
Prise de contact
Un étrange son strident et répétitif vint titiller ses tympans de la manière la plus désagréable qu’on puisse imaginer, et Sirius ouvrit subitement les yeux.
Des sangles en cuir le retenaient attaché à un lit, dans une salle aux murs gris foncé et froids, en face d’une longue baie vitrée derrière laquelle des silhouettes encore floues se dessinaient. Par les caleçons de Merlin, où se trouvait-il ?
Sirius tenta de se redresser mais une autre lanière était enroulée autour de son cou, lui écrasant la pomme d’Adam de manière impitoyable. Il tira alors sur ses poignets dans l’espoir de se libérer de ses entraves et une douleur aiguë se fit ressentir dans le creux de son coude. Il baissa les yeux et se rendit compte qu’une aiguille y était plantée.
Une aiguille ?
Les sorciers n’utilisaient pas ce genre de méthodes. Alors, si ses assaillants n’étaient pas des Mangemorts, qui étaient-ils ? Sirius ferma les yeux en espérant se rappeler le moindre détail mais tout était arrivé bien trop vite, il ne comprenait pas comment il avait pu arriver dans cet endroit sombre et inhospitalier. Et puis soudain, une lumière s’éclaira dans son esprit : il avait traversé le voile.
Le voile de l’Arche de la Mort.
Les dents serrées, Sirius prit une grande inspiration par le nez puis rouvrit les yeux. Si on le lui avait demandé, ce n’était pas comme cela qu’il aurait décrit le paradis. Ni l’enfer, d’ailleurs. Je suis dans les limbes.
Un bruit de suçon se fit soudain entendre et une lourde porte qu’il n’avait jusqu’alors même pas remarquée coulissa sur sa droite. Une femme de petite taille mais perchée sur des chaussures à talons hauts et vêtue d’une blouse blanche s’approcha de lui, un sourire aimable et rassurant pendu aux lèvres.
-Bonjour, dit-elle d’une voix douce en posant sa main sur son épaule. Je suis le Dr Janet Fraiser et vous n’avez rien à craindre, vous êtes en sécurité. Est-ce que vous me comprenez quand je parle ?
Oui, il la comprenait : elle parlait l’anglais. Pas l’anglais comme lui le parlait, mais il la comprenait. Voyant qu’il tardait à répondre, la femme haussa les sourcils et son sourire s’élargit encore davantage, en signe d’encouragement.
-Oui, souffla-t-il finalement.
-Fantastique, dit-elle, toujours souriante. Quel est votre nom ?
Cette fois encore, Sirius prit son temps pour répondre. Cette femme était très belle, avec ses cheveux châtains au carré encadrant son visage ovale, et ses yeux bruns et rieurs ; dans d’autres circonstances, il se serait fait une joie d’essayer l’une de ses nombreuses techniques de séduction sur elle. Mais il avait traversé bien trop d’épreuves pour la croire sur parole lorsqu’elle disait qu’il n’avait rien à craindre.
-Où je suis ? demanda-t-il en retour.
-Vous êtes au SGC, dans la base de Cheyenne Mountain, répondit-elle du même ton posé.
-C’est où, ça, Cheyenne Mountain ? interrogea-t-il encore.
Sa voix était étrangement rauque, et il avait soif. La femme sembla s’en rendre compte car elle se détourna quelques instants le temps de lui servir un verre d’eau.
-Je vais vous aider, d’accord ? proposa-t-elle.
Sirius ne comprit pas tout de suite, puis se rendit compte qu’elle faisait allusion aux lanières de cuir qui l’entravaient. Il hocha la tête et la femme déposa le bord du gobelet sur ses lèvres.
-Vous pouvez me détacher ? demanda-t-il lorsqu’il eut fini de boire tout le contenu du verre.
-Pas encore, répondit-elle dans un sourire pincé, comme si elle le regrettait. Vous pouvez me dire votre nom ? s’enquit-elle à nouveau.
Sirius ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit de sa gorge. Il avait à présent un sérieux doute : et si ce qu’elle venait de lui faire boire n’était pas de l’eau, mais du Veritaserum ?
-D’accord, capitula-t-elle. Est-ce que vous pouvez au moins me dire si vous avez mal quelque part ?
À ces mots, Sirius se rendit compte que sa poitrine était douloureuse à l’endroit où le sortilège de Bellatrix l’avait frappé, et, dans une moindre mesure, aussi son épaule gauche, qui avait amorti sa chute au sortir du tunnel.
-J’ai mal… au cœur… répondit-il dans un souffle.
-Oh, fit la femme, visiblement surprise. Je vais vous chercher une bassine.
-Non ! s’écria alors Sirius, comprenant son erreur. J’ai mal à la poitrine, au niveau du cœur.
-Ah, sourit-elle en comprenant de quoi il parlait. Oui, vous avez une drôle de blessure sur le torse. Est-ce que vous pouvez me dire ce qui l’a causée ?
Cette fois encore, Sirius hésita. Peut-être était-ce dû à tous ces étranges instruments, mais il avait l’impression de se trouver chez des Moldus. Mais pas des Moldus comme il avait l’habitude d’en fréquenter, dans les bars et les rues de Londres ou d’ailleurs.
Maintenant qu’il y réfléchissait, cette femme en blouse blanche par-dessus sa jupe fourreau ressemblait à un guérisseur de Ste Mangouste. Comment les Moldus appelaient les médicomages, déjà ?
-Vous êtes médecin ? devina-t-il.
-Oui, tout à fait, acquiesça-t-elle. Et si vous me dites d’où vous vient cette blessure, je pourrais plus facilement trouver un traitement pour la guérir.
Une Moldue, donc.
-Je ne sais pas, mentit-il.
Apparemment légèrement déçue, la femme médecin soupira puis s’efforça à nouveau de sourire.
-Ça ne fait rien, assura-t-elle néanmoins. Nous allons trouver. En attendant, est-ce que vous avez faim ?
Sirius ne s’en était pas rendu compte jusqu’à cet instant, mais son estomac criait famine. Il ne mangeait pas beaucoup, au Square Grimmaurd – la plupart du temps, il remplissait son estomac de Bièraubeurre ou de boissons un plus corsées…
-Oui, répondit-il simplement.
-D’accord, sourit la médecin. Je vais vous chercher à manger.
À ces mots, elle sortit par la même porte coulissante d’où elle était venue, laissant Sirius à nouveau seul dans la pièce.
Elle n’avait pas répondu à sa question. « C’est où, ça, Cheyenne Mountain ? ». Comment était-il arrivé là ? Et où se trouvait sa baguette ?
Le lit sur lequel il était attaché ne comportait pas de couverture, il pouvait donc voir son corps vêtu d’un pyjama blanc. Qui l’avait déshabillé ? Est-ce que c’était elle ? L’idée en soi n’était pas déplaisante, mais Sirius aurait préféré être conscient pendant l’opération et surtout, qu’elle lui demande son avis avant.
Il fallait se rendre à l’évidence, il n’avait pas sa baguette sur lui. De plus en plus paniqué, il tourna la tête d’un côté sur l’autre, cherchant son instrument des yeux, son bien le plus précieux. Son regard passa frénétiquement d’un meuble à l’autre, d’une machine à l’autre, sur l’ananas posé sur la table d’appoint, mais il n’y avait aucune trace de sa baguette magique.
Alors qu’il avait été très – trop ? – calme en présence de la femme médecin, Sirius se sentait à présent envahi d’une vague de peur comme il n’en avait que rarement ressentie jusqu’à ce jour.
Au-delà de savoir comment il s’était retrouvé là et pourquoi, une autre question venait de s’imposer à lui : qu’en était-il de Harry ? Il avait laissé son filleul au Département des mystères, à la merci de cette cinglée de Bellatrix !
Il ne pouvait pas rester là, il fallait qu’il y retourne, qu’il aille l’aider ! Et puisqu’il n’était pas mort, qu’est-ce qui l’en empêchait ? Sirius ignorait exactement où il se trouvait mais qu’importe !, il lui suffirait de transplaner. Mais pour ça, il lui fallait absolument récupérer sa baguette !
Bien décidé à sortir de là, il remua dans tous les sens et tira de toutes ses forces sur les liens qui le retenaient attaché à ce maudit lit. Il bougeait tellement qu’il parvint à déplacer la structure en métal sur quelques centimètres, émettant un vacarme assourdissant. Mais les lanières de cuir, elles, refusaient toujours de céder.
La porte coulissa à nouveau, mais ce n’était pas le visage souriant de la femme médecin qui apparut cette fois dans l’ouverture : un homme grand, immense, musclé – un véritable colosse ! –, à la peau d’un noir doré et un étrange symbole gravé sur son front chauve, s’avança dans la pièce et arriva à sa hauteur en trois enjambées.
-Calmez-vous ! ordonna-t-il d’une voix rauque et profonde qui rappelait étrangement celle de Kingsley, mais en bien plus menaçante.
Sirius décida de l’ignorer et continua son manège.
-Je ne vous le répèterai pas une troisième fois, prévint le colosse. Calmez-vous.
Cette fois encore, Sirius l’ignora.
L’homme tendit alors le bras droit, au bout duquel les doigts d’une main presque aussi gigantesque que celles de Hagrid étaient repliés sur un morceau de métal gris, qui ne pouvait être qu’une arme, mais qui ne ressemblait pas aux fusils et autres pistolets que Sirius connaissait des Moldus. En fait, cette chose rappelait vaguement la forme d’un serpent.
Le colosse appuya sur un bouton, et un éclair bleuté s’échappa de la tête de serpent dans un son indescriptible, comme un bruit de tôle qui vibre, et vint frapper Sirius de plein fouet.
La douleur, comparable à celle d’un sortilège Doloris, était insoutenable, mais au moins, elle fut brève : à pleine Sirius avait-il senti son corps s’électriser qu’il tombât à nouveau dans les abysses.