Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve

Carol (2015)
F/F
F/M
G
Fuir l'amour de peur qu'il ne se sauve
Summary
ceci est la version "française ; il est possible que j'ai laissé passer des fautes d'orthographede grammaire, de syntaxe , d'accord des temps etc.... je le fais pour les lectrices et lecteursfrancophonesmerci de votre éventuelle lecture ou relecturecertaines personnes peuvent être choques en découvrant la personne qu'est Carol mais c'est quelqu'un qui a été le souffre-douleur de sa mère et qui ne s'en remet pas...et parfois son côté cruel ressortavec moi il n'y aura pas de domination mais de l'égalité comme je l'ai sentie en visionnant Portrait d'une jeune fille en feu...Carol n'est pas dominatrice Thérèse n'est pas falote...
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Chapter 8

Rindy était dans sa chambre dans un demi sommeil. Elle réfléchissait à la conversation qu’elle avait eue avec sa maman la veille.

Le sentiment que Carol cachait quelque chose... pourquoi toujours se punir?

 

Un sentiment de culpabilité mais rapport à quoi ... Carol était une victime pas un bourreau....Elle alla pêcher dans ses souvenirs .

 

 

Harge n’avait pas été un père présent; trop occupé par ses voitures , par la compétition il menait une vie de célibataire. Il avait été si peu présent dans son enfance. Il aurait du l’accompagner lors de sa première dent , la découverte de tout mais non... il préférait consacrer son énergie et son temps libre à aller avec ses copains Dieu sait où pour exhiber sa dernière voiture. À ses yeux comptaient sa voiture et ses copains ; il avait fondé une famille pour faire comme tout le monde et c’était tout.

De la même manière que Carol avait épousé Harge pour obéir à sa mère et faire une fin aux yeux de la société et c’était tout.

 

Rindy savait que Carol savait tout cela ... elle savait aussi que Harge s’accrochait souvent avec Carol.

Elle en connaissait la cause... l’absence totale de Harge dans l’éducation et la vie de sa fille alors que Carol attendait Margot.

Il partait souvent en hurlant :"tu as intérêt à ce que ce soit un garçon ... sinon.. »

Ce fut Margot . Quand il l’apprit il se saoula et disparut pendant trois semaines de la maison familiale pendant deux semaines.

À son retour ce fut un enfer. Il hurlait sur le bébé , terrorisait Rindy qui s’opposait à lui et trompa ouvertement sa femme.

Carol errait de la violence verbale de sa mère à la violence physique de son mari.

Alors Rindy avait grandi vite , très vite, trop vite parce qu’elle soutenait sa mère et ce rôle était comme un costume trop grand pour elle...

 

Du vivant de Harge Jennifer et Carol avaient pris ensemble la décision de mettre les enfants à l’abri.

La brusquerie de Harge voire sa violence avaient amené les deux femmes à prendre cette décision radicale... Margot montrait , très jeune, trop jeune ,des signes troublants de dysfonctionnement après chaque accès de colère de son père. Au décès de celui-ci Carol reprit ses enfants et partit en voyage pour retrouver et reconstituer une cellule familiale solide...

 Le ciment nécessaire pour souder une famille secouée.

 

Carol fut une maman particulièrement attentive à ses filles et elle se révéla  , loin de sa mère,

heureuse et épanouie. Rindy était agressif vis-à-vis de sa grand-mère maternelle. Mille fois elle avait défendu Carol dès son plus jeune âge et mille fois elle avait vu sa mère en être punie. Anne et Rindy se détestaient cordialement et ça n’avait pas diminué au cours des années que du contraire.

Rindy avait su se créer un monde à elle grâce à sa curiosité innée pour les autres et Anne n’avait absolument aucune prise sur elle, alors Carol devint la victime expiatoire. Rindy se rendit compte de l’énorme pression que subissait Carol .

À ses yeux une seule solution existait... s’éloigner de Anne.

Mais Carol ne savait rien gérer à part ses relations désastreuses avec sa mère ; elle les subissait et succombait à chaque fois. Et , à chaque fois, Rindy scrutait l’anéantissement qui creusait sa maman.

C’est alors qu’elle parla avec Jennifer qui lui apprit les nombreuses infidélités de son père et sa violence.

« oui je sais mamy et il me fait peur....il ne m’a jamais frappée mais Margot il la déteste... il faut sauver Margot , je veux la sauver si je ne peux pas sauver maman »

 

Et c’est ainsi que la maman et ses deux filles firent des séjours de plus en plus longs chez Jennifer pour y rester en permanence. Tout cela contrariait très fort Harge qui n’osa cependant pas aller contre la volonté de sa mère de sauvegarder ses deux petites filles du climat anxiogène qui était leur quotidien.

 

 

La disparition de son père n’avait pas vraiment affecté Rindy. Il ne s’occupait pas d’elle et la chassait quand elle voulait aller dans ses bras. Il était indifférent et préoccupé de lui-même , braqué sur sa personne et rien d’autre. Elle n’avait pas versé une larme et s’en était inquiété. Seule Carol comptait. Et Rindy s’inquiéta très vite pour sa maman et ses amours aussi brèves que tristes.

Il y avait eu des week-end désastreux quand Carol rentrait les cernes creusées , le regard vide, traînant derrière une ombre qui se confondait avec elle... une Carol vulgaire et flétrie par la dépravation comme un double vénéneux et jamais rassasié.

Il avait fallut que Rindy sorte de ses gonds pour que Carol se rende compte de ce vers quoi elle allait et combien cela menaçait leur équilibre à tous.

 

Rindy n’eut pas d’autre choix que d’arrêter momentanément ses études pour épauler Carol;

mais jamais elle ne sut vraiment le motif d’un tel comportement. Elles avaient exploré à deux toutes les possibilités ; ce fut une conversation douloureuse et heurtée qui n’accoucha pas du résultat espéré.

 

« Maman tu sais combien je t’aime ; On ne sait pas toujours tout expliquer... mais tu sais que je suis là... toi et Margot vous êtes mes priorités »

"ma chèrie je ne te mérite pas…je suis responsable et coupable

"non maman, ni responsable ni coupable, tu es la victime du monstre qu'est ta mère ; tu as géré comme tu pouvais … tu as perdu ton temps et ta vie à vouloir te faire aimer de quelqu'un qui ne t'aime pas…laisse la tomber elle corrompt tout ce qu'elle touche"

 

Le plus étonnant fut les sanglots de Carol dans les bras de sa fille qui mesura l'ampleur de la tâche qu'elle s'était donnée.

 

 

Quand Carol  après quelques voyage en solitaire et quelques aventures aussi brèves qu'inintéressantes ,

s'installa en France ,Jennifer s'occupa des filles. Elle comprenait le départ de Carol qui était du , en grande partie, à l'attitude toxique qu'Anne faisait régner dans cette famille. Jennifer détestait Anne qui le lui rendait bien.

 

Carol avait souffert de sa mère et d'un père faible qui ne la protégeait pas  ; elle avait eu un mari qui la négligeait et la maltraitait…. Rindy n'arrivait pas en tirer des conclusions. Quant à cette jeune lesbienne audacieuse ce qu'elle avait dit à Carol était le signe d'un grand intérêt et d'un bon sens de l'observation… un grand intérêt ? C'est de l'amour…

 Oui cette jeune femme était amoureuse de Carol à n'en pas douter…et Carol n'est pas prête pour ça.

" chère inconnue tu vas devoir t'accrocher  parce que pour maman ça n'est pas naturel du tout...pas une abomination mais en tout cas pas normal" Le sommeil la toucha juste à la fin de sa phrase.

                                                   

Le calme et la tranquillité s'installèrent doucement dans la grande maison.

On pouvait à peine entendre le bruit d'un moteur feutré qui s'éloignait insensiblement.

 

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     Le soleil chatouillait l'oreiller de Margot ; elle n'était pas fâchée du tout parce qu'elle savait qu'elle allait voir sa maman.

"maman , murmura-t-elle, je t'aime et j'arrive". Elle se précipita dans son cabinet de toilette pour se débarbouiller vite fait et aller manger. Elle avait faim , tellement faim qu'elle aurait bien mangé au moins un cheval entier….non pas un  cheval ….pas un animal.

Des croissants oui. Non pas de croissants depuis que le boulanger avait pris sa retraite…tant pis.

 

Elle courut vers la chambre de Carol qui dormait encore. Elle se pencha et promena son pouce sur le nez de sa maman.

Puis elle promena ses lèvres sur les joues et le front de sa maman qui finit par ouvrir les yeux :

"mon diablotin est là" Le rire de la petite fille résonnait dans la chambre de Carol :

 

"je vais te manger de baisers

 

-moi aussi maman des baisers partout"

 

La petite rentra dans le grand lit et se blottit dans les bras de Carol. Plus encore que les autres jours elle prit dans ses bras Margot qui s'y lova. Elle qui avait tant besoin de contacts , besoin de toucher , de palper s'en donna à cœur joie avec Margot qui se mit à éclater de rire. Carol la prit contre elle et mit le nez dans son cou et puis dans son ventre. Pourquoi ce bonheur si simple ne lui suffisait-il pas?. Mais elle se trompait sur un point … ce qu'elle avait éprouvé dans ce dancing lui ouvrait des portes et des sensations qu'elle n'avait jamais connues. Elle mit dans ses gestes une véritable sensualité et s'émerveilla du plaisir du contact de la peau de sa petite fille contre la sienne;  elle se rappela très vite combien les séances d'allaitement provoquaient en elle des sensations qu'elle avait souvent occultées. Pourquoi personne n'en parle? Pourquoi tant de choses cachées? Pourquoi je me punis ainsi?

C'était tellement interpellant et dérangeant…

 

 Il lui arrivait de rêver d'un monde sans diktat où chacun pouvait vivre selon son choix ; elle n'avait jamais eu le choix. Que s'était-il passé dans son adolescence? À part l'incessante surveillance de sa mère qui la destinait à un riche héritier et l'avait éduquée en conséquence. Anne l'avait donc envoyé étudier à Lausanne flanquée d'une gouvernante qui notait scrupuleusement  tous ses faits et gestes. Elle était donc toujours en prison ; sa puberté fut particulièrement pénible et douloureuse.

 

  Sa dernière année de scolarité avant l'université se situa à New York et elle n'en avait aucun souvenir.

À l'âge où tout le monde se fait des amis qui vous suivront toute la vie , elle était seule . Elle ne se souvenait qu'à grand peine de son mariage. La déception totale de sa nuit de noce … en fait rien ne s'était passé. Elle eut vite fait de comprendre que son seul intérêt serait ses enfants. La naissance de Rindy lui donna un but dans la vie et elle reprit pied bien qu'épiée de tous les côtés par sa mère qui avait imposé Florence pour s'occuper de Rindy.

Ce fut un des rares moments où Carol refusa d'obéir ; elle entendait élever Rindy seule et Jennifer fut d'une très grande aide. C'est d'ailleurs elle qui s'occupa des filles quand Carol repartit voyager seule pour se retrouver et avoir une vie qui lui appartienne.

 

 "Margot je vais te manger toute crue"

 

La petit rit aux éclats et fit des chatouilles partout sur le buste de sa maman . Carol avait toujours la nostalgie de ses réveils d'enfant où ne l'attendait que la cruauté de sa mère. Elle ne s'y attarda pas , une fois encore , car elle se créait de nouveaux souvenirs. Elle avait vite compris qu'à trop s'attarder sur une blessure en retardait la guérison et sa renaissance.

Sa vie était faite de ça : mort et renaissance ….la mort n'était pas si terrible et la renaissance pas si gaie. Finalement elle n'avait de goût que pour ses filles ; c'était grand mais pas suffisant . La mère incroyable qu'elle était l'acceptait du bout des lèvres.

 

La petite fille se leva aussi vite qu'elle était venue:

"j'ai faim maman tellement faim que je te mangerais tout de suite

-tu ne saurais pas  tout manger d'un coup

-non j'en garderais pour mon déjeuner , mon goûter , et mon souper

-allez on se lève…tu devrais me mettre aussi en conserve

-ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie" et Margot dévala les escaliers pour arriver dans la cuisine où Rindy aurait du préparer le petit déjeuner.

 

 Carol se leva et ,sans prévenir,  les événements de la veille lui revinrent à l'esprit. Elle se sentait démunie car le plaisir qu'elle cherchait l'avait visitée mais ne l'avait pas rassasiée. La quête continuerait donc… dans d'autres lieux.

Elle savait maintenant qu'elle pouvait ….comme toutes les femmes….les vraies femmes. Le grand miroir qui trônait dans sa chambre lui envoya une image qu'elle aimait ; oui elle était belle… pourquoi n'y avait-il personne pour partager cette rare perception d'elle-même?

 

Elle entendit Rindy sortir de sa chambre :

"bonjour maman . As-tu bien dormi?

-oui mon ange"

 

Rindy s'assit sur le lit défait et s'apprêtait à poser la question qui la tourmentait depuis hier soir :

"maman pourquoi ça ne t'intéressait pas d'avoir un garçon?"

Carol écarta largement les couvertures , ouvrit la porte fenêtre de sa chambre et soupira:

"tu pense encore à ça…sincèrement je ne sais pas"

Les cris de Margot les interrompirent :

"Rindy , maman on déjeune ou quoi? J'ai faim"

 

Les deux femmes se regardèrent et haussèrent les épaules :

 

"maman on doit descendre ; le vrai chef de la maison a parlé

-tu as raison et puis j'ai faim"

 

Elles rejoignirent la cuisine mais Rindy se retourna:

"maman les filles ça t'intéresse?"

Carol s'arrêta et cria :

" Mais enfin non pas du tout  , puis elle se calma, on ne peut pas faire une famille avec…une femme…et puis je ne ressemble pas à un  homme ; je n'ai pas les cheveux courts…

 

-maman ce qui compte c'est l'amour, la confiance…qu'importe de qui ça vient...tu plaisantes là..la longueur des cheveux ça compte??

 

-enfin Rindy deux femmes ne peuvent pas construire un avenir ensemble..il manquera toujours un élément fort et d'autres choses encore…on sait bien que ces…femmes ont les cheveux courts…ce sont des gens...malades"

Carol regarda sa fille :"Non?"

 

Rindy soupira :"ben , dis donc, il y a encore du travail…qu'est ce manque exactement? , elle baissa d'un ton , un pénis ?.on est presque en l'an 2000…enfin dans 5 ans; les choses changent non?"

 

Carol ne put s'empêcher de soupirer ; c'était bien du Rindy cette remarque:

 

"pas pour moi chèrie…trêve de bavardage…on  mange…vous les jeunes vous voulez toujours tout changer… Je ne te dirais pas ce qui manque".

"vous trainez les filles.." cria Margot qui ne renonçait jamais quand elle voulait quelque chose.

 

Les deux jeunesses s'attablèrent tandis que Carol fit des toasts avec le pain de la veille et mit fromages et confitures sur la table.

"les filles , je vais à la brocante et cette après-midi ce sera la ducasse n'est ce pas Margot? Et Rindy?"

 

-oui on y va ensemble"

 

Le petit déjeuner eut une résonnance particulière ; Carol aurait voulu que tout soit limpide mais rien ne l'était. Les légers sourires qu'elle arborait ne leurraient absolument pas Rindy qui semblait être la personne la plus au courant des sentiments divers qui inondaient Carol.

 La perplexité fut la toile de fond de ce dimanche matin ; Carol voulait retrouver cette jeune fille pour lui dire ses quatre vérités. Et elle n'était pas moins troublée par le fait qu'elle voulait se justifier face à cette jeune inconnue somme toute trop curieuse.

Des impressions à peine esquissées semblaient revenir de si loin familières et redoutées ; leurs ombres tristes affleuraient si peu à la surface.

 

Mais il fallait gérer d'autres problèmes dont la scolarité de Margot dans son  école londonienne. La petit fille s'était révélée très sensible et mal à l'aise dans ce milieu scolaire où régnait déjà une intense compétition et Rindy ne serait plus là. Non loin de

 Godberghen se trouvait une école qui pratiquait un système d'éducation ouvert qui conviendrait plus au tempérament de Margot.

Mieux valait une tête bien faite qu'une tête bien pleine.

 Carol gardait un très mauvais souvenir de ses études où qu'elles soient sauf l'année passé à NY qui ne lui avait , curieusement, laissé aucun souvenir, aucune relation, aucune amie en tout cas pas plus qu'à Lausanne… en fait tant qu'elle se trouvait sous la surveillance d'Anne l'enfer était sur terre et la nuit envahissait ses journées.

 

Elle avait toujours eu beaucoup de mal à rompre le carrousel incessant qui trottait dans sa tête; en fait elle ne connaissait pas le repos. Ce qu'elle faisait dans ces  soirées dansantes c'était se vider la  tête et vivre comme si il n'y avait pas de lendemains. Il fût un moment où l'alcool occupait une grande place , puis ce fut le sexe, la baise rapide et sans scrupule comme pour s'y perdre.

 

Après le départ de ses filles  et le rangement de la cuisine , elle monta dans sa salle de bains.

Après sa douche elle se regarda longtemps dans le grand miroir  Belle Epoque qui occupait un coin de sa chambre. Elle voulait scruter le moindre changement.

 Son corps lui servait d'arme mais elle ne l'aimait pas , enfin jusqu'à hier soir. En dépit de ses promesses elle sut qu'elle recommencerait , ne serait-ce que pour déterminer exactement ce qui lui avait fait connaître la jouissance. Ce fut surtout la certitude qu'elle pouvait aller plus loin, plus fort . Mais ce côté  là d'elle-même ne devait pas prendre le dessus. Elle avait toujours essayé de comprendre le processus qui l'amenait à se conduire ainsi…

Je me sens coupable mais de quoi? C'est moi qui ai souffert et je me punis..

 

L'abîme la menaçait toujours et elle ne voulait pas se retourner pour savoir ce qui la poursuivait.

Mais elle restait toujours étonnée de la capacité de l'être humain , mais surtout elle, à supporter tant d'horreur et à vouloir toujours vivre

 

 

 Ce serait toujours la mère qui comptera, pas l'amante…voir la pute. Pourquoi se considérait-elle ainsi?….Carol n'avait donc pas changé et elle ne le sut pas.

Elle s'habilla léger avec élégance pour montrer qui elle devait être la journée et que chacun devait la respecter ;

Elle  monta dans sa voiture rouge.

 

À frimer pour frimer autant que ce soit avec brio…et avec ma Porsche…

 

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Une plage du nord de la France , région ignorée et méprisée à cause de son lourd passé industriel et historique. Réduite souvent à des clichés parce que loin du sable blond et des mers émeraude du sud , ne provoquant pas de coups de foudre immédiats  elle s'insinue cependant peu à peu dans l'esprit de ceux et celles qui la visitent.

Ils en seront obsédés imprégnés de ces camaïeux  de gris , de noir et de bleu teintés à jamais de mélancholie.

La mélancholie c'est précisément ce qui manquait ce dimanche de Pâques dans cette station balnéaire populaire. Une foule relaxe occupait les terrasses bondées.

Malgré les pétarades des voitures qui envahissaient à leur aise la bourgade l'odeur des embruns ne se laissait pas oublier

Et, avec cette bonhommie et ce laisser aller  particulier aux plages du nord, chacun se reconnaissait dans l'autre et cette  tolérance accentuait le plaisir d'être ensemble et d'appartenir à un tout.

 

A contrario une femme émergeait naturellement de la vulgarité ambiante ; attablée à une terrasse à l'abri d'un vent omniprésent elle lisait. Ses mains  aux ongles parfaitement manucurés tenaient une revue de mode et , de temps en temps, repoussaient  ,une fois à gauche une fois à droite, une mèche blonde et rebelle.

Par moment elle posait sa revue et portait à ses lèvres ourlées ce café serré servi partout qui demandait sucre et crème afin d'en diminuer l'âcreté. À ce moment seulement Carol regretta l'expresso italien qu'elle buvait chez elle .

Assise à l'ombre et vêtue  d'un pantalon de lin grège et du chemisier assorti d'une veste de soie noire qui la protégeait du vent du nord , Carol à la beauté hiératique arborait un sourire illisible  distant mais moqueur ; pouvait-on la soupçonner d'impudeur?

 

Carol pensait encore aux brèves étreintes de la nuit passée dans la sueur et l'alcool dans les méga dancings de la frontière belge et qui drainaient toute la jeunesse à 100 kilomètres à la ronde. Ces boîtes étaient son terrain de chasse favori ; elles lui garantissaient un parfait anonymat à ses  amours qui duraient le temps d'un coup , d'une soirée , voire d'un week-end dans une auberge où s'abritaient les amours clandestines et adultères…ces jeunes hommes étaient fascinés par son allure et l'argent qu'elle claquait si aisément…mais il fallait les dégrossir à chaque fois…et les larguer …à chaque fois.

 

Cette fois-ci il y avait eu cette …perturbatrice…qui avait osé suggérer qu'elle la savait malheureuse et seule;

 en tout cas c'est ce que Carol avait ressenti après qu'elle lui ait parlé…..elle le savait mais ça n'était pas nécessaire de lui dire en pleine soirée alors qu'elle fuyait ses propres démons.

 

Tout s'était passé si vite qu'elle crut l'avoir rêvé…mais ces quelques mots et cette main sur son épaule comme une révélation

Elle s'était sentie chaotique , pas loin de la fêlure…quelque chose était arrivée et tout avait changé.

Une perte totale de contrôle…inadmissible. Elle ne décolérait pas.

                                             

Carol, toujours choquée   des événements de la veille , sirotait son mauvais café tout en parcourant son "Elle". Elle se mêlait aux gens ordinaires , sympathiques et familiers qui étaient les acteurs de la pièce qui se jouait devant ses yeux. Elle en était un élément silencieux et tout cela lui semblait une farce dont elle n'était pas dupe. Elle avait le défaut de prendre du recul sur tout ; la spontanéité n'était pas son fort et elle ne croyait en rien.

 

Sa lecture fut interrompue par une bande de motards ; elle s'agaça du fait que chacun éprouvait de faire rugir sa moto avant de l'arrêter. Mais elle s'amusa des vantardises de ces jeunes gens qui parlaient haut et fort. Elle allait reprendre sa  lecture quand une dernière moto arriva dans un quasi silence  et ce fut la raison pour laquelle elle s'y attarda.

 

 Elle la reconnut tout de suite , c'était l'équipage intriguant qui l'avait suivi du regard quand elle avait

 traversé , hier, devant chez elle. Cet étranger l'avait longuement suivie du regard et c'en était presque dérangeant…

 

 Enfin un jeune homme raisonnable et modeste? Mais son opinion changea quand le motard ôta son casque…

 

La perturbatrice…c'était elle , celle qui lui avait parlé , qui l'avait jugée ou, pour le moins, avait jugé sa conduite.

Carol sursauta à sa propre surprise. Que voulait cette jeune femme? Difficile de le dire …tiens.

 Elle était jolie en dépit des cheveux courts en bataille qu'elle disciplina  grossièrement de ses doigts…

Mais elle s'arrêta presque aussitôt pour capter le regard de Carol qui avait mis ses lunettes de soleil comme pour se cacher ; il y eu un arrêt , quelques secondes figées qui frappèrent Carol en plein cœur ou en pleine tête?

La tête...en plein dedans… le cœur était inerte depuis trop longtemps…cela ne le regardait pas.

 

Thérèse ouvrit la sacoche de son réservoir et bût goulûment une petit bouteille d'eau.  Elle  sentait qu'elle allait exploser et une bonne partie de l'eau tomba de sa bouche sur son cou et sur son Tshirt…qu'importe. Ses mains tremblaient si forts  et, sa moto pesait , soudain, pesait si lourd…

Submergée par le trac , elle ébouriffa ses cheveux  encore une fois pour les ordonner plus ou moins bien mais remit son casque, ajusta ses gants , resta la tête tournée vers Carol et démarra très vite et silencieusement.

 

 Carol  éprouva de la gêne…elle prit sa tasse qui était vide, la reposa, ne sut plus quoi faire de ses mains , se trouva idiote, remit les yeux sur la jeune femme .Elle se cacha un peu derrière sa revue parce que tout cela était extrêmement indiscret…mais la curiosité la taraudait ..ces yeux …

Les lampes stroboscopiques du dancing ne lui avaient pas permis de vraiment voir qui lui avait parlé, si ce n'est que c'était une jeune femme…elle n'avait pas vu ses traits ;il y avait juste les yeux, le regard… pas le regard obscène qu'avaient ces amants d'un soir…non il y avait du désir  et du respect….un regard comme un ultimatum, comme un lancer d'hameçon , comme une prière.

 

Carol était-elle vraiment fâchée? La nuit lui avait laissé le loisir de réfléchir et d’approfondir ce qui s’était passé.

La colère subsistait encore mais un nouveau sentiment ,à peine suggéré, germait doucement dans son esprit.

Le doux sentiment d’une amitié possible l’inonda , car il n’était pas question d’autre chose.

Elle était donc capable de susciter ce genre d’émotions?

Elle avait donc de la valeur pour quelqu’un de parfaitement inconnu?

 

 

 

Et puis ce mot glissé dans l’oreille...... Elle lui aurait bien dit son fait à cette petite mais elle était partie si vite.

 Elle a eu peur de m’affronter... où j’ai eu peur de ce qu’elle allait me dire?... On a peur toutes les deux?

 

Troublée Carol se leva, régla sa consommation et s’en alla... Pourquoi traîner? L’illusion de la tranquillité avait dispar, comme une bulle de savon s’accrochant à une rose. Qui était la bulle ? Qui était la rose?

En tout cas si elle voulait que je la remarque elle a réussi... mais elle va aller dans le mur..

Elle avait fait son marché, acheté le poisson et les crustacés pour le repas , fait un tour chez un brocanteur et acheta un vieux moule à gaufrette en fonte . Il était temps de rentrer ; il fallait tenir la promesse faite à Margot . Elle prit le chemin qui allait la mener vers sa voiture en colère de n’avoir pas pu parler à cette jeune insolente. Elle rentrait dans la rue où était garée sa voiture quand elle vit arriver à sa hauteur un motard en blouson blanc sur sa moto grise et jaune.

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