
Jalousie
Albus triturait le col de la robe de sorcier d'apparat prêtée par Scorpius. Elle était légèrement trop grande, car c’était une tenue faite sur mesure, comme toutes les tenues de sorcier que possédait le garçon blond, et comme il avait une morphologie différente de son ami, Albus flottait légèrement dans la tenue. Astoria, la mère de Scorpius, avait prêté des robes à Rose et Claire, et Jo avait très longtemps hésité avant de finalement choisir une robe d’Astoria malgré son apparence masculine du jour. Il se sentait plus à l’aise que dans les robes de Scorpius. Il était d’ailleurs le plus à l’aise d’eux cinq, actuellement. Sans prévenir, les grands parents paternels de Scorpius avaient décidé d’organiser une soirée mondaine au manoir, prenant les cinq jeunes de court, et Albus avait même surpris une discussion houleuse entre le père de Scorpius et son grand-père, quand celui-ci avait suggéré de renvoyer les camarades du garçon chez leurs parents. Drago n’avait jamais montré d’animosité envers les amis de son fils, même s’il pinçait les lèvres, son expression oscillant entre la gêne et l’acceptation blasée lorsqu’il posait les yeux sur Rose et Albus.
Il les avait défendus, se dressant contre son propre père pour que les quatre amis de son fils restent, comme c’était prévu. Lucius, le grand-père de Scorpius, avait froncé le nez, puis son regard était tombé sur Albus au moment où il décidait finalement de traverser le salon pour rejoindre ses amis à l’extérieur. Le regard venimeux qu’il lui avait lancé alors avait figé Albus sur place, tétanisé par la menace meurtrière émanant du vieil homme. Drago avait eu l’air gêné, avait passé sa main sur son visage, puis s’était approché du garçon et avait posé une main sur son épaule, le faisant sursauter tandis qu’il défiait son père du regard.
- Le jeune Potter… Incroyable, je n’aurais jamais cru le voir chez moi…, comment avez-vous osé…, avait soufflé Lucius.
- Le meilleur ami de Scorpius, avait rétorqué Drago d’une voix ferme. Il est chez moi, puisque je te rappelle que tu ne vis plus ici. Et mon fils choisit ses amis indépendamment de leurs origines, je n’ai rien à dire là-dessus, et toi encore moins. Vas rejoindre les autres, Albus, tu n’as rien à craindre.
Il avait hoché la tête, soutenant le regard de Lucius, puis s’était éloigné en prenant soin de ne pas courir, le dos bien droit et la tête haute. Puis, une fois la porte d’entrée dépassée, il avait rejoint ses amis en courant. Quelques heures plus tard, le père de Scorpius leur annonçait le programme du soir même avec une grimace éloquente, et un branle bas le combat avait commencé pour trouver de quoi habiller les quatre invités et pour préparer l’immense salon, le transformant en une majestueuse salle de réception.
Une main se posa sur celle d’Albus pour l’empêcher de réajuster une énième fois sa robe de sorcier boutonnée sur l’avant, et il soupira de soulagement en reconnaissant Scorpius. Drago l’avait terrorisé quelques instants plus tôt en lui demandant de bien vouloir arrêter de se ronger les ongles.
- Cette foule, c’est incroyable, tu te rends compte qu’ils ont réussi à réunir tous ces Sang-Pur encore vivants et en liberté ? Je pensais qu’ils étaient tous sous les verrous depuis la dernière guerre, mais il faut croire que certains ont encore le bras long.
- Comme la sorcière à la robe bleue, là-bas ? Indiqua Albus d’une voix maussade en désignant une jeune femme d’une vingtaine d’années en robe sirène. Elle avait l’air bien décidée à perpétuer la tradition du Sang-Pur avec toi, en tout cas.
- Tu es jaloux ? Sourit le garçon blond avec une étincelle dans le regard. Intéressant, ça me donnerait presque envie de t’enlever pour une nouvelle séance de torture poussée…
- N’y compte même pas.
- Non, évidemment, j’attendrai que notre absence ne soit pas aussi facilement visible.
- Non, on ne recommencera pas. Plus jamais, marmonna Albus.
Scorpius lui jeta un regard larmoyant, et son ami eut l’impression qu’il avait frappé un chiot devant lui. Soupirant, il se passa la main dans les cheveux.
- Vraiment plus jamais du tout, définitif ?
- Bon, d’accord, pas définitif… Mais pas tout de suite. Et pas… ouais, pas tout de suite. Je suis pas prêt à recommencer ça. Donc… On va se calmer. D’accord ?
Scorpius hocha vigoureusement la tête, et Albus grogna avant d'observer à nouveau les invités. Il récoltait au mieux une indifférence polie, au pire une cascade de regards condescendants accompagnés de ricanements, lorsque les invités le remarquaient.
- Ça dure longtemps ce genre de soirée ? Marmonna Albus en suivant Scorpius vers le buffet.
- Quelques heures, ça dépend surtout de l'intention de l'organisateur… et s'il a prévu une… "animation".
Albus entendit les guillemets que Scorpius avait utilisé, et grimaça. Il ne voulait pas savoir quel genre d'animation se faisait dans ce genre de fête. Il n'avait qu'une hâte : que la fête se termine et qu'ils retrouvent les deux chambres qu'ils occupaient à eux cinq. Scorpius avait tenté d'agrandir son lit, comme celui d'Albus, mais le résultat n'avait pas été probant, et ils avaient dormi collés l'un contre l'autre. Non pas qu'ils s'en plaignaient, Albus s'était blotti contre son ami, après s'être assuré qu'il serait sage, et avait passé une excellente nuit. Jo et les filles avaient occupé une chambre d'amis face à celle de Scorpius, mais étaient restées avec eux jusqu'à tard, discutant avec entrain et profitant de leurs retrouvailles. Albus s'était endormi, la tête sur les genoux de Scorpius, bercé par les bavardages de ses amis.
- Jeune Malefoy, vous connaissez peut-être ma fille, Circé-Merope ? Nous feriez-vous l'honneur de partager une danse avec elle ? Elle est assez timide, mais excellente danseuse, vous ne serez pas déçu.
Scorpius se tourna vers l'homme, un quadragénaire solidement bâti, qui lui désignait sa femme, presque aussi épaisse que lui, et une fille qui devait avoir une vingtaine d'années, portant une robe rose pâle qui tentait de dissimuler en vain ses épaules carrées. Scorpius déglutit, Albus l'observa, et comprit qu'il avait peur de représailles sociales en cas de refus.
- Tu devrais y aller, affirma Albus en souriant poliment. Je suis sûr qu'elle danse très bien. Je ne vais pas disparaître, on pourra reprendre notre conversation après ta danse.
Scorpius plongea son regard dans le sien, surpris, puis haussa les épaules avec un soupir, avant de faire un sourire avenant en direction de l'homme.
- Bien sûr Mr Smith, avec plaisir. J'ai entendu mon père dire que votre femme était également une excellente danseuse ?
- Millicent n'a pas son pareil en société, et notre chère Circé-Merope lui ressemble de plus en plus chaque jour, sourit l'homme en lui passant un bras autour des épaules, ignorant superbement Albus.
Il ne s'en formalisa pas outre mesure, et localisa Rose dans la foule, observant Claire et Jo qui dansaient ensemble sous l'œil amusé des invités.
- Charmante soirée, chuchota Rose dans son verre lorsqu'il parvint à sa hauteur. J'ai dû éconduire environ dix hommes qui avaient au moins l'âge de grand-père Wea… Arthur.
- Fais attention à ne pas…
- Je sais. Ce n'est pas l'endroit. J'ai réussi à esquiver toutes les questions sur mes parents, heureusement que Claire a eu l'idée de m'attacher les cheveux… et toi, ça va ?
- Personne n'a cherché à savoir qui étaient mes parents, c'est trop visible pour qu'il y ait un doute sur mon père. Mais c'est impressionnant, il y a près d'une quinzaine de familles ici, tous des Sang-Pur d'après ce que j'ai compris, je pensais qu'ils étaient tous…
- Beaucoup ont été réhabilités, avec de grosses amendes, quand on était en deuxième année, j'en ai beaucoup entendu parler à la maison. C'est ridicule, vraiment, on ne devrait pas avoir à se cacher ainsi, ragea la rouquine en passant une main sur ses cheveux roux tirés en un chignon très serré. Ce genre de différences de statut ne devrait plus exister aujourd'hui, nos parents ont lutté pour ça !
- Je préfère qu'ils m'ignorent, plutôt que d'être regardé comme… tu as vu le grand-père de Scorpius ?
- Oh oui, on peut difficilement le rater, vu comme il parade… il t'a reconnu ?
- Tout à l'heure, quand je vous ai rejoints dehors. Je crois que je ressemble trop à papa pour mon propre bien…
- Ça suffit, Albus, tu n'as pas à avoir honte. Nos parents ont beaucoup œuvré pour que le monde des sorciers se relève plus fort que jamais après la guerre, ce n'est pas pour que tu ailles te terrer dans un coin. Je ne te demande pas de te pavaner comme James le faisait à l'école, mais relève la tête. Regarde Claire, elle aurait toutes les raisons du monde de ne pas vouloir attirer l'attention sur elle lors de cette soirée. Et pourtant…
- C'est facile, elle ne ressemble pas à quelqu'un de connu.
- Vous deux, par contre, oui, intervint une voix derrière eux, faisant sursauter Albus qui quitta son meilleur ami des yeux pour observer la jeune femme qui était intervenue. Désolée, je ne voulais pas vous effrayer. Emily Skeeter. Je crois que j'ai déjà vu vos parents quelque part ?
Rose évalua la nouvelle venue du regard, tandis qu'Albus cherchait où il l'avait aperçue. C'était celle qui portait une robe bleue, qu'il avait aperçue plus tôt. Une étrange plume d'un vert criard était piquée dans son chignon blond coiffé-décoiffé, et semblait frémir, comme si elle allait bondir de la coiffure. C'était idiot, les plumes ne pouvaient pas bondir.
- J’ai l’impression de vous connaître, réfléchit Rose, ses yeux noisette plantés dans ceux de la jeune fille.
- Ma grand-mère était une sorcière très connue, une journaliste de très grande envergure, sourit largement leur interlocutrice. J’ai hérité de son insatiable curiosité, et je dois dire que je suis très intriguée de vous voir à cette fête. Les invitations de Mr Malefoy sont… très difficiles à obtenir. Quel est votre lien avec les Malefoy ? Vos parents ont joué un rôle dans l’obtention de vos invitations ? Pourquoi ne sont-ils pas présents ?
Albus se détourna d’elle, extrêmement mal à l’aise, et ses yeux furent automatiquement attirés par Scorpius, encore une fois. Il avait changé de partenaire et valsait désormais avec Jo, un immense sourire étirant ses lèvres. Albus ne cherchait pas à se mentir, il était horriblement jaloux. Pourtant, il se savait parfaitement incapable de danser, et il était parfaitement hors de question qu’il s’affiche devant tous ces gens. Et il ne pourrait pas danser avec Scorpius, quoi qu’il arrive. Il ne pourrait littéralement rien faire en public avec lui, rien qui ne sorte d’une relation amicale ordinaire. Démoralisé, il se tourna vers Rose… et remarqua qu’Emily Skeeter était toujours là. Et le fixait avec des yeux gourmands.
- Alors, qui est cette jeune fille qui danse avec l’héritier Malefoy ?
- Une amie, déclara fermement Rose.
- Oh, donc vous êtes vraiment amis ?
- Oui, répondit fermement Albus. Vous n’aviez pas une plume dans vos cheveux tout à l’heure ?
- Une plume ? Demanda Emily, sans comprendre, tandis que Rose plissait les yeux.
- Oui, une plume, verte, ensorcelée, insista le garçon en fixant son chignon blond compliqué.
- Vous devez être fatigué jeune homme, je n’aurais jamais commis une telle faute de goût, pensez-donc, une plume verte alors que ma robe est bleu-roi, c’est insensé.
- Miss Skeeter, quelle joie de vous recevoir dans notre manoir, intervint une voix glaciale dans leur dos. Ah tiens, vous êtes toujours là, vous… Ah. Et vous aussi. Je ne sais pas lequel est le pire, vraiment…
- Lucius, je n’ai pas eu le temps de vous remercier pour cette invitation, ma grand-mère était vraiment déçue de ne pouvoir venir et m’a demandé de vous transmettre ses amitiés ! S’exclama joyeusement Emily en se tournant vers le grand-père de Scorpius.
L’homme toisait Rose avec un dégoût profond, bien plus blessant que l’aversion qu’il avait montrée envers Albus, et celui-ci se demanda pourquoi sa cousine subissait un tel traitement alors que son père était issu d’une famille de Sang-Pur, Rose ne pouvait pas être la seule Sang-Mêlé de la soirée, c’était impossible. Lucius Malefoy finit par répondre à Emily par des mondanités mielleuses, Rose en profita pour disparaître habilement dans la foule, et Albus remarqua que la grand-mère de Scorpius lui faisait discrètement signe de se diriger vers la cuisine. Il hocha la tête et marmonna une excuse avant de s’éloigner, se retenant de courir. Lorsqu’il eût passé la porte de la cuisine, il la referma et s’appuya contre le battant, les nerfs à vif. Il savait qu’il n’avait pas rêvé la plume verte frémissante, piquée dans le chignon blond aux boucles complexes. Mais pourquoi cherchait-elle à dissimuler son existence ?
Albus trébucha lorsque quelqu’un poussa la porte de la cuisine, et s’empressa de s’écarter pour laisser entrer… Scorpius. Celui-ci referma la porte derrière lui et la verrouilla, puis fit reculer son ami contre la porte, et s’en approcha jusqu’à mêler leurs souffles.
- C’était qui ?
- Hein ? Souffla Albus, pris de vertiges. Fais attention, y’a des gens partout, t’es trop près…
- La porte est verrouillée. C’était qui, cette fille ?
- Elle s’appelle Emily Skeeter, c’est ton grand-père qui l’a invitée. Scorpius…
L’intéressé grogna et plaqua finalement sa bouche sur la sienne avec ardeur, ses doigts pris dans les mèches sombres d’Albus qui frissonna contre lui. Il n’osait pas lui toucher les cheveux, de peur de le décoiffer, puis Scorpius glissa sa langue sur ses lèvres et il oublia complètement l’endroit où ils se trouvaient, enivré par la sensation de faire quelque chose d’absolument interdit… et d’incroyablement grisant. Puis, des coups discrets furent frappés à la porte, et Scorpius grogna avant de reculer, contrarié. Il tira Albus derrière lui et déverrouilla la porte d’un air parfaitement frustré. Le battant s’ouvrit sur Rose, Claire et Jo qui eurent un sourire soulagé en les voyant.
- Ouf…, soupira Rose.
- “Ouf” ils sont tous les deux au même endroit, ou “ouf” on est arrivés avant que ce soit trop…, ricana Jo avant de se prendre un coup de coude de Claire.
- “Ouf” cette Emily n’a pas enfermé mon cousin pour l’interroger, grogna Rose. Scorpius, arrête de le cacher, je suis quasiment sûre qu’il est présentable.
Scorpius soupira, puis se décala en passant ses doigts dans ses mèches blondes, semblant surpris de constater qu’elles étaient décoiffées sur sa nuque. Il jeta un regard méfiant à Albus, puis fronça les sourcils en regardant leurs camarades.
- Alors, que nous vaut cette interruption ?
- Vous devriez attendre qu’ils soient partis pour disparaître ensemble dans une pièce et vous enfermer, répondit Rose de but en blanc. En tout cas, pas tant qu’elle est dans les parages. Je suis sûre qu’il y a quelque chose que j’oublie, quelque chose d’important… Skeeter, pourquoi ce nom me parle… Quelque chose que ma mère a dit…
- Je suis sûr qu’il y a un problème avec cette plume. Elle l’avait tout à l’heure. Et elle remuait, dans ses cheveux. Je suis certain que je n’ai pas rêvé.
- Est-ce qu’on peut arrêter de parler de cette fille deux minutes, s’il vous plaît ? Souffla Scorpius, visiblement excédé.
- Oh, quelqu’un est jaloux ? Pouffa Claire.
- Bien sûr que non, ça n’a rien à voir.
- Clairement, ironisa Jo.
- Tiens tiens, qu’avons-nous là ? Une contre-soirée ? Organisée par les personnes que l’organisateur lui-même ne voulait pas voir chez lui ? Les interrompit la voix d’Emily.
- Vous êtes chez moi, articula sèchement Scorpius. C’est son problème si mon grand-père n’aime pas mes amis, et si on veut s’isoler de la foule, c’est notre problème, pas le vôtre.
- Oh, mais je n’ai rien contre vous, ne vous en faites pas, après tout, vous êtes jeunes, mais dites-moi plutôt, Scorpius, laquelle de ces charmantes jeunes filles est votre-
- C’est quoi ce bruit ? L’interrompit Albus en entendant un grattement très discret.
- Le bruit de la fête est étouffé par la porte, je n’entends rien d’autre, rétorqua Emily. Et donc… attendez, que faites-vous, jeune fille ?
Claire ne répondit pas, accroupie devant Emily, et souleva le bas de sa robe sirène… dévoilant la plume verte, prenant des notes à toute allure sur un rouleau de parchemin, d’une écriture très serrée.
- La plume…, souffla Albus, effaré.
- Mais oui ! L’usage des Plumes à Papote est interdit par décret ministériel depuis 2003, vous n’avez absolument pas le droit de faire cela ! S’exclama Rose en frappant son poing contre sa paume.
- Que se passe-t-il ici, peut-on savoir pourquoi il y a autant de monde dans ma cuisine ? Aboya le père de Scorpius en ouvrant la porte, à l’instant même où Emily Skeeter transplanait, disparaissant avec sa plume à papote et son parchemin serrés entre ses mains aux ongles longs.
- Non, elle s’est enfuie ! S’exclama Rose.
- Bon débarras, grogna Scorpius.
- Non, tu ne comprends pas, on ne sait pas depuis combien de temps elle prend des notes, s’inquiéta Claire en jetant un regard inquiet vers Drago.
- Raconte, ordonna-t-il en se tournant vers Rose, soudain très attentif.
Albus observa sa cousine tout expliquer depuis le début, ce qu’elle avait vu de la jeune fille blonde, ce qu’elle avait posé comme questions, ce qu’elle avait affirmé, ce qu’Albus avait remarqué, ne laissant aucun détail dans l’ombre. Près de lui, Scorpius semblait de très mauvaise humeur, sans qu’il ne comprenne pourquoi.
- Bon, je vais contacter ta mère, mini-Granger, et voir avec elle ce qu’on peut faire. Avec un peu de chance, on pourra limiter la casse, entre mon réseau et le sien. C’est difficile à admettre, mais heureusement que tu as hérité du cerveau de ta mère. Vous devriez monter dans vos chambres, vous avez suffisamment fait acte de présence pour la soirée, votre départ ne sera pas mal vu.
Il sortit de la cuisine dans un tourbillon de robes, et les adolescents s’observèrent un instant, inquiets, jusqu’à ce qu’Albus ne puisse réprimer un long bâillement qui fit ricaner Jo.
- Allez les enfants, au lit. Ces tenues sont fort sympathiques, mais je me sentirai mieux une fois que je l’aurai enlevée.
Claire et Rose hochèrent la tête, cette dernière étant toujours plongée dans une intense réflexion, et ils traversèrent la cuisine pour utiliser des portes dérobées et accéder à l’aile des chambres sans repasser par le grand salon. Scorpius avait refermé sa main autour de celle d’Albus à l’instant même où ils étaient sortis de la cuisine, et n’avait pas prononcé le moindre mot. Lorsqu’ils parvinrent devant leurs chambres respectives, Rose sortit de sa réflexion et se tourna vers Albus avec un sourire.
- T’en fais pas, elle n’a rien pu entendre de compromettant. J’en suis certaine. Tu peux dormir tranquille, je suis sûre que maman et le père de Drago vont réussir à la court-circuiter.
Albus hocha la tête, en partie rassuré. Il n’aurait vraiment pas aimé devoir retrouver la jeune femme par ses propres moyens, il n’avait même pas encore passé son permis de transplaner, et était ravi que les adultes prennent les choses en main. Ce qui l’inquiétait, c’était l’état de Scorpius. Il était de mauvaise humeur, Albus ne l’avait jamais vu ainsi, et ne comprenait pas ce qui l’avait causé. Leurs camarades leurs souhaitèrent bonne nuit, puis il suivit son meilleur ami dans sa chambre, inquiet. Scorpius verrouilla la porte derrière eux, puis insonorisa la pièce avant de retirer sa robe de sorcier d’un geste rageur. Albus se perdit un instant dans la contemplation du garçon en sous-vêtements, puis leva les yeux vers son visage. Une foule d’émotions s’y bousculaient, visibles comme en plein jour dans la lumière douce des lampes, mais la plus visible de toutes était la colère. Albus recula, surpris. Presque effrayé. Scorpius sembla revenir à lui en le voyant reculer, et ses yeux s’agrandirent en comprenant qu’il avait peur de lui. L’adolescent blond recula vivement jusqu’à l’angle du mur le plus éloigné, puis se recroquevilla comme un enfant, ses yeux gris fixés sur Albus, emplis de crainte et de culpabilité.
- Je suis désolé, souffla-t-il. Je ne voulais pas te faire peur. J’étais… jaloux. Mais je ne te ferai jamais de mal, tu le sais, pas vrai ?
Albus ne répondit pas, peinant à comprendre ce qu’il se passait. Scorpius était jaloux ? Mais de quoi ? C’était vraiment étrange, il ne voyait aucune raison pour laquelle il pourrait… Puis une idée se glissa dans son esprit. Sournoise. Tenace. Un espoir fou. Il avait été jaloux qu’Emily s’intéresse à lui. Albus tenta de repousser cette idée, son ami n’avait jamais laissé entendre qu’il avait de l’affection pour lui au point de pouvoir être jaloux. C’était insensé, il ne faisait que s’amuser. Pourtant, Albus ne parvint pas à chasser cette idée, et s’approcha de Scorpius, doucement, espérant qu’il ne s’enfuirait pas à son approche. Mais son ami ne bougea pas, se contentant de garder ses yeux fixés sur lui tandis qu’il s’arrêtait juste devant lui et s'accroupissait pour se mettre à sa hauteur. Lentement, le garçon brun leva une main et repoussa une mèche blonde du front de Scorpius, ses yeux rivés dans les siens.
- Je n’ai pas peur de toi, et je sais que tu ne me feras pas de mal, chuchota-t-il en se rappelant que l’autre lui avait posé une question. Mais je suis… surpris. Et curieux. Tu voudrais m’en dire un peu plus sur cette histoire de… jalousie ?
Scorpius le fixa un instant, puis détourna le regard, et Albus vit nettement ses joues s’assombrir.
- C’est un simple moment de faiblesse. D’égarement.
- Elle ne m’intéresse pas. Ne m’a jamais intéressé.
- Moi non plus, renifla Scorpius d’une voix dédaigneuse.
- Et moi… ? Souffla Albus, dans un murmure presque inaudible.
- Quoi, toi ?
- Je... t’intéresse ? De façon… sérieuse… je veux dire… ou est-ce que… c’est juste un… jeu ?
Scorpius leva les yeux vers lui et les plongea dans les siens, surpris. Dans le silence qui s’installa dans la pièce, Albus entendit Dot grignoter un biscuit dans sa cage, et déglutit, nerveux. Sa question n’était pas claire, il en avait même posé plusieurs, et il se rendit soudain compte que son ami n’était peut-être pas prêt à y répondre. Lui-même avait eu besoin d’un certain nombre d’années avant de comprendre ce qu’il ressentait, et surtout, de l'accepter. Scorpius l’avait embrassé un peu plus de six mois auparavant, et la deuxième fois ne datait que de quelques jours à peine. Peut-être que c’était trop tôt. C’était probablement trop tôt. Albus baissa la tête et sourit nerveusement avant de le regarder à nouveau.
- Désolé, tu n’es pas obligé de répondre tout de suite, tu as le temps d’y réfléchir… Je veux dire… ce qu’il y a… en ce moment, ça me convient, donc je peux attendre… si jamais…
Scorpius eut un rictus amusé, et Albus soupira de soulagement en le voyant revenu à son état normal.
- Je peux te toucher ?
- Bien sûr, rayonna le garçon brun.
Son ami se jeta sur lui et le serra dans ses bras, dans une étreinte qui lui coupa le souffle, sans même essayer de l’embrasser ou de le torturer. C’était quelque chose d’assez inhabituel pour Albus, et il mit quelques secondes à réagir, glissant ses mains dans son dos avant d’enfouir son nez dans son cou, inspirant à fond. Il adorait son odeur, il ne l’avouerait jamais à son ami, mais profitait de la moindre proximité entre eux, comme s’il était victime d’une violente addiction.
Scorpius le fit basculer lentement jusqu’à ce que le dos d’Albus n’entre en contact avec le sol, et le garçon blond recula, puis entreprit de déboutonner la robe d’apparat qu’il lui avait prêtée. Albus avait gardé une main sur sa nuque, jouant avec les mèches blondes, et hocha la tête en le voyant hésiter à le toucher. Lorsque la main de Scorpius se posa directement sur la peau de son torse, il pouvait sentir son cœur marteler contre ses côtes. Si le blond avait eu le moindre doute, celui-ci venait probablement d'être balayé par le pouls erratique sous ses doigts. Albus le vit étirer ses lèvres en un sourire incrédule, puis ses yeux acier accrochèrent les iris verts, et il ferma les yeux, comme s’il savourait l’instant. Le garçon brun en profita, et déplaça sa main libre le long du bras nu, suivant les reliefs des muscles formés par les entraînements de Quidditch, puis glissa en une lente caresse jusqu’au torse qui le surplombait. Albus fronça les sourcils, et se concentra. Mais rien n’y fit, d’après ce qu’il sentait, le cœur sous ses doigts battait au même rythme rapide et puissant que le sien.
Impatient, Albus appuya légèrement sur sa nuque pour le rapprocher de lui, et il le vit étirer ses lèvres en un rictus moqueur.
- Oh, tu crois que ça veut dire que je ne te torturerai plus ? Souffla Scorpius en s’approchant sans le toucher, sa main l’empêchant d’aller à sa rencontre.
- Je ne crois pas, je te donne simplement une indication, au cas où mes intentions ne seraient pas… suffisamment claires.
- Je connais tes intentions Albus, mais je ne vais peut-être pas céder à tous tes caprices…
- Très bien… alors, juste celui-ci ? Pour te faire pardonner ? S'il te plaît... ?
- Tu négocies beaucoup trop bien, grogna-t-il. Uniquement pour cette fois, d’accord ?
- Oui.
Scorpius retira sa main, la glissant sur sa taille en une caresse d’une lenteur délibérée, puis descendit lentement vers lui, s’appuyant sur son avant-bras, avant de frôler finalement les lèvres d’Albus avec les siennes. Celui-ci s’empressa de le plaquer contre lui, sentant sa peau s’embraser au contact de la sienne tandis que leurs bouches s’unissaient avec un soupir. Albus retrouva la sensation de vertige qu’il avait éprouvée plus tôt, et un soupir lui échappa lorsqu’il sentit les doigts de Scorpius parcourir sa peau lentement, envoyant des picotements dans tout son corps. Puis le garçon blond recula, prenant une longue inspiration, et Albus protesta.
- Non, encore…
- Ce n’est pas très fair-play, si tu me tentes comme ça… Très bien, mais d’abord, finis de retirer cette robe, et grimpe dans le lit, on ne va pas passer la nuit par terre.
- Oh, je ne suis pas assez confortable pour toi ? Sourit Albus, amusé.
- Qui te dit que je vais te monter dessus ? Ricana Scorpius sans bouger, laissant sa main sur la taille de sa victime consentante.
- Tu sais, je ne peux pas me déshabiller si tu restes sur moi.
- Quoi, je n’ai même pas le droit d’admirer la vue ? On ne peut plus rien faire avec toi…
Albus sentit ses joues le brûler, et Scorpius éclata de rire avant de se pencher pour déposer un baiser chaste sur ses lèvres entrouvertes. Puis il se releva, et éteignit la lumière d’un coup de baguette pour ménager sa victime, se dirigeant vers le lit en suivant les rainures luminescentes entre les lattes du parquet. Albus s’empressa de poser la robe de sorcier et le reste de ses vêtements sur la chaise, ne gardant que son caleçon avant de le rejoindre dans le lit. Scorpius l’embrassa à nouveau, et, étrangement, ce baiser fut plus doux, presque… tendre. Albus passa sa main le long du bras du garçon et glissa ses doigts entre les siens, avant de se coller contre lui, ravi. Mais, lorsqu’il recula, son ami ne recommença pas son manège habituel de torture, et se contenta de le garder contre lui, enfouissant son nez dans son cou pour s’endormir paisiblement quelques minutes plus tard, laissant Albus jouer paresseusement avec ses cheveux, un immense sourire aux lèvres.