
Tournant
- Allez, fais pas la tête Albus, on est ensemble, sourit Scorpius.
- Mais on a quasiment tous été séparés ! Protesta le garçon brun. Jo est à Gryffondor, Rose est partie à Serdaigle et Claire a fini à Poufsouffle sans qu'on sache vraiment pourquoi... On est les seuls à être ensemble !
- Et pourtant tu te plains toujours ! Ricana Scorpius. J'ai l'air de quoi moi ?
- Pardon. Tu veux un bout de gâteau au chocolat ? Pour me faire pardonner.
- Tu cherches déjà à m'acheter, bravo, tu iras loin sur la voie du Serpentard, rit Scorpius en prenant la part de gâteau qu'il lui tendait.
Albus avait passé le festin à bouder, marmonnant à propos de ses parents Gryffondor, tandis que son camarade remplissait leurs deux assiettes et qu'Albus mangeait sans vraiment y penser. Il avait fini par émerger de son état asocial au moment du dessert, regardant autour de lui en clignant des yeux.
- T'es de retour parmi nous ?
- Ouais, ça va, j'ai compris, je m'y suis fait...
- Bon. Maintenant je peux te demander comment ça se fait que le Directeur Adjoint qui a appelé tout le monde pour la Répartition vous connaissait, Rose et toi ? En plus du géant de tout à l'heure...
- Oh. Demi-géant, corrigea Albus. Et le professeur Londubat était dans la même année que mon père et les parents de Rose, même dortoir, tout ça... Donc je l'ai déjà vu plusieurs fois. D'ailleurs, ton père était dans la même année qu'eux, non ?
- Ouais.
Albus remarqua la mine renfrognée de Scorpius, et lui mit directement un chou à la crème dans la bouche pour le distraire.
- Hé, cha va pas ?! S'offusqua celui-ci, surpris.
- Fallait bien que je fasse quelque chose, t'avais l'air complètement déprimé. Oh non, c'est fini !
- Allons, les premières années, dépêchez-vous, ordonna une fille plus âgée d'un ton sec, levant le nez pour les regarder de haut malgré sa petite taille. Suivez-moi, je dois vous guider jusqu'à la salle commune et vous donner le mot de passe.
Ils l'observèrent un instant, puis Albus finit par se lever du banc, suivi par Scorpius et d'autres élèves de première année à la table des Serpentard. Ils étaient une petite dizaine, et, il pouvait le voir en observant les autres groupes de premières années, les moins nombreux de leur année. Ils s'enfoncèrent dans les couloirs, descendant rapidement des escaliers pour s'enfoncer dans les sous-sols du château, et Albus se demanda s'ils auraient des dortoirs humides, avant de percuter Scorpius.
- Ouch ! Grogna Albus. Qu'est-ce que tu fais ?
- Bah j'attends, comme tout le monde, ricana son camarade en se tournant vers Albus. Fais voir, tu t'es pas cassé le nez ?
- T'as pas le crâne assez dur pour ça, rétorqua Albus tout en le laissant toutefois approcher. Tu t'y connais en nez cassé ?
- J'ai vu mon père rentrer plusieurs fois dans cet état à la maison, je sais à peu près comment remettre un nez cassé en place, marmonna Scorpius en posant délicatement ses doigts sur le nez du brun. Ça a l'air d'aller, fais attention où tu vas. T'as raté le mot de passe, c'est "toujours pur", allez viens on va se faire enfermer dehors sinon.
Albus le suivit dans une pièce large, meublée avec des fauteuils et sofas confortables aux couleurs de la maison, les murs de pierre couverts de tentures, avec une immense cheminée où ronflait un feu également vert.
- C'est moi où j'ai perdu la vision des couleurs ? Demanda Albus, faisant ricaner son camarade.
- Allons, dernière information, ensuite je vous ficherai la paix pour ce soir. Les dortoirs des garçons sont à droite de la cheminée, les filles à gauche. N'essayez pas d'aller dans d'autres dortoirs que le vôtre, la porte ne s'ouvrira pas si vous n'en faites pas partie. Les sanitaires font partie de vos dortoirs, vous devrez vous débrouiller pour partager entre vous. Demain, rendez-vous à sept heures maximum dans la Grande Salle, le professeur Slughorn vous distribuera votre emploi du temps et vous indiquera dans quelle partie du château se trouve votre premier cours, pour le reste, débrouillez-vous. Bonne nuit !
Elle se détourna et disparut à gauche de la cheminée en un battement de paupières, et les premières années restèrent immobiles quelques instants avant de finalement commencer à se déplacer, visitant la salle commune, s'installant sur les canapés et les poufs, autour des tables, ou disparaissant dans les pierres sombres autour de la cheminée vers les dortoirs. Albus, curieux, s'approcha du mur, et posa une main sur les pierres... Avant qu'elle ne s'y enfonce. Il s'avança dans le mur malgré lui, et se retrouva directement dans une pièce rectangulaire où étaient répartis plusieurs lits et malles.
- Tiens, on est à côté, c'est pas mal, remarqua Scorpius en arrivant derrière lui.
- Comment tu le sais ?
- J'ai reconnu ma malle, et y'a tes initiales sur la tienne.
- Oh. Effectivement. Il y a une boîte sur la tienne, qu'est-ce que c'est ?
- Aucune idée... Mes parents m'ont peut-être envoyé quelque chose que j'avais oublié ? On l'ouvre ? Proposa Scorpius.
- Si t'as pas peur que ce soit une blague.
- On dirait que ça t'es déjà arrivé, remarqua le blond en s'asseyant sur son lit, suivi par son ami.
- Je ne peux rien te cacher apparemment. Mon frère James adore ce genre de blagues. Et je suis sa victime préférée. Alors, qu'est-ce que c'est ?
- Oh !
Ablus se pencha sur la boîte que Scorpius venait d'ouvrir, et une petite tête noire se leva, curieuse, pour les observer. Ses oreilles rondes étaient tournées dans leur direction, et lorsque Scorpius approcha son doigt pour le caresser, le rat posa ses deux pattes avant sur son index avant de le renifler sous toutes les coutures.
- Il est mignon, tu savais que tes parents voulaient t'offrir un animal ? Demanda Albus en passant doucement son doigt sur la fourrure soyeuse. Il est tout petit, ça doit être un bébé.
- J'en avais aucune idée... Mais qu'est-ce que je vais en faire ?
- On est à Poudlard, les rats font partie des animaux autorisés dans le château... Sous réserve qu'il ne tombe pas sur le chat d'un autre élève.
Scorpius jeta un regard soupçonneux au reste du dortoir, mais les autres élèves présents n'avaient pas de panier, deux d'entre eux avaient une cage, mais leurs occupants devaient probablement être à la volière à l'heure qu'il était.
- Ça devrait aller ici, décida Scorpius. Il lui faut un nom, tu as une idée ?
- Pourquoi moi ? C'est ton animal, répondit Albus, gêné.
- Parce que j'ai envie que ce soit toi qui décides. Alors ?
- On ne sais même pas si c'est un mâle ou une femelle...
- Si c'était un mâle, ça se verrait. Au pire, on changera. Alors ?
- Bon, si tu insistes... Mais je te préviens, je ne suis vraiment pas doué pour trouver des noms.
- Je te fais confiance, sourit Scorpius.
- Très mauvaise idée !
Les deux garçons éclatèrent de rire en même temps, puis Scorpius finit par laisser le rat se promener sur son bras, ses épaules, renifler partout pour s'habituer à son odeur.
- Dot.
- Dot ? Répéta le blond en prenant un air songeur.
- Il y a un tout petit point blanc sur son ventre, au milieu des poils noirs.
- Ok. Ça me va, Dot.
- He, les gars, on peut éteindre ? Demanda un certain Malcolm, si Albus ne se trompait pas.
- Ah, je dois aller me doucher !
- Moi aussi, éteignez, on essaiera de ne pas faire trop de bruit, répondit Scorpius.
- Ça marche, je vous enverrai des objets au hasard si vous me réveillez, ricana un garçon au teint sombre.
- Il s'appelle Jack Lee, chuchota Scorpius en voyant son ami réfléchir. Tu te souviens même pas du nom de nos copains de dortoir ?
- J'ai une mauvaise mémoire des noms, protesta Albus à voix basse tandis qu'ils passaient une porte donnant sur une salle de bain carrelée de vert.
- Très bien, je t'aiderai à te rappeler d'eux, mais ce sera peut-être plus facile après quelques heures de cours, les professeurs vont bien tous nous appeler, je suppose.
- Probablement, concéda Albus avant de pousser la porte d'une cabine de douche.
Lorsqu'ils sortirent de la salle de bains de longues minutes plus tard, le dortoir était plongé dans le noir complet, et Scorpius s'immobilisa devant Albus.
- Bah alors ? Souffla celui-ci.
- Je peux pas avancer, murmura le garçon blond.
- Ce qu'il faut pas faire, je te jure, rétorqua Albus presque silencieusement en attrapant la main tremblante de son camarade à tâtons.
Il le guida lentement dans l'obscurité totale, et Scorpius se laissa faire sans rechigner, ses doigts crispés sur les siens. S'il avait été James, Albus aurait ricané. Mais il avait une fierté, et il était hors de question de ridiculiser son nouvel ami, c'était contre ses principes. Il s'arrêta au niveau du lit du blond, et celui-ci finit par le lâcher, soufflant un "merci" avant de se glisser complètement sous les draps. Albus soupira, puis l'imita, fatigué de sa première journée.
***
- Histoire de la magie ? Vraiment ?
- Oui, vraiment Monsieur Potter, répondit leur directeur de maison d'un air ravi. Je ne vous verrai qu'en fin de journée, en espérant qu'il vous restera un peu d'énergie. Vous m'avez l'air fatigué, de bon matin. Tout comme Monsieur Malefoy.
- Mauvais rêve, maugréa les deux garçons en même temps.
- Et bien, espérons qu'il ne soit pas prémonitoire, dans ce cas. Le cours d'histoire de la magie se trouve dans le couloir du troisième étage, bonne chance, jeunes gens.
- Bonne chance ? Marmonna Malcolm de l'autre côté de Scorpius. Super, on va se perdre...
- Mauvais rêve ? Demanda Scorpius, curieux, tandis que des hiboux entraient dans la grande salle par dizaines.
- J'ai rêvé qu'on trouvait un retourneur de temps, et qu'on remontait jusqu'à l'époque où nos parents étaient encore à l'école. Et on a fait des trucs qui ont tout changé dans le futur, c'était horrible...
- Je crois qu'on a fait le même, c'est bizarre. Enfin, j'ai même cru voir la mère de Rose dans Poudlard, t'imagines ?
- Ouais, horrible. On n'a pas besoin de voir la jeunesse de nos parents, beurk. En plus ils ont détruit tout le stock de retourneurs de temps en cinquième année, donc on a aucune chance que ça nous arrive, c'est déjà ça.
Scorpius fit une grimace équivoque, puis s'immobilisa tandis qu'un hibou déposait une lettre devant Albus.
- Déjà ? T'as oublié quelque chose ?
- Non, je ne crois pas, réfléchit Albus. On va bien voir... Ah, c'est mon père. Blablabla, félicitations, blablabla ton frère nous a dit... Ouais, super. Ils sont contents mais voulaient que je leur envoie un hibou moi-même quoi. Quel cafteur, James, vraiment... Bon, on y va ? Il faut trouver le cours d'histoire de la magie...
Scorpius engloutit un énième pancake et se leva à sa suite, sifflant pour que Dot remonte sur son bras. La petite ratte l'avait suivi lorsqu'ils étaient descendus prendre leur petit-déjeuner, et avait largement profité du buffet. Bavardant au sujet de la nourriture qu'ils pouvaient ou non donner au rongeur, les deux Serpentards suivirent leurs camarades dans le grand escalier avant de bifurquer vers un autre, différent, qui permettait d'accéder à l'étage qui les intéressait. Étrangement, ils parvinrent plus vite que prévu au bon endroit, et entrèrent dans la salle de classe sans arrêter de parler, ignorant totalement la présence spectrale assise sur le bureau. Jusqu'à ce qu'ils reçoivent une pluie de craies.
- Bah alors les petits nouveaux, on dit pas bonjour ? Caqueta le fantôme étrangement vêtu. Tant pis, Peeves vous apprendra la politesse à grands coups de craies !
Il joignit le geste à la parole, et rapidement les élèves durent s'abriter sous leurs sacs, accroupis au sol. L'esprit frappeur éclata d'un rire mauvais, puis disparut à travers le tableau noir. Prudents, les élèves attendirent quelques minutes, ratant de peu l'arrivée d'un autre ectoplasme.
- Allons, installez-vous, et ouvrez vos manuels page quatre. Rangez vos baguettes et sortez vos plumes et un rouleau de parchemin, ordonna le fantôme d'une voix monocorde.
Les élèves l'observèrent un instant, abasourdis, puis se mirent tous à chuchoter en même temps.
- C'est...
- Le prof...?
- Génial !
- Mais comment...
Le fantôme se retourna, et ils s'installèrent en une seconde, craignant soudain qu'il ne se mette à leur lancer des craies à son tour. Albus sentit Scorpius secoué d'un rire silencieux près de lui tandis qu'il sortait son matériel, et finit par le fixer sans comprendre. Puis il vit la partie du sommaire que lui montrait son camarade, au bas de la page. L'invention des retourneurs de temps. Albus pouffa à son tour, et ils se préparèrent à prendre des notes, aussi peu attentifs que possible pour leur premier cours dans l'école de magie.
Les premiers jours devinrent rapidement des semaines, puis des mois, sans qu'Albus n'ait l'impression d'avoir le temps de s'arrêter pour réfléchir à ce qu'il vivait. Leur groupe d'amis se retrouvaient tous lors des repas du weekend, durant lesquels ils avaient le droit de manger sur n'importe quelle table, et leurs liens s'étaient solidifiés avec le temps et les cours qu'ils avaient en commun. Puis, une affiche fut placardée sur le tableau de la salle commune des Serpentard, et Albus retrouva soudain pied avec la réalité.
- On doit partir ? Couina-t-il, terrifié.
- Pour les vacances de Noël, confirma Scorpius en lisant par-dessus son épaule. Je me demande ce que vont faire les autres. Tu rentres toi ?
- Aucune idée, j'avais complètement oublié... et les autres ? Jo, Claire et... toi ? On ne va plus se voir pendant deux semaines !
- Tu y survivras, je t'écrirai, rit Scorpius en ébouriffant les cheveux bruns de son ami. Il faut qu'on demande aux autres ce qu'ils font, allez, viens, on va prendre le petit-déjeuner.
Albus suivit son ami dans les couloirs, plongé dans une intense réflexion. Passer deux semaines chez lui, sans voir ses amis en plus de subir les potentielles moqueries de son frère, lui semblait insurmontable. Peut-être moins si Rose rentrait aussi. Voilà, il rentrerait si Rose rentrait. Et Scorpius ? Il ne lui avait pas répondu, Albus supposait qu'il rentrerait car ses parents étaient très protecteurs, mais si jamais ce n'était pas le cas, il ne voulait pas le laisser seul à Poudlard. C'était si compliqué...
Jo restait à Poudlard pendant les vacances, c'était également le cas de Claire, et Albus s'était senti coupable lorsqu'il avait soupiré de soulagement en apprenant que Rose et Scorpius rentraient chez eux pour les vacances. Le temps qui les séparaient de celles-ci sembla prendre un malin plaisir à filer à toute vitesse, il eut l'impression de n'avoir rien vu venir lorsqu'il suivit sa cousine et son camarade de dortoir dans le couloir du Poudlard Express les ramenant à Londres pour les vacances. Il passa le trajet à ruminer, s'obstinant à s'asseoir collé contre Scorpius sur la banquette, faisant lever les yeux de sa cousine, et leur ami blond fit la conversation quasiment tout seul, laissant sa ratte se promener un peu partout dans le compartiment. James passa devant leur porte avec ses amis en début d'après-midi, alors qu'Albus caressait le rongeur d'un air absent, et il le vit s'éloigner en ricanant. Albus fronça les sourcils, se demandant ce que son frère allait encore trouver pour le tourmenter pendant ces deux semaines. Il finit par se forcer à laisser de l'espace à Scorpius au moment où le train ralentit, retira sa robe de sorcier, et soupira, malheureux comme les pierres.
- T'en fais pas Albus, tu vas pas les voir passer ces deux semaines, sourit son ami en refermant le petit panier de transport de Dot.
- Tu m'écris hein ? N'oublie pas, le menaça presque le garçon brun.
- Bon, ça suffit Albus, c'est pas comme si on n'allait jamais le revoir, t'as déjà menacé Jo et Claire quand on est partis ce matin, tu vas survivre ! Pesta Rose en refermant son livre au dernier moment.
Le garçon grommela mais opina du chef, et traîna sa valise hors du compartiment sans un regard pour son camarade de dortoir qu'il entendit rire.
- C'est pas grave Rose, ça ne me dérange pas, au moins je sais que quelqu'un apprécie ma présence !
- On l'apprécie tous les quatre tu sais, c'est juste qu'Albus est un peu... pot de colle.
Scorpius éclata de rire, et les trois amis descendirent sur le quai, cherchant leurs parents des yeux dans la fumée dégagée par la locomotive écarlate. Puis une tête rousse se dégagea de la masse informe de parents, et le père de Rose leur fit de grands signes.
- Salut ma chérie, Albus, c'est moi qui vous ramène aujourd'hui ! Oh, bonjour... hum... Scorpius, c'est ça ? Hésita l'oncle d'Albus, visiblement mal à l'aise.
- Oui, bonjour Monsieur Granger-Weasley, répondit Scorpius avec toute la politesse et la gêne du monde.
- Tu as besoin qu'on te dépose quelque part ? Al, tu as vu ton frère et Victoire ? je ramène tout le monde...
- Oh, non, merci c'est gentil, normalement... ah oui, je vois ma mère là-bas. Ravi de vous avoir rencontré Monsieur ! Salut Albus, Rose !
Scorpius s'empressa de rejoindre sa mère qui se trouvait effectivement plus loin, et celle-ci sourit au groupe qu'il venait de quitter en leur faisant un signe de la main avant de repartir avec son fils en bavardant gaiement. Albus cligna des yeux, perplexe, puis emboîta le pas au petit groupe formé autour d'oncle Ronald, traînant des pieds en poussant son chariot. Les vacances promettaient d'être longues.