
Chapitre 1
Par définition, l'Aura est un halo de lumière autour du corps que chacun possède.
L'Aura est complexe : elle réagit avec les sentiments. Elle a sa couleur, mais change de teinte en fonction de la force des sentiments et de leur nature : si les sentiments sont doux, elle sera claire, s’ils sont violents, elle sera sombre. Une personne stressée ou énervée possède une Aura agitée.
Lorsqu’une personne ressent des sentiments forts à l’encontre d’une autre, son Aura aura tendance à s’étirer vers cette dernière. Parfois, les Auras peuvent fusionner.
Draco avait le don de Vision.
Il était capable de voir les Auras sous leur forme la plus brute. Il avait longtemps pensé que c’était chose commune jusqu’à ce que ses parents lui fassent comprendre que ce n’était pas le cas, et qu’il avait intérêt à cacher ce don extraordinaire s’il ne voulait pas s’attirer des ennuis.
Discrètement, sa mère chercha à se renseigner mais il n’y avait aucune trace de sa capacité dans les livres à sa disposition. Il dut apprendre par lui-même à analyser les variations de couleurs et à les associer à des sentiments.
Quelques jours avant sa rentrée en première année à Poudlard, il rencontra un petit garçon qui flottait dans ses habits et qui était aussi maigre qu’un Elfe de Maison.
Son Aura était verte : oscillant entre la curiosité anis, la joie émeraude, l’émerveillement prairie et l’inquiétude sinople. Elle était timide, comme si elle n’avait pas l’habitude des grands espaces, d’être libre.
Le garçon avait les yeux aussi verts que son Aura et Draco fut immédiatement intrigué. Il ne parla que de l’autre garçon le reste de la journée et ne put dormir de la nuit. Quelques jours plus tard, il apprenait son nom dans les journaux : Harry Potter. L’Elu. Le Survivant.
Ce fut le début de longues années de fascination, à observer la moindre nuance de vert avec attention.
Le temps passa. Voldemort revint. L'Aura de Harry devint de plus en plus sombre, de plus en plus agitée. Harry était tout le temps en colère. La culpabilité le dévorait. Il souffrait et Draco ne pouvait que rester spectateur de son Aura qui sombrait.
Voldemort faisait pression sur son père. Il voulait Draco comme espion, comme Mangemort. Sa mère faisait tout pour le protéger.
Par miracle, il avait réussi à survivre. À survivre à la pression de Voldemort, à son Aura si noire, si étouffante, qui collait à ses poumons comme du goudron. Il ne savait pas comment il avait réussi à ne pas céder, à garder son secret, à protéger ses pensées. Son bras était resté intact, sa peau blanche n’avait pas été marquée.
Il avait fuit Voldemort, Dumbledore, Harry Potter. Il avait fuit la Guerre, fuit la mort, fuit la peur. Il avait réussi à survivre jusqu’à ce que tout explose. Jusqu’à ce que le Noir rencontre le Vert, jusqu’à ce que les ténèbres se heurtent à la lumière, jusqu’à ce que Harry Potter soit vainqueur.
Il avait vu le Gryffondor ce jour terrible et il avait compris. Il avait compris qu’il allait gagner. Il avait compris qu’ils avaient créé une arme, une arme humaine, une arme parfaite qui n’avait qu’un seul et unique but : éliminer Voldemort définitivement.
Il rentrait maintenant en 8ème année à Poudlard et Draco était seul.
Pansy était assignée à résidence dans ce Manoir trop grand et trop sombre, ses parents emprisonnés. Blaise avait suivi sa mère à l’étranger lors de la Guerre, laissant un Draco amer derrière lui. Son Père était à Azkaban, sa mère enfermée chez eux.
Depuis la chute de Voldemort, il vivait dans le silence. Le silence au manoir, dénué soudain de cette vie grouillante bien que putride, le silence dans son entourage, le silence de sa mère qui ne savait plus que pleurer, de ses amis qui s’étaient éloignés. Dans les journaux, il était un paria, un lâche ; on parlait de la chute des Malfoy avec une joie cruelle.
Alors il avait choisi de rejoindre Poudlard pour une dernière année, échapper au silence qui l’étranglait, quitte à ne faire face qu’à des visages hostiles.
Il préférait la haine au silence.
Alors que le Professeur McGonagall faisait son discours de bienvenue et que le Choixpeau répartissait les élèves, il n’arrivait pas à détacher son regard de la joyeuse étendue émeraude de l’Aura devant lui. Harry s’était apaisé durant l’été, il avait commencé son deuil, l’adrénaline était tombée.
Il applaudit les trois nouveaux enfants de sa maison : leur petit nombre ne l’étonnais guère.
Il y avait une amertume désagréable dans sa bouche à l’idée que tous les jeunes enfants des lignées Serpentardes étaient si méprisés que leurs parents préféraient les envoyer à Durmstrang au détriment de la grandeur de Poudlard.
Finalement, la Directrice de Poudlard prit tous les élèves de 8ème année à part.
« Bonjour tout le monde. Je suis très heureuse de pouvoir vous accueillir pour cette nouvelle et dernière année, décisive pour votre avenir. »
Il pouvait lire dans son Aura beige sa tristesse de les voir aussi peu nombreux.
« Étant donné que le château est encore en construction, et que vous n’êtes pas très nombreux, je suis dans l’obligation de vous placer dans un dortoir commun. Cependant, vous faites toujours partis de vos maisons et vos actions continueront à faire perdre ou gagner des points à celles-ci. »
Elle jeta un regard dur aux Trio d’Or qui lui répondit par des sourires innocents.
« Il y a aura deux dortoirs dans votre Salle Commune, un pour les Dames et l’autre pour les Messieurs. Suivez-moi. »
Le petit groupe suivit la directrice à travers les couloirs. Draco resta en retrait, regardant la masse d’étudiants discuter et rire entre eux. Leurs Auras n’étaient qu’amusement, joie et impatience. Cependant, il savait qu’il n’était pas le bienvenue, un seul coup d’œil vers sa personne suffisait à les assombrir.
Quand tout était sombre dans sa tête, il se demandait s’il n’aurait pas dû mourir avec les autres, ou quitter le pays. N’auraient-ils pas été heureux ainsi ?
Sa simple existence ne leur rappellerait pas la Guerre.
La Salle Commune était violette et blanche : les drapeaux des 4 maisons étaient suspendus autour d’une gigantesque cheminée, de grandes fenêtres donnaient sur la Forêt Interdite et quelques plantes apportaient de la vie à la pièce. Il y avait également des chaises et des tables plus ou moins espacées qui faisaient office d’espace de travail, ainsi qu’un canapé accompagné par quelques fauteuils regroupés autour du feu.
La Directrice leur indiqua les dortoirs. Ils étaient sept garçons : trois Gryffondors, deux Serdaigles, un Poufsouffle et lui. Les filles accueillaient trois Gryffondors, deux Poufsouffles et deux Serdaigles. Vive la population Serpentarde.
Il était aussi seul ici que chez lui.
Draco choisit le lit le plus à gauche, celui le plus proche de la fenêtre et, à sa plus grande surprise, sentit une Aura pomme l’effleurer. Harry Potter venait de prendre le lit adjacent au sien, suivi de Ron Weasley et son Aura vermeil curieuse. Il préféra ne pas se poser de question pour s’épargner un mal de tête conséquent et sauta le repas du soir pour regarder le soleil décliner lentement vers l’horizon.
Finalement, il s’allongea sur le dos, les mains croisées sur le ventre, les yeux rivés sur le plafond violet de son lit. Au bout d’un moment, il fut malgré lui intrigué par le bruit qu’il entendait, provenant de la Salle Commune.
Voilà de longs mois qu’il n’avait pas entendu l’existence d’autruis depuis son lit. Il n’aurait jamais pensé être un jour mélancolique de l’occupation des Mangemorts, mais la solitude rendait ses pensées sombres et étranges.
Il ne résista pas longtemps à la tentation et se rendit dans la pièce de vie. Tout le monde était installé, dispersé ici et là. Il s’installa sur le fauteuil le plus à l’écart et ouvrit un livre. Il l’avait déjà lu plusieurs fois mais cela lui ferait passer le temps. Il ferma les yeux et savoura le bruit ambiant, si loin du silence mortel auquel il était désormais habitué.
Le manoir puait la mort et le silence ne faisait que le lui rappeler.
Quelques bâillements plus tard et tout le monde était parti se coucher. Quand la lune fut haute dans le ciel et que le silence était revenu, il referma son livre et monta à son tour. Sa couverture était si chaude et moelleuse quand il se glissa dessous qu’il se retint de soupirer d’aise, lui qui n’était plus habitué qu’aux draps glacés de sa chambre.
Il observa la lune tout le long de la nuit, incapable de dormir. De toute manière, s’il sombrait, il ferait indéniablement des cauchemars, et dans ce dortoir remplis de presque inconnus, ce n’était pas quelque chose qu’il voulait faire. Ses sorts de silences étaient efficaces mais sa magie avait tendance à s’auto-annuler quand il se forçait à se réveiller de toutes ses forces.
Il se tourna et se tourna encore puis finalement, il se mit à fixer le dos de Harry à travers le vert menthe : il ne dormait pas, son Aura était trop agitée.
Il l’observa toute la nuit, mais elle ne s’apaisa jamais.
***
Ce fut le soleil qui le réveilla.
Draco n’avait pas fermé les rideaux de son lit et ceux de la fenêtre, si bien que les rayons lumineux se déversaient dans le dortoir avec insolence. (Il ne fermait plus ses rideaux depuis longtemps. Il avait appris à rester aux aguets du moindre danger.) Tous les occupants étaient maintenant réveillés et râlaient avec énergie.
« Bordel, Malfoy… »
« Tu peux pas fermer les rideaux, merde ?! »
« Oui, oui, j’y vais, désolé… »
Il y eut un petit blanc teinté d’étonnement. Il était vrai que Draco n’était pas réputé pour s’excuser.
Il était fatigué.
Il n’avait pas l'énergie de remettre son masque de Malfoy.
Il se leva pour refermer les rideaux et quelques têtes se renfoncèrent dans leurs oreillers. A côté de lui, Harry avait les yeux bouffis par un sommeil trop court et les cheveux encore plus en pétard que d’habitude. Il avait l’air plus ouvert, plus sincère, plus accessible.
Magnifique.
Le blond grimaça en voyant les volutes bleu roi de son émerveillement caresser l'Aura de Harry. Il savait ce que ça signifiait.
Il se força à penser à autre chose et entreprit de préparer ses affaires pour une longue douche brûlante.
***
Après une longue et ennuyante journée puis une séance de devoir à la Bibliothèque, Draco rentra finalement dans la Salle Commune, suite à un petit passage en cuisine pour grignoter un morceau. Il était 20h quand il franchit l’entrée et tomba sur un spectacle étonnant : tous les étudiants étaient réunis en cercle devant la cheminée à jouer dans un mélange coloré d’Auras.
Ils se turent et le fixèrent à son arrivée, si bien qu’un silence pesant tomba brusquement.
Le Serpentard se dépêcha de retourner à sa chaise et son livre pour échapper à leurs Auras hostiles et leurs regards noirs. Les conversations reprirent petit à petit et il put se détendre. Il observait un renard courir après un lapin quand une voix l’interpella.
« Malfoy ? Tu… veux jouer avec nous ? »
De nouveau, le silence. Est-ce qu’il apportait le silence ou est-ce que le silence l’aimait trop pour le laisser seul ? Il leva la tête malgré tout, aussi surpris que les autres, dévisageant Harry Potter. Ses joues rosies, ses yeux vert pomme, ses lèvres rouges, son Aura calme. Les volutes d’Aura agitées et sombres derrière lui.
Doucement, le blond ferma son livre et décroisa les jambes. Il se leva pour s’arrêter à côté du canapé et les dévisagea à son tour.
Il préférait encore le silence oppressant à la pitié.
« Potter. Tu n’as surement pas remarqué mais je ne suis pas le bienvenu ici. Garde ta pitié, elle me donne envie de vomir. »
Sans un regard pour quiconque, il rebroussa chemin jusqu’au dortoir et s’assit sur son lit. Gêne, culpabilité, peine. Harry avait été blessé par ses mots, comme toujours.
Il ne savait faire que ça.
Il prit trois grandes inspirations avant de soupirer et de se changer.
L’année allait être longue.