
Je t'embrasse, Sirius Black
-T’es vraiment piqué.
-Ta gueule Arthur, je sais, répond Léwina tombant la tête la première sur son lit.
Depuis que Lucius avait déménagé, le grand manoir Malfoy était vide la plupart du temps. Léwina invitait alors régulièrement Arthur chez elle. Elle aurait aussi pu inviter Sirius mais ce dernier était parti en vacances avec James et sa famille assez rapidement après le mariage. Justement, Léwina racontait à son meilleur ami cet épisode.
-Je suis désolé Léwina mais je ne pense pas que Sirius ait un crush sur toi, d’après Remus il parle tout le temps d’Eleanor.
Arthur était du genre honnête, voire un peu trop honnête. Au fil des années de leur amitié, Léwina avait fini par comprendre que son meilleur ami ne prendrait jamais de pincettes avec elle. D’un côté c’était rassurant d’avoir un ami qui nous disent toujours la vérité, mais d’un autre certaines vérités étaient dures à entendre.
-Je sais, grommèle-t-elle la tête dans l’oreiller. Il m’en parle tout le temps aussi.
Elle prit alors une voix plus grave, essayant de la rendre la plus proche possible du Gryffondor :
-Tu sais Léwina c’est une née moldue et ça ferait vraiment chier mes parents, en plus elle est jolie et intelligente. Elle m’a envoyé quelques lettres cet été et ça m’a fait plaisir.
Arthur ne put s’empêcher de rigoler à l’imitation complètement ratée de son amie.
-Mais en même temps, je ne veux pas te donner d’espoir, reprend Arthur avec un air plus sérieux, il est quand même super bizarre avec toi. Genre je ne l’ai jamais vu sympathisé avec des gens de la manière qu’il l’a fait avec toi après c’est Sirius Black quand même, il sympathise avec des gens tous les jours.
Léwina releva la tête de son oreiller pour regarder son ami :
-Quelles sont mes chances tu penses ?
-Je dirais que t’as environ cinq pourcents de chance, je ne comprends jamais ce qu’il se passe dans la tête de ce fou mais en même temps ça m’étonnerait.
Arthur fit un sourire désolé à son amie. Malheureusement, il était juste sincère, rien dans les actes de Sirius ne pourrait faire penser qu’il ait une attirance pour Léwina. Néanmoins, en cherchant bien, on pouvait remarquer une proximité amicale surprenante étant donné leur passif « d’ennemis ». Or, Arthur pensait que cela était simplement due au fait que James était souvent avec Lily et que donc Sirius avait un temps considérable qu’il passait avec Léwina puisque cette dernière se rendait tout le temps disponible pour lui.
Le Serpentard balada son regard dans la chambre de son amie. Elle était grande et impersonnelle, contrairement à son dortoir à Poudlard. Rien qu’à cette chambre, on pouvait aisément voir toute la richesse dont jouissait les Malfoy. En effet, elle faisait au moins la taille d’un dortoir à Poudlard alors qu’ils dormaient à plusieurs dedans.
-Il m’énerve, laisse échapper alors Léwina en regardant son meilleur ami depuis son lit. Il est toujours là à se pavaner, à dire qu’il veut faire chier ses parents et il serait prêt à sortir avec une fille qu’il n’aime même pas pour ça.
-Pourtant Remus avait l’air de dire qu’il aurait quand même des sentiments.
-Tu parles, c’est du vent, il se les invente complétement, reprend Léwina, l’énervement clairement entendable dans sa voix. Ses lettres m’ont permises de bien suivre comment il réfléchissait à la chose : il n’y a aucun amour là-dedans, c’était très mécanique, rien de vrai ou de sincère.
Arthur acquiesça avant de relever :
-Ses lettres ? Il t’en envoie beaucoup ?
Léwina sourit alors et se leva. Elle se dirigea vers un placard qu’elle ouvrit et dont elle sortit une grosse boîte qu’elle lâcha négligemment devant les pieds d’Arthur et qui s’écrasa au sol dans un gros « boom ».
-J’en reçois une tous les deux jours, on est descendu à trois comme il est en vacances avec James mais je considère que ça reste beaucoup, déclare Léwina.
Elle s’empara alors de la boîte et le retourna non sans mal. Tous les lettres de Sirius s’écrasèrent et se dispersèrent au sol devant les yeux ébahis d’Arthur. Ce dernier s’assit à son tour par terre et prit tour à tour des lettres au hasard. Il les ouvrait et en sortait plusieurs feuilles, noircies de haut en bas sans laisser de place.
-C’est quoi ce bordel, murmure-t-il à lui-même passant une main dans ses cheveux détachés… Tu m’as dit qu’il t’envoyait beaucoup de lettres mais là c’est plus beaucoup, c’est énorme !
Il regarda Léwina qui avait un visage neutre, quoique on aurait pu lire une certaine joie, trahie par le petit sourire qui venait d’apparaitre sur ses lèvres. Il est vrai que le choix de l’adjectif « énorme » convenait parfaitement à la situation. Léwina n’avait jamais reçu autant de lettres provenant d’une seule et même personne, en vérité, elle n’avait jamais reçu autant de lettres sur tout un été. Une fierté assez malsaine prit alors place dans son esprit : elle était sûre d’être la seule à qui Sirius envoyait autant de lettres.
Arthur, toujours sous le choc, attrapa une nouvelle lettre et l’ouvrit à la hâte, il commença à lire :
« Léwina,
J’espère que tu vas bien et par le temps que tu recevras cette lettre, Arthur devrait bientôt arriver puisque tu m’as dit qu’il devait arriver mardi. Personnellement je prends une pause en t’écrivant cette lettre de la préparation de ma valise pour partir en vacances avec les Potter. Je n’ai pas exactement bien suivi où nous allions mais je suis sûr que ça sera génial. Je fais entière confiance aux parents de James sur ce sujet. […] »
Arthur abandonna cette page et se rendit à la dernière, deux feuilles plus loin :
« J’attends avec impatience le moment où nous nous reverrons mais je pense malheureusement que cela ne sera pas avant la rentrée.
Je t’embrasse, Sirius Black. »
Arthur resta interdit quelques instants à relire en boucle la dernière phrase : qu’est-ce que tout cela pouvait-il dire ? Il releva ensuite le regard pour tomber sur les yeux de Léwina qui le regardait déjà, une mine quelque peu terrifiée sur le visage : elle espérait désespérément qu’Arthur trouve quelque chose de positif à ces lettres, quelque chose qui trahirait les sentiments de Sirius à son égard, elle cherchait une lueur d’espoir.
- « Je t’embrasse, Sirius Black », répète bêtement Arthur. A quoi il joue ?
-Je n’en sais rien, répond sa meilleure amie en se prenant la tête dans les mains. C’est comme ça qu’il est depuis qu’on est revenu du mariage de mon frère et de sa cousine, j’ai l’impression qu’il flirte avec moi mais en même temps pas trop, je n’arrive pas à décider.
Arthur laissa alors la pièce dans le silence pendant quelques instants avant de reprendre :
-Ok, tout à l’heure j’ai dit qu’il y avait cinq pourcents de chance pour qu’il ait des sentiments pour toi, je monte à dix pourcents je ne comprends vraiment rien à ce qui se passe dans la tête de ce mec.
Léwina se mit alors à fouiller dans le tas de lettres et en sortit précisément quatre. Arthur remarqua bien ce qu’il se tramait devant ses yeux : Léwina devrait connaitre certains passages de certaines lettres par cœur, sûrement à force de les relire. Il souffla et tira ses cheveux en arrière, ce n’était pas bon, ce n’était pas bon du tout. Il se retrouva à se projeter trois ans auparavant quand il recevait une lettre d’Anna. Ces lettres étaient pour lui un trésor d’une valeur inestimable. Léwina était définitivement amoureuse de Sirius Black. Bien qu’elle n’ait pas encore accepté d’utiliser ce mot, il fallait bien se rendre à l’évidence.
Celle-ci ouvrit alors les lettres qu’elle venait de récupérer et se mit alors à les lire tour à tour à voix haute : « Bien que ça ait été une blague de très mauvais goût, sans avoir fait cette blague sur ton père à cette soirée, je pense que je serais toujours bloqué sur la mauvaise image de toi, tu peux difficilement savoir à quel point je suis triste lorsque je m’imagine ne pas t’avoir rencontré. » ; « James n’est pas pareil que toi, vous n’avez pas la même place dans mon cœur mais je sais que tu seras toujours la personne à laquelle je peux me confier les yeux fermés. » ; « Il est difficile de dire pourquoi mais je crois que je n’ai jamais aimé Marcus. » ; « Il est sûrement tard et ma lettre ne doit plus avoir aucun sens mais je crois avoir menti au mariage de ton frère, tu es probablement la plus belle fille de Poudlard. ».
-Pourquoi tu ne m’as jamais parlé de tout ça, demande alors Arthur, surpris de ce qu’il venait d’entendre, son esprit tournant à cent à l’heure, se rendant compte qu’il avait sous-estimé la complicité entre Sirius et Léwina ?
-Je… Je crois que je voulais le garder pour moi pour un petit moment, je pensais tout te raconter face à face.
Arthur souffla alors et s’avachit sur le mur derrière lui. Il n’était pas énervé, Léwina pouvait garder des choses pour elle si elle le souhaitait et il est vrai qu’il avait un peu fait la même chose lors de sa phase de séduction avec Anna. Non, il soufflait car Sirius Black le tournait en bourrique, comment pouvait-on parler d’une fille à tous ses amis en disant qu’on souhaite sortir avec elle et en même temps plus ou moins flirter avec une autre. Arthur, depuis qu’il le connaissait réellement, avait toujours trouvé Sirius comme quelqu’un d’assez gentil, ou du moins il essayait de l’être, mais depuis la lecture de ses lettres, une montée de colère s’était emparée de lui : ce con semblait jouer sur plusieurs tableaux et il allait très clairement faire souffrir sa meilleure amie.
-Et après il ose parler d’Eleanor à tout le monde, déclare Arthur.
-Oui… Je suis complétement perdue, je sais plus quoi penser.
-Tu m’étonnes ! Il joue sur combien de tableaux à la fois ?
Léwina comprenait la colère de son meilleur ami, elle aussi l’avait ressenti quelques jours après la réception de ces lettres, après que la joie soit passée.
-J’aimerais vraiment, commence-t-elle, mais alors vraiment qu’il ressente quelque chose aussi, ou alors qu’il me montre qu’il ne ressente rien du tout. Je sature complètement de cette situation.
*****
-J’ai fait ma première fois avec Lily cet été.
Sirius beugua un instant, surpris de cette déclaration soudaine de son meilleur ami. Bien sûr, il s’y attendait à cette annonce, surtout sachant que les deux amoureux avaient eu du temps à deux pendant cet été mais Sirius n’avait pas pensé que James sortirait ça de but en blanc. Il releva alors les yeux vers lui et regarda son meilleur ami dont le regard était fixé au plafond.
-Et… C’était bien, demande alors Sirius ne sachant pas quoi dire d’autre ?
-Bah je m’attendais à quelque chose d’assez nul vu que tout le monde dit tout le temps que la première fois c’est rarement bien mais au final c’était plutôt pas mal.
-C’est car vous aviez fait des trucs avant. Les gens commencent par-là alors qu’ils n’ont jamais rien fait avant donc c’est normal que ça soit à chier si tu connais mal l’autre personne et ce qu’elle aime.
-Dis donc, commence James en le regardant avec un sourire aux lèvres, tu parles vachement bien pour un puceau.
Sirius rit en lui jetant un coussin dans la tête.
-Après puceau, reprit James, peut-être pour plus trop longtemps. Eleanor t’a envoyé des lettres cet été ?
-Oui, trois mais je n’ai répondu qu’à deux, je n’ai pas eu le temps.
-Ah… Et ça fait combien de temps qu’elle traine ?
-Deux semaines.
James ferma les yeux et sourit tandis que Sirius retourna à ses précédentes activités. Pour Potter, il était évident que son meilleur ami ne ressentait rien pour cette fille. Sirius n’avait jamais été amoureux mais James l’avait déjà vu avec des sentiments lorsqu’il sortait avec Marlene : Sirius devenait très attentif et aimait passer beaucoup de temps avec la personne. C’est-à-dire pas du tout le comportement qu’il adoptait maintenant. Non, James ne l’avait vu faire ça qu’avec une seule personne récemment et celle-ci n’était d’autre que Léwina Malfoy. Malgré leurs débuts difficiles, Léwina s’était très rapidement imposé comme très bonne amie de Sirius, James s’était même senti menacé dans son statut de « meilleur ami ». Et pour cause, Léwina et Sirius avaient une complicité que peu de gens pouvaient se vanter d’avoir. Mais d’un autre côté, Sirius n’avait jamais parlé de Léwina en d’autres termes qu’amicaux, malgré leurs rapprochements récents dont il avait fait part à son meilleur ami.
-Et Léwina reçoit une lettre tous les combien, rappelle-moi, demande innocemment James ?
-Deux-trois jours, répond Sirius distrait par le livre qu’il lisait.
James lui fit face, un grand sourire sur les lèvres.
-Pourquoi essayer de sortir avec une fille qui quoiqu’elle soit jolie est assez banale, et ce sont tes mots Sirius, affirme James devant le regard noir de son meilleur ami, lorsque tu es super proche de la plus belle fille de Poudlard à ton goût et ce sont toujours tes mots ?
Sirius ne répondit pas mais regarda James avec attention, ce dernier reprit :
-Et bien je vais te dire pourquoi. Dans l’espoir de faire chier tes parents, tu as mis une croix sur toutes les filles qui n’étaient ni moldue, ni née-moldu. Ainsi, bye bye Léwina, qui est sorcière à cent pourcents et que le dernier moldu dans son arbre généalogique doit remonter à des centaines d’années. Alors que, sans se mentir, t’irait franchement bien mieux avec elle qu’avec Eleanor.
-Tu dis n’importe quoi.
-Ohh oui, rigole James. Alors dis-moi ce qui t’attire chez Eleanor et ce qui ne t’attire pas chez Léwina ?
-Qu’est-ce que tu cherches à faire James, demande Sirius d’un ton assez las ? Ces questions sont inutiles, l’amour ça ne se décide pas et puis même Léwina n’est clairement pas intéressée par moi.
-Et qu’est-ce qui te fait dire ça ?
-Et bien, elle n’a jamais montré qu’elle ressentait plus que de l’amitié pour moi. Non, Léwina et moi on se ressemble beaucoup et donc on s’apprécie mais ça ne veut pas dire pour autant que je suis amoureux d’elle !
-Mouais, mouais, dit alors James pour clôturer la discussion sentant que Sirius n’était pas encore près à voir la vérité en face.
Néanmoins, il doutait toujours autant des soi-disant sentiments que Sirius ressentait pour Eleanor. Il avait la fâcheuse impression que Sirius s’était interdit de ressentir quoique ce soit pour Léwina inconsciemment et que depuis il cherchait de nouvelles histoires amoureuses qui étaient clairement vouées à l’échec.
James décida de ne pas continuer sur ce sujet pour l’instant, sentant bien que son meilleur ami était complètement fermé à la discussion. Or, il se promit de réessayer à l’avenir notamment car un point avait attiré son attention : à son goût, il était faux que Léwina n’avait jamais montré plus pour lui que de l’amitié. En effet, Léwina semblait vouloir tout lui donner. C’était la première personne à venir chercher Sirius quand il se sentait mal, peu importe l’heure elle venait toujours. Elle cherchait toujours à se rapprocher de lui, à le faire sourire, à le faire rire. Elle le complimentait aussi. Elle n’hésitait pas à couvrir ses arrières en toutes circonstances. Et surtout, il paraissait très évident aux yeux de James qu’elle était jalouse d’Eleanor. C’était à la fin des examens de cinquième année que cela lui avait sauté aux yeux et depuis tout allait dans ce sens : Léwina avouant qu’elle avait un crush, Arthur demandant avec malice son avis sur Eleanor… Non, pour James, il était assez clair que Léwina ressentait des choses pour Sirius, mais ce dernier ne semblait pas encore prêt à l’entendre.