
Chapitre 4
Lexie embrassa Amy pour la première fois alors que la neige tombait.
C’était le deuxième jour des vacances et ni elles, ni Draco n’étaient rentrés. Draco ne voulait pas retourner dans le silence, dans le vide, dans la solitude. Il ne désirait pas retrouver les pleurs de sa mère, les souvenirs dans les murs, les cris dans sa tête. Alors Amy et Lexie étaient restées à ses côtés durant les vacances, ayant appris qu’il serait seul.
Harry, Hermione et Ron restaient eux aussi, voulant profiter pleinement de cette dernière année à Poudlard.
Lexie avait embrassé Amy alors que la neige tombait, alors que le soleil était haut dans le ciel, alors qu’un gigantesque sapin décoré de milles couleurs se dressait dans le Hall. C’était Noël, les cadeaux, la joie, les festivités. L’amour. Les voir si heureuses, si proches, miel et magenta mélangé, l’amena à penser à son propre cœur.
Ses parents. Blaise. Pansy. Lexie et Amy. Hermione Granger. Harry Potter.
Son père était en prison. Lucius l’ignorait depuis la chute de Voldemort. Non, même avant. Il l’avait déçu.
Sa mère ne savait plus que pleurer, seule dans ce manoir sombre. Elle parlait à peine, ne mangeait que le strict nécessaire. Elle se laissait mourir. Elle n’avait pas prononcé son nom depuis des mois.
Blaise, qui était son plus proche ami, son confident, était loin. Loin de lui, loin de ce château, loin de tout ce qu’ils avaient. Il arpentait le monde, découvrait milles cultures. Il était libre. Loin de l’Angleterre, loin des vestiges de la Guerre, loin des visages hostiles.
Parfois, il lui en voulait de l’avoir abandonné ici.
Pansy, qui fut autant une source d’agacement qu’une amie loyale, était isolée elle aussi. Seule dans le noir, seule dans le silence, seule dans l’immensité de sa demeure. Elle payait pour les erreurs de ses parents. Alors elle lisait pour s’occuper. Elle s’était découverte une passion pour l’Histoire et désirait devenir historienne.
Lexie était une bouffée d’air frais. Une tornade. Elle vivait sans se soucier du regard des autres, sans crainte de l’opinion, assurée et confiante. Elle était un cyclone, sans peur, sans hésitation, le cœur grand ouvert. Loyale et terriblement franche. La rencontrer fut certainement la meilleure chose qui lui fut arrivé dans sa vie.
Amy était un lac tranquille. Une rivière qui coulait doucement. Apaisante, douce, patiente. Elle pouvait aussi être déchainée et ne se laissait pas marcher sur les pieds. Elle faisait toujours de son mieux et se donnait à deux cent pour cent envers ceux qu’elle aimait.
Hermione Granger. L’irritante Née-Moldue toujours plus intelligente que lui. L’amie d’Harry, la préférée des Professeurs, la tête de promotion. Qui passait la moitié de ses journées et de ses nuits à la Bibliothèque, qui prônait les règles mais n’hésitait pas à les enfreindre pour ses meilleurs amis. La main toujours levée vers le ciel, les réponses toujours parfaites.
Cette fille qui fut acceptée par Harry, en dépit de tout. Agaçante Miss-Je-Sais-Tout. Indispensable sorcière cultivée. Il avait été tellement jaloux, tellement, tellement. Elle l’avait poussé à se dépasser. Sans elle, il n’aurait pas eu à faire d’efforts pour être le premier. Sans elle, il se serait ennuyé.
Dorénavant, elle était son amie. Elle l’aidait, débattait avec lui, l’accompagnait dans ses raisonnements. Elle était avec lui. Et il se rendait compte à quel point Hermione Granger était une amie merveilleuse.
Harry, Harry, Harry. Harry Potter. Son rival. Le garçon à l'Aura verte, le garçon avec qui il avait grandi, le garçon qui avait refusé sa main. Comme il avait eu mal ! C’était la première fois qu’on le rejetait. C’était la première fois qu’on ne l’aimait pas. Son égo s’était pris un coup de poignard. Son cœur avait été profondément entaillé et cela avait nourri la colère et la jalousie qu’il ressentait en le voyant. Tout le monde gravitait autour du Survivant. Jamais autour de lui.
Alors pour exister, il était devenu son rival, son ennemi. Parce que c’était la seule place qui restait près de lui, parce qu’il voulait qu’il le regarde, que son Aura se heurte contre la sienne. Parce qu’il voulait se perdre dans cet infini de vert.
Son meilleur ennemi. Il savait tellement de choses sur lui, décryptait chaque nuance de son Aura. Il voyait sa peine. Sa douleur si grande, sa tristesse si épaisse, sa culpabilité si opaque. Il détestait sa manière de sourire alors qu’il souffrait.
Draco avait été dévoré par la jalousie. Peu importe ce qu’il faisait, peu importe ce qu’il se passait, Harry réussissait toujours et Draco échouait.
Déception, déception, déception.
Il voulait tellement qu’il montre ses blessures, qu’il hurle, qu’il pleure, qu’il laisse éclater sa peine et sa colère, qu’il en veuille au monde entier. Il voulait tellement le faire réagir. Le libérer du poids de ses sentiments.
Regarde-moi.
Je te déteste, je te déteste, je te déteste. C’est ce qu’il se répétait, alors qu’il fermait les yeux pour ne plus voir la douleur, pour ne plus voir la joie qui disparaissait, pour ne plus voir son Aura qui s’assombrissait.
Regarde-moi.
Et Draco pleurait pour lui. Mais il devait faire disparaître toute pensée trop positive à son égard. Il devait rester son ennemi ou il disparaîtrait. Il n’aurait plus aucune place. Regarde-moi. Haïs-moi.
Regarde-moi.
Harry Potter, son ennemi, son opposé, son double inversé. Si lumineux, si confiant, si bon. Gentil, ouvert, offert. Tout son contraire. Aujourd’hui, par miracle, ils étaient devenus amis . Et il avait peur. Terriblement peur de tout gâcher.
Regarde-moi.
***
Ils faisaient la queue pour rendre leur devoir de Sortilège. Draco se tenait derrière Ron, qui discutait avec Harry et Hermione.
« Weasley ? On se fait une partie d’échec ce soir ? »
Le roux lui sourit comme s’il était soudain un vieil ami.
***
Le soir, quand la partie fut finie et que tout le monde se retrouva dans les bras de Morphée mais que celui-ci oublia comme toujours deux âmes solitaires, ils se retrouvèrent au coin du feu.
Au début, ils profitèrent du silence et du calme.
Le silence n’était plus oppressant. Il était devenu doux et réconfortant.
Ce fut Harry qui brisa le vide, d’un murmure. Comme pour ne pas se faire entendre par les flammes. Comme pour ne pas réveiller la lune.
« Malfoy ? »
« Hm ? »
« Je… Je n’ai jamais vraiment compris ton implication dans la Guerre. Je pensais que tu serais un Mangemort , mais ce n’est pas le cas. » dit-il en jetant un coup d’œil à ses manches remontées. « Tes parents aussi à leurs procès clamaient que tu n’étais pas le serviteur de Voldemort. Ton père… »
« A dit au monde à quel point j’étais un fils décevant. »
Déception, déception, déception.
« Et ma mère m’a défendu avant de se muer dans le silence. »
« Raconte-moi. » murmurra le brun.
Le Serpentard ne vit aucun désir de blesser, juste une curiosité timide. Vert anis. Une couleur chaleureuse, calme, apaisante. Alors il ferma les yeux, se recroquevilla sur lui-même dans une position confortable et raconta.
Il lui raconta qu’il fuyait tout le temps. Il fuyait Voldemort, il fuyait les Mangemorts, il fuyait la Guerre. Il passait plus de temps chez Blaise que chez lui avant que ce dernier ne quitte le continent. Il évitait ses parents et tous les autres. Il prenait les passages secrets du Manoir, il passait ses journées dans sa chambre, toujours vigilant. Incapable de dormir, de se reposer, toujours à l’affut.
Sa maison n’était plus la sienne mais celle d’un monstre.
Il lui raconta les cris et les rires et le glissement des écailles sur la pierre. De sa baguette qui vibrait de vouloir jeter un sort de silence, de l’interdiction.
Il lui raconta que Voldemort ne l’avait pas marqué parce qu’il était insignifiant à ses yeux. Il n’avait aucune valeur. Il aurait été incapable de tuer Dumbledore, il manquait trop de courage pour cela. Voldemort le savait. Son père aussi.
Il n’avait pas voulu prendre part à cette Guerre. Il n’avait pas voulu avoir du sang sur les mains. Mais quand Voldemort réussit à pénétrer dans l’enceinte de Poudlard à l’aide d’un élève de sa maison, il avait été forcé de choisir. Alors il avait choisi. Il l’avait choisi lui : Harry Potter.
Il ne lui dit pas qu’il avait choisi son Aura, cette immensité verte. Qu’il avait été envouté dès leur première rencontre. Qu'elle le faisait frissonner quand elle se fracassait contre lui. Qu’elle était la vie, là où celle de Voldemort n’était que mort et désolation.
L’espoir, dans son monde glacial.
« Je vois. » répondit le Gryffondor.
Juste deux mots, mais cela était suffisant. Le silence revint, s’étirant sans ralentir sa course. L’atmosphère n’était ni tendue, ni relaxée. Elle portait les souvenirs du passé, de la Guerre. Des cauchemars qui peuplaient leurs nuits. De leurs actes, leurs erreurs, leurs faiblesses et leur courage. Il devait dire quelque chose, n’importe quoi, pour revenir au moment paisible du début de soirée. Pour de nouveau se perdre dans l’infini de vert.
« Dur de toujours tenir la chandelle, hein ? »
Harry ne comprit pas tout de suite. Puis ses yeux s’agrandirent et il éclata de rire.
Son rire était magnifique, il rêvait de l’entendre jusqu’à la fin de ses jours.
« Effectivement ! Être l’arbitre officiel et le bureau des plaintes, c’est une sacrée responsabilité. Lexie et Amy te délaissent ? »
« Non, mais ce n’est plus pareil. Parfois, je me sens de trop. Je ne sais pas quoi faire. C’est stupide mais j’ai l’impression d’être invisible. »
« Je te vois, moi. »
Son cœur rata un battement. Il avait envie de pleurer et de rire en même temps.
Ne me dis pas ça, ne me fait pas ça.
Il sentait ses yeux verts sur lui, qui le regardaient.
Je te vois.
Son Aura s’agita. Joie turquoise, panique saphir, amour cyan . C’était trop tard. Il lui avait fallu trois mots pour que son cœur flanche. Un seul regard.
Je te vois.
Ses yeux sur lui, son Aura vert pâle contre lui, tout était presque trop fort, presque douloureux. Trop de tendresse. Il avait envie de fermer les yeux, mais il était comme paralysé.
Par miracle, Harry détourna le regard et il put reprendre sa respiration. Son cœur reprit un rythme normal, sa peau cessa de fourmiller, son souffle s’apaisa. Il reprenait le contrôle de son corps. Soudain il était complètement lessivé. Comme si toute son énergie avait quitté son corps.
Regarde moi.
Je te vois.
Il sentait la chaleur du corps à quelques centimètres de lui, son Aura protectrice pleine de tendresse qui l’entourait. Il se sentait bien. Il ferma les yeux.
Il s’endormit sans s’en rendre compte, lâchant simplement prise.