas besoin de parler, car d’un coup, Ashley savait pourquoi.

 

Une seconde chance.

 

Il fut pris d’une exaltation soudaine, secoua la tête à se la décrocher. Un désespoir infini. Une punition divine.

 

Je refuse, je veux pas, c’est hors de question, non, je ne veux pas.

Ecoute moi bien!! Je ne veux pas! J’en veux pas de ta seconde chance! Laisse-moi crever!

 


 

Un siècle à errer dans les limbes.

Un silence laissant à ses pensées toute la place, trop de place. S’il avait pu se voir, Ashley aurait mit sa main à couper; la peau sur les os, le visage affaissé, le regard tiré,

abîmé,

esseulé. 

Il n’avait pas eu la chance ou la douleur de voir les heures passer. 

 

C’est à l’une de ses nuits supposées qu’un ange vint à sa rencontre, secouant ses ailes jusqu’à lui. L’être le plus beau et lumineux qu’on lui ai offert à regarder, car il était enfin capable de voir, capable de voir comme pour la première fois. 

Il l’a enlacé dans ses ailes, alors qu’incapable de bougé comme la pierre, immobile, Ashley s’éffondrait. Pour un siècle dans les limbes, Ashley n’y dormit qu’une nuit. Au creux des plumes qui firent rayonner son corps éteint. 

 

Une douceur indescriptible, un sentiment de protection, de chaleur, ni trop forte, ni trop douce. Muet, fait de cuivre, l’Ange le serrait contre son cœur, comme s’il le suppliait d’ouvrir les yeux pour la toute première fois de son existence, tel un nouveau né le ferait.

 

Alors, lorsque l’Ange disparu à son réveil, 

un de ses yeux dans le creux de sa main,

Ashley supplia.

 


 

Une soudaine suffocation brisa le silence de la nuit, et il s’éveilla.

Larry était couvert de sueur, les yeux fondant de larmes, le corps plié en deux vers l’avant, assit sur le lit. C’était une de ses nuits noires menant à des cauchemars atroces dont jamais il n’était capable de se souvenir. Il savait uniquement qu’à chaque fois qu’il ouvrait à nouveau les yeux, il était inconsolable. 

A chaque fois, c’était comme si sa tête était remplie de flou, qu’il étouffait, qu’il ne voyait plus le bout de ses doigts et qu’il n’en serait plus jamais capable. 

 

Lors des nuits comme celles-ci, ne souhaitant ni parler, ni expliquer son état à quiconque, Larry avait pris l’habitude de prier en silence. Il joignait ses mains, et serrait, serrait si fort jusqu’en perdre le sang dans ses doigts, sans dire un mot. Il ne voulait pas parler, la seule chose qu’il voulait, lors des nuits comme celles-ci, c’était de penser à Dieu. D’imaginer sa présence toute autour de lui, de ressentir sa réconfortante chaleur, car lui seul pouvait le comprendre sans qu’il ait à dire mot. 

 

Enfin, c’est ce qu’il avait toujours pensé avant de le rencontrer. Avant de le rencontrer à nouveau.

Miquel. 

 

Lorsqu’il le tirait de ses mauvais songes et qu’il le serrait dans ses bras, Larry sentait qu’il n’était ni une boule de douleur, ni une coquille vide. La douleur s’envolait sans laisser place au néant; elle laissait place à un sentiment de protection, de chaleur, ni trop forte, ni trop douce.

Et éventuellement il y avait des soirs où l’orage et la pluie finissaient par passer leur chemin, ainsi, ils parlaient.

 

“Tu sais, je crois qu’on m’a toujours dit que j’étais âgé… Même quand j’étais enfant, on me disait que j’avais l’air d’être un vieil homme…”

 

“Physiquement?”

 

“... Mais non Michel…” Ricana Larry. “Non, encore maintenant, ils disent tous que je réfléchis comme un ancêtre… C’est comme si j’étais né après avoir vécu-”

 

“-Un siècle,au moins!” Se moqua Miquel, gentiment, le rire aux lèvres.

 

“Ne te moque pas!”

 

“Tu avais déjà un déambulateur dans le ventre de ta mère?”

 

Larry posa sa main sur le visage de son ami lorsqu’il le taquina ainsi.

 

“Oh mais tais-toi, idiot!”




Un siècle à errer 

dans les limbes, 

à t’attendre.

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