
le manoir des Malfoy
Chapitre 16: le manoir des Malfoy
Quelques heures après avoir transmis son message au professeur Rogue, le premier année disparaît discrètement des cachots, ainsi que les chaînes. Alecto et Amycus sont fous de rage, mais elle semble avoir détourné les soupçons d'Amycus, qui ne la regarde plus pendant le cours.
Michael Corner est dispensé de cours pour la journée. Les regards des autres élèves la suivent : elle les sent posés sur elle en Défense contre les forces du mal, dans les couloirs entre les leçons, à travers les tables au moment de déjeuner, ou dans la cour. Elle fait semblant de ne pas s'en apercevoir.
La fin justifie les moyens.
Elle a toujours pensé qu'elle y croyait. Après tout, cette même phrase est dans la chanson de sa maison. Chaque décision devrait être calculée : une pesée minutieuse des risques et des bénéfices. Le bon choix serait celui qui produirait le bon résultat.
Mais maintenant…
Maintenant, elle comprend un peu pourquoi Harry et les autres sont comme ils sont.
Parce qu’il aurait été si bon sur le moment de dire : Non, je ne le ferai pas. Non, vous ne pouvez pas m'obliger. Non, je ne reçois pas d'ordres de vous.
Ô, comme elle se serait sentie juste en oubliant les conséquences et tout le reste.
***
[On a trouvé quelque chose d'utile aujourd'hui. Je regardais le fragment de miroir que m'a donné Sirius, en essayant de comprendre pourquoi j'y avais vu quelque chose auparavant, et il s'avère qu'Abelforth, le frère de Dumbledore, possède l'autre miroir. Il l'a acheté à Mondingus Fletcher. Aberforth nous a envoyé Dobby, avec de la nourriture aussi.]
[C'est une chance. Heureusement que quelqu'un de ton côté a acheté l'autre miroir au lieu de l'un des Mangemorts. Est-ce que Dobby pourra continuer à vous apporter de la nourriture ?]
[Abelforth a dit qu'il essaierait d’en envoyer de temps en temps. Au fait, est-ce que tu sais si Hagrid va bien ? Ils ont dit à la radio qu'il avait failli être arrêté à Poudlard.]
[Je pense qu'il va bien. Il y a quelques semaines, il a organisé une fête très stupide pour soutenir Harry Potter, à laquelle certains élèves ont participé. Alecto et Amycus ont cherché désespérément à savoir qui y avait participé, mais personne n’a parlé, bien sûr. Bref, après ça, Hagrid a pris la fuite et on n'a plus entendu parler de rien. Je suis presque sûre qu'ils en feraient toute une histoire s'ils le capturaient.]
[Bien.]
[Tu sais, tu n'as pas parlé de la Baguette de Sureau ces derniers temps. Qu’est-ce qui s’est passé ?]
[Je ne sais pas. Je veux toujours la trouver, mais je n'ai aucune idée de l'endroit où elle se trouve, et pour autant que je sache, il n'en a aucune idée non plus. Peut-être que toi, Ron et Hermione avez raison, je devrais arrêter d'y penser.]
***
L'heure des vacances de Pâques arrive enfin. Pansy a envie de demander, en toute décontraction et en toute innocence, bien sûr, où le trio campe en ce moment. Mais elle ne le fait pas. Cela ne peut que lui attirer des ennuis.
Dans le train qui les conduit à leurs maisons respectives, Tracey leur annonce à voix basse qu'elle ne reviendra pas à l'école après les vacances, qu'elle part avec ses parents. Elle sourit faiblement et déclare :
« Je vous reverrai toutes... un jour. »
Et il n'en faut pas plus pour qu'elles se mettent toutes à pleurer.
Ce soir-là, lors du dîner à la maison, Pansy observe ses parents par-dessus la table, se demandant s'ils sont au courant de l'utilisation du sortilège Doloris à l'école. C'est probablement le cas. Ce ne sont pas les parents de Tracey, rien de ce qui se passe à Poudlard ne peut vraiment les choquer.
« Les Malefoy organisent une fête demain après-midi, annonce Mère en faisant flotter la soupière jusqu’à elle. Nous espérons que tu y assisteras avec nous.
–Une fête ? demande Pansy. Mais je viens de rentrer. »
En temps normal, elle adorerait aller à une fête. Mais à présent, après des mois à faire semblant pour les élèves de Poudlard, la dernière chose qu'elle souhaite, c'est d'aller se mettre en scène pour leurs parents.
Mère pince les lèvres.
« Tu viens avec nous. »
Elle jette un regard en coin à Père, et Pansy comprend soudain. C'est l'idée de Père, pas celle de Mère, et une dispute à ce sujet a sûrement déjà eu lieu avant l'arrivée de Pansy.
« Qui sera là ?
–Les Bulstrodes, les Fawley, les Shafiq... »
Mère continue de citer d'autres familles, toutes des familles de Mangemorts ou de personnalités de la haute société.
Pansy se mord la lèvre.
« Le Seigneur des Ténèbres sera-t-il là ? »
Mère regarde Père, qui est en train de couper le rôti.
« Je n'en suis pas sûre. Sera-t-il là, mon chéri ? l’interroge-t-elle avec insistance. »
Père reste focalisé sur sa tâche consistant à déplacer le rôti dans son assiette. Tant mieux, car le regard que lui lance Mère pourrait presque geler un Feudeymon.
« J'ai cru comprendre qu'il s'occupait actuellement d'intérêts à l'étranger. »
Il cherche sûrement la baguette de sureau.
Mère regarde Pansy en haussant les sourcils.
« Je suppose donc que non. »
***
Le lendemain, Pansy descend les escaliers pour la fête et trouve Mère qui l'attend dans l'entrée. Elle la regarde de haut en bas et secoue immédiatement la tête.
« Non. Monte te changer et mets ta robe de chez madame Guipure, celle qui est bleu clair. Elles datent d'il y a deux ans.
–Mais... commence Pansy avant de se couper. »
La robe dont parle Mère est beaucoup moins flatteuse et moins à la mode, mais Mère le sait déjà.
La beauté est une arme dit toujours Mère. Non pas parce qu'elles sont belles - Prim, Pansy et Mère ne sont pas des Vélanes, elles ne seraient pas aussi belles dans un sac que Fleur Delacour - mais parce que les vêtements, le maquillage et les bijoux sont des outils qu'il faut savoir manier.
« Retourne à l'étage, ordonne Mère. Arrête de traîner.
–Très bien, lâche Pansy. »
Lorsqu'elle redescend vêtue d’une autre robe, Mère fait un geste de la main.
« Tourne-toi.
–Pourquoi ? demande Pansy, mais tout en se retournant. »
Au lieu de répondre, Mère se met à murmurer quelque chose qui ressemble étrangement à une incantation.
« Qu'est-ce que tu...
–Ne bouge pas, répond Mère d’un ton sec. »
Soudain, toutes les épingles à cheveux s'envolent et ses cheveux tombent sur sa nuque.
« Mère! Je viens de le faire...
–Arrête de tourner la tête ! »
Soupirant lourdement, elle s'arrête. Elle fixe le portrait de son arrière-arrière-arrière-grand-mère, Delia Parkinson, accroché au mur, tandis que sa mère lui tire et lui manipule les cheveux.
Elle sent l'odeur de jasmin du parfum de sa mère. Cela lui rappelle l'époque où elle était toute petite et où elle la regardait se préparer. À l'époque, Pansy était trop jeune pour aller à des fêtes officielles, et elle regardait donc obsessionnellement sa mère se coiffer et se maquiller, pensant qu'elle était la plus belle femme du monde.
Prim ne s'en était jamais souciée, se contentant de jouer avec ses poupées, mais Pansy avait vadrouillé dans la maison en l'absence de ses parents, et avait dû être amadouée par les elfes de maison avec des sucreries. Elle avait voulu être belle, glamour et spéciale, dans un endroit important entourée de gens importants.
« Voilà, déclare Mère en faisant signe à Pansy de se retourner. »
Pansy jette un coup d'œil dans le miroir accroché au mur.
« Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux, ma chère, commente le miroir d'un ton compatissant. »
Le miroir a raison : la coiffure que Pansy portait auparavant était beaucoup plus flatteuse pour ses pommettes.
« Tes boucles d'oreilles, dit Mère en ignorant le miroir et en tendant sa main ouverte. »
Pansy fixe sa main.
« Tu n'es pas sérieuse.
–Ton père nous attend au point de transplanage. Dépêche-toi. »
A contrecœur, Pansy enlève ses boucles d'oreilles et les dépose dans la main de sa mère. Celle-ci les range dans son sac à main.
–Peut-être que je devrais y aller nue, ironise-t-elle. »
Ignorant cette dernière réplique, Mère lui prend le bras et les dirige vers la porte.
« Ne parle pas trop, n'essaye pas d'être intelligente, n'attire pas l'attention sur toi. Tu comprends ?
–Alors je devrais rester dans un coin et me comporter comme une sorte de troll ? »
Elle sait ce que sa mère essaie de faire. Elle est sa fille, après tout. Mais elle est irritée, alors elle se plaint quand même.
« Ne joue pas à la plus intelligente avec moi, ordonne mère.
–Pourquoi est-ce que j'y vais ?
–Ton père pense qu'il est nécessaire de présenter un front uni, explique-t-elle avec humeur. »
Retrouvant Père, ils transplanent ensemble à l'extérieur du manoir des Malefoy. Les portes en fer forgé sont ouvertes et un sorcier vérifie d'un coup de baguette l'authenticité des invitations de chacun.
Pansy regarde le long chemin. À l'âge de douze ans, elle avait pensé, avec la confiance que seule une enfant de douze ans peut avoir, qu'un jour, tout cela lui appartiendrait. Cela lui avait semblé si exotique : les haies d'ifs de chaque côté taillées selon des motifs élaborés, les paons blancs qui se promenaient sur le terrain, et l'énorme et majestueux manoir au bout de l'allée.
Mais aujourd'hui, à dix-huit ans, elle le voit avec les yeux d'une adulte. Elle comprend maintenant que le manoir Malefoy n'est pas plus beau que la maison ancestrale de sa famille où vit encore son grand-père, juste différent. Et vraiment, les paons sont une nuisance, les haies peut-être un peu trop touffues, et la maison trop grande pour que seuls trois personnes y vivent.
Mais les jardins restent magnifiques.
C'est là que se déroule la fête. Plus d'une centaine de personnes sont réparties dans les différentes sections. Les plantes doivent être ensorcelées, car elles sont déjà en train de fleurir - un tour de magie coûteux et difficile. Tandis que Mère est entraînée dans une conversation avec Narcissa, Père voit quelques connaissances d'affaires avec lesquelles il entame une conversation ennuyeuse sur le prix fluctuant des tapis magiques.
Pansy traverse la foule, se demandant si Drago ou Millicent sont là. Elle voit Blaise avec sa très jolie mère, debout avec des gens qu'elle ne connaît pas. Il y a des jours où elle trouve les flirts scandaleux de Blaise amusants, d'autres où ils l'irritent. Aujourd'hui, c'est l'un de ces jours irritants.
Elle change de direction, entre dans la roseraie et aperçoit Théo de l'autre côté de la grande fontaine, seul. La fontaine représente un sorcier - un ancêtre des Malefoy, sans doute - accompagné d’une licorne.
« Bonjour, Théo, le salue-t-elle lorsqu'elle arrive à sa hauteur.
–Bonjour, répond Théo. »
Il semble essayer de regarder autour de lui.
« J'essaie de me cacher des paons. L'un d'eux a failli m'attaquer tout à l'heure.
–Sois prudent, l’averti Pansy. J'ai entendu dire que le père de Drago les entraînait à être hostiles avec les gens qu'il n'aime pas.
–Tu veux dire que M. Malefoy ne m'aime pas ? demande Théo, cessant enfin de regarder autour de lui et haussant les sourcils.
–Qui sait… »
Pansy s'interrompt, distraite par la vue de quelqu'un qui lui fait un geste par-dessus l'épaule de Theo.
« Quoi ? la questionne Théo, tournant la tête pour observer la raison de sa perte d’attention.
–Rejoignez-nous, dit la femme plus âgée en souriant. »
Il s'agit d'Althea Bulstrode et de son mari, Philius Bulstrode, la tante et l'oncle de Millicent.
« Nous avons besoin de l'avis de jeunes personnes. »
Jetant un regard en coin à Pansy, Théo s’avance vers eux et Pansy le suit.
« Comment allez-vous ? demande Pansy lorsqu'ils les rejoignent. »
Mme Bulstrode est une petite femme aux cheveux blond miel, tandis que M. Bulstrode est beaucoup plus grand, avec des cheveux brun sablé et un nez étroit et pointu.
« J'adore vos boucles d'oreilles, elles viennent de chez Madame Shafiq ? »
Elle pense avec dépit à ses boucles d'oreilles qui sont actuellement coincées au fond du sac de Mère.
Mme Bulstrode semble satisfaite.
« Oui, elles le sont, ma chère- bon œil.
–Des opinions sur quoi ? interroge Théo.
–Sur les Cracmols, dit Mme Bulstrode en se concentrant à nouveau. Il y a eu un incident terrible - l'une des filles Goyle s’est mariée à un Cracmol au ministère, puis ils se sont enfuies en France. »
Pansy déglutit.
« C'est si choquant.
–Oui, renifle Mme Bulstrode. Je n'arrivais pas à le croire quand je l'ai entendu - je n'arrive pas à croire que le ministère leur ait permis de se marier ! C'est ce qui arrive quand on a des enfants Cracmols élevés dans le monde magique, ce qui n'arrivait pas quand j'étais jeune.
–Ce genre de mariage devrait être illégal, commence M. Bulstrode. La dernière fois que j'ai vu Percy Flint au club, je lui ai dit que nous devrions travailler sur un projet de loi pour le Magenmagot. Il n'avait pas l'air très intéressé - il a dit qu'il se concentrait sur l'enregistrement des nés-moldus - mais peut-être qu'il a changé d'avis maintenant.
–Eh bien, intervint Pansy, très lentement. Je suis d'accord pour dire que c'est mauvais, mais les Cracmols ne volent pas de magie ou quoi que ce soit d'autre, alors peut-être que ce n'est pas urgent.
–Oui, bien sûr, affirme Mme Bulstrode en agitant la main. Nous savons tous qu'ils ne peuvent pas empêcher leurs regrettables... naissances. Mais on ne peut pas les laisser se reproduire. »
Pansy sent son estomac tomber.
« Je veux dire… »
Mme Bulstrode baisse la voix.
« Pouvez-vous imaginer ? Les enfants issus de ces mariages seront très probablement eux-mêmes des enfants Cracmols. Ce serait désastreux pour nous ! »
Pansy se rend compte que Mme Bulstrode la regarde, attendant une réponse. Elle dit la première chose qui lui vient à l'esprit :
« Ce ne sont pas vraiment les mariages qui posent problème, alors. Plutôt les naissances.
–Je suis d'accord, déclare M. Bulstrode. En fait, Hector Rookwood me parlait récemment d'une idée qu'il a eue : une fois que les Cracmols sont identifiés enfants, nous pouvons mettre en place une procédure qui les empêchera d'avoir leurs propres enfants. Ils pourront alors faire ce qu'ils veulent, mais plus aucun enfant ne naîtra comme ça.
–Vous voulez dire comme la stérilisation ? demande Théo doucement. »
M. Bulstrode s'illumine.
« Oui, c'est le mot !
–Mais les Cracmols ne peuvent pas être identifiés avant l'âge de onze ans, s'entend dire Pansy. »
Sa voix semble petite et lointaine.
M. Bulstrodes secoue la tête.
« Pas pour l'instant. Mais le Département des Mystères travaille apparemment sur un sort qui reproduira ce qui se trouve dans le registre d'inscription à Poudlard. Ainsi, les familles pourront être informées dès la naissance de l'enfant. Ou peut-être même avant, pendant la grossesse.
–Mais, monsieur, intervient Theo. Ce n'est pas vraiment un problème si les Cracmols ont des enfants moldus, si ? Je veux dire, la plupart des Cracmols n'ont-ils pas des enfants avec des Moldus de toute façon ? »
M. Bulstrode fronce les sourcils.
« Mais nous ne voulons pas que la population non-magique augmente, même si c'est avec des Moldus. Il y en a déjà tellement. »
Mme Bulstrode semble se pencher pour regarder à travers le jardin.
« Oh, Philius, je vois les Rosier. Il faut aller leur dire bonjour. »
Elle se retourne vers Théo et Pansy.
« Je suis désolée, j'ai été ravie de vous parler, mes chères.
–Oui, vous aussi, bon après-midi, M. et Mme Bulstrode, dit Pansy avec raideur.
–Bonne chance pour vos études, les encourage M. Bulstrode, alors que sa femme l’entraîne loin d’eux.
–Eh bien, dit Théo d'un ton malicieux. C'était intéressant.
–Oui. »
Pansy remarque qu'un plateau à boissons flottant comme par magie passe près d'elles et prend un verre de vin d’elfe. Elle aimerait être déjà ivre, afin d'oublier la conversation qu'ils viennent d'avoir.
Elle boit une gorgée de vin et essaie de penser à autre chose.
« Tu arrives à croire qu'ils font la fête en ce moment, avec tout ce qui se passe ? »
Elle fait un geste vers les jardins qui les entourent.
Theo hausse les sourcils.
« Ce n'est pas justement de ça qu'il s'agit ?
–Des fêtes ?
–Non, le pouvoir, répond Théo. Après tout, qui est là ? »
Pansy passe en revue les gens vêtus de couleurs vives qui les entourent, riant et discutant.
« Toutes les meilleures familles du pays. »
Theo acquiesce.
« Il veut montrer qu'il a le soutien des personnes les plus puissantes de la société magique.
–Il n’est même pas ici, réplique Pansy.
–Non, admet Théo. Mais tout le monde est encore là, à voir les autres et à être vu. C'est du génie, quand on y pense. La première fois, il avait des partisans, mais ils n'étaient pas assez enracinés. Ils ont été trop facilement éliminés après sa mort. Si j'étais lui, je m'assurerais que toutes les personnes les plus puissantes me soient liées. Les chefs d'entreprise, les membres du Magenmagot, les associations de marchands... »
Dans la foule, elle aperçoit Henry Fawley, l'ex-petit ami détesté d'Ellie, qui rit avec cousin Dominick. Elle est presque sûre que les Fawley n'avaient pas choisi leur camp la première fois.
Pansy boit une nouvelle gorgée de vin.
« Et comment tu ferais ça ?
–Un Mangemort dans chaque famille. »
Un frisson court sur son échine.
Vérifiant que personne n'est proche d'eux, elle baisse la voix.
« La plupart des gens ne veulent pas de ça. Ils sont d'accord pour le soutenir, mais avoir sa marque et recevoir des ordres ? Ils sont trop fiers pour ça. »
Theo hausse les épaules.
« Ils le feront si c'est la façon dont le vent souffle.
–Et toi ? »
Théo hausse les sourcils.
« Moi ? Je suis ici pour survivre. »
Elle le regarde avaler une gorgée de son verre. Elle n'arrive pas à savoir s'il se sent vraiment aussi insouciant qu'il le montre, ou si c'est pour la forme. Mais quoi qu'il en soit, elle ne peut pas lui faire confiance. Elle le croit assez malin pour déjouer tous les plans du Seigneur des Ténèbres, mais aussi pour se sauver en premier.
Theo l’observe.
« Il n'y a jamais eu de Mangemort de la famille Parkinson, si ?
–Non, dit Pansy très lentement. Il n'y en a pas eu. »
Il semble que Théo veuille réagir, mais au même moment, un photographe portant un badge avec l'inscription Gazette du sorcier s'approche d'eux en souriant. Elle le reconnaît vaguement pour l'avoir vu à d'autres événements de société. Il est suivi d'un assistant qui porte du matériel et des appareils photo supplémentaires.
« Bonjour, pouvons-nous avoir une photo ?
–D'accord, accepte-t-elle à contrecœur.
–Vous êtes le préfet et la préfète en chef de Poudlard ? Theodore Nott et Pansy Parkinson ? demande le photographe en se reculant et en brandissant son appareil photo.
–Oui, dit Théo en posant une main sur son dos.
–C'est très bien. La nouvelle génération ! s'enthousiasme l'homme. Souriez ! »
Elle sourit.
Click. Flash.
La prochaine génération de quoi ?
Click. Flash.
« Merci, lance le photographe. Elles seront publiées dans la rubrique "Société" dimanche prochain.
–Merveilleux, dit Pansy. »
Elle les regarde partir, lui et son assistant. À travers la foule, elle les voit s'approcher d'Henry Fawley et de son cousin.
« Tu vois ? demande Théo.
–Je vois. »
Elle s'apprête à dire quelque chose d'autre, mais à ce moment-là, deux amis du défunt père de Theo apparaissent, désireux de se remémorer de vieux souvenirs. À son grand soulagement, Pansy n'est pas invitée à participer à la conversation, et Théo lui jette un regard d'excuse par-dessus son épaule alors qu'on l'entraîne à l'écart.
Elle termine son vin et le pose sur un plateau flottant. Elle voit que son oncle Charles a rejoint Dominick et Henry, et qu'il fait des gestes qui signifient qu'il raconte une histoire. Elle commence à se déplacer dans la foule, avec la vague idée de chercher Millicent.
Voir et être vu, avait dit Théo. Et c'est vrai que beaucoup de personnalités sont là, se laissant photographier...
Un mouvement au coin de son œil.
Elle tourne la tête et manque de peu de heurter quelqu'un.
« Oh !
–Regarde où tu vas ! »
C'est la voix de Bellatrix Lestrange.
« Je suis vraiment désolée, Mme Lestrange, s’excuse rapidement Pansy. »
Elles sont à une intersection. Devant Pansy se trouve le jardin où elle a vu ses parents pour la dernière fois, tandis que derrière elle se trouve la roseraie avec la fontaine.
Elle espère que Bellatrix acquiescera et la laissera partir, mais ce n'est pas le cas.
« Tu devrais l'être, lance-t-elle sèchement. »
Elle marque une pause.
« Tu es la fille Parkinson, n'est-ce pas ? Alecto a parlé de toi.
–Oui, je suis Pansy. »
Bellatrix la regarde d'un œil aux paupières lourdes. Ses cheveux, presque noirs et très épais, sont ramenés en arrière de son visage de façon simple. Contrairement à la plupart des autres femmes ici présentes, elle porte une robe de couleur sombre. Peut-être ne se soucie-t-elle pas de la mode, ou peut-être veut-elle se démarquer.
« Lyssa est ta mère, alors ? Je me souviens quand elle est devenue amie avec Cissy, à l'école - elles n'arrêtaient pas de parler de la personne qu'elles voulaient épouser. C'était plutôt ennuyeux, je trouve. Mais je suppose qu'elle s'est bien débrouillée. »
Par-dessus l'épaule de Bellatrix, Pansy aperçoit Mère qui parle à Narcissa. Mère lève les yeux et, voyant Pansy, fronce les sourcils.
« Je ne manquerai pas de transmettre vos compliments, assure Pansy à Bellatrix. »
Voici ce qu'elle sait de Bellatrix : elle a été élevée à être une bonne femme de sang pur, a effectué le bon type de mariage, mais n'a manifestement aucun intérêt pour son mari et, d'après ce que sait Pansy, aucun intérêt pour les enfants non plus. Elle a consacré sa vie au Seigneur des Ténèbres. Une rebelle dans son genre, en fait.
« Bien sûr, déclare Bellatrix en faisant un signe de la main et en ayant l'air de s'ennuyer. Je suppose que tu veux suivre ses traces et devenir une gentille petite femme au foyer ? »
Mère regarde à nouveau Narcissa. Pansy sait ce qu'elle doit dire : Oui, ma plus grande ambition est de faire un bon mariage, de donner naissance à un héritier et de l'élever pour Poudlard. Tout ce que je veux, c'est être une épouse, une mère et une hôtesse. Cela, et rien d'autre.
Et les yeux de Bellatrix glisseront loin d’elle. Juste comme ça.
Mais son instinct la pousse à faire une pause.
« Eh bien, commence Pansy. Je n'ai pas d'objection à me marier, en effet, mais j'aimerais aussi contribuer à la cause d'une manière ou d'une autre.
–Contribuer à la cause ? »
Elle se fie à ses impulsions.
« Oui, je pense que ce que fait le Seigneur des Ténèbres est très important. »
Bellatrix plisse les yeux.
« Alors pourquoi Alecto a-t-elle dit que tu étais réticente ? »
Pansy hésite.
« Je ne suis pas réticente. C'est juste que je n'étais pas sûre d'être prête. Je ne voudrais pas décevoir le Seigneur des Ténèbres par mon manque d'expérience. J'ai utilisé le sortilège Doloris en classe, mais ce n'est pas la même chose. »
L'expression de Bellatrix change, et soudain, elle sourit.
« Si ce n’est que d'entraînement dont tu as besoin, nous pouvons t’en donner beaucoup.
–Oh, fait Pansy, en essayant d'avoir l'air de ne pas s'engager. »
Bellatrix pose une main sur son épaule.
« Tu sais, dit-elle, un plaisir étrange envahissant son visage, nous pourrions nous entraîner dès maintenant. »
Elle se penche plus près pour chuchoter à l'oreille de Pansy.
« Il y a des prisonniers dans la cave en ce moment même. Tu devrais connaître l'un d'entre eux. »
Le cœur de Pansy se met à battre plus vite.
« Quelle bonne idée... commence-t-elle. »
Au même moment, Augustus Rookwood surgit de nulle part, un air renfrogné sur le visage.
« Bellatrix, l’apostrophe-t-il brusquement, jetant à peine un coup d'œil à Pansy. Je dois te parler de ton coffre-fort. C'est pour le Seigneur des Ténèbres. »
Bellatrix se raidit.
« Très bien, se résigne-t-elle en retirant sa main de l'épaule de Pansy. Nous en reparlerons plus tard, ma chère. »
Bellatrix s'éloigne, suivant Rookwood. Tous deux s'éloignent du reste du groupe.
Pansy fixe le rosier le plus proche d'elle. Ses pensées se mélangent à l'intérieur de son esprit. Les prisonniers dans la cave. Devenir une Mangemort. Le coffre de Bellatrix à Gringotts.
Concentration.
Elle vérifie que personne ne l'observe et s'engage sur le chemin par lequel Bellatrix et Rookwood ont disparu. Les bruits de la fête s'estompent derrière elle et elle se lance un charme de désillusion informulé.
Elle entre dans une zone où se trouvent de grandes haies taillées en forme de différentes créatures magiques et marche prudemment et silencieusement. Enfin, elle entend ce qui ressemble à la voix d'un homme et d'une femme. Ils ne doivent pas connaître le sort Assurdiato.
Cachée derrière une haie taillée en forme d’hippogriffe, Pansy s'approche le plus près possible. Elle ne peut pas les voir, mais elle peut voir le tissu de la robe de Bellatrix.
« Je ne pense pas que le Seigneur des Ténèbres t’ait vraiment interrogé à propos de ma chambre forte, Rookwood. Pourquoi ne m'aurait-il pas parlé directement ? À quoi est-ce que tu joues ?
–C'est juste que les gobelins ne sont pas dignes de confiance...
–Tu sais ce que je pense ? Tu es jaloux que le Seigneur des Ténèbres ait jugé bon de me laisser ses objets les plus précieux ! Tu aimerais qu'il te fasse autant confiance ! »
Bellatrix continue, sa voix s’élevant dû à sa colère, mais Pansy en a assez entendu.
Elle s'éclipse et se dirige vers la maison à l'intérieur de laquelle elle trouve une salle de bains. Verrouillant la porte derrière elle, elle s'agrippe aux parois du lavabo et fixe son reflet dans le miroir.
Ses objets les plus précieux.
Tu connais sûrement l’un d’entre eux.
On peut te donner beaucoup d’entraînement.
Elle a l'air plus calme qu'elle ne l'est. Hormis la couleur plus prononcée de ses joues, elle a la même apparence que lorsqu'elle a quitté la maison. Ses cheveux sont bien coiffés, sa robe n’est pas froissée. La seule chose qui ne soit pas à sa place est un cheveu sombre posé sur son épaule, contrastant avec le tissu clair de sa robe. Elle le pince entre le pouce et l'index et s'apprête à le mettre dans la poubelle.
Mais elle se rend compte que ces cheveux sont beaucoup trop ondulés pour être les siens.
C’est sûrement ceux de Bellatrix.
Elle le tient à la lumière. Elle n'a jamais préparé de potion de Polynectar, mais elle se souvient qu'il est nécessaire d’avoir les cheveux d'une personne.
Elle prend un mouchoir en papier, y plie les cheveux et le range dans son sac à main.
Scrutant son reflet, elle respire profondément. Elle doit se concentrer. Il y a quelqu'un qu'elle connaît dans la cave de cette maison. Si c'était un livre, elle penserait que c'est trop cliché pour être vrai : les personnes les plus riches et les plus puissantes du monde magique rient et boivent, tandis que pratiquement sous leurs pieds, d'autres personnes sont emprisonnées. Beau à l'extérieur, mais pourri à l'intérieur. Une métaphore très lourde de sens.
On frappe fort à la porte.
« Pansy ? Tu es là ? »
C'est la voix de Mère.
Attrapée.
« Oui, répond Pansy. »
Elle déverrouille la porte et l'ouvre.
De l'autre côté, Mère a l'air d’une humeur orageuse.
« Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-elle d'un ton accusateur.
–J’étais aux toilettes. Est-ce que c'est illégal maintenant ? »
Mère lui lance un regard meurtrier.
« Je t'ai vu parler à Bellatrix Lestrange. As-tu au moins écouté ce que j'ai dit ?
–Elle a commencé à me parler en première. Qu'est-ce que j'étais censé faire ?
–Ça suffit, siffle Mère en prenant le bras de Pansy et en commençant à l'entraîner dans le couloir. Tu passeras le reste de l'après-midi avec Narcissa et moi.
–Très bien, marmonne Pansy. »
Il est inutile de lutter contre sa mère lorsqu'elle est dans ce genre d'état.
Elles atteignent les portes-fenêtres qui donnent sur l'extérieur.
« Narcissa est la seule à être saine d'esprit dans cette famille, murmure Mère. L'une a épousé un né-moldu, l'autre est une femme dérangée qui n'a pas d'enfant. Pas étonnant que les Blacks se soient éteints.
–Qu'est-ce qui ne va pas avec Bellatrix ? demande Pansy, juste pour le plaisir de dire quelque chose de contraire aux opinions de Mères. »
Un autre regard.
« Aucune de mes filles ne finira comme ça. »
S'agit-il de prendre la marque, d'être dévouée à un autre homme que son mari ou de ne pas avoir d'enfants ? La réponse n'est pas claire.
Fidèle à sa parole, Mère oblige Pansy à rester avec elle le reste de l'après-midi. Pansy est obligée de supporter une conversation ennuyeuse entre Mère et Narcissa au sujet de la collecte de fonds pour St Mangouste. Si Narcissa trouve étrange le comportement de Mère, elle ne fait aucun commentaire.
Au grand soulagement mais aussi à la grande déception de Pansy, Bellatrix ne la retrouve jamais.
***
[C'est une longue histoire, mais Bellatrix Lestrange m'a dit qu'une de mes connaissances était enfermée dans la cave du manoir Malefoy. Je ne sais pas depuis combien de temps elle y est, ni combien de temps elle y restera. Par ailleurs, je pense que le Seigneur des Ténèbres a donné à Bellatrix un objet important, ou peut-être même plusieurs objets, à conserver dans son coffre-fort. Elle s'est disputée avec August Rookwood à ce sujet.]
[Quoi ? Comment tu sais tout ça ?]
[J'étais à une fête au manoir des Malefoy à laquelle mes parents m'ont fait aller. C'était en début d'après-midi.]
[Tu penses que c’est Luna ?]
[Je ne sais pas. Elle m'a juste dit : "Il y a des prisonniers dans la cave en ce moment. Tu devrais connaître l'un d'entre eux. Vu la façon dont elle l'a dit, je pense qu'il s'agit d'un élève. Et Luna est la seule élève dont je me souvienne à avoir été kidnappée. Les autres ont disparu, alors je pense qu'ils sont en fuite.]
Cinq minutes plus tard, il écrit :
[Ok. On est en train d’en parler. Est-ce que tu penses que les Malefoy ont d'autres enchantements que les barrières anti-transplanage dans la cave ? Ron vient d'indiquer que Dobby peut faire passer des gens à l'intérieur de ce genre d'enchantements. Mais ça dépend s'il y a d'autres types de magie qui les retiennent.]
[Je n'en ai littéralement aucune idée. Ma famille n'a jamais emprisonné de personnes dans notre cave, pour autant que je sache.]
***
« Pansy, tu peux venir ici ? »
Elle passe devant le bureau de son père quand elle entend cela. Elle regarde dans l'embrasure de la porte.
« Oui ? »
Père est assis à son bureau.
« Assieds-toi. »
Elle entre.
Nous sommes jeudi, quatre jours se sont écoulés depuis la fête au manoir des Malefoy. Quatre jours tendus mais sans histoire.
En s'installant dans son fauteuil, elle jette un coup d'œil autour d'elle. Le bureau n'a pas changé. Derrière Père, il y a une grande fenêtre qui donne sur les jardins, et à sa gauche, un mur de photographies. On le voit serrer la main de l'ancien ministre de la magie, Cornelius Fudge, et trinquer avec un groupe d'hommes d'une association internationale d'affaires magiques.
« Qu’est-ce que c’est ? »
Père étalle un parchemin sur son bureau. Quand elle était plus jeune, elle avait l'habitude d'attendre ici qu'il rentre du travail. Il lui parlait de tous les artefacts magiques qu'il avait vus et lui demandait quels étaient ceux qu'il devrait importer. Cela semble ridicule aujourd'hui, de demander à un enfant de huit ans des conseils sur des décisions commerciales, mais à l'époque, cela lui avait semblé tout à fait naturel. Il faisait preuve d'humour en l’appelant : "Ma brillante fille".
« C'est à propos de la fête, commence-t-il lentement. »
Le parchemin est maintenant bien étallé.
Les battements de son cœur s'accélèrent.
« Qu'en est-il ?
–Tu sembles avoir suscité l'intérêt de Bellatrix Lestrange. Elle s'est renseignée sur toi. »
Il est en train de remettre de l'ordre dans les photos qui se trouvent sur son bureau. Celles qui sont ici sont plus personnelles : Mère et Père le jour de leur mariage, paraissant incroyablement jeunes même s'ils étaient plus âgés que Pansy aujourd'hui, une photo de Prim, Pansy et Mère, où Pansy et Prim se poussent l'une l'autre et où Mère les fait taire, et enfin, une photo de Pansy quand elle avait quatre ans, portant une robe rose à froufrous, riant tandis que Père la fait monter sur ses épaules.
Enfin, il lève les yeux vers elle.
« Comprends-tu ce que cela signifie ? »
Elle savait que cela pourrait arriver depuis qu'Amycus Carrow avait dit: nous pourrions lui parler de vos talents.
Après tout, c'est elle qui a discuté avec le professeur Rogue, qui a parlé avec Théo et qui a souri à Bellatrix.
Mais il y a savoir et savoir.
Sa gorge est sèche.
« Oui. »
Elle déglutit.
« Mais je pensais que... Maman a dit... »
Aucune de mes filles ne finira comme ça, avait clamé Mère.
Père secoue la tête.
« Nous sommes dans une situation difficile. »
Nous, pas toi. Nous, la famille.
« Nous pouvons attendre, propose finalement Pansy. »
Ils ne peuvent même pas se dire les mots qu’ils aimeraient.
« "Oui, nous pouvons attendre. En fait, nous devrions essayer d'attendre. Mais je veux m'assurer que tu... comprennes.
–Il y a Dominick, John et les autres cousins, déclare Pansy un peu désespérément. »
Père détourne le regard.
« Ce n'est pas à eux qu'ils s'intéressent. »
Elle suit son regard : il regarde un jeu d'échecs sorcier, posé sur une table. Il avait essayé de lui apprendre quand elle était plus jeune, mais elle s'ennuyait toujours et voulait retourner à ses poupées.
Elle ne devrait pas poser la question. Mais elle ne peut pas s'en empêcher.
« Pourquoi ? »
Père se retourne vers elle.
« Peu importe pourquoi. Nous ne savons pas. »
Pansy pense à la phrase de Théo : un Mangemort dans chaque famille.
Elle pense au photographe qui avait dit : la prochaine génération !
Et elle pense qu'elle sait.
Le préfet et la préfète en chef ne sont pas choisis pour leurs notes - il y a toujours beaucoup d'élèves intelligents qui ne sont pas retenus. Non, ils sont choisis parce qu'ils sont censés représenter ce que Poudlard, et donc le monde des sorciers, a de mieux à offrir : intelligents, certes, mais aussi moralement intègres et leaders-nés. L'avenir de leur société.
Et si cet avenir choisissait de prendre la marque ?
Quel tour de force.
Père commence à déplacer ses plumes.
« Je sais que tu comprends à quel point ce serait difficile pour notre famille, si nous devions sembler refuser.
Ses yeux se posent à nouveau sur le jeu d'échecs sorciers.
Cela t'aidera à apprendre la stratégie, se souvient-elle l’entendre dire. Elle ne se rappelle pas vraiment des règles, elle a arrêté d’y jouer bien trop jeune. Mais elle se souvient de ceci : il faut parfois sacrifier un pion pour conserver son avantage.
C'est juste qu'elle ne s'est jamais considérée comme un pion.
« Pas seulement pour ta mère et moi, mais pour tes oncles et tantes, tes cousins, ton grand-père... poursuit-il. »
Elle est le prix que sa famille est prête à payer pour rester au pouvoir.
« Je suis désolé, s’excuse-t-il enfin. »
Elle ne peut le regarder.
Son regard se pose sur la photo de son père et d'elle sur le bureau. Ils ont l'air si heureux. Ils rient encore et encore, derrière le verre du cadre. Figés dans le temps pour toujours.
« Si c'est tout, je vais y aller, s'entend-elle affirmer de très loin. »
Elle se lève et se tourne pour quitter la pièce.
Il appelle son nom derrière elle. Elle ne s'arrête pas. Elle sait déjà qu'il ne va pas lui proposer de quitter le pays, ni supplier le Seigneur des Ténèbres de le prendre à sa place.
Nous ne laisserons pas cela se produire, avait déclaré mère.
Et là résidait son erreur : elle pensait comme une enfant et non comme une adulte. Dans un endroit secret et caché au fond d'elle, elle croyait Mère. Elle pensait qu'elle pouvait prendre le risque de parler à Bellatrix et que rien ne lui arriverait. Elle pensait qu'elle pourrait rester en marge pour toujours - suffisamment privilégiée pour apprendre des choses utiles, mais suffisamment protégée pour rester hors de danger.
Comme une petite fille, elle avait cru que ses parents pourraient la protéger pour toujours.
Ses pieds la conduisent jusqu'à l'escalier puis dans sa chambre. Depuis l'entrée, elle regarde les couvertures froissées de son lit, le maquillage sur sa commode et les vêtements qui débordent de sa malle d'école. Tout est exactement au même endroit qu'elle l'a laissé ce matin, mais cela lui semble étranger maintenant.
Vous n'êtes pas du tout préparée, avait dit professeur Rogue.
Elle traverse la pièce et fouille dans ses affaires jusqu'à ce qu'elle trouve le parchemin. Elle remarque que ses mains tremblent. Il lui faut deux essais pour obtenir le bon mouvement de baguette.
À sa grande surprise, des mots fleurissent sur la page.
Il y a quelque chose à propos de Luna Lovegood et de Dean Thomas, d'Ollivander le fabriquant de baguette et de Gripsec le gobelin. Il y a aussi beaucoup de choses à propos de Dobby, de salles et de caves.
On était inquiets du bruit du transplanage, mais aucun des Malefoy n'est descendu pour vérifier, donc je suppose qu'ils n'ont rien entendu.
Et puis quelque chose à propos des prisonniers blessés et qui doivent trouver un endroit appelé la chaumière aux coquillages.
Les mots sont tous dans le bon ordre, mais elle est dans un tel brouillard qu'il lui faut un certain temps pour comprendre de quoi il parle. Et encore, elle ne comprend que la dernière partie.
Avant qu'elle n'ait le temps de trop y réfléchir, elle écrit :
[Où est la chaumière aux coquillages ?]
Quelques instants plus tard :
[Tu veux venir ?]
Et puis :
[Oui.]