Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve

Carol (2015)
F/F
F/M
G
Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve
Summary
ceci est la version "française ; il est possible que j'ai laissé passer des fautes d'orthographede grammaire, de syntaxe , d'accord des temps etc.... je le fais pour les lectrices et lecteursfrancophonesmerci de votre éventuelle lecture ou relecturecertaines personnes peuvent être choques en découvrant la personne qu'est Carol mais c'est quelqu'un qui a été le souffre-douleur de sa mère et qui ne s'en remet pas...et parfois son côté cruel ressortavec moi il n'y aura pas de domination mais de l'égalité comme je l'ai sentie en visionnant Portrait d'une jeune fille en feu...Carol n'est pas dominatrice Thérèse n'est pas falote...
All Chapters Forward

Chapter 36

 

 

Les couloirs de l’hôpital étaient silencieux hormis, le bruit métallique des chariots qui amenaient les petits déjeuners.

Le personnel s’affairait à réveiller les patients. Des gémissements se firent entendre d’un bout à l’autre du couloir tandis que l’odeur d’un café réchauffé déjà tiède chassait l’odeur aigre du matin. Les tartines d’un pain sans goût voisinaient avec du fromage fondu et des portions de confiture sur une vaisselle terne et usagée.

Chaque membre du personnel avait ses chambres dédiées et il y eut une succession de portes ouvertes , de charnières grinçantes ,de rideaux tirés de chaises bousculées . Des bonjours résonnaient dans les chambres et, suivant l’état du patient, on y répondait ou pas.

 

Dans une des chambres, une forme remuait faiblement sous les draps...

 

Sa mère... Le noir de sa jupe, le jaune blême de sa peau, le rouge de sa bouche. Jacqueline ne savait qu’enregistrer les couleurs... les couleurs pour oublier , enfouir, effacer ce qui allait inévitablement arriver.

 

"saute plus haut , saute plus haut je te dis"

 

L’adolescente , dans cet appartement distingué de Lille, s’appliquait le mieux qu’elle pouvait avec sa corde à sauter. Une femme maigre et plate, le nez chaussé de lunettes de fer, le visage austère et sans pitié considérait la malheureuse.

"Jacqueline tu es une tentation pour les hommes alors tes seins doivent tomber... alors saute plus haut et plus fort et tu t’arrêteras quand je le dirais

-mais maman j’ai mal

-tais toi petite sotte....comment peux-tu être ma fille?... d’ailleurs tu n’es pas ma fille puisque je n’ai plus d’enfant à aimer"

 

Sa mère lui avait lavé les cheveux aux cristaux de soude et la peau du visage brûlait encore et Jacqueline faisait ce qu’elle pouvait ; le cœur meurtri et le souffle cassé elle fit ce qui lui ordonnait sa mère. Elle savait que cela durerait jusqu’à l’arrivée de son père. Elle tiendrait comme elle a toujours tenu et, un jour, elle s’en irait avec le premier homme pourvu qu’il soit gentil.

Elle eut envie de fermer les yeux et de s’imaginer un monde où elle aurait une petite fille qu’elle appellerait Nadine ou Sabine et qui l’aimerait comme une fille aime sa maman qui le lui rend si fort. Oui fermer les yeux mais c’était perdre l’équilibre ; alors elle riva son regard sur le bronze qui montrait Hercule dans un de ses travaux avec un lion et sauta, sauta, sauta.

 

Le noir de la jupe, le jaune blafard de la peau , le rouge de la main qui menace...

 

La fatigue et la détresse écrasaient Jacqueline au fond de ce lit d’hôpital, mais elle n’y était pas. Jacqueline naviguait dans son passé. Tout était noir , tout était rouge mais les verres cerclés de fer dominaient les yeux vicieux et cruels de sa mère. Elle aurait tant voulu prendre du recul comme lui disait sa fille si intelligente et si attentionnée .

 

Ma Thérèse où es tu ? Je vais encore être un fardeau pour toi. C’est moi qui devrais t’aider au lieu de ça

 

La colère salutaire envahit tout son corps.... Elle rejeta d’un coup les draps rêches mais inusables de l’hôpital sur lesquels étaient imprimés en un rose vieillissant les mots « assistance publique ». Mais ce n’était pas les draps qui l’ennuyaient mais le souvenir de son incapacité à se rebeller contre sa mère.

 

« hey bien Mme Belivet nerveuse n’est-ce pas ? »

 

C’était Josiane la très gentille infirmière de l’aile psychiatrique qui s’occupait de Jacqueline à chacun de ces séjours.

Elle remit les draps sur la femme en colère .

"Josiane s’il vous plaît appelez moi Mme Beaufort , mon nom de jeune fille

 

-bien sûr mais pourquoi ?" tout en s’asseyant au bord du lit.

 

Elle connaissait bien cette gentille femme si fragile dont l’allure élégante qui tranchait avec la moyenne des patients.

 

"j’ai toujours été Mme Belivet ou Mme Gérard Belivet ; je disparais , je ne suis que l’objet de quelqu’un et j’appartiens toujours à quelqu’un.

 

-non Jacqueline vous étiez sa femme et portiez son nom

 

-non, répondit Jacqueline impatiente, je suis moi ; vous comprenez moi, je m’appelle Jacqueline Beaufort . Je suis la mère de mes enfants et je suis Jacqueline" termina-t-elle avec véhémence et , le regard fixe , elle tapait des mains sur les draps au rythme de son impatience.

 

Son mari ? Tout le monde le trouvait gentil et affable. Gentil, il l’était avec sa femme, mais il ne fallait pas l’ennuyer, et cette gentillesse polie cachait une solide indifférence à tout ce qui n’était pas lui et ses bateaux. Jacqueline s’était souvent heurté à ce mur que rien ne pouvait ébranler et cela sous les yeux courroucés de sa fille qui ne supportait pas l’attitude de son père . Il aurait dû être impliqué dans sa vie de famille, mais il avait rempli son devoir de père et de mari.

À sa retraite, il ne pensait plus qu’à lui.

 

Thérèse arrivait souvent dans une maison silencieuse où son père s’activait sur ses maquettes. Elle montait à l’étage et trouvait sa maman prostrée et désenchantée par une vie qui ne lui plaisait pas... surtout après le déménagement.

Elle était coupée de ses amies, de l’emploi de vendeuse dans une solderie où elle se réalisait enfin... elle s’était mariée si vite comme on se mariait à une certaine époque.

Thérèse avait été l’enfant surprise arrivée alors qu’elle était proche de la quarantaine et ça avait été une révélation. Si l’éducation de Dominique s’était mal passée, Thérèse avait grandi presque toute seule, s’occupant de ce qu’elle pouvait dès qu’elle avait su marcher ; on aurait dit un ange tombé du ciel pour consoler sa maman .

Son cœur lui avait fait vite comprendre que sa fille était si différente des autres filles du quartier ; les robes, le maquillage, les garçons tout cela ne l’intéressait pas. Et, par amour, elle avait totalement accepté cette différence, comme elle l’avait fait pour son fils en dépit du fait, qu’elle était certainement responsable comme lui avait dit son mari et son fils.

 

Moi, mais pourquoi moi et pas mon mari ?

 

Mais , s’ils étaient tous les deux homosexuels, ils ne s’entendaient pas du tout et leur attitude vis-à-vis d’elle était si différente, le jour et la nuit. Jacqueline se tournait et se retournait encore une fois prise dans cet étau de responsabilité et surtout de culpabilité dont elle n’arrivait pas à se défaire.

 

C’était un clou de plus sur son cercueil .

 

 

 

Josiane connaissait bien Jacqueline ; elles étaient même devenues "amies" pour autant qu'on puisse être amies dans un  cadre hospitalier. Le vouvoiement n'avait pas été abandonné comme une ligne à ne pas franchir mais il détourner la patiente de sa colère. Elle reconnut de suite les emportements profonds qui traversaient cette dame âgée.

 

"Thérèse est venue hier soir , très tard

 

-pourquoi ne m'a-t-on pas prévenue?"

 

Josiane tapa sur l'oreiller et réajusta les draps :

"vous la connaissez n'est-ce pas? elle n'a pas voulu qu'on vous réveille ,mais vous la verrez cette après-midi aux heures de visite"

 

Si Thérèse était venue si vite c'est qu'elle était en moto ; Jacqueline ne pourrait dont pas quitter les Sables à moins de prendre le train…et elle ne savait pas prendre le train. Son mari l'avait tellement infantilisée et ridiculisée quand elle se trompait qu'elle n'avait aucune confiance en elle. Elle était donc clouée ici à la merci de Dominique qui allait venir.

 

Pourquoi Thérèse n'a-t-elle pas insisté? Elle aurait pu le faire; tout le monde la connaît à l'hôpital grâce aux pâtisseries qu'elle amenait et distribuait à tous, changeant le triste menu de l'hôpital:

Elle est si gentille ma fille, ma poupie à moi, ma jolie poupée. Peut-être que je ne suis plus sa priorité… c'est normal elle doit vivre sa vie

Ne m'oublie pas Thérèse ne m'oublie pas; je n'ai que toi, que toi..

Quand Thérèse n'avait pas été gentille avec sa grand-mère cette dernière se vengeait sur elle. Simplement et si facilement. Jacqueline avait trop souvent vécu ces douleurs infligées par une femme supposée l'aimer…mais qu'elles soient causées par le comportement de sa fille chèrie n'était rien car c'était le prix à payer pour que sa fille la défende et exprime ce qu'elle-même ne savait pas faire.

 

Elle sourit en pensant aux vacances … les longues promenades  main dans la main . Elle pensa à Thérèse petite dans son pantalon  de velours noir et son pull jaune , sa queue de cheval et  ses fossettes quand elle riait de bonheur en courant toujours plus vite que sa maman. Leurs conversation de bric et de broc où sa petite déployait des trésors d'amour pour la protéger et la chérir. Et puis les courses en cuistax et les boules de Berlin saupoudrées de sucre glace et toujours à la crème , jamais à la confiture. Les moules ramassées sur les rochers et la course aux étoiles de mer…ah la mer du Nord et ses embruns , la simplicité et la modestie de ces vacances…un bonheur simple qui déplaisait tant  à Dominique.

 Son cœur se brisa à l'évocation de ces jours passés… c'étaient les seuls souvenirs joyeux de sa vie .

 

 

Puis de nouveau les ombres sinistres du passé s'insinuèrent dans ses failles si nombreuses chassant l'espoir que représentait sa fille. Elle entendit de nouveau venue de si loin la voix de sa mère âcre et sans merci aucune…

 

Saute je te dis saute

 

Elle se recroquevilla dans ses draps , ignorant les larmes qui coulaient  silencieusement sur ses joues. Le gouffre peu à peu s'ouvrit et elle s'y glissa . Certains ont des murs , elle a  cette abysse où l'attendaient le silence et les cris.

 elle resterait donc à l'hôpital…elle ferait tout pour rester…tout…devrait- elle en perdre la raison.

 

 

 

 

 

                         ===============================================

 

 

Tout , tout ce que Thérèse me dit me touche, m'émeus, va au plus profond de moi et me fissure.

Je pleure à chaque fois que je la rencontre et , d'une manière ou d'une autre, je tombe dans ses bras.

 

Mais je dois me reprendre car  je la mets en danger et je m'expose trop.

Je lui ai parlé de cette soirée dans ce cabaret ; mais je n'ai rien dit ce qui s'y était passé avant la chanson.

parce que ce n'est pas facile et toi-même , une fois encore, j'ai  enterré ces souvenirs . Dis toi bien tu les chasses par la porte ils rentrent par la fenêtre.

 

Je ne suis pas fière de ce que j'ai fait , mais je l'ai fait.

 Enfin j'ai vu ce que deux femmes peuvent faire ensemble et j'ai craqué sur cette chanson. Peut-être était ce la conjonction de gestes de tendresse , le manque cruel de véritable amour, la sensation que je ne le connaîtrais jamais.

Je ne veux plus jamais entendre cette chanson , plus jamais.

 

Dans cette ville il y  avait tellement d'opportunités à tous les niveaux et le sexe était partout. Je pouvais tout avoir sans rien payer.et puis j'avais eu cette conversation assez tendue avec Rindy qui voulait que je rentre parce que Margot me réclamait tous les jours et tous les soirs…

Il fallait que j'oublie tout ça ,que je me rince de tous mes souvenirs , que je m'affirme et que je persiste dans ma fascinante et audacieuse autodestruction. On trouve le plaisir là où on le peut.

Et puis il y eu ce carton d'invitation. Il était fait de velours noirs fleurant Opium et arborait l'adresse dans le quartier le plus huppé de la ville . J'ai fait le numéro de téléphone qui y était inscrit ; j'ai donné mon adresse et je me suis préparée.

J'avais décidé de mettre ma petite robe noire et mes chaussures YSL

mais j'ai finalement opté pour mon smoking blanc Saint-Laurent et un boléro de soie noire. Cependant je me suis renseignée auprès du concierge de l'hôtel sur cette adresse.

Après maintes hésitations j'ai su que c'était un bordel ouvert aux deux sexes et plus. Le carton noir signifie aussi que c'était une fête privée et gratuite. Il me précisa aussi que celui qui invitait faisait la pluie et le beau temps dans toute la ville. Il aimait la beauté sous toutes ses formes et que j'avais été certainement choisie par un de ses "rabatteurs". si c'est

Il me précisa qu'il ne fallait pas s'arrêter au mot "bordel" et que l'endroit était superbe .

C'était une invitation à ne pas refuser … je pris cet avertissement comme une mise en garde.

. J'avais envie de luxure comme d'autres ont envie de champagne; je préfère le Jameson de 20 ans  d'âge ,  Château d' Yqem et Château Margaux. Je voulais me salir mais dans la soie. Un bordel? Soit mais le concierge avait lâché quelques

mots sur cet homme puissant et redouté.

Les invités pouvaient  faire et avoir ce qu'ils voulaient du moment que des enfants  et des animaux n'y étaient pas mêlés.

Il y avait beaucoup de sm mais ça ne m'intéresse pas… un des moments les plus intéressants fut ma discussion avec cet homme si puissant. Lui parler était comme franchir des frontières , affronter des situations  auxquelles mon éducation ne m'avait pas préparé. J'avais le sentiment que l'abîme me tendait les bras et que je voulais m'y jeter. Je voulais perdre le peu de respect que je me porte…finalement je ne suis qu'une pute n'est-ce pas?

 

Le front posé sur l'épaule de Thérèse , Carol soupira ; c'était une période  maladroite et désordonnée de sa vie dont elle n'était pas vraiment fière. Des bribes de conversation avec cet étrange asiatique aux yeux bleu lui revinrent…

"vous n'aimez pas les hommes , vous vous en servez"

 

Carol se rapprocha plus près encore à la recherche de réconfort et de consolation.

 

"ça va? Tu te sens bien?" lui chuchota Thérèse qui raffermit un peu plus son étreinte.

 

"tu dois me prendre pour une femme instable

 

-jamais , jamais tu m'entends? Tu n'es pas instable . Tu es malmenée et tu résistes comme tu peux… mais  là je te sentais si vulnérable . À quoi pensais-tu?"

ce disant Thérèse caressa les cheveux blonds comme elle avait toujours rêvé de le faire . Mais ce qui dominait était le désir d'aider et de réconforter. Une autre pensée eût été inconvenante et déplacée. Il lui fallait le consentement et le don rien d'autre.

Cependant elle vivait et revivait les multiples chutes de cette femme incroyablement séduisante. Elle ne manqua pas d'appuyer ses dires en parsemant de baisers légers le visage tendu et cassé…

Thérèse avait parfaitement intégré le manque de confiance de Carol et elle en ferait une arme pour vaincre ses dernières réticences parce que un pas en avant deux pas en arrière ne durera pas éternellement. il y aura certainement un jour une circonstance où elle terrassera les peurs de Carol.

 

Mais elle garderait longtemps le souvenir des larmes de Carol qui lui avaient appris beaucoup plus que tous les mois passés…Cette femme n'avait jamais été aimé comme elle voulait l'être et Thérèse intégra parfaitement l'amour total qui liait la mère et les filles, mais plus encore , le besoin torride et féroce qui tourmentait Carol .

Regarder Carol c'était comme regarde le voyageur l'oasis qui s'étend à ses pieds ; il n'y croit pas ; il doit toucher l'écorce des palmiers , plonger les mains dans l'eau.

Regarder Carol c'était entrer dans un espace où le temps restait suspendu, c'était poser les mains sur son ventre et sentir son odeur et trouver son oasis, son jardin d'Eden, son paradis retrouvé.

Mais c'était aussi rentrer , faible et vulnérable, dans une cage où l'attendait une panthère noire aux yeux bleus  remplis de peur et de colère et au dos zébré de blessures , mais toujours prête à mordre.

 

 

Chaque fois que Carol voulait la prévenir que ce ne serais pas facile Thérèse maîtrisait totalement le défi en dépit d'un cœur qui battait à tout rompre. Plus elle apprenait sur Carol et plus elle l'aimait ; il y avait quelque chose de fatal. Non pas de terrible mais d'inévitable … leurs conversations étaient un apprentissage mutuel de leurs faiblesses et de leurs forces.

 

Mais Dieu que la tentation était grande. À chaque fois le ventre de Thérèse s'enflammait et il fallait sourire à travers les flammes alors que le moindre des gestes de Carol agissait comme une mèche; c'était un campeur qui allumait un feu de bois dans une forêt assoiffée. Son souffle ne devait pas la trahir et là aussi il fallait faire attention. Thérèse voulait mettre Carol en confiance .

 

Elle ne voulait pas se conduire comme les autres…les mecs.

 

Alors elle apprenait sur le visage de Carol ses infinies nuances et leur signification. Elle la voyait parfois froncer le nez et abaisser les yeux et elle en sourit ; c'était le signe que la vision de Carol changeait . Peut-être devrait elle lui dire mais c'était délicat. La morsure sur la lèvre inférieure … l'agacement bien sûr ou le désir .

Mais pour l'instant l'agacement .

Les nuances de bleu dans son regard .

Bleu violet quand elle se fâche

Bleu azur, éclatant, scintillant  quand elle sourit

Bleu glacier quand la colère la prend.

 

Quelle sera la couleur de ses yeux quand elle sera nue dans mes bras ?

 

Il y avait aussi les merveilleuses et significatives ridules dans le contour de ses lèvres , et celles qui se  dessinent sur le front quand elle hausse le sourcil pour l'approuver ou la  reprendre pour son insolence.

Thérèse recula quand Carol se tourna vers la porte-fenêtre pour mieux apprécier le petit balcon ensoleillé qui donnait les villas avoisinantes  et , une fois encore, le parfum du chèvrefeuille envahit ses narines et elle en profita; le regard s'arrêta devant des pots d'argile et leurs plantes à la triste mine:

"une tentative ratée n'est-ce pas?"

 

Thérèse la rejoignit :

"oh pire que ça ; le baromètre du moral de maman tout simplement

-pardon?"

Elle lui répondit en se protégeant les yeux du soleil:

"je ne suis pas assez là  et maman me ment toujours  sur ses humeurs. Alors je lui ai demandé qu'elle entretienne ces pots là afin d'avoir des plantes aromatiques qui parfument sa cuisine"

Carol se rapprocha pas tant pour mieux entendre , mais pour saisir mieux toute la conversation de Thérèse qui avait le chic pour la surprendre:

"et?

-ben…ça lui faisait une réserve d'herbes aromatiques qui me servirait aussi quand je viendrais ; donc je lui ai demandé de veiller à ces plantes là"

Tout en parlant Thérèse s'amusait de voir l'intérêt de Carol pour ces détails . Mais elle eut le pressentiment soudain que

Les baisers échangés allaient être sans lendemain. Peut-être était ce un irrémédiable pessimisme qui peignait de gris ses

Pensées ; c'était pourtant un instant parfait… le sourire de Carol, ses yeux plissés pour échapper aux rayons du soleil et son parfum décuplé par la chaleur ambiante. Elle aurait donné tout pour un autre baiser et enfin enlacer Carol , pas pour la consoler, mais pour l'aimer. Mais un bruit de ferraille l'a fit sursauter ; sa voisine balayait les marches de son escalier extérieur et les espionnait.

Elle se tourna vers Carol :

"viens on rentre ; Moscou est là qui nous guette"

Amusée Carol fit un grand signe de main et rentra dans la maison :

"alors , avant que cette tarée ne nous espionne , pourquoi ces plantes t'indiquent-elles  l'humeur de ta maman?"

Thérèse soupira:

"si elle les arrose ça va ; si elles sont sèches ça va mal

-alors ?

-ça va mal ; elles sont complétement sèches. Même le thym est mort de soif. Maman , maman, qu'est-ce qui se passe?"

 

Les dernières paroles de Thérèse , trempées de tristesse, choquèrent Carol qui se planta devant elle et lui saisit les épaules :

"il est temps de s'occuper de Jacqueline n'est-ce pas?".

C'est alors qu'elles entendirent des pas résolus et pressés ; Il y eut comme un mouvement et Margot prit la relève :

"je suis venue vous chercher toutes les deux ; vous causez et vous oubliez cette gentille dame qui espère certainement voir sa fille. J'ai raison n'est-ce pas?" et elle les fixa chacune tout à tour.

"tu as raison mais" commença Thérèse.

Margot l'interrompit pour asséner d'un air autoritaire et affirmé:

 

"quand maman est dans la même pièce que toi tu ne vois pas le temps passer"

Thérèse baissa la tête :

"tout à fait elle est mon talon d'Achille, ma poésie à moi"

 Margot ouvrit des grands yeux :

"c’est ça mais c’est une déclaration d’amour... maman, c’est presque une demande en mariage"

 

Thérèse imprégnée de tristesse, foudroyant du regard Margot ,aurait voulu disparaître dans un trou de souris ; elle avait trop montré et Carol avait le regard qu’elle détestait. Carol prit la main de sa fille et fit signe à Thérèse de les accompagner :

"demande en mariage ? c’est peut-être aller un peu vite en besogne n’est-ce pas ?"

 

L’arrogance était une de ses tactiques pour ne pas craquer et elle prit son regard de circonstance . Presque le regard des vendredis soir quand , pour maquiller ses échecs, elle affrontait la foule ordinaire . Elle ne pouvait pas faire mieux blesser et utiliser les autres pour masquer et supporter le néant qui était sa compagne de noce... s’anéantir dans l’ordure et le sexe pour nier le remords inexpliqué qui hantait son être.

 

Elle était redevenue la femme du dancing ; Thérèse se mit à espérer que c’était les derniers soubresauts des murs que Carol avait soigneusement érigés au cours de sa vie pour se protéger. Elle serait patiente quand Carol ne le sera pas, elle serait attentive quand Carol s’éloignera par peur , elle serait généreuse quand Carol lui reviendra.

Avant de descendre, Carol se retourna comme pour s’excuser et l’encourager, mais Thérèse , plongée dans ses pensées ,ne le vit pas .

 

 

 

 

Forward
Sign in to leave a review.