Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve

Carol (2015)
F/F
F/M
G
Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve
Summary
ceci est la version "française ; il est possible que j'ai laissé passer des fautes d'orthographede grammaire, de syntaxe , d'accord des temps etc.... je le fais pour les lectrices et lecteursfrancophonesmerci de votre éventuelle lecture ou relecturecertaines personnes peuvent être choques en découvrant la personne qu'est Carol mais c'est quelqu'un qui a été le souffre-douleur de sa mère et qui ne s'en remet pas...et parfois son côté cruel ressortavec moi il n'y aura pas de domination mais de l'égalité comme je l'ai sentie en visionnant Portrait d'une jeune fille en feu...Carol n'est pas dominatrice Thérèse n'est pas falote...
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Chapter 26

 

 

Carol se réveilla ; non ça n’était pas un réveil. C’était le stade entre le conscient et l’inconscient ... Fallait-il se réveiller et replonger dans la vie.

Mais où suis-je?... l’odeur , les sons ; ça ne m 'est pas familier.je sais maintenant .. le voyage .

Je ne savais pas que ça se passerait ainsi ; non , à vrai dire, je ne le savais pas...

quand elle est rentrée dans la voiture et que son regard s’est pendu au mien. Je ne savais rien, je ne connaissais rien, je n’envisageais rien.

Mais elle s’est assise à côté de moi et m’a regardé avec curiosité et douceur... de ses yeux je sentais la caresse sur mon front , mes pommettes , mon nez et ma bouche .

D’abord par les conversations qu’elle a tenues avec Margot... c’était un mélange de jeunesse et de maturité

Je me sens parfois si puérile ; c’est le bon mot . Je suis puérile face à la maturité de mes deux filles et la présence de Thérèse m’a cruellement ouvert les yeux. Je ne sais pas pourquoi je me sens si faible et si démunie en sa présence... elle a de la présence et je n’en ai pas... elle est la plus forte.

En fait juste dans les danses quand je faisais mon cinéma... j’ai du me couvrir de ridicule à ses yeux ;

mais elle ne m’a jamais jugée.

Je lui ai demandé de me parler d’elle , ce qu’elle aimait et là encore... j’ai été sidérée et encore plus accrochée.

Elle aime sa région et les gens qui l’habitent même si elle reconnaît leur rudesse et leur inculture ; mais elle leur pardonne car c’est une terre qui a souffert... La Mine , les guerres. Elle m’a narré des anecdotes cruelles et singulières toujours avec un rien de tristesse contenue qui m’a fait sentir... vaniteuse et futile.

 

Les soirées à NY organisées dans ce milieu que je détestais et qui était le mien. ; Ces soirées qui, sous une apparente bienveillance, étaient non pas des corridas mais des jeux du cirque où, entre les mots sucrés, jaillissait l’acide.

Les gens y étaient ultra cultivés , au courant de tout ; mais était-ce un intérêt sincère pour l’art ou juste l’occasion de faire la aux autres ?. Ces aimables conversations n’étaient rien d’autre qu’un parcours truffé de pièges et les baisers rien d’autre qu’un rituel d’exécution du plus faible, du moins riche, du moins méchant.

J’ai toujours ressenti l’abominable corruption que la richesse en excès traînait derrière elle , telle une mariée sanglante... tel un masque ensanglanté comme dans cette oeuvre d’Edgar Allan Poe. Je ne voulais pas y laisser ma pauvre âme.

Ces réceptions drainaient un monde ultra riche et ,cependant, si pitoyable. J’ai même , pendant un moment , joué le jeu auquel excellait Anne. Mais j’en eu vite assez bien que Harge insista pour que je vienne. Que pouvait bien chercher mon mari ? Quel était son agenda caché ?

Il s’était même présenté avec une femme que je ne connaissais pas ; Anne m’a empêchée de partir. Je suis restée là même pas capable de lui rendre la pareille parce que personne ne m’intéressait et une nouvelle ultra moderne solitude m’a frappée en plein cœur. Il y avait plus de chaleur dans les foules anonymes de NY que dans ces réceptions sophistiquées.

 

Cette soirée là j’ai bu la coupe jusqu’à la lie et j’ai décidé que , coûte que coûte, j’aurais un deuxième enfant... je me suis conduite comme une traînée parce qu’Harge ne le voulait pas ; je le lui ai arraché... à partir de ce moment la guerre a été déclarée et la seule issue que je n’envisageais pas arriva...

Mais dans cette maison où aucune de ses connaissances new-yorkaises ne serait entrée, même en danger de mort, dans cette salle de bain modeste et fatiguée, il me suffisait qu’elle me lance un clin d’œil où qu’elle pose très vite sa main sur la mienne en guise de consolation pour que tout aille mieux. C’était unique et chaleureux. Chacun de ses gestes respirait la gentillesse sans aucun calcul. Et j’ai eu soudainement honte de l’incertitude dans laquelle je l’obligeait à vivre.

J’ai fini par me sentir confortable ; j’aimais ce microcosme où nous étions toutes les trois. Rindy me manquait mais il était temps qu’elle me quitte , qu’elle s’envole. Je ne pouvais la garder prisonnière pour me rassurer de sa présence.

Je sais qu’elle a une vie amoureuse assez bien remplie et je sais qu’elle a la pilule. Elle a raison ; elle ne sera plus piégée comme je l’ai été. J’espère seulement qu’en plus elle se protège... j’ai peur du Sida. Je ne veux pas la perdre, c’est tout.

Ce ne serait pas dans l’ordre ces choses. Margot interrompit vite mes tristes pensées :

« Maison de Fous , fou toi-même »

Son rire submergea celui de Thérèse.

et puis la douleur... l’hôpital... Thérèse...

Margot dort avec moi ? Je sens de la chaleur et ça n’est pas la mienne... oh mon ventre... j’ai mal...

ah oui l’hôpital où tout le monde a accueilli Thérèse avec de grandes embrassades ; oui elle était chez elle . Tout le personnel la connaissait.

J’aime la compagnie des gens normaux qui veulent juste vous aider et là je fus comblée.

« vous savez Madame, m’avait glissé dans l’oreille une infirmière, chaque fois que sa maman était là elle s’occupait de tout et nous amenait toujours des gâteaux et sa maman est si gentille, si patiente, n’osant jamais nous déranger »

J’ai eu l’impression que le monde entier complotait pour que je me jette dans ses bras.

Bien que mon cas ne relevait pas de l’urgence et sur la demande de Thérèse, une jeune doctoresse m’a examiné ...

« Vous êtes en pré ménopause... je vous fais un prélèvement mais d’après ce que vous m’expliquez vous ne devez pas en être si loin

-mais ce n'est pas possible je n'ai pas 40 ans

-à quel âge avez-vous été réglée?

-11 ans…j'ai arrêté de prendre la pilule il y a un mois

-c'est ça règles précoces ménopause précoce…mais ça se soigne facilement ; demain on aura les résultats et je vous prescrirais ce qu'il vous faut...prenez de l'aspirine pour les douleurs…on se voit demain et le fait que vous ayez arrêté la pilule a révélé votre état…je pense que vous devrez la reprendre...on verra demain"

 

C'est vrai que je ne voulais plus d'enfants mais que cela se traduise dans mon corps si vite était difficile à admettre .

Je voulais décider moi-même quand cesser d'avoir des enfants mais je ne voulais pas que la nature décide pour moi.

J'avais arrêté la pilule depuis que j'avais rencontré Thérèse…Ai-je une explication valable?

 La vacuité de mes sorties ,

 le sentiment d'échec ,

 la peur de ne pas assurer.

Non le sentiment imperceptible que quelque chose était arrivé mais que ce soit une jeune femme n'était tout simplement pas prévu.

 

Je savais que c'était terminé. Je n'excluais cependant pas un escort boy ; c'était plus sûr, plus discret et ,là, je pouvais tout planifier. Mais je reste une cliente et ça ne me suffit pas. J'ai besoin d'amour ; je n'ai jamais passé une nuit avec quelqu'un que j'aime vraiment parce que je n'ai jamais vraiment aimé . Et puis Thérèse est arrivée et…voilà. Et je ne sais pas pourquoi je ne sais plus rien gérer. Moi la femme d'affaires impitoyable je ne sais pas faire face à ce petit bout de femme qui plonge son regard dans le mien dès qu'elle le peut.

Je suis sortie du cabinet et Margot me prit la main :

"Maman tu es toute pâle ; ça va pas?"

Ma petite fille a été adorable ; j'étais anéantie…je n'étais plus rien…je ne valais plus rien…j'avais envie de me retrouver toute seule pour pouvoir pleurer tout mon soûl .

C'est à ce moment là que Thérèse est arrivée et elle s'est inquiétée tout de suite:

"qu'est-ce qui se passe?

-elle est pas bien maman; il faut la consoler"

À ce moment là je me suis mise à frissonner .

"bon je vois que ça ne va pas…on va à la maison et je vais m'occuper de toi Carol

-non il ne faut pas…je saurais me débrouiller"

Elle s'est alors penchée sur moi et , saisissant doucement mes épaules , planta son regard dans le mien :

"tu vas m'obéir d'accord"

Je me sentais gênée mais soulagée qu'elle me prenne en charge:

"d'accord mais comment va ta maman?

-elle va très bien mais elle dormait ; je la verrais demain…alors on rentre"

Elle m'aida à me lever.

"je dois être horrible "lui ai-je lâché en guise d'excuses.

Son visage s'illumina et elle passa le bras autour de ma taille :>"tu es toujours la plus belle Carol…ne t'inquiète pas  quoique je fasse je pense à toi et à ton état

-merci"

Parce que je sentais faible Thérèse et Margot me soutinrent jusqu'à la voiture ; mais mon mal être ne me lâcha pas

Quoi encore?

Mon Dieu Thérèse m'a fait prendre un bain et je lui ai demandé de m'aider ; ça y est je me souviens de tout maintenant.

Je roulais et j'écoutais en même temps la conversation de Margot et Thérèse.

Thérèse a chanté une comptine française non…ce n'était pas une comptine mais une suite de mots qui faisaient des sortes de calambours …le dernier mot créant une autre situation:

J'en ai marre

Marabout

Bout de ficelle

Selle de cheval

Cheval de course

Course à pied

Pied de cochon

Cochon de ferme

Ferme ta boîte

Boîte à clous

Clous d'acier

Assied toi

Toit de maison

Maison de fous

Fou toi-même

C'était devenu une ritournelle et Thérèse avait 10 ans . Je n'ai jamais connu pareille ambiance, je n'ai jamais autant  ri aux éclats. De fait j'ai juste survécu ,  puis la douceur de ce bien-être fit émerger  le souvenir de ma propre enfance si amère , si rude …sans espoir. C'est exactement ça ; j'ai grandi sans espoir et sans joie.

Je me suis concentrée sur la conduite pour contenir l'amertume et la tristesse qui m'envahissaient alors; pourquoi tant d'idées noires? Pourquoi ce flot de rancœur ? Mais il me suffisait de regarder Thérèse du coin de l'œil pour goûter moi aussi à ce bonheur qui m'était refusé. Cette jolie trentenaire m'ouvrait des possibilités que je ne me croyais pas permises.

On n'était plus très loin ; je n'avais jamais vu autant de paysages changeants ..la mer , les gigantesques falaises. Thérèse connaissait des routes tranquilles , des villages incroyablement beaux ; tous des trésors qui m'étaient révélés.

C'était comme un conte de fées mais si réel ; peut-être imaginé?

On a du s'arrêter parce que Margot voulait faire pipi ; je fus plus émue que je ne le pensais quand Margot nous obligea à nous embrasser. C'est vrai que je cherchais un peu à agacer Thérèse et j'y avais réussi.

Je n'ai pas oublié sa colère quand elle m'a rattrapé ce  fameux dimanche après notre contact dans le dancing. Je l'aime quand elle est en colère ; elle est si adorable et ça m'apprend des choses à son sujet. Mais elle est sensible à beaucoup de choses et je dois en tenir compte.

J'ai repris le volant avec le goût de la peau de Thérèse sur mes lèvres. On a parlé et on a ri. La voiture confortable couvrait les kilomètres . C'était des routes sinueuses et toujours des vallées apaisantes ; le calme et la sérénité nous entouraient . J'aime conduire dans les entrelacs , rentrer les vitesses pour mieux accélérer en plein virage et sentir la voiture répondre à mes envies.

Et puis je me suis mise à transpirer ; j'ai senti des gouttes de sueur le long de mon dos, sur mon front  et la douleur est arrivée. Thérèse remarqua tout de suite la crispation de mes mains sur le volant et , surtout, la goutte de sueur qui perlait sur mon nez.

 "Carol tu ne vas pas bien je le vois…on s'arrête et je prends le volant

-mais ça va

-non on s'arrête maintenant" sur un ton autoritaire qui me surprit.

Je sentis les mains de Margot qui  s'était rapprochée, attentive comme elle l'a toujours été à mon égard:

"maman tu as mal?"

Je me garais sur un chemin de campagne longeant la route ; le soleil couchant agrandissait toutes les ombres.

Thérèse se rapprocha de moi , prit ma main et épongea mon front:

"Carol tu es si pâle…tu as mal au ventre n'est-ce pas?"

Que fallait-il lui dire? Que mon ventre était traversé de coups de poignard et que je ne voyais plus bien la route.

"bon Carol je prends le volant

-mais tu ne sais pas…" je n'ai pas su continuer car la douleur me fit vaciller.

 

"je sais conduire ; j'ai aussi mon permis voiture et  j'ai déjà conduit toutes sortes de voitures…ce n'est pas ta Citroën confortable qui me fait peur"

Et d' un ton sans réplique et urgent  mais toujours empreint de tendresse:

"tu vas t'installer  derrière et toi ,Margot, tu t'occupes d'elle et moi je conduis ; encore une centaine de kilomètres et on passera par les urgences. Je connais tout le monde là-bas; tu seras examinée"

Thérèse est sortie de la voiture et m'aida à me placer sur la banquette arrière ; elle me couvrit du plaid qui traînait dans la voiture :

"bon allez on y va parce qu'il commence à faire nuit...est-ce que ça ira Margot?

-oui Thérèse parce que maman est ma malade préférée"

 

Ma petite fille a toujours été adorable ; ma tête sur ses genoux elle me couvrit de baisers et de caresses le reste du voyage. Je me sentais en sécurité comme jamais je ne l'avais été . Je voyais Thérèse conduire et je me sentais en sécurité. C'était inhabituel et ce qui l'était plus encore c'est que j'avais envie que Thérèse me regarde encore et encore.

Je voulais sa main dans la mienne.

Je ne suis pas expansive  , pas trop tendre non plus sauf avec mes filles; à la maison les câlins les embrassades tout était très mal vu par maman. Elle n'est jamais venue me border et il m'a fallu longtemps pour supporter cette indifférence et la faire mienne dans la vie quotidienne. Quand j'avais peur la nuit je savais que je ne pouvais pas me réfugier dans ses bras.

Les gens ne savant pas ce que c'est d'être rejetée par sa mère , d'aimer quelqu'un qui ne vous aime pas et qui ne vous aimera jamais. Je ne pouvais pas compter sur papa qui fuyait la maison autant qu'il le pouvait ; j'étais seule.

La gouvernante qui s'occupait de moi était l'ersatz de la mère que je voulais ; la vie pour moi était un désert jusqu'à l'arrivée de Rindy.

Et puis Margot.

Est-ce mon état bizarre qui me rend ainsi si vulnérable?

Revenant de l'hôpital nous sommes arrivées devant une maison des années 70 jouxtant une petite place où Thérèse se gara. Elle poussa la petite barrière métallique vert anglais et ouvrit une porte à moitié vitrée. Nous pénétrâmes toutes les trois dans une pièce où se trouvait un grand lit , une table de cuisine avec quatre chaises , un vieux canapé et un buffet sur lequel se dressait une vieille télévision. Les plafonds étaient bas et j'en ai été surprise.

Thérèse semblait désolée de la modestie du mobilier et je lui ai fait signe que tout allait bien…qu'importe le décor mais je rêvais de me laver. Je sentais la sueur et le sang ; ce sang que j'ai toujours détesté et dont l'absence signifiait la fin de ma vie de vraie femme et aussi que le temps avançait inexorable et que je n'avais rien…

"Margot tu peux faire ta toilette ici? Moi je vais m'occuper de ta maman. Carol , en haut , il y a une vraie salle de bain. Je vais t'y mener et nous dormirons ici…

-mais…

-ne t'inquiètes pas dans la pièce d'à côté il y a aussi un lit plus petit  pour moi" et elle s'est tournée vers ma fille "tu seras toute seule mais pas longtemps ok…je vais vider la voiture

-ok"

Je me suis assise sur le lit ; je ne rêvais que d'une chose me laver et dormir…mais j'étais si faible et si confuse.

Puis Thérèse revint chargée de valises et de sacoches qu'elle déposa dans la pièce. Nous sommes passées par une buanderies ou séchaient encore des serviettes de bain. Thérèse en ouvrit la porte qui donnait sur un petit jardin et  nous sommes montées à l'étage  par un escalier extérieur; la porte n'était pas fermée à clé ce qui fit jurer Thérèse.

"viens Carol la salle de bains est sur la gauche" et elle me fit signe d'entrer.

La pièce sentait l'humidité et Thérèse ouvrit la lucarne au-dessus de la baignoire. Elle sortit d'une armoire en formica une serviette de bain et des gants. Elle ouvrit le robinet de la baignoire et s'assura de la bonne chaleur  de l'eau

"voilà Carol il y a ce qu'il faut ; ça ira?

-oui ça ira

-Carol si tu a besoin de quelque chose frappe sur les murs et je l'entendrais d'accord?"

Elle m'a quitté doucement me laissant seule. Mais je ne voulais pas rester seule et très vite j'ai tapé sur le mur.

 

J'entendis la cavalcade dans l'escalier et ce fut une Thérèse essoufflée qui frappa à la porte :

"je peux entrer ? tu as besoin de quelque chose??" J'aurais voulu lui répondre que j'avais besoin d'elle :

"je ne suis pas sûre , je ne suis pas bien ; j'ai besoin de présence" j'aurais voulu dire que j'avais besoin d'elle mais

Thérèse m'a alors souri et ses yeux gentils pétillèrent de bonheur :

"tu crois que je peux faire l'affaire? Serais -je la présence que tu souhaites? De toute façon tu n'as pas le choix

-oui…je vais me déshabiller

-ok je me retourne et quand tu es dans l'eau tu me le dis"

 j'ai presque arraché mes vêtements ; ils sentaient et j'avais hâte de me plonger dans l'eau et de parler avec Thérèse.

 

Je mis du bain mousse , agitais un peu le tout et me plongeais enfin dans l'eau chaude :

"retournes toi"

 

Elle l'a fait de suite et je captais son regard; il s'est passé quelque chose qui m'a ému… sa bonté si perceptible en même temps que sa réserve. Là la mousse du bain me protégeait et je crois que Thérèse préférait qu'il en soit ainsi. Personne ne m'avait vue entièrement nue surtout pas Harge ; ma nudité le gênait. En fait nous n'étions pas un couple mais une association destinée à prouver au monde que nous remplissions la tâche  essentielle qui nous était imposée: fonder une famille.

Thérèse a été adorable encore une fois mais retenue. Pour que je ne sois pas gênée elle s'est mise accroupie adossée à la baignoire et j'ai pu me laver sans honte, sans gêne et on a parlé.

 

"as-tu déjà aimé?" lui ai-je demandé…une question qui venait de si loin et qui m'a échappé.

Je ne m'attendais pas à une réponse aussi rapide et directe:

 

"oui j'ai connu la passion physique, l'amour éternel ou prétendu tel , les coups de foudre du week end à la faveur d'une chanson qu'on aime".

Je me sentis encore plus éloignée de tout , plus seule encore ; J'avais du mal à parler, la gorge gonflée des sanglots  si souvent réprimés ; mais il fallait qu'elle sache:

"moi je n'ai pas connu tout cela et mes filles sont mes seules amours ; mais ça ne comble pas tout et elles ne doivent pas me servir de paravent , de cache-misère. Ce que je connais là maintenant avec toi est si …"

J'ai retenu mon souffle, le cœur rompu par cet aveu et les circonstances qui me rendaient encore plus vulnérable:

"inattendu"

Le silence s'installa et il remplit si vite la pièce que je m'en voulus de cette intrusion ; mais j'ignorais alors ce qui m'attendais:

"oui j'ai aimé mais ce n'était que des brouillons, des essais et des ratages. je veux tout réécrire avec toi…mais je te sens si fragile et si incertaine; je ne suis pas non plus faite d'acier…j'attendrais…je t'attendrais tout le temps…si tu ne veux pas je n'en mourrais pas ; je ne te ferais pas le chantage du "si tu ne veux pas de moi je meurs" non parce que j'ai des responsabilités et ça briserait maman en premier lieu et aussi parce que je te veux libre et déterminée sur ton choix…Je ne serais pas ton expérience homosexuelle…je veux être dans ta vie de toutes les façons possibles"

Que répondre à tant de franchise?

Thérèse , toujours adossée à la baignoire, ne bougeait plus ; elle était fatiguée . Prostrée elle joignit les mains derrière son cou. Il y a des moments dans une vie qui décident de tout, des moments  où vous savez que tout se joue, des moments où il ne faut pas se taire. Certaines personnes se réfugient dans tant de faux-semblants pour se rassurer; mais je ne voulais  plus de cela. Oui et c'est pour ça que j'avais arrêté mes orgies du week-end parce que , après Thérèse, je sus que je courrais à ma perte inéluctablement .

Mais cet aveu incroyable et soudain ne l'était pas tant que ça . Ce n'était que la confirmation de ce que la présence , les gestes, les regards , les absences de Thérèse me murmuraient. Après tout c'était la première déclaration d'amour qui m'était faite. Je me battais avec mes hésitations , mes peurs. Le courage c'est ce que venait de me montrer Thérèse. J'étais bouleversé et hésitante parce qu'il était hors de question de lui laisser espérer quelque chose qui ne viendrait peut-être pas mais qu'une partie de moi cherchait, convoitait…

Mais quand tout a disparu , quand d'un passé lointain plus rien ne subsiste ,après les désillusions et les déceptions et que plus rien ne vous retient  qu'une impression, une ombre chinoise de ce qui vous a effleuré à un moment si léger que vous ,plus que l'ombre d'un sentiment évaporé et confus, vous vous souvenez d'un souffle qui a égayé votre vie un court instant…

quand tout a disparu et que j'ai accepté de ne vivre que pour les autres en rejetant ces ombres du passé , je me suis rendue si fragile que je rejetais , une fois encore, une évocation qui fermentait en moi depuis que Thérèse était entrée dans ma vie.

J'ai revécu cet instant insaisissable qui éclaira si furtivement ma mémoire et mon incapacité à le situer et à le préciser exactement dans mes souvenirs me blessa encore plus et m'invoqua, envers Thérèse, de la nécessité d'agir. Tout ce qui était désagrégé, écarté, ignoré se rebâtissait doucement au rythme des séquences sublimes que m'offraient la gentillesse , la tendresse et l'amour qu'elle me portait .

J'ai donc, en retenant mon souffle et en implorant de  ma mémoire  l'apaisement, très doucement avancé la main pour m'arrêter  sur l'épaule de Thérèse :

"aie de la patience s'il te plaît parce que je suis morte de l'intérieur et je sais que tu es là pour moi…mais j'ai peur de te briser, de ne pas pouvoir tenir la distance . Je ne sais pas si tu peux me faire confiance . Je ne sais pas ce que je dois faire pour que tout s'éclaire mais , imperceptiblement ,les choses s'éclaircissent et se dessinent de plus en plus précises…laisse moi le temps de m'y faire, le temps de faire mienne cette situation…singulière comme tu me l'as dit sur ta moto ce dimanche là".

 

Mais j'ignore pourquoi j'eus , de nouveau, l'oppression obscure qu'un souvenir voulait sortir du trou béant où je l'avais enfoui, et ce fut au moment où , toujours inconsciemment , j'effleurais la cicatrice de mon index. Je sentis une fois encore le gouffre qui s'ouvrait sous mes pieds et qui se nommait lui-même culpabilité…je l'ai nommé pour le faire disparaître et me consacrer à ce qui se passait maintenant.

La respiration de Thérèse devint plus profonde, plus calme …ses épaules se soulevaient de moins en moins:

"Carol je serais là quand tu le voudras complètement libre de ton choix…je te le jure…

je nous veux strictement égales l'une envers l'autre… je ne veux exercer sur toi aucune pression de quel que nature que ce soit ; je serais là attentive. Mais sache que je n'accepterais pas d'être la fille d'un soir. Si tu veux savoir ce que qui se passe sors dans ces boîtes , essaie une fille…

-mais Thérèse c'est toi qui m'intéresse pas une autre….tu dois le savoir"

Et c'est alors que , comme un geste d'empathie , la main de Thérèse se posa sur la mienne et son pouce s'arrêta sur le bourrelet. Nous nous rassurions l'une l'autre.

Tu exagères Carol ; comment le saurait-elle? J'alterne le froid et le chaud…Je ne pouvais plus rien ajouter ; on était déjà si loin . Il n'était pas question de la blesser ; quant à moi j'étais épuisée et étonnée de sa force de caractère. Je voulais encore du contact parce que toute ma peau le réclamait ; alors je  lui ai simplement demandé de me laver le dos.

"tu es sûre?

-Thérèse si je te le demande"

Ses yeux si incertains , sa main sur l'éponge et l'autre crispée sur le bord de la baignoire:

"ce n'est pas une mise à l'épreuve?

-non ; juste un besoin de réconfort sans aucune arrière-pensée…je me sens si mal

-pour te réconforter ?...alors je m'exécute"

Et elle s'est mise derrière moi  . C'était tout ce dont j'avais  besoin…. De la tendresse et de l'attention.

Thérèse m'a lavé et elle a été merveilleuse, douce , oh si douce et très pudique alors que je ne pouvais pas l'être. Je savais qu'elle me désirait je le sentais…ses yeux avaient parlé pour elle , ses mains légères ne se sont attardées nulle part

elle m'a amoureusement respectée.

Le respect.

Ma première nuit de femme mariée avait été …sans surprise mais j'y croyais encore même quand Harge était parti le matin que pour revenir la nuit suivante , cette  nuit aussi qui fut celle où je commençais à perdre mes illusions sur le mariage.

Oui je ne sais pas laquelle des deux était la plus émue mais ce fut un moment spécial où j'ai rejoint enfin le commun des mortels  . Je connais  si peu le sentiment amoureux. Quant à l'amour physique…je n'en connais que la grossièreté et je l'ai toujours utilisé comme un instrument de pouvoir sur les autres…je me donne et je me reprends quand je veux.

Brisée par cette incroyable gentillesse , émue jusqu'aux tréfonds de moi-même , les larmes se mirent à couler mais Thérèse ne les vit pas; seul un léger sanglot qui secoua si peu mes épaules qu'elle ne le remarqua pas. Cependant une si légère pression de sa main à ce même moment me fit comprendre qu'elle savait mais qu'elle ne voulait pas trop réagir pour me laisser le temps de me reprendre…oh tant d'attentions…l'ai-je mérité?

 

J'ignore quelle force m'a empêché de lui dire de m'embrasser mais une partie de plus en plus grande le voulait. Je ne sais pas si c'est de l'amour ou le désir de savoir. Bien sûr j'ai vu dans les yeux des hommes , de tous les hommes ce désir.

Ce désir, que tant de femmes cherchent , ne me touche pas , ne m'émeut pas. Ce qu'il signifie ne m'intéresse pas sauf en terme de pouvoir et de contrôle.

 

Alors qu'elle flattait si doucement mon dos que j'en avais la chair de poule :

"Carol je pense que tu as un secret"

Je fus surprise :

"pourquoi crois tu cela?"

Elle s'arrêta de frotter pour me rincer de sa seule main :

"un étudiant en psychanalyse m'a dit que presque tous avaient un secret ; certains s'en accommodaient et d'autres en étaient rongés. Nous avons tous un côté sombre…

-peut-être en ai-je un... et quel est ton côté sombre ?

-pas sombre

-ténébreux ?

-secret... mais , peut-être, que simplement il fait partie de moi et que je le gère »

Elle se leva un peu brusquement :

« il faut que tu sortes ; l’eau refroidit... je me retourne »

Elle me tendit une serviette de bain et m’en enroba pour me frotter le dos et nulle part ailleurs ; elle avait raison , en effet j’avais froid. À regret, je sortis de l’eau et rompit de ce fait, notre conversation si captivante et si dangereuse.

 

Soudain des coups retentirent sur la porte de la salle de bain et c’était Margot toute en colère

« mais vous m’avez oubliée vous les adultes... je peux rentrer ? »

« oui » cria Carol et Margot rentra comme un boulet de canon dans la salle de bains.

Thérèse planta ses yeux dans les miens alors que je prenais ma fille dans les bras :

« sauvée par le gong ».

À qui disait-elle cela ? À elle ou à moi ? ou à nous ?

 

 

 

                                        

 

...

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