
deux jours
Chapitre 17: deux jours
Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle ne voit que de l'eau.
La mer s'étend devant elle : un gris scintillant sans fin. Au loin, le bord de l'eau rejoint le ciel ouvert. Elle regarde à droite et voit la côte escarpée qui s'étire comme des doigts. À gauche, c'est la même chose. Le sommet des falaises est recouvert d'une herbe légèrement ondulante.
« Harry ?
–Ici. »
Derrière elle. Elle se retourne et tend la main.
Il apparaît soudain, la cape d'invisibilité tombée, et est si proche qu'elle est prise au dépourvu.
« Whoa, dit-il en la saisissant par le coude. »
Il n'aurait pas dû être possible de transplaner dans un endroit où elle n'était jamais allée et qui n'avait pas de points de repère évidents. Mais il le lui avait décrit et elle l'avait fait, par la seule force de sa volonté.
« Ça a marché, s’exclame-t-elle en levant les yeux vers lui. Je n'arrive pas à croire que ça ait marché. »
Il a l'air fatigué et pâle, mais ses yeux sont les mêmes - ces yeux d'un vert incroyable. D'une certaine manière, il est plus beau pour elle qu'il ne l'a jamais été.
Cela lui revient si fort qu'elle a l'impression d'avoir le souffle coupé. Comme elle a désespérément voulu le voir ces derniers mois, et comme elle a essayé de se le refuser à elle-même.
« Tu vas bien ?, demande-t-elle. »
Il fronce les sourcils.
« Oui, on va tous bien. Dobby est déjà retourné chez Abelforth, Dean et Gripsec vont bien - ils ne sont restés que quelques heures dans la cave et ont été capturés par les Raffleurs plus tôt dans la journée. C'est Luna et Ollivander qui avaient besoin d'aide. Ils sont juste... très faibles.
–J'ai pensé, quand Bellatrix a dit, j'ai pensé que c'était peut-être... »
Il secoue la tête.
« Non. Ils iront bien.
–Et tu n'as vu aucun des Malefoy ?
–Non. Hermione avait vraiment peur que le bruit du transplanage de Dobby soit trop fort, mais je suppose qu'ils étaient dans une autre partie de la maison, parce que personne n'est venu vérifier. Ça s'est mieux passé que ce qu’on avait prévu, honnêtement. On pensait aussi qu'ils seraient attachés par magie, mais ils étaient simplement attachés avec des cordes ordinaires. Luna avait même un clou pour les couper, ils n'ont même pas eu besoin de nous pour ça. Tu y crois, des cordes ordinaires ? »
La dernière phrase est prononcée avec beaucoup d'incrédulité.
« J’arrive à y croire. Les Malefoy sont arrogants, et l'arrogance rend stupide.
–Oui, et je pense qu'ils n'ont pas non plus pensé à la magie des elfes. »
Le manoir des Malefoy, cet endroit magnifique et terrible.
Ses yeux se posent sur elle et elle a de nouveau cette sensation, cette même sensation qu'elle avait ressenti à la Tour d'Astronomie. Parfois, il est étrangement perspicace, ou peut-être est-ce simplement parce qu'il la connaît trop bien.
« Tu vas bien ? demande-t-il avec force.
–Je vais… je vais… »
Une pensée lui vient à l’esprit : elle ne veut pas dire cela. Pas encore.
Elle se hisse sur la pointe des pieds et passe ses bras autour de son cou.
« Je vais bien, affirme-t-elle avant de l'embrasser.
–D'accord, dit-il, l'air à moitié satisfait. »
Une question lui vient à l'esprit alors qu'elle remarque les falaises derrière lui.
« Où est-ce qu’on est, au juste ?
–On est hors du sortilège de fidelitas. Je ne pense pas que tu puisses voir la chaumière. »
Il fait un geste vers une colline vallonnée sur leur gauche.
« C'est de l'autre côté de la colline. »
Elle fixe la colline. L'herbe bouge innocemment dans la brise.
« Ils ont été ici toute l’année ?
–Je ne sais pas. Ron est resté avec eux après son départ avant Noël, il était trop effrayé à l'idée de retourner chez ses parents. »
Cela la fait sourire. Elle n'a jamais rencontré M. et Mme Weasley, mais elle se souvient de plusieurs petits déjeuners mémorables ayant eu lieu au fil des ans - le visage de Ron devenant rouge lorsqu'une beuglante de sa mère lui criait dessus, tous les Serpentards ricanant gaiement de l'autre côté de la salle.
Harry est en train de dire quelque chose.
« ...c'est une coïncidence assez folle que Bellatrix t’ait parlé des prisonniers. Je n'arrive pas à croire qu'elle ait dit ça. »
Elle le regarde.
« Eh bien, commence-t-elle très lentement. Elle n'a aucune raison de me soupçonner de quoi que ce soit. Je veux dire, elle sait que les Carrows m'aiment bien.
–C'est vrai. »
Il fronce les sourcils. Elle ne sait pas s'il avait oublié cette partie ou s'il ne veut tout simplement pas y penser.
Elle sent comme une tension à l'intérieur d'elle. La personne qu'elle est avec lui, au sommet de cette falaise, peut-elle coexister avec la personne qu'elle est au manoir des Malefoy, souriant à Bellatrix Lestrange ?
Du temps, du temps, du temps.
« Je viens de me rappeler que j'ai quelque chose pour toi. »
Elle fouille dans les poches de son manteau.
« Tiens... »
Elle sort soigneusement le mouchoir plié et le lui tend.
Il le brandit d’une manière un peu trop désinvolte.
« Qu'est-ce que c'est ?
–Attention ! Ce sont les cheveux de Bellatrix Lestrange.
–Ses cheveux ? »
Il regarde le mouchoir, puis Pansy. Une expression amusée se dessine sur son visage.
« C'est ce que tu m'as offert ? Wow, comme c'est romantique ! »
Elle roule des yeux.
« Tu devrais être reconnaissant. Tu n'as pas dit qu'il te restait du polynectar ?
–Si. »
Une expression pensive se dessine sur son visage.
« La chambre forte.
–Oui, le coffre-fort. Elle a dit 'ses objets les plus précieux'. C'est une citation exacte. Elle était très contrariée que Rookwood ait essayé de la remettre en question.
–Tu crois que c'est la coupe de Poufsouffle ? »
Elle secoue la tête.
« Je ne sais pas. Il n'y avait rien de plus précis.
–Tu as vraiment de la chance. Je n'arrive pas à croire que tu aies entendu ça aussi. »
Au lieu de la faire se sentir bien, la façon dont il la regarde lui serre l'estomac. Il ne comprend pas encore ce qui va se passer.
Une profonde inspiration.
« Harry, tente-t-elle. Je dois te dire quelque chose. »
Il perçoit le changement dans sa voix.
« Quoi ?
–Je vais devenir une Mangemort. »
Pendant un instant, il ne comprend pas, puis l'horreur s'empare de son expression.
« Quoi-non !
–…Harry…
–Tu ne peux pas… tu ne peux pas devenir une mangemort. »
L'entêtement l’envahît.
« Tu ne me contrôles pas. Ne me dis pas ce que je ne peux pas faire.
–Ce n’est pas ce que j’ai dit…
–C’est exactement ce que tu…
–Tu ne devrais pas devenir une Mangemort !
–On en a déjà parlé. Tu savais que c'était une possibilité.
–Je ne pensais pas que tu étais sérieuse ! éclate-t-il, l'air à la fois confus et en colère. »
Il se passe une main dans les cheveux, qui ont l'air encore plus ébouriffés qu'avant.
« Tu n'étais pas sérieuse. Tu as reconnu que Rogue avait raison, que ça n'avait pas de sens. »
Elle n'était pas vraiment sérieuse, mais elle n'avait pas non plus complètement écarté l'idée. Depuis quelques temps avant Noël, la question était restée en suspens dans son esprit.
« Je n’ai pas dit que j’étais d’accord !
–Je ne comprends pas. Qu'est-ce qui a changé ?«
Il la regarde attentivement, semblant ignorer ses paroles.
« Pourquoi est-ce que tu dis ça maintenant, si soudainement ?
–Ce n’est pas si soudain.
–Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il avec insistance. »
Elle jette un coup d'œil vers la mer. Une impression de déjà-vu l'envahit : une autre journée au bord de l'eau, une autre décision à prendre. Mais maintenant, c’est elle qui possède la résignation et la détermination.
« Mon père. Il m'a dit aujourd'hui que si les Mangemorts continuaient à faire pression, je devais accepter, pour le bien de notre famille.
–Est-ce qu’il s’en prendrait à eux ? »
Elle fronce les sourcils.
« Non, je pense qu'il serait simplement très en colère. Mais mon père ne veut même pas de cela.
–C’est tout ? »
Il a soudain l'air très soulagé. Elle a presque l’impression de se prendre un coup de fouet.
« Comment ça, c'est tout ?
–Si c'est ça, tu n'as qu'à te cacher. Tu peux rester ici, à la chaumière aux coquillages. »
Il a l'air très sûr de lui maintenant.
Elle lui lance un regard noir.
« Non, ce n'est pas ça. Tu as mal compris. Je voulais juste dire que mon père était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, pas la raison entière.
–Alors qu’est-ce que c’est ? »
Tout et rien, à la fois. C'est Tracey avec son faible sourire, disant : Je vous reverrai tous... un jour. C'est Mme Bulstrode qui dit, d'un ton dégoûté : mais on ne peut pas les laisser se reproduire. . C'est Théo, l'élégance insouciante au visage, disant : si j'étais lui, je ferais en sorte que toutes les personnes les plus puissantes me soient liées...
« La fête.
–Qu’est-ce que tu veux dire ?
–Tu aurais dû les voir. C'était... beau et horrible. Le genre de choses que les gens disaient. Il y avait un couple qui disait qu'il fallait stériliser les Cracmols pour qu'ils ne puissent pas avoir d'enfants. Ils disaient qu'ils seraient capables de les identifier plus tôt. Les choses qu'ils pourraient faire, une fois qu'ils auront ça. Je ne peux pas - je ne peux pas laisser cela se produire. Je ne peux pas. »
Il la regarde avec une expression très étrange.
« Quoi ?
–Rien, marmonne-t-il.
–Quoi ?
–Les gens disent que j'ai un truc avec le fait de vouloir sauver les gens. »
Elle le regarde, choquée. De toutes les choses qu'elle pensait qu'il allait dire, ce n'est pas ce à quoi elle s’attendait.
« Tu es sérieux, ce n'est pas de ça qu'il s'agit !
–Donc tu ne te précipites pas pour essayer d'aider les gens...
–Je prends une décision prudente et stratégique pour faire ce qui est le mieux pour nos efforts...
–C'est exactement la même chose que ce que j'ai dit, juste avec un tas de beaux mots insérés dedans ! l’interrompt-il. »
Son expression s'adoucit et il prend ses mains dans les siennes.
« Je comprends. Je comprends vraiment. Mais ça n'a pas de sens. Ça n'en vaut pas la peine. »
Elle retire ses mains des siennes.
« Tu ne comprends pas, Harry. Tu n'es pas là. Tu n'as pas vu ce qui se passe. Son pouvoir ne fera que s'accentuer. Bientôt, il ne suffira plus de le tuer. Quelqu'un d'autre prendra sa place.
–Mais pourquoi tu dois devenir mangemort pour ça ?
–Parce qu’on a besoin de plus d'informations ! On doit accélérer les choses.
–Rogue est déjà un espion, s’acharne-t-il.
–Oh, maintenant tu fais confiance au professeur Rogue ? «
Il sert la mâchoire.
« Oui.
–Tu n'as même pas voulu parler des Horcruxes à Lupin ! Tu es en train de dire que tu es prêt à en parler à Rogue maintenant ? »
Elle s'en souvient très bien : lui, plein de colère moralisatrice, lui écrivant que Lupin voulait quitter sa femme enceinte et participer à la chasse aux Horcruxes. Elle, roulant des yeux de l'autre côté du parchemin, pensant qu'il se sabotait pratiquement lui-même.
Elle voit bien qu'il serre les dents. Il détourne le regard.
« Oui. On peut parler à Rogue des Horcruxes. »
Elle ricane.
« Tu ne dis que de la merde. »
Il se retourne, les yeux étincelants.
« Tu veux dire que je mens ? Je le pense vraiment.
–Non, je dis que tu changes clairement d'avis après sept très longs mois. »
Il la regarde un long moment.
« Très bien. Je change d'avis. Mais si tu obtiens ce que tu veux, quelle importance ? Ça va accélérer les choses, comme tu le souhaites. »
Il se passe une main dans les cheveux.
« Et d'autres choses encore. Je dirai à l'Ordre ce que nous essayons de faire. Je demanderai à Bill et Fleur de m'aider.
Toutes les choses qu'elle avait défendues.
Juste comme ça.
Elle comprend d'un seul coup : c'est le pouvoir. Quand on parle de pouvoir, on pense généralement au pouvoir politique, au contrôle des armées, des gouvernements et des populations. Mais ici, il s'agit du niveau le plus basique, le plus fondamental : le pouvoir sur une autre personne.
Elle repousse cette pensée.
« Ce n'est pas suffisant. Rogue est un Mangemort depuis des années et il n'a manifestement rien appris sur eux. Mais si Bellatrix m'apprécie, elle m'en dira peut-être plus. Elle est proche du Seigneur des Ténèbres, peut-être plus proche que Rogue. »
On dirait qu'il essaie de résoudre un problème d'arithmancie complexe.
« Mais tu peux au moins attendre un peu.
–Non, la décision doit être prise maintenant. Même si je ne vais pas commencer tout de suite, je dois me préparer.
–Mais quand est-ce que tu commencerais ?
–Je vais leur demander de m'initier en juin. »
Suffisamment de temps pour qu'elle puisse se préparer, mais pas trop pour qu'Alecto ou Amycus refusent.
« En juin. »
Elle peut pratiquement voir les rouages de son cerveau tourner.
« C'est dans trois mois. Et si on trouve les Horcruxes entre aujourd'hui et juin ? Pourquoi est-ce que tu dois te décider maintenant ? Pourquoi est-ce que tu ne peux pas attendre ?
–Et faire quoi, exactement ? Rester assise à Poudlard ? Je ne suis pas une fille dans une tour, Harry, je ne vais pas me contenter d'attendre, putain. »
Elle peut imaginer la scène. Elle, attendant qu'Alecto, Amycus ou même Bellatrix poussent plus fort. Qu'ils décident qu'ils en ont assez. Elle, retenant son souffle à chaque cours, se demandant à chaque fois si ce sera le moment. Elle déteste cette idée.
« Il n’y a rien de mal à ça. »
Elle roule des yeux.
« Là, tu mens vraiment. »
Il se renfrogne.
« Ce n'est pas juste.
–Admets-le. Tu ne voudrais pas non plus attendre, si tu étais à ma place. »
Il ouvre la bouche, hésite, puis la referme.
« C'est bien ce que je pensais, dit-elle, un peu vicieusement.
–Mais, mais... »
Il lève la main.
« Je me cacherais. Je viendrais à la chaumière aux coquillages. Tu peux nous aider à entrer dans Gringotts. »
Elle secoue la tête.
« Ça n'a aucun sens, s’impatiente-t-elle. Tu as déjà Ron et Hermione. Merlin, tu peux avoir tout le putain d'Ordre, une fois que tu auras arrêté de t'entêter. Je ne suis pas utile ici. Je suis plus utile là-bas, à obtenir des informations.
–Je m’en fous que tu sois utile. »
Le regard qu'il lui lance est si sérieux qu'elle doit détourner les yeux.
Il dirait ça de n'importe qui, se dit-elle. Il n'a pas l'âme d'un stratège, pas quand il s'agit de la vie des autres.
« ...il ne reste que deux Horcruxes, implaure-t-il à présent. Ça n'en vaut pas la peine, pas quand on est si près de la fin. »
Elle regarde les bords déchiquetés des falaises qui s'étendent au loin.
« Un Horcruxe qui se trouve ou non à Gringotts et un autre dont tu n'as aucune idée. Et qu’est-ce qui se passera si tu t’en débarrasses ? Il reste le sorcier le plus puissant que l'on connaisse, entouré de Mangemorts loyaux. Et il y a toujours la Baguette de Sureau. »
Il y a trop de variables en suspens. Le diadème et le médaillon ont été obtenus par pure chance. Elle ne peut imaginer que cela se reproduise.
« La baguette de sureau. »
Il y a quelque chose d'étrange dans sa voix, et elle lève à nouveau les yeux. Son expression correspond à sa voix : tendue.
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
Il lève les mains en signe d'apaisement.
« Ne... ne sois pas... »
Elle se sent soudain alarmée.
« Ne pas quoi ? »
Il laisse tomber ses mains.
« Il a la Baguette de Sureau.
—Coment ça… il a la baguette de sureau ?
–Je l'ai vu à travers la connexion - il est allé là où elle est cachée. C'est - c'était - à Poudlard. »
Elle le regarde fixement.
« Quand est-ce que tu l’as découvert ? »
Il ferme brièvement les yeux, comme s'il s'armait de courage.
« Aujourd'hui. Peu de temps avant que tu ne viennes ici. Je savais qu'il arriverait le premier.
–Quoi ?!
—Je n'aurais pas pu le battre, quoi que j'aurais fait, déclare-t-il d'un ton sombre. »
L'horreur l'envahit.
« Qu'est-ce que tu dis, tu aurais dû partir, tu aurais dû... »
Son expression est peinée. Il tend la main vers elle.
« Pansy... »
Elle recule en secouant la tête.
« Non ! Comment est-ce que tu as pu ! Est-ce que tu allais me le dire, au moins ?
–Oui, bien sûr que j'allais te le dire - tu m'as juste distrait en parlant de devenir une Mangemort. »
Il fait une pause.
« C'est à l'intérieur des murs de Poudlard. Sur la tombe de Dumbledore. On ne peut pas s’y rendre en Transplanage. Ça aurait pris trop de temps.
–Tu n'en sais rien. »
Elle est tellement horrifiée qu'elle en a presque la nausée. Elle a presque l'impression qu'il lui dit qu'il l'a préférée à la Baguette de Sureau. Elle sait que ce n'est pas vrai, mais c'est ce qu'elle ressent.
« Je le sais. »
Elle ferme les yeux.
« Elle était là tout le temps. Toute cette année. J'aurais pu l'obtenir, j'aurais pu l'éloigner de lui. »
Une image lui traverse l'esprit : la Baguette de Sureau dans ses mains. Auparavant, cela semblait être une de ses fantaisies. Mais maintenant, elle est devenue réelle - la baguette la plus puissante du monde.
–On ne le savait pas. Il ne le savait même pas, jusqu'à maintenant. »
Elle ouvre les yeux. La détermination se lit sur son visage.
« Nous devrons juste le vaincre sans cela.
–Vaincre le Seigneur des Ténèbres alors qu'il possède la Baguette de Sureau... alors qu'il a encore des Horcruxes... »
Une étincelle de reconnaissance jaillit en elle.
« Ça appuiemon point de vue. On a encore plus besoin de quelqu'un à l'intérieur. Il n'a pas que des Horcruxes, il a aussi une baguette imbattable.
–Pansy…
–Quoi ? »
Son regard est suppliant.
« Pourquoi est-ce que tu ne changes pas d'avis ? »
Elle lui renvoie un regard furieux.
« Pourquoi est-ce que tu ne changes pas le tien ? Pourquoi es-tu si opposé à ça ?
–Parce que je... parce que... »
Il se coupe. Quelque chose change dans son expression.
« Parce que... pense à ce qu'il va te demander de faire. »
Elle y a pensé. Elle a passé toute l'année dernière à surveiller Drago, après tout.
« J'ai déjà utilisé le sortilège Doloris. Tu le sais.
–Ce sera pire que ça.
—Je le sais, gronde-t-elle sèchement. Ne me traite pas comme une enfant, ne fais pas comme si tu savais mieux que moi.
–Tu pourrais vraiment le faire ? Tu pourrais vraiment faire ce qu'il te demande ? »
Son regard la brûle.
« Tu sais que Rogue a probablement tué des gens, ou au moins les a blessés de façon permanente, pour garder sa couverture. »
Elle serre les dents.
« Nous devons faire ce qu'il faut. Nous devons gagner.
–Donc tu tuerais quelqu’un ? »
Il est vraiment implacable.
La vraie réponse est qu'elle ne sait pas. Elle pense qu'elle croit que la fin justifie les moyens, mais chaque fois qu'elle pense à prononcer les mots "Avada Kedavra", son esprit bafouille et devient vide.
Elle inspire profondément.
« Tu veux gagner ou avoir raison ? Parce que parfois, on a l'impression que tu veux juste avoir raison. Est-ce que ça en vaudra la peine pour toi, à la fin ? Si tous les nés-moldus sont morts ou emprisonnés, et qu'il règne pour toujours, mais que ta foutue supériorité morale est toujours intacte ? »
Il a l’air de s’être prit une gifle.
« Tu es sérieuse, putain, j'ai abandonné toute ma vie pour ça, mes parents...
–Et c'est exactement pour ça que nous avons gagné !
–Certaines choses ne seront jamais justifiables.
–C'est la guerre ! Tout peut être justifiable. »
Il secoue la tête.
« Je ne pense pas que tu puisses vraiment être cette personne. Je ne pense pas que tu puisses vraiment faire ça.
–Peut-être que tu ne me connais pas vraiment, s’emporte-t-elle. »
Ses yeux lui piquent.
« Si, et je sais que tu ne peux pas faire ça.
–Juste, arrête. »
La colère peut se lire dans ses yeux.
« Arrêter quoi ? D'arrêter d'essayer de t'empêcher de faire une erreur ? »
Elle a soudain très chaud.
« Qu'est-ce que tu crois, tu crois que je ne sais pas ? »
Elle tend le bras.
« Tu crois que je ne connais pas les risques ? Bien sûr que je les connais, putain. J'ai surveillé Draco pendant une année entière. »
Elle sent les larmes qui menacent de s'échapper.
Il a l’air de lutter contre quelque chose.
« Je…
« Je comprends parfaitement ce qui pourrait arriver, dit-elle, sa voix se brisant sur la fin. »
Et voilà que les larmes s'échappent et roulent sur ses joues. Elle se détourne, furieuse : contre lui, pour avoir agi ainsi et dit ces choses, et contre elle-même, pour avoir été faible et avoir pleuré.
De quelque part derrière elle, elle entend :
« Pansy…
–Ne... commence-t-elle d’une voix étouffée.
–Quoi ?
–Ne dis pas mon nom comme ça. »
Il est silencieux. La vision brouillée, elle fixe l'eau. Les vagues s'écrasent encore et encore. On ne peut pas vraiment dire quand la vague commence ou se termine - elle se produit d'un seul coup, dans le même mouvement. Elle se termine et recommence.
Elle s'essuie les yeux avec sa main.
« S’il te plaît, tourne toi. »
Elle voit bien qu'il est plus proche. Elle veut refuser, mais son corps la trahit et elle se retourne.
La tristesse dans ses yeux est à la fois meilleure et pire que la colère qui y résidait auparavant.
« Je suis désolé, Pansy.
–Ne dis pas que tu es désolé alors que tu ne l'es pas, répond-elle furieusement. Tu pensais ce que tu as dit. »
Il tend la main, efface les larmes de ses joues.
« Oui, je le pensais vraiment. Je ne pense vraiment pas que tu devrais faire ça.
–Alors pourquoi est-ce que tu es désolé ? demande-t-elle, mais elle le laisse la prendre dans ses bras.
–Je suis désolé que tu sois triste, dit-il contre ses cheveux. »
Elle ferme les yeux, se sentant très faible. Le pire, c'est qu'il a raison à son sujet. Elle ne veut pas être cette personne. Elle aimerait pouvoir dire : peut-être devrions-nous nous enfuir ensemble. Cesser d'être Harry Potter et Pansy Parkinson, devenir juste un garçon et une fille, et disparaître. Laissez les vrais adultes se battre dans cette guerre.
L'idée est terrifiante et merveilleusement séduisante.
Mais le problème, c'est qu'il n'est pas du genre à s'enfuir, et bizarrement, elle non plus.
« Je ne veux pas faire ça, dit-elle doucement. »
C'est un soulagement de l'admettre enfin.
Ses bras se resserrent autour d'elle.
« Alors ne le fais pas, lui murmure-t-il à l'oreille. »
Elle ouvre les yeux.
« On ne peut pas toujours obtenir ce que l'on veut, Harry. »
Il se détache pour regarder son visage et lui prend les épaules.
« On le peut. »
Voici ce qu'il y a de meilleur et de pire en lui : l'obstination et la détermination sans fin. Ce n'est peut-être pas une surprise : après tout, c'est le garçon qui a survécu alors qu'il aurait dû mourir, qui a participé à un tournoi des trois sorciers alors qu'il n'était pas en âge de le faire, et qui a gagné un duel contre des Mangemorts. Qui ne croirait pas à des choses impossibles ?
« Non. »
Elle se dégage de son emprise.
« On ne le peut pas.
–Tu as le choix, réplique-t-il à voix basse. »
Un choix, qu’il dit.
Mais quand un choix est-il vraiment un choix ?
Ça doit être moi, lui avait-t-il affirmé, il y a quelques mois, au bord du Grand Lac.
Cela fait des mois qu'elle s'engage dans cette voie, elle le comprend maintenant. D'abord, elle a trahi Drago, ensuite, elle a tenté de subvertir les Carrow, et après cela, elle a espionné Bellatrix. Il ne lui reste plus qu'à pénétrer au cœur même de leur pouvoir, et à tenter de défier le Seigneur des Ténèbres lui-même. Elle ne l'a jamais vu quand elle l'a fait, mais maintenant c'est tellement évident : chaque étape mène à la suivante.
Quand aurait-elle dû choisir différemment ? Peut-être devrait-elle remonter jusqu'à ce jour d'été où elle avait décidé d'écrire à Drago, il y a plus d'un an et demi. À bien des égards, elle se sent prédéterminée.
C’est à la foi quelque chose qu’elle a choisi et qu’elle n’a pas choisi.
Elle le regarde droit dans les yeux et lui dit :
« Il faut que ce soit moi. Alors je fais mon choix. »
Il n'y a qu'une seule façon de décrire l'émotion qui s'empare de son visage, et c'est une émotion qu'elle déteste. Harry Potter n'est pas censé avoir l'air vaincu.
« D'accord, dit-il d'une voix plate. D'accord. »
Il se détourne, presque en titubant, et regarde vers l'océan, comme s'il allait lui donner des réponses.
« Tu vas... tu vas... tu vas... »
Il ne termine pas sa phrase, il expire d'un seul coup une grande bouffée d'air. C'est comme s'il n'arrivait pas à prononcer les mots.
Incapable de regarder son visage plus longtemps, elle regarde autour d’elle. Le ciel s'assombrit. C'est bientôt l'heure du dîner et ses parents risquent de se demander où elle est. Ils n'insistent pas pour savoir où elle est toujours, et la maison est assez grande, mais elle ne peut pas être soupçonée, surtout pas maintenant.
Se sentant un peu comme si elle retournait le couteau dans la plaie,, elle dit, à contrecœur:
« Je crois que je dois y aller. Il se fait tard. »
Il se ressaisit et se retourne vers elle.
« Tu es sûre ? »
Il regarde la colline.
« Tu pourrais rentrer à l'intérieur... Je ne pense pas qu'ils s'en soucieraient.
–Tu ne le penses pas, assure-t-elle, à moitié à lui et à moitié à elle-même. Tu ne peux pas m'emmener à l'intérieur du sortilège de Fidelitas. C'est trop risqué.
–D'accord. D'accord. »
Il s'arrête, avec l'air de résolution d'un problème d'arithmancie sur le visage.
« Mais tes vacances ne se terminent pas avant lundi, n'est-ce pas ? Tu pourrais revenir demain. Juste ici, pas à l'intérieur du sortilège de Fidelitas. Comme ça. »
Elle hésite.
« Je ne sais pas. »
Comme s'il sentait sa faiblesse, il la tire doucement vers lui. Poignet, bras, taille. Elle ne résiste pas. Il dit :
« On est pas obligés de parler de la guerre ou de quoi que ce soit d'autre. On pourrait juste...
–Harry… »
Il passe ses mains sur ses flancs.
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
Elle le regarde. Elle ne peut pas avoir ce qu'elle veut. Mais elle peut avoir ceci.
***
Le lendemain, le temps est exceptionnellement ensoleillé et lumineux.
« Les températures les plus chaudes jamais enregistrées en mars, dans tout le pays, lit Père dans la Gazette du sorcier. Très étrange. »
Pansy annonce à ses parents, très distraits, qu'elle va rendre visite à Daphné, puis s'éclipse. Lorsqu'elle arrive de nouveau au sommet de la falaise, il n'y a plus de vent du tout. C'est presque étrange. La lumière du soleil a rendu bleue l'eau qui était grise. On dirait une illusion ou un tour de passe-passe : c'est trop beau pour qu'on y croie.
« Oh, s’écrie-t-elle lorsqu'il sort de la cape d'invisibilité. On n'a pas fait le truc hier. La vérification de l'identité. Tu pourrais être un Mangemort. Je pourrais être une Mangemort.
–D'accord, dit-il, une lueur amusée dans les yeux. Est-ce qu'un Mangemort ferait ça ?
—Faire quoi ? commence-t-elle, mais il prend son visage dans ses mains et l'embrasse.
–J'espère bien que non, lui répond-elle quelques instants plus tard, un peu essoufflée. »
Elle voit qu'il regarde sa robe. Elle est ajustée sur le dessus, avec un décolleté en cœur et de minuscules boutons recouverts de tissu tout le long du devant. Elle sourit.
« Il y a un sort pour les boutons. Si tu te poses la question. »
Il a l'air, pendant un moment, de vouloir nier mais se contente de dire :
« D'accord. Mais comment est-ce que tu vas marcher avec ça ?
–Ce n'est pas pour rien que les sorcières ont inventé les sorts pour les vêtements. Je me débrouillerai, dit-elle d'un ton désinvolte. Maintenant, où est-ce qu’on va ? Je croyais que tu avais dit qu'on n'aurait pas à rester sur cette falaise toute la journée ? »
Pendant un moment, toutes les règles sont respectées. Ils ne parlent pas de la guerre, de ce qui se passe à Poudlard ou de la façon de rentrer dans Gringotts. Au lieu de cela, ils parlent de choses stupides et sans importance : si Hermione est en train de faire une combustion spontanée à force d'écouter les théories de Luna, si Celestina Moldubec est une bonne chanteuse, si le système de points de la maison est truqué ou non (elle dit oui, il dit non).
Ils se rendent sur une autre colline, plus loin de la chaumière aux coquillages, jusqu'à une sorte de vallée où coule un petit ruisseau qui va jusqu'à l'océan. Ils marchent le long du cours d'eau, pour voir où il mène, et pendant ce temps, il lui raconte des histoires à propos de comment il a fait attaquer son cousin par un serpent quand il était enfant, de comment Hagrid est allé le chercher pour aller à Poudlard, et de comment il est allé sur le chemin de traverse pour la première fois.
« Bien sûr que tu as relâché un boa constrictor, dit-elle en riant. Tu as toujours été très dangereux, n'est-ce pas ? »
C'est étrange de l'entendre parler. Tout cela a toujours été ordinaire pour elle : Gringotts n'est qu'une banque, Ollivander n'est qu'un magasin, Poudlard n'est qu'une école. Mais en l'entendant le raconter, elle peut comprendre pourquoi cela peut être... magique. C'est la première fois qu'elle pense qu'elle a peut-être perdu quelque chose d'important à cause de la façon dont elle a grandi.
Ils finissent par trouver une vallée qui s'élargit en une prairie. Elle est remplie de fleurs sauvages qui ne devraient pas fleurir en mars, et au centre se trouve un très vieux chêne. La lumière est dorée, les oiseaux chantent au loin et l'eau coule lentement. Elle a l'impression qu'ils sont les deux seules personnes qui existent et que le monde a été créé juste pour eux.
Elle transforme une serviette en tissu qu'elle a volée en couverture pour qu'ils puissent s'asseoir sous l'arbre, puis il lance des enchantements protecteurs, même s'il n'y a personne autour et qu'il a dit un millier de fois que tout le monde à la chaumière aux coquillages marche dans l'autre direction quand ils veulent prendre l'air parce que c'est là que s'étend le sortilège de Fidelitas.
« Protego Totalum...Salvio Hexia... Cave Inimicum... dit-il. »
Elle s'appuie sur ses coudes. Il a toujours une sorte d'intensité lorsqu'il fait de la magie, il est si confiant et déterminé.
Il termine et, l'apercevant, demande :
« Quoi ?
–Rien. »
Il range sa baguette et se rassied. Se penchant sur elle, il dit, en connaissance de cause :
« Ça n'avait pas l'air d'être rien.
–Oh, tais-toi, murmure-t-elle en enroulant ses bras autour de son cou et en l'attirant sur elle.
Ils s'embrassent, d'abord lentement, langoureusement, puis avec plus d'urgence. La réalité se rétrécit et devient très simple : la lumière qui tombe à travers les feuilles des arbres, la terre contre son dos et la chaleur de son corps contre le sien.
« Jesus Christ, Pansy, dit-il un peu plus tard, après qu'elle lui ait montré le sortilège du bouton.
–Touche-moi. »
Il le fait. Après cela, il n'y a plus besoin de règles pour ne pas parler de la guerre, ou de quoi que ce soit d'autre. Elle a l'impression de se transformer en liquide, tout est doré et lent comme du miel, et elle pense que cela a une gravité, une logique et un pouvoir qui lui sont propres. Une force qui crée ses propres règles. Elle souhaite qu'on lui jette un sort pour ralentir le temps, afin qu'elle puisse rester dans ce moment pour toujours, juste ça ça ça.
Peut-être la fait-il croire à des choses impossibles.
Finalement, d'autres réalités physiques se présentent. Il lui donne, à sa grande surprise, des sandwiches qu'il a volés dans la cuisine de la chaumière au coquillages. Elle plaisante en disant qu'il avait prévu le coup pour une fois dans sa vie, et il réplique en disant qu'il ne peut pas croire que Pansy Parkinson mange volontairement de la nourriture dans les bois.
Elle roule des yeux.
« J'ai grandi dans une maison de campagne avec des hectares de terrain autour. Tu viens d'une banlieue. Je pense que mon enfance m'a mieux préparée que la tienne.
–Tu es tellement guindée, dit-il, mais avec tendresse.
–Les gens peuvent être deux choses à la fois, déclare-t-elle avec beaucoup de suffisance.
–Tu le peux, dit-il, comme si c'était un talent spécial qu'elle possédait. »
Pour lui, c'est peut-être le cas : il a toujours affiché toutes ses émotions sur son visage et s'il a des secrets, ce n'est pas par choix. Il n'est pas fait pour être un agent double ou un espion.
Et alors, elle lui parle de son enfance. De la maison magique qui était à la fois ordinaire et belle - les fleurs magiques qui s'épanouissaient contre la neige en hiver, les passages secrets qui changeaient l'endroit où ils allaient tous les quelques mois, et les portraits qui bavardaient et plaisantaient sur les murs. De son père qui les gâtait, de sa mère qui essayait de les discipliner, de sa sœur qui était comme sa jumelle, de leurs courses effrénées dans les arbres qui obligeaient les elfes de maison à aller les chercher à l'heure du dîner.
« Harry ? demande-t-elle un peu plus tard. »
Ils sont maintenant allongés sur le dos, leurs épaules se touchant, et regardant les feuilles des arbres qui bougent sous l'effet de la brise.
Parler de son enfance lui a fait penser à quelque chose.
« Tu as déjà pensé... à ce que serait ta vie si tu n'allais pas à Poudlard ? »
Elle le sent bouger.
« Eh bien, si je n'étais pas à Poudlard, je serais avec tante Pétunia et oncle Vernon, et j'irais à n'importe quelle école locale. Alors, non, j'essaie en quelque sorte de ne pas y penser. »
Il marque une pause, et elle peut entendre un oiseau chanter au loin.
« Pourquoi ?
–Je ne sais pas. Avant, j'imaginais toujours que Prim était magique et qu'elle allait à Poudlard. Mais quand j'étais dans le train, et que Tracey nous a dit qu'elle ne reviendrait pas, j'ai soudain pensé - et si nous avions tous les deux été des Cracmols, et que j'étais allé dans ce pensionnat américain moi aussi ? »
Il lui faut un moment pour répondre.
« Tu voudrais vraiment vivre sans magie ?
–Je pense que j'aimerais vivre sans guerre, dit-elle doucement. »
Il se tourne pour lui faire face, et elle se tourne aussi. Son regard est si intense qu'elle a l'impression qu'elle pourrait s'y noyer.
« Pansy, tu peux encore... »
Elle se déplace, rapprochant encore plus leurs visages, et met ses doigts sur sa bouche.
« Shhhh… dit-elle. Non, juste...
–J'aimerais... »
Sa voix s’estompe.
Elle retire ses doigts et l'embrasse.
« Je sais... Moi aussi, murmure-t-elle. Parlons d'autre chose. »
Elle a enfreint les règles, et maintenant elle le regrette.
Il a l’air de vouloir contester ses mots, mais il doit y avoir quelque chose dans son expression, parce qu'il cède.
Pour le distraire, elle lui fait raconter les millions de fois où il a enfreint les règles au cours des six années qu'ils ont passées ensemble à l'école. Elle connaît déjà certaines choses, grâce à des conversations antérieures, mais il y en a d'autres dont elle n'a jamais entendu parler. Voyager dans le temps, dépasser les chiens à trois têtes et conduire une voiture volante. Autant de choses improbables.
« Je n'arrive pas à croire que tu avais un retourneur de temps, s’exclame-t-elle, incrédule.
–C'était à Hermione, répond-il en souriant. »
Puis, après que le soleil soit descendu dans le ciel, ils redescendent à pied jusqu'à la plage. Le bruit des vagues est si fort qu'ils ne peuvent pas parler. Ils se contentent de regarder, sans parler, et elle s'appuie sur lui, qui l'entoure de ses bras.
Finalement, elle se retourne et dit :
« On devrait monter. »
Ils remontent très lentement le sentier. Sa poitrine est lourde, car elle sait que lorsqu'ils atteindront le sommet de la falaise, elle devra partir. Il n'y a pas de sort pour ralentir le temps. Toute la magie du monde, et personne n'a inventé cela.
Arrivés au sommet, ils se regardent. L'année dernière, au bord du Grand Lac, elle avait eu l'impression qu'il la quittait. Aujourd'hui, c'est l'inverse.
« Pansy... dit-il. »
Et elle dit :
« Harry. »
Ils s'embrassent, et leur baiser a un peu le goût du désespoir et un peu celui de l'insouciance. Le monde réel menace de s'immiscer, mais peut-être qu'il peut être retenu juste un moment - juste quelques secondes de plus.
Il pose son front contre le sien.
« Tu sais, tu peux toujours changer d'avis, lui rappelle-t-il à voix basse. Si quelque chose arrive, tu peux venir ici. »
Elle passe ses doigts sur sa mâchoire et dit :
« Je sais. »
Il n'y a vraiment rien d'autre à répondre à cela.
Puis elle recule lentement d'un pas.
Mieux vaut le faire vite.
Elle le regarde une dernière fois, puis se retourne dans les airs et dans l'obscurité.