Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve

Carol (2015)
F/F
F/M
G
Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve
Summary
ceci est la version "française ; il est possible que j'ai laissé passer des fautes d'orthographede grammaire, de syntaxe , d'accord des temps etc.... je le fais pour les lectrices et lecteursfrancophonesmerci de votre éventuelle lecture ou relecturecertaines personnes peuvent être choques en découvrant la personne qu'est Carol mais c'est quelqu'un qui a été le souffre-douleur de sa mère et qui ne s'en remet pas...et parfois son côté cruel ressortavec moi il n'y aura pas de domination mais de l'égalité comme je l'ai sentie en visionnant Portrait d'une jeune fille en feu...Carol n'est pas dominatrice Thérèse n'est pas falote...
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Chapter 31

Chap 31

mercredi 24 janvier 2024

17:30

 

 

 

Thérèse était toujours seule lors du petit déjeuner sauf quand elle allait à l'école et que sa maman la servait. Depuis ce lointain moment la solitude était sa compagne… ses petites amies dormaient toujours plus qu'elle ; quant à Richard …sans intérêt… ce n'était pas manger qui l'intéressait le matin...érection du matin chagrin…pour elle

 

Alors, bien entendu, ce petit déjeuner avait le goût de la nouveauté et elle se rinça l'œil du tableau multicolore , multi sentiments , multi impressions qui s'offrait à elle. Si elle s'intéressait à Margot qui avait le chic pour monopoliser l'attention ses yeux ne lâchaient pas Carol qui le savait et qui en profita pour montrer à la jeune femme ce qu'elle pouvait être loin de toute pression et dans un environnement amical ; la trame délicate de leur attirance se révélait plus solide chaque jour .

 Carol se sentait libre et aimée et Thérèse fut à son service pleinement et librement aussi. La table était petite et elle se leva souvent pour aller chercher ce qui manquait et se rassit aussi souvent toujours suivi du regard intéressé de Carol qui était aux anges ; qu'avait-elle besoin de plus? Du rire et de la tendresse pour mater son côté sombre qui s'était fait la malle , semblait-il.

 

 

Et puis la danse ; diriger Carol avait été un rêve éveillé. Thérèse vivait un enchantement depuis deux jours et craignait que cela prenne fin d'une façon ou de l'autre. Elle aimait cette agitation qui lui permettait d'approcher Carol sous tous ls prétextes…sa jambe touchait parfois celles de Carol et elle baissait à chaque fois les yeux alors que Carol riait de sa gêne.

Mais  elle ne la quittait à peine  des yeux et pas du tout du cœur ; Carol, quant à elle, savourait chaque instant, chaque silence et chacune des mimiques que Thérèse faisait . Elle eut même un malin plaisir à lui demander un tas de choses juste pour la voir se lever et s'occuper d'elle. Comme elle avait le sentiment d'en demander un peu trop elle fut délicieusement adorable et séductrice.

 

Ce fut du miel pour Thérèse ; tous ces sourires un peu narquois un peu provocateurs l'air de rien y faire

, les dérobades et les glissements des yeux bleus qui appelleraient les mots bleus , ceux qui se disent avec les yeux…les mots qu'attendait Thérèse sans vraiment savoir lesquels , ces mots espérés et redoutés.

Saurait-elle être à la hauteur ? Ce que Carol avait murmuré dans la salle de bains était-ce une demande ou un avertissement? Non l'espoir , rien que de l'espoir.

 

Comme pour conjurer toutes ces interrogations ,Thérèse souriait beaucoup  ; le sentiment d'en faire de trop l'effleura à peine car rien n'était trop beau pour plaire à Carol. Cependant le sentiment d'être légèrement exploitée la ravit et elle en rajouta…ce qu'elle ne pouvait vraiment montrer elle le démontra…l'amour ne s'explique pas il peut juste donner des preuves de son existence.

 

 

Thérèse mordit plus fort que d'habitude la tranche de pain qu'elle recouvrait toujours de fromage et but plus vite le thé noyé de lait qu'elle affectionnait. Carol scintillait et profitait de ces instants de laisser-aller pour observer la jeune femme brusque certes mais remplie d'attentions discrètes, pas si discrètes que ça, qui firent  éclater de rire Margot.

 

Elle se leva et se mit à imiter Thérèse :

 

"oh Carol veux tu du lait? Ne bouge pas je cours le chercher oh encore un peu de café oh je t'en prie ne te donne pas la peine de te lever , je cours ventre à terre jusqu'à la cuisine pour aller te le chercher...oh Carol ces beaux yeux là sont-ils les tiens? Veux tu que je coupe ta tartine en petits morceaux…veux tu que je mâche ta tartine à ta place? Oh je t'en prie Carol ne te fatigue pas …je serais ton cœur et tes jambes et tes bras aussi …je te suis dévouée jusqu'à la mort…..enfin non peut-être jusqu'à …la vaisselle…tata"

 

Et Margot conclut sa tirade par une grande révérence chaloupée en fredonnant un air de menuet:

"mais tu te moques de nous "s'écria Carol riant et criant en même temps parce que l'insolence de sa fille lui plaisait.

 

"non maman mais vous êtes comiques toutes les deux…vous déjeunez sans vous quitter des yeux . Et , à un moment ou à un autre tu vas te prendre, ipso facto, la tasse dans les yeux ou dans le nez et puis tu m'avoueras, tu abuses non ??? Il fallait bien que j'intervienne pour vous rappeler que vous êtes des adultes et que c'est moi l'enfant et pas l'inverse

 

Thérèse se leva ;"bouhhhh…..ça on n'est pas prés de l'oublier" mais elle ne put s'empêcher de rire parce qu'il fallait mieux en rire…Carol se joignit à l'hilarité générale … comme ses peurs et ses craintes lui semblaient lointaines. Dans cette maison propre et modeste , sur cette table en formica couverte d'une toile cirée avec des motifs criards elle se sentait bien , plus riche que les plus riches.

 

Elle suivait du regard sa chère fille . Si Rindy était son diamant , Margot était son rubis. Sa petite fille avait toujours été sa protectrice , son chevalier. Quand Harge levait la main sur Carol elle hurlait de toutes ses forces pour ameuter le

personnel de la maison. Ce dont Carol se souvenait c'était la honte et le regard qui était porté sur elle non pas par ses enfants non, par les autres. Il n'y avait que Jennifer qui , à chaque fois, s'excusait et la protégeait de son fils.

 

 Pourtant l'argent , qui coulait à flots ,lui avait toujours servi de protection et , dans ses approches envers les autres quls quelques qu'ils soient ,elle avait toujours eu le dernier mot. Cette protection, cette sécurité l'avaient rendu méfiante par rapport à ceux qui l'approchaient. Elle se sentait belle et , surtout , elle se savait riche.

Elle avait donc le pouvoir et là, en l'occurrence  et contre toute attente, elle était bien parce qu'aussi, très vite, elle avait reconnu en Thérèse une qualité essentielle… le désintéressement par rapport à sa propre richesse. Pas une seule fois il n'en avait été question et cela l'ébranlait plus que nécessaire, elle qui se servait du fric comme d'une armure et comme un argument.

Mais avec Thérèse ça ne fonctionnait pas du tout ; en face de cette jeune femme elle se sentait hésitante et instable , nue, complétement nue et vulnérable. Et c'est ce qui attirait Thérèse et cela la fracturait.

 

 

 

Oui la rencontre avec Thérèse avait donné un coup de pied dans ses certitudes et son propre confort ; cette jeune femme l'emmenait hors des sentiers battus là où elle n'avait jamais été. Et elle appréciait surtout cette étrange et fascinante connexion de deux êtres se cherchant ; elle appréhenda doucement ce qu'avait vécu Harge … épouser une femme qu'il n'aimait pas. Harge qu'elle avait cru longtemps aimer et qui l'avait cruellement déçue.

 

Cette étrange fusion  la plongeait  délicieusement dans une légère anxiété teintée du plaisir certain de découvrir l'étape suivante ; jamais de sa vie elle n'avait ressenti un tel paradoxe dans ses sentiments.

 Tout était nouveau et il lui semblait revivre  cette période si dangereuse et attrayante: l' adolescence mais sans la présence de sa mère.

 cela avait été une période particulièrement pénible car Anne se mit  à la considérer comme une rivale. D'y repenser la poignarda une fois encore mais elle s'arracha de ce souvenir comme on s'arrache une épine du pied. Elle eut mal comme on vit une habitude malsaine; c'est tout et son sourire déclina si peu…

 

Thérèse revint de la cuisine et lui versa une tasse de café toujours avec un sourire à se décrocher la mâchoire:

"qu'est-ce qui t'a séduit dans ma région pour que tu t'y installes?"

Carol souffla sur la tasse :

"bah le hasard tout simplement et surtout un étrange héritage…et Margot a eu le coup de foudre et ce qu'elle veut elle l'obtient toujours …comprends le bien"

 

Elle n'avait pas envie d'en dire plus; il y a un temps pour tout.

 

 

Il était arrivé un jour une lettre d'un notaire de la région du nord de la France qui lui signalait que, dans ce que lui laissait son père, il y avait cette maison du XVIII siècle qu'un parent de son père avait gagné aux cartes dans les années 20. La curiosité l'avait puissamment motivée  et elle était arrivée un jour de septembre devant cette bâtisse en ruine ; les murs tenaient encore mais tout le reste menaçait de tomber. L'immense jardin était une véritable jungle où les ronces régnaient sans pitié. L'étang était complétement envasé et les grenouilles et crapauds  coassaient à qui mieux mieux. Dans les caves de pierre  de ce manoir passait un ruisseau souterrain qui alimentait le grand puits de la cour intérieure  pour se perdre Dieu seul sait où!!!. Elle avait longuement erré dans les pièces ruinées  et délabrées…tout devrait être refait.

 

Elle s'était assise sur les marches du perron de la cour intérieure et laissa la maison l'envahir et la posséder..

 

Son premier réflexe avait été de vendre mais quelque chose s'était passé… un café était ouvert prés de la mairie et elle s'était assise à la terrasse inondée par le soleil de cette fin de septembre.

Était-ce le soleil? Était-ce une intuition? Était-ce l'envie de démarrer une nouvelle vie ?

Bien sûr il avait fallu gérer tant de choses… l'écho d'une conversation  , le soleil couchant donnant aux choses et aux gens une résonnance attrayante.

.

 

Mais elle savait qu'elle devait rester là...elle avait déjà eu des coups de cœurs très vite disparus mai là c'était différent

 

Cette maison l'appelait , cette maison avait une histoire , elle avait vécu.

 Contrairement à l'appartement qu'elle avait à NY mais certainement dans la maison de ses parents ; mais elle était trop jeune , trop persécutée , trop en mode survie pour l'apprécier tandis que là…

 Elle avait aussi faim de stabilité et les murs qu'elle avait connus jusque là lui rappelaient trop ce qu'elle y avait vécu. Si elle avait fui NY c'était pour ça.

 

.

Ici les murs résonnaient de l'éclat des fêtes passées; il y avait une atmosphère qui invitait à la détente et à l'oubli.

On avait aimé dans cette maison et c'était peut-être ce qui l'attirait…

Elle en eut confirmation auprès du  clerc de notaire qui l'avait reçue :

"madame n'oubliez pas  que vous avez aussi, attenant à la propriété, le jardin de 8000m2 et les terres 200 hectares en fermage?

-en fermage

-oui vos terres sont louées à des fermiers dont nous avons évidemment régulièrement reçu les loyers . savez- vous que ce domaine appartenait à une riche héritière américaine qui organisait des fêtes très spéciales où il n'y avait que des femmes? Et qu'elle adorait jouer aux cartes"

 

Que des femmes? Que pouvaient-elles bien faire? Et puis les américaines ne sont pas comme ça…elle sont saines et équilibrées…comme moi.

Elle était donc aussi propriétaire terrienne  et elle aimait ça … les pieds dans la terre.

Puis elle revint dans la région accompagnée de Margot qui tomba littéralement amoureuse du manoir. Ce que veut Margot…

 

 

                                            

Margot se leva de table. Thérèse aimait la voir marcher car c'était comme une Carol miniature mais sans peur, sans reproche et d'une innocence pas si innocente que pouvait laisser entendre son jeune âge:

"je vous laisse les filles …vous avez envie d'être seules je le vois bien. Je vais sur le petit banc dehors pour lire et comme ça je ne fais pas la vaisselle" laissant ainsi les deux adultes estomaquées mais complices de cette décision.

 

Thérèse ne put s'empêcher de glousser:

"ta fille est adorable"

Le petit déjeuner touchait à sa fin et elle se leva et débarrassa la table  tandis que Margot , sur un signe de tête de sa maman, s'en alla , très digne chargée de son gros livre. Carol la regarda partir :

"ma fille si jeune est déjà une intellectuelle"

Thérèse cria de la cuisine :

"remarque ou constatation?

-les deux mais je suis si fière d'elle et dans le même temps je m'inquiète…elle est déjà mise de côté à cause de sa clairvoyance"

Instinctivement et comme à chaque fois qu'elle entendait une cassure dans la voix de Carol , elle se rapprocha et  posa les mains sur ses épaules en guise de soutien:

 

"ne t'inquiète pas ; elle saura gérer. Et puis nous , enfin je veux dire , tu es là"

La voix de Thérèse, à son tour,  se fragmenta…

 

Ce lapsus fit sourire Carol en même temps qu'il lui serra le cœur.

Tiens elle se projette déjà alors que je ne sais pas moi-même, je ne suis pas sûre non je le suis de moins en moins mais

 

Thérèse attendait , voulant oublier très vite ce lapsus révélateur et trop précoce. Il ne fallait pas trop espérer ; il fallait juste avancer à  petit pas , sans précipitation mais espérer et respirer.

 

Pas de projection surtout pas de projection….

 

Elle s'éloigna pour éviter les yeux bleu si inquisiteurs:

"tu peux t'occuper de toi Carol et si tu veux  je t'expliquerai où se trouve le marché qui est à côté de l'hôpital . Prends ton temps j'ai des choses  à démonter et après dîner on ira voir ma maman"

 

Carol , qui avait saisi parfaitement ce qui avait été dit, apprécia le ton autoritaire de Thérèse qui était nouveau pour elle :

 

"bien …veux tu que je t'aide? "

 

Mais Thérèse se retourna et ne répondit pas tout de suite . Dans cette mâtinée de fin août le soleil dorait encore tout et la porte vitrée laissa passer ses rayons qui illumina la chevelure de Carol ; il n'y avait rien à dire , juste à apprécier le spectacle.

"non mais ça alors tu me réponds ?

Thérèse arrondit ses yeux  et sa bouche de surprise :

"oui  bien sûr…tu me disais quoi déjà?"

Carol hésitait entre rire et gronder mais les grimaces de Thérèse  provoquèrent son indulgence :                           

"veux- tu que je t'aide?"

Thérèse arrondit encore plus la bouche mais de confusion et passa ses doigts dans les cheveux :

"non non pas du tout… va te promener que je puisse faire ce que j'ai à faire…on mangera vers midi trente ok?

 

-d'accord mais je fais la vaisselle avant de partir et ne discute pas et tu ne débarrasseras pas de moi aussi facilement

 

-je ne discute pas  et je ne veux absolument pas me débarasser de toi ; alors on la fait à deux. Je lave et tu essuies"

 

Thérèse leva la paume en guise d'accord et Carol la lui saisit :

"tope là"

Et aucune des deux ne sut qui lâcha la première. Thérèse , après avoir débarrassé la table,  entama la vaisselle.

Carol s'approcha et lui demanda tout en  ramenant une mèche de cheveux bruns derrière l'oreille de Thérèse qui en perdit le souffle:

"parle moi de toi , dis moi tout"

Thérèse , déglutissant avec peine, la lorgna du coin de l'œil:

"bof…tu profites du fait que j'ai les mains coincées dans l'eau, tu me pièges ainsi….rien de vraiment intéressant"

 

Carol lui prit le menton  :

"arrête de jouer à la fille modeste car je pense que tu ne l'es pas; tu es timide mais tu n'en penses pas moins… parce que , si je me souviens bien, tu ne l'étais absolument pas  ce dimanche matin où on s'est retrouvées non?"

Thérèse souffla fort et se fendit d'un large sourire narquois:

"j'avais lancé mon hameçon; il fallait bien que je ferre ma proie"

Carol claqua la langue et laissa tomber ses mains:

"c'est bien la première fois qu'on me compare à une truite ou à un saumon

-en tout cas sois sûre que je ne t'aurais jamais comparé à un thon"

 

Carol haussa les sourcils et exprima son incompréhension. Thérèse sortit les mains de l'évier, vida l'eau sale et frotta les parois pour enlever toute la crasse :

"ouf tu sais une fille moche on l'appelle un thon et tu ne l'es pas du tout…un thon"

 

Thérèse s'en voulut de faire sans cesse référence à la beauté de Carol; elle l'aimait pour ça aussi , reconnaissant qu'elle n'y aurait certainement pas fait attention s'il en avait été autrement. Surtout il y avait eu toutes ces échanges qui se concluaient à chaque fois par l'envie d'en savoir plus .

 

Carol  lâcha un gros soupir tout en essuyant un verre qu'elle fit miroiter au soleil traversant. Mais elle avait une furieuse envie de continuer cet échange…toujours cette fascinante découverte et autre chose aussi… encore une fois il lui semblait vivre l'adolescence qu'Anne lui avait ravie :

"Soit…il est parfait…en parlant d'animaux…revenons à nos moutons…parle moi de toi s'il te plaît

-que veux- tu que je te dise?

-ton enfance, ta vie"

Carol voulait savoir car elle avait besoin des clés nécessaires pour que l'incompréhensible ne le soit plus. Et puis surtout

Comparer et découvrir ; elle n'avait jamais eu d'amis.

Thérèse eut un moment d'hésitation ; se confier c'était se montrer faible mais ne devait-elle pas la vérité à cette femme

qui s'aveuglait de ses propres préjugés :

"en quelques mots j'ai été heureuse; on habitait dans un square entouré de maisons HLM.  C'est l'abréviation pour Habitations à loyer modéré et je pense que c'était les seules maisons construites par l'office des HLM… c'était modeste mais c'était bien sauf quand Dominique était là.

 

-tu étais dans des habitations communistes?"

 

Thérèse éclata de rire :

"mais non...on était dans des habitations à caractère social , bon le confort était pas top mais on y était bien

 on  avait chacun notre chambre…ça ne m'étonne pas d'une américaine de me sortir une remarque de cet acabit…Maccarthy pas mort à ce que je vois…lavage de cerveau à tous les étages."

 

Carol réfléchit ; c'est vrai elle avait du mal avec ces notions là. Le maire de sa commune était socialiste et elle ne s'en était même pas rendu compte.

"quoi lavage de cerveau?

-ben oui on a eu un socialiste comme président pendant 15 ans; il vient de partir…as-tu ressenti une oppression , un contrôle de tes avoirs? As-tu été brimée dans tes déplacements?

-euh non

-tu as choisi le médecin que tu voulais quand tu en avais besoin?"

 

Carol était décontenancée…parler de politique n'était pas sa tasse de thé , mais on était en France et elle devait s'y habituer.

Thérèse lui prit les deux  bras et d'un ton ironique :

"bon ce n'est pas de ta faute ..tu n'est qu'un américaine finalement ça explique tout"

Carol s’indigna :

« Quoi ?

-mais tu parles remarquablement français avec une pointe d’accent qui me fait craquer ... bien qu’il n’y ait pas que ça qui me fasse craquer....mais revenons à nos moutons. Maman m’a eu après 40 ans, j’étais l’enfant de la dernière chance. À l’école, il y a eu cette religieuse qui me persécutait et maman qui m’a sauvé.... Avec mon insouciance et l’envie de tout découvrir, je suis vite devenue un chef de bande ; les mères des garçons venaient se plaindre chez maman... j’ai adoré ça et puis j’ai grandi.. J’ai aimé mes classes de terminale dans un lycée publique où j’ai découvert la liberté de parler et de débattre sans se faire brimer.

Il y avait une femme, professeur d’anglais avec son mari ; ils aimaient bien inviter les élèves et on discutait de tout.

J’en étais vaguement amoureuse, blonde , grande , belle mais si manipulatrice ... son mari et elle étaient des voyeurs et je ne voulais pas de ça.

Mais s’il faut peindre rapidement la situation je dirais que , partout où je suis passée, j’ai dû soit imposer ma différence soit la taire et tu sais je ne sais pas si c’est compréhensible. Mais c’est lourd à porter comme l’ont été les remarques que j’ai du encaisser pendant le cycle court supérieur que j’ai suivi après le bac. Mon prof de compta n’aimait pas les philosophes , ni les élèves qui pensaient en fait.... Les profs ne savent faire que cela harceler et brimer

... Ajoute à ça mes choix et j’étais souvent la personne qui était en décalage sur tout et qui dérangeait tout le monde. À la banque, c’est pareil... la banque ne peut pas se projeter à travers moi ; l’image que je lui renvoie la mets mal à l’aise... donc les promotions ce n’est pas pour moi. Le poste qui devait me revenir a été donné à un homme alcoolique et pas à une lesbienne compétente... tu t’imagines une femme et lesbienne....deux tares »

 

 

Les mots sortaient de la bouche de Thérèse hachés et rudes. Carol , qui n’avait pas bougé ,écoutait attentivement tout en relevant les signes avant coureur de la colère qui devait arriver... le front plissé, le regard lointain, la vaisselle posée un peu trop fort. Elle avait gardé en souvenir la Thérèse de ce fameux dimanche se dépêtrant dans sa colère et ses explications.

 

« mais tout s’est arrêté parce qu’un chien a traversé la route quand j’étais en mobylette et mes études sont tombées à l’eau....après je suis rentrée à la banque. Et là, comme je n’y connaissais rien, j’ai tout appris et j’ai posé beaucoup de questions et j’ai été remarquée... quant à mes amours je ne t’ai rien caché ... filles et garçons... je dis amour mais en fait

C’est plutôt du sexe et c’est tout... et même là... pas terrible »

 

Carol, le regard curieux et amusé, la regardait, intriguée.

« tu n’as donc jamais été amoureuse ? »

Thérèse s’appuya sur l’évier parce qu’elle savait qu’elle serait atteinte d’une façon ou de l’autre. Ces conversations là étaient une succession de virages sinueux de plus en plus serrés où la raison commandait de ralentir mais où la gravité

Imposait d’accélérer :

« amoureuse ? si... souvent... mais aimer quelqu’un à en perdre la raison à n’avoir qu’elle comme horizon... définitivement non ».

C’était la vérité, mais c’était aussi le scalpel très fin pour inciser entre elles le chemin où elles devaient se rejoindre. Carol espérait autre chose après une question aussi intime .

Carol n’avait pas eu d’éducation sentimentale et il lui fallait un guide , quelqu’un épargné par la vie, qui aurait pu lui apprendre... la vie tout simplement. Thérèse aurait pu la sculpter ; elle avait le sentiment d’être une poupée en argile qui n’attendait que le souffle de son créateur pour prendre vie.

Carol se maudit d’avoir posé une question aussi directe ; elle passa plusieurs fois la main dans ses cheveux jouant l’indifférente et fixant son intérêt ailleurs...

qu’est ce que je fous ici ? je devrais fuir tout de suite

 

Thérèse se redressa parce qu’elle était en aveu ,parce qu’il fallait aborder ce sujet pour la convaincre, pour la persuader, parce qu’elle ne lâcherait jamais le morceau... jamais. Elle était la pilote d’un bateau ivre qui connaissait sa destination. Elle voulait ouvrir à Carol la possibilité d’une autre vie , délivrée des ombres du passé , et muer comme muent les tortues, pour être plus forte.

 

Le regard éperdu Carol tremblait un peu révélant à la jeune femme tout le trouble qui la saisissait . Alors Thérèse , les yeux brillants et le cœur anxieux, saisit les mains de Carol et y posa des baisers si légers tout en gardant les yeux fixés sur le bleu azuréen teinté de gris qui la surplombait. Thérèse , réprimant un sourire , le sourire de la panique bien évidement, comprima contre son buste les mains emprisonnées dans les siennes :

« Jusqu’à ce que j’aille au Bocca avec ma bande de gouines et qu’on se fasse agresser par une bombe

Toi la blonde toi la superbe toi la provocante tellement sexy »

Une grenade , elle se sentait  telle une grenade prête à exploser.

 

Deux trous rouges au côté droit

Deux trous rouges au côté droit

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