
Chapter 27
Black Sunset
Première Partie : Stars.
Chapitre 27
"Run for your children, for your sisters and brothers
Leave all your love and your longing behind
You can't carry it with you if you want to survive
The dog days are over
The dog days are done
Can you hear the horses?
'Cause here they come"
(Dog Days Are Over - Florence and the Machine)
Mercredi 10 Juin 1981, Manoir Lestrange, Angleterre.
Bellatrix avala la dernière gorgée de son infusion de plantes et sourit en sentant un coup énergique exactement sous la main qu'elle ne pouvait s'empêcher de laisser sur son ventre, comme si sa fille essayait de la toucher malgré la peau épaisse qui la gardait à l'abri.
- Patience ma petite. Tu n'es pas encore prête.
La courbe de son ventre était désormais immanquable, et elle se plaisait à la mettre en valeur grâce à de fines robes ajustées, qui lui donnaient en plus un voluptueux décolleté, pour lequel Rodolphus semblait avoir développé une saine passion.
Elle aimait définitivement être enceinte. Sentir la vie s'épanouir en elle. Se voir au sommet de sa féminité. Elle avait l'impression que rien ne pourrait l'arrêter, maintenant que la seule chose qui lui manquait naîtrait dans un peu plus de trois mois, parfaite en tous points.
Bellatrix profita de son bain jusqu'à ce que la peau de ses mains soit trop fripée - ce qui aurait fait soupirer de dédain sa mère - refusant de se priver de cet instant de détente que les Gynécomages encourageaient grandement.
Malgré la journée chaude qu'elle devinait à travers ses fenêtres, elle décida de laisser ses longues mèches noires libres - ce que Rodolphus appréciait toujours - et enfila une robe d'un bleu tendre, taillée dans un tissu vaporeux qui réussissait à épouser chacune de ses formes sans sacrifier son élégance.
Une fois parfaitement apprêtée, elle quitta sa chambre pour les cachots, curieuse de savoir si Caradoc Dearborn avait survécu à une nuit supplémentaire.
A la différence des quelques Aurors qui avaient pu jouir de son hospitalité, Caradoc Dearborn se révélait plus endurant. Rares avaient été les prisonniers du Seigneur des Ténèbres à rester en vie plus de deux semaines, et elle ne savait vraiment pas à quoi l'Oubliator se raccrochait. Solide de l'enseignement qu'elle lui avait prodigué, Bartémius avait testé une large palette de sortilèges noirs qui faisaient de la torture un véritable art. Caradoc avait perdu plusieurs extrémités, sa main de baguette n'était plus qu'un amas de chaires en décomposition, son corps était recouvert de bleus et de coupures et un regard trop sauvage lui avait coûté ses yeux. Malheureusement, tout cela avait été en vain puisque le jeune homme était resté muet comme une tombe, à croire qu'il avait pu se lancer un Oubliette àlui-même.
Une forte odeur infectait le sous-sol depuis quelques jours, et seule la perspective que Dearborn finisse par attraper une infection fatale l'empêchait de donner l'ordre à ses Elfes de tout nettoyer.
Un seul coup d'oeil à l'intérieur de la cellule lui permit de savoir qu'il ne servait plus à rien d'attendre.
Elle savait reconnaître un cadavre quand elle en voyait un.
…
Vendredi 12 Juin 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.
Sirius ouvrit un nouveau carton et ne fut pas surpris d'y trouver encore des livres. Son Oncle Alphard avait amassé une incroyable collection, et Sirius avait laissé le soin à Fleamont et Euphémia de faire un tri avant qu'il ne puisse emménager dans la maison, peu de temps après sa sortie de Poudlard. Ce qui n'avait pas pu être vendu avait été stocké dans des cartons qu'il n'avait jamais rouvert.
Il déchiffra les titres avec difficulté - les bases de français qu'on avait tenu à lui enseigner n'avaient pas survécu à dix ans sans pratique - mais il n'avait pas besoin d'être bilingue pour savoir qu'aucun ne traitait de magie. Son Oncle avait été passionné par la civilisation moldue, et plus particulièrement par les arts. Sirius avait découvert le pot-aux-roses en s'aventurant au sous sol, ignorant l'interdiction formelle de son Oncle, quand il n'avait même pas sept ans. Ce jour-là, Alphard lui avait fait jurer le secret et il avait enfin gagné un allié dans la famille Black.
Il referma le carton et le fit voler avec les autres objets inoffensifs.
- Sirius, viens voir !
Il rejoignit Judy de l'autre côté du bureau et sourit en la voyant avec une photo à la main. Il se glissa derrière elle, détaillant le cliché par-dessus son épaule.
Trois filles et deux garçons, entre onze et un an, souriaient sagement à l'appareil. Sirius grimaça en reconnaissant les robes sévères que sa mère lui faisait porter à l'époque, tandis que ses cousines étaient bien trop élégantes pour des fillettes.
- Tu étais très mignon petit, remarqua Judy en le désignant inutilement.
- J'étais ?
Elle tourna la tête vers lui, son sourire légèrement tordu sur les lèvres et il s'attendit à un nouveau trait d'ironie qui lui ferait - peut-être - regretté d'avoir posé la question.
- Maintenant tu es très séduisant. Et tu le sais.
Il l'embrassa délicatement et l'attira un peu plus contre lui, savourant sa chaleur et son odeur sans ne serait-ce que commencer à s'en lasser. Il savait qu'il ne pouvait plus se passer d'elle. Elle mit fin à leur baiser et retourna à la photo.
- Laquelle est la psychopathe ?
Sirius désigna la plus âgée des trois fillettes. Bellatrix avait un regard froid et levait le menton plus haut que tous. Si ses souvenirs étaient exacts, elle n'avait pas encore commencé Poudlard à cette époque, mais était déjà un véritable tyran.
- Bellatrix est l'aînée, ensuite il y a Androméda, et enfin Narcissa.
- Androméda, c'est celle qui s'est fait reniée, c'est ça ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Elle s'est mariée avec un Né-Moldu. Ted Tonks. Un chic type.
- Je crois que c'est définitivement une bonne chose que tu aies été déshérité.
- A qui le dis-tu. La photo vient d'où ?
- De l'album.
Sirius le parcourut rapidement, amusé qu'Alphard ait gardé tant de photos de leur petite bande. Si de nombreux clichés étaient des portraits montrant des enfants qui n'avaient jamais été aussi sages, certains avaient sûrement été pris par Alphard lui-même et il rit doucement en se voyant les vêtements déchirés et de la terre de la tête aux pieds.
- Sirius, quand comptes-tu me présenter Androméda ?
- Quand tu veux, elle… Oh merde !
La soudaine réalisation le fit presque paniquer. Androméda n'allait jamais lui pardonner de ne pas l'avoir tenue au courant. Il aurait beau se mettre à genoux pour qu'elle le pardonne, elle se vengerait tôt ou tard et Salazar seul savait à quel point elle pouvait devenir une vipère intraitable. Il allait vivre les prochaines années avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête…
- Elle va me tuer !
- Quoi ?
- J'ai oublié de lui dire pour le bébé.
- Tu as quoi ?! s'écria-t-elle en lui infligeant un coup dans le bras. Elle ne va pas te tuer ! Je vais finir par le faire !
- Une autre fois, Jud'. On y va.
Il attrapa l'album photos - en gage de paix pour plus tard - et entraîna Judy à sa suite. Moins de dix minutes plus tard, il trouvait une allée assez déserte pour se rendre invisible et lancer sa moto à l'assaut des airs.
Le trajet ne prit pas plus d'une heure, durant laquelle il fut reconnaissant au vent de souffler particulièrement fort, ce qui empêchait sûrement Judy de lui détailler à quel point il pouvait parfois être un exceptionnel crétin, bien que cette fois, il ne pouvait lui enlever une bonne part de raison. Il pouvait blâmer la guerre, l'espion qu'il n'arrivait pas à débusquer, la menace qui planait au-dessus de Harry, les morts à répétition dans l'Ordre, mais il n'avait pas envoyé de lettre à Androméda depuis Noël, ce qui voulait dire qu'il avait sans aucun doute oublié son anniversaire et celui de la petite Tonks au passage.
Il n'était pas certain de revenir vivant.
Son atterrissage brusque lui valut un coup sec dans les côtes, et il fit bien attention à ne pas rouler trop vite à travers le petit village moldu où vivait sa cousine.
Il eut à peine le temps de couper le moteur qu'une petite voix le surprit, quelque part au-dessus d'eux.
- Patmol !
Sirius releva la tête et trouva sa jeune cousine perchée dans l'arbre au pied duquel il s'était garé. Cette seule vision aurait suffi à l'inquiéter, mais Tonks décida de mettre au défi son cœur en coinçant ses pieds entre deux branches avant de basculer dans le vide, seulement retenue par ses jambes, ses longues mèches bleutées flottant dans les airs.
- Maman est en colère contre toi, lâcha-t-elle avec un gloussement.
- Je sais. Descends de cet arbre avant qu'elle ne s'imagine que c'est moi qui t'ait donnée cette idée.
La fillette éclata de rire et continua à se balancer.
Nymphadora Tonks ! Si tu te casses le bras encore une fois, je laisserais les médicomages moldus s'occuper de toi !
Sirius eut un sourire en coin quand sa cousine grimaça d'horreur et il l'aida à se redresser, puis à descendre de son perchoir. Une fois sur la terre ferme, Tonks s'emmêla les jambes et Judy la rattrapa avant qu'elle ne percute son ventre proéminent. D'embarras, ses cheveux virèrent au rouge.
- C'est qui ? demanda-t-elle d'une toute petite voix.
- C'est Judy. Ma petite-amie.
Tonks dévisagea Judy - qui semblait retenir un éclat de rire - puis ses yeux s'écarquillèrent, comme si elle venait de réaliser quelque chose.
- Maman a dit que tu étais marié.
- Je ne suis pas marié.
- Maman a dit que tu étais marié ! Et elle est très en colère parce que tu nous as pas invité. Moi, je suis plutôt contente parce que les mariages c'est super chiant. Mais ne le dis pas à Maman.
- Je ne lui dis rien si tu vas la prévenir que je suis là.
Elle grimaça.
- Si j'étais toi, je m'en irais. Elle est vraiment en colère.
- Je suis un Gryffondor, Tonks. Et un Gryffondor ne fuit pas.
- Maman dit que les Gryffondors sont stupides.
- S'il-te-plaît, Nymphadora.
Elle lui dédia un regard noir qu'elle devait tenir d'Androméda.
- D'accord, Black !
Tonks tourna les talons d'une façon trop dramatique pour ne pas être théâtrale, et Judy ponctua sa sortie en éclatant de rire.
- C'est fou ce qu'elle te ressemble !
- Ne te fies pas aux apparences, j'étais pire à son âge.
Il attrapa sa main pour la guider vers la maison des Tonks, et trouva Androméda au pied de sa porte, les bras croisés sur sa poitrine et un air sombre sur le visage, qui s'adoucit à peine quand elle vit Judy.
- Cousin ingrat ! s'indigna-t-elle en reportant son attention sur lui. Quand je pense que tu as été le premier à savoir que j'étais enceinte !
- Je suis désolé, Andy ! J'ai oublié de t'en parler. Je te présente Judy Adler.
- Ah, ce n'est pas Judy Black ?
- Ça n'a jamais été Judy Black.
- Ce n'est pas ce que j'ai entendu.
- Judy a voulu faire enrager Walburga et Bellatrix.
Androméda eut un moment d'hésitation et dévisagea Judy.
- Vraiment ? Je crois que l'on va bien s'entendre toutes les deux. Je t'en prie Judy, entre.
Quand il voulut la suivre à l'intérieur, sa cousine lui barra le chemin.
- Non, toi tu restes là. Je vais entretenir cette charmante demoiselle de toutes les histoires embarrassantes que je possède à ton sujet et je verrais quand nous aurons terminé s'il me sied de te laisser entrer.
- Quoi ?! Andy !
Androméda se détourna, aussi hautaine que Druella lui avait appris à l'être, et lui ferma la porte au nez.
Le ciel choisit cet instant précis pour libérer les premières gouttes d'eau d'une averse retentissante.
Deux heures plus tard, Androméda prit pitié de lui - ou plus vraisemblablement, Ted réussit à l'adoucir un peu - et il rejoignit Judy dans le salon. Son large sourire et son regard malicieux lui apprirent qu'Androméda avait tenu sa promesse, et que les deux femmes avaient sans doute beaucoup ri de lui pendant qu'il était coincé à l'extérieur.
Quand Tonks gloussa bêtement, il comprit que sa jeune cousine avait aussi été conviée à la petite fête.
- Nymphadora, n'oublie pas, tu ne dois rien lui dire.
Tonks fit disparaître ses lèvres de son visage, arrachant une grimace à tous les adultes.
- Andy nous a invités à manger ce soir, dit Judy en se calant contre lui quand il passa un bras autour de ses épaules.
- Je ne voudrais pas déranger.
- Ne sois pas mauvais joueur, Sirius ! Et puis, je suis sûre que tu n'as pas avalé un seul plat équilibré depuis des semaines. Euphémia m'a demandée de garder un œil sur ta santé, puisque tu n'es pas capable de le faire toi-même.
- Ça, c'est vrai, approuva Judy. Il t'a dit qu'il avait passé cinq jours à l'hôpital au début de l'année ?
Le masque narquois d'Androméda tomba soudainement et il vit une véritable inquiétude décomposer les traits de son visage.
- Comment ça ?
- Rien de grave, éluda-t-il d'un ton qui se voulait léger. Un truc de Maraudeurs.
- Une stupide invention alors ?
- C'est le moins qu'on puisse dire, soutint Judy.
Androméda le détailla avec attention et Sirius devina qu'elle ne manquerait pas de le cuisiner plus tard, pour connaître toute l'histoire.
- Et moi qui pensait qu'avoir un enfant mettrait un peu de plomb dans la cervelle de James Potter… Tu ne peux plus tenter le diable, Sirius. Cet enfant va avoir besoin de toi, et Judy aussi.
Sirius ne trouva rien à redire au discours de sa cousine, mais il savait aussi qu'il ne pourrait pas se retirer du monde sous prétexte qu'il allait devenir père. James, Lily et Harry avaient encore besoin de lui, et il fallait qu'il débusque la taupe, afin de ralentir Voldemort assez longtemps pour que Dumbledore lui règle son compte une bonne fois pour toute. La guerre qui se jouait au Royaume-Uni était trop importante pour qu'il laisse tomber maintenant. Il faisait ça aussi pour cet enfant et pour Judy. Il n'était pas question que le bébé grandisse dans un monde où la pureté d'un sang décidait d'un destin.
- Le bébé, ça va être une fille ou un garçon ? intervint Tonks, les yeux rivés sur le ventre de Judy.
- Ça, c'est une surprise, répondit la jeune femme. Tu en penses quoi ?
- J'espère que ça va être une fille. Ma meilleure copine, Alyssa, elle a un petit-frère et il est horrible. Il l'embête tout le temps. Et puis si c'est une fille, je pourrais lui prêter mes anciens vêtements. Maman a gardé tout un tas de trucs trop petits pour moi…
- Qui te dit que tu n'auras jamais de petite sœur ? releva Ted.
Tonks blanchit légèrement et se tourna vers ses parents.
- Ah non alors ! Je préfère avoir un chien plutôt qu'une petite soeur !
Sa réponse - de toute évidence sincère - fit rire tout le monde sauf Androméda.
…
Samedi 13 Juin 1981, Manoir Lestrange, Angleterre.
Bellatrix sentait l'impatience embrouiller son esprit presque aussi bien que la colère. Cela faisait une heure que sa Marque des Ténèbres s'était mise à brûler son bras gauche. Elle s'était empressée de rejoindre le Manoir Malefoy comme convenu par le Maître, et attendait depuis lors l'arrivée du Seigneur des Ténèbres. Son retard ne serait pas une première - Bellatrix était convaincue depuis des années maintenant qu' Il aimait soigner ses entrées - mais jamais encore Il ne les avait fait attendre aussi longtemps.
Bellatrix se fustigea quand elle sentit cette improbable pointe d'inquiétude se diffuser à la manière d'un lent poison dans son cœur. Il était inconcevable que quelque chose soit arrivé au Seigneur des Ténèbres.
Et quand bien même, elle l'aurait su.
Elle s'en remit donc à détailler l'assemblée silencieuse, essayant de deviner pourquoi ils avaient été tous convoqués sur le champ alors que de tels rassemblements étaient notoirement dangereux à cause des Aurors.
Peut-être qu' Il allait leur annoncer la prise imminente du Ministère ? Ou alors avait-il découvert un moyen de se débarrasser de Dumbledore, et dans le même temps de l'Ordre du Phénix ? Ou bien était-il proche du but dans sa quête pour augmenter ses pouvoirs ?
Elle oublia bientôt ses théories quand elle Le vit entrer dans la large salle de réception, suivi par un Peter Pettigrow affublé du masque des Mangemorts.
Sept ans d'études dans la maison de Salazar Serpentard et une enfance bercée par les recommandations de son père - ne laisse jamais les autres voir que tu es surprise, ou bouleversée, ou en colère - la sauvèrent de l'expression stupide qu'elle aperçut sur de nombreux visages.
- Mes chers amis, salua le Seigneur des Ténèbres avant de prendre sa place au bout de la table, laissant Pettigrow debout à ses côtés. J'ai une excellente nouvelle à vous annoncer…
Bellatrix se tourna vers lui, osant pour une fois fixé son visage.
- Ce soir, nous allons tuer les Potter.
…
Samedi 13 Juin 1981, Résidence des Potter, Ecosse.
- Qui est-ce qui est un petit sorcier ?
Harry sourit largement en le voyant approcher, les bras tendus vers lui, puis éclata de rire quand il le souleva du sol pour le faire tournoyer dans les airs.
- Je suis fier de toi, Harry ! Tu es un grand garçon maintenant !
Harry continua à glousser même après qu'il ait arrêté de tourner sur lui-même et il entreprit de le chatouiller, juste pour entendre son rire innocent.
- Tu vas aller à Poudlard ! Tu seras un parfait petit Gryffondor et ton papa et moi, on va t'apprendre tout ce qu'il y a savoir sur le château !
- Ne commence pas à lui monter la tête, Sirius !
- Il ne lui monte pas la tête, Lily ! La formation de Maraudeurs doit se faire le plus tôt possible ! Il aura un mythe à faire revivre !
Sirius tourna la tête pour échanger un regard complice avec James, puis cala Harry contre lui, définitivement ravi d'avoir fait autant de kilomètres pour venir le voir.
- Allez, je veux tous les détails ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
James se redressa aussitôt, les yeux brillants de fierté :
- C'était un pluvieux vendredi 12 Juin et nous étions partis faire des courses au supermarché de la ville. Ce jour-là, je portais une magnifique chevelure blonde, des vêtements moldus à la dernière mode. Lily s'était décidée pour une coupe brune à la garçonne - qui lui va vraiment à ravir, Sirius, si tu savais - et portait cette ravissante robe à fleurs malgré les températures presque négatives. Harry, fidèle à lui-même, avait refusé tout maquillage. Ce jeune homme a un fort tempérament et aime être naturel pour s'exposer aux yeux de son public. J'aurais dû me douter que cela cachait quelque chose… Bref, nous étions arrivé au terme de notre liste, quand nous avons eu l'étrange idée de traverser le rayon réservé aux sucreries. Harry - qui doit tenir ça de sa grand-mère - a insisté pour avoir cet énorme œuf en chocolat. Lily a refusé en prétextant que Pâques était déjà passé depuis longtemps, j'ai refusé car Lily a refusé et que nous nous sommes mis d'accord pour être toujours d'accord… Tu imagines bien que Harry a commencé à se mettre en colère - je me demande bien de qui il tient ce tempérament colérique - mais nous sommes restés fermes. Pas de chocolat. En plus, c'était bientôt l'heure de manger. Harry a redoublé sa colère, criant aussi fort qu'une alarme de voiture. Lily a maintenu son non catégorique malgré mon regard suppliant… Et là, sous nos yeux médusés, l'oeuf nous est passé sous le nez pour atterrir dans ses mains ! Lily n'a jamais été aussi fière d'avoir un fils désobéissant.
Sirius ébouriffa les mèches brunes de son filleul.
- Accio est un sortilège de quatrième année, Harry ! Tu as hérité du talent de ta mère !
Le petit garçon babilla joyeusement, détournant son attention de son lion en peluche quelques secondes pour le regarder de ses grands yeux verts, avant de retourner à un jeu qui n'avait de sens que pour lui.
- Comment va Judy ? demanda Lily.
- Bien. Très bien même. On est presque prêt pour l'arrivée du bébé. Ça va le faire.
James et Lily échangèrent un regard entendu et il fronça les sourcils en voyant un sourire amusé sur les lèvres de son frère.
- La pression monte ?
- Quelle pression ?
- J'ai une liste. Elle est alphabétisée.
- J'ai toujours pensé que tu étais bizarre. Ça empire avec l'âge visiblement.
- Franchement Patmol ! J'étais à ta place l'année dernière et je sais que tu commences à flipper. Dans moins de deux mois, tu vas être papa.
La grimace fleurit sur son visage avant qu'il n'ait eu le temps de la retenir, arrachant des rires au couple Potter. Il n'avait pas peur - un Gryffondor n'a jamais peur - de ce bébé qui allait très certainement bouleverser bien plus que ses habitudes. Il était inquiet à l'idée de ne pas se montrer à la hauteur, qu'il arrive quelque chose à Judy pendant l'accouchement - il avait entendu parler de trucs horribles ces derniers temps -, que le bébé ait un problème - Merlin en soit témoin, sa famille défiait les lois de génétique depuis trop longtemps -, qu'ils n'aient pas le temps de rejoindre l'hôpital - il avait déjà relu plusieurs fois le chapitre dédié à l'accouchement d'urgence dans le bouquin que lui avait filé James, tout en priant pour ne pas à en avoir besoin - et puis si jamais le bébé ne l'aimait pas, hein ?
- Respire Patmol.
- Je t'emmerde Potter.
- Pas de gros mots devant Harry ! Il aura bien le temps de les apprendre avec vous quatre Maraudeurs.
- C'est Sirius qui dit le plus de gros mots !
- Harry est plus mature que vous deux !
Leur chamaillerie aurait pu durer des heures - vraiment - mais un éclair de lumière rouge brilla soudainement à travers la vitre du salon. L'électricité se coupa et un silence glacial tomba entre eux. Sirius se leva vivement, déposant Harry dans les bras de Lily, et se posta près de la fenêtre, ses yeux fouillant la nuit sans rien discerner que des ombres. Il était persuadé que la situation n'était pas normale. Il avait déjà vu des lignes haute tension tomber, ou des compteurs exploser durant les batailles, et jamais la coupure de courant avait été précédée par un éclair rouge.
Le premier sortilège qui s'écrasa sur les charmes protecteurs de Lily lui donna raison, et il aperçut au moins deux silhouettes en contre-jour.
- Il faut partir, souffla James derrière lui. Lily, prends Harry. Vous partez avec Sirius. Je vais faire diversion.
- Parce que tu crois que je vais te laisser là, Potter ?! s'écria Lily.
Sirius abandonna son observation pour échanger un regard avec James et déglutit difficilement en le voyant si décidé.
Tu protèges Lily et Harry, Pat'. Quoiqu'il arrive, même si je dois mourir, tu les protèges eux avant moi.
La peur monta en lui, paralysante, alors qu'il faisait face à la pire situation possible. Il préférait cent fois risquer sa peau à chaque minute au cours d'une bataille, plutôt que d'abandonner son frère à une mort certaine. La guerre lui avait déjà pris Regulus, elle ne pouvait pas lui prendre James.
Une salve de sortilèges à l'extérieur le sortit de ses réflexions et il remisa sa peur pour quelques secondes.
- Allez-y. Je fais diversion.
James secoua la tête d'un air désolé et Sirius maudit son entêtement. L'expérience lui avait prouvé qu'il était impossible de le faire changer d'avis quand il avait quelque chose dans le crâne, et il fut presque tenté de l'assommer pour lui faire entendre raison.
Sauf qu'il lui avait fait cette foutue promesse, le jour où il l'avait retrouvé au Manoir Potter, et il ne trahirait plus jamais.
- Mes charmes ne tiendront plus très longtemps ! On s'en tient au plan, James ! Tu viens avec Harry et moi !
Il crut que le ton suppliant de Lily réussirait à le faire plier. James la serra brièvement contre lui avant de la pousser en direction de la cuisine, d'où partait un tunnel. Madelyn McGonagall n'avait pas choisi la maison au hasard quand elle avait su qui elle devrait abriter.
- James, non !
- Patmol !
Putain de merde.
Il se précipita pour soutenir James et attrapa Lily par les épaules, avant de l'obliger à descendre la volée de marches sous la trappe. Lily se débattit et lui promit plusieurs morts particulièrement douloureuses. Une longue litanie de jurons lui échappa quand la trappe se referma au-dessus d'eux, suivie d'une deuxième quand il la scella de l'extérieur.
- On doit y aller, Evans. Il va prévenir l'Ordre. Ils seront là d'une minute à l'autre.
Il n'en pensait pas un traître mot. L'Ordre mettrait plus de dix minutes avant d'arriver, et James aurait largement le temps de mourir plusieurs fois, surtout si Voldemort était de la partie. Mais il ne pouvait pas penser à ça maintenant. Il avait une mission à accomplir. Il devait s'assurer que Lily et Harry soient le plus rapidement en sécurité. Parce qu'il en avait fait la promesse à James et que ce crétin serait bien capable de revenir le hanter.
Ils remontèrent un tunnel étroit, parfois naturel, parfois creusé par l'homme, en courant. Harry était atrocement silencieux, Lily pestait à voix basse contre son mari et son foutu syndrome du super-héros qui allait réussir à le tuer. Sirius ne sut pas combien de temps il leur fallut pour parcourir le tunnel, pas plus de la distance qu'ils couvrirent, mais ils finirent par atterrir dans une grotte, le souffle court. A l'extérieur, une maison en ruine semblait monter la garde sous un ciel défiguré par la Marque des Ténèbres.
Sirius se figea, les yeux braqués au loin. Il pouvait deviner les éclairs de lumière - terriblement nombreux - et il lui sembla entendre des cris malgré les kilomètres. James était là-bas, peut-être était-il blessé, peut-être était-il mort. Il n'avait aucun moyen de savoir si l'Ordre et les Aurors s'étaient déployés.
A sa gauche, Lily étouffa un sanglot, qui fut repris par les pleurs de Harry, comme si le petit garçon comprenait d'où venait le désespoir de sa mère.
Il baissa les yeux vers elle et son regard vert, bordé de rouge et terriblement brillant, lui donna l'impression d'être la personne la plus impuissante du monde.
- Pitié Sirius… Laisse-moi y retourner.
Il secoua la tête sans réfléchir, se raccrochant à sa promesse, parce que s'il la tenait, James n'aurait pas d'autre choix que de tenir la sienne.
Je le ferais. Seulement si tu jures de ne jamais mourir, Potter.
- Hors de question, Evans, grogna-t-il. Tu suis le plan. Tu prends cette foutue voiture et tu rejoins la planque et tu ne sors pas avant d'être sure d'être en sécurité. On y va !
- Non !
- Lily, je t'en prie ! Ça me tue aussi de le laisser derrière mais on a pas le choix ! Harry et toi devaient survivre à cette merde !
- Parce que tu crois vraiment que le perdre c'est survivre à quoi que ce soit ?!
Lily le défiait du regard malgré les larmes roulant sur ses joues pâles, Harry pleurant contre elle. Elle semblait déterminée à n'en faire qu'à sa tête - et Merlin seul savait à quel point elle pouvait se montrer têtue - et au fond, il savait qu'elle avait raison. Il savait ce que représentait James pour Lily… Et ce qu'elle représentait pour lui expliquait sa stupide décision.
- Je m'en fous, Evans ! Il est hors de question qu'Harry perde ses deux parents cette nuit ! Tu restes avec lui ! Tu restes avec lui, et tu te planques ! C'est pigé ?!
Lily lui sembla sur le point de s'écrouler l'espace de quelques secondes. Il venait d'user d'un coup bas pour la décider, mais il n'avait pas de temps à perdre. James était peut-être déjà mort et les Mangemorts à leur recherche.
- Alors retournes-y toi, Sirius. Ne le laisse pas tout seul là-bas…
Il savait ce que devait être sa réponse - un non retentissant - mais Lily le fixait d'un regard suppliant, et Harry le fixait en pleurant, et abandonner James était définitivement trop dur. Quand il se détourna, ce ne fut que pour voir une succession toujours aussi soutenue d'éclairs de couleurs.
Putain de bordel de merde.
- Tire-toi d'ici, Evans.
Elle hocha la tête, l'embrassa sur la joue et Sirius s'obligea à attendre que la voiture qui devait l'emmener en sécurité ait disparu dans la nuit pour transplaner.
En espérant qu'il ne soit pas trop tard.
Il réapparut à côté de sa moto à l'entrée du village, et courut aussitôt en direction des combats. De nombreux duels se jouaient un peu partout dans les rues, signe que l'Ordre, ou au moins les Aurors, étaient sur place et prêtaient main forte à James. Signe aussi que des Médicomages devaient être à proximité si jamais James était blessé. Il remonta la rue le plus vite possible, se contentant de se protéger quand un sort venait vers lui, dévisageant chaque adversaire ou ami sans trouver le visage de son frère.
- Patmol !
A l'appel de son surnom, il se détourna vivement, presque certain que James allait fondre sur lui pour l'agonir d'injures pour avoir laissé Harry et Lily partir seuls, mais ne trouva que Peter, le visage déformé par l'inquiétude.
- Tu as vu James ? demanda-t-il.
- Pas depuis que je suis arrivé !
Il resta une poignée de secondes à dévisager Peter, essayant de se convaincre que ça ne voulait rien dire, que James était peut-être plus loin, ou juste blessé, ou en train de défier Voldemort lui-même à l'autre bout du village parce qu' il était un crétin stupide et arrogant avec un atroce sens du spectacle.
Seulement, il savait aussi que ça pouvait aussi signifier le pire. Peut-être que James était mort.
Peter l'obligea à oublier la panique qu'il sentait monter en lui assénant un coup dans le bras.
- On va le retrouver, Patmol ! Tu le connais, il adore se faire et Harry sont en sécurité ?
Il hocha la tête, puis ils reprirent le combat, essayant de rejoindre la maison de James et Lily pour vérifier si leur ami était là-bas. Seulement, leurs adversaires étaient très nombreux. Sirius avait l'impression de voir des Mangemorts partout et il devait batailler pour avancer de quelques mètres avant de retrouver un abri salutaire. Peter ne le lâchait pas, surveillant ses arrières quand leurs ennemis surgissaient par surprise, continuant à lâcher des « Potter ! » de temps en temps, espérant comme lui entendre une réponse à travers les cris et les explosions.
Mais jamais personne ne répondait et Sirius devait se faire violence pour rester concentré sur ses combats. Il ne pouvait pas mourir cette nuit. Il avait promis à James de veiller sur Harry et Lily s'il lui arrivait quelque chose. Il devait tenir pour eux, à défaut d'être sûrement arrivé trop tard pour son frère.
Il n'aurait jamais dû lui faire cette putain de promesse à la con !
Le petit portail gris - qui pendait tristement sur ses gonds - était enfin en vue quand un bruit de tonnerre résonna au loin. Il faillit faire l'erreur de lâcher son adversaire du regard pour voir ce qu'il se passait, mais Fol-Oeil avait au moins réussi à lui faire intégrer l'importance de ne jamais détourner les yeux durant un duel. Il lança un Stupéfix à un Dolohov toujours déconcentré par la surprise, et faillit bien l'avoir, sauf qu'il esquiva à la dernière seconde en se jetant sur le côté. Sirius fut tenté de passer en force pour rejoindre la maison de James et Lily, juste pour vérifier que son frère ne s'y trouvait plus. Il y avait encore des chances pour qu'il s'en soit sorti !
Peter ne le laissa pas faire. Il le tira en arrière, à l'abri derrière un pan de mur. Un autre Mangemort venait d'apparaître sur leur gauche, et il avait bien failli se jeter dans ses bras. Dolohov et son nouvel acolyte - Sirius était presque certain qu'il s'agissait de Rabastan Lestrange - semblaient bien décidé à ne laisser passer personne. Sirius usa de tous les sortilèges qu'il connaissait, Peter l'aida de son mieux malgré ses difficultés pour viser juste, sans résultat. Il était à deux doigts de s'en remettre à un Avada - parce que si James était blessé, il perdait un précieux putain de temps - quand les deux hommes transplanèrent sans crier gare.
Sirius ne chercha pas à comprendre ce qu'il se passait - sans doute Voldemort avait sonné le rappel - et sprinta jusqu'à la maison, manquant de se prendre les pieds dans les débris qui traînaient. Les vitres avaient volé en éclats, la porte d'entrée était fendue en deux et une large fissure remontait le long d'un mur.
L'entrée était vide, le salon était sans dessus-dessous, et la cuisine était presque inondée à cause du tuyau qui avait explosé sous l'impact d'un sortilège.
Mais pas une seule trace de James. De peur qu'il soit sous sa cape d'invisibilité, stupéfixié ou blessé, il étudia méticuleusement les pièces, puis monta à l'étage, Peter sur ses talons.
Ils redescendirent bredouilles, mais toujours aussi inquiets. Si James n'était pas dans la maison, il pouvait très bien être ailleurs, quelque part dans le village.
- On se sépare, Pet', tu…
- Vous avez trouvé Potter ?
Ils sursautèrent dans un même ensemble, sous le regard étonné de Benjy Fenwick.
- Pas encore. Il a dû quitter la maison dans la précipitation.
- Sa femme et le petit sont en sécurité ?
- Oui.
- Je vais prévenir Dumbledore. Je vous envoie un Patronus si je trouve Potter avant vous…
- Benjy, attends ! le retint Peter. C'était quoi le bruit toute à l'heure ?
- Une vieille grange s'est écroulée trois rues plus loin.
Il repartit en courant, sa cape déchirée volant dans son sillage, et Sirius échangea un même regard avec Peter.
- Il faut bien commencer les recherches quelque part… remarqua Queudver.
Ils trouvèrent facilement la ruine. Une toiture dans un sale état surmontait un tas impressionnant de planches et de gravas divers. Peter se transforma discrètement en rat pour les inspecter et Sirius ragea contre Patmol, bien trop gros pour ne pas attirer l'attention. Il tenta plusieurs sortilèges pour vérifier si quelqu'un de vivant se trouvait là-dessous, sans succès.
Il s'interdit de penser au pire. Il était intimement persuadé que James était sous les débris. Faire exploser un hangar pour se faire passer pour mort était tout à fait dans le genre de son frère. James n'était pas mort.
Il l'aurait senti.
Peter resta perdu au milieu des décombres pendant de longues minutes, et Sirius s'occupa en déplaçant des planches au hasard. Il entendait vaguement les appels au loin. Des « Potter » à répétition pour localiser James, qui restaient sans réponse.
Bordel James, ne me fais pas ça… Ne me laisse pas.
- Patmol !
Le cri de Peter - largement soulagé - lui donna l'impression qu'on venait de lui greffer une paire d'ailes. Il le rejoignit et ils commencèrent à déblayer les morceaux de bois à la main, trop impatients pour se rendre compte que la magie serait plus efficace. En soulevant une poutre plus épaisse que les autres, ils découvrirent une large trouée.
- Lumos, souffla-t-il.
Le trait de lumière qui s'échappa de sa baguette découpa le profil couronné d'épis de James et il crut bien mourir de soulagement. Il attendit tout juste que Peter lui libère un espace suffisant pour rejoindre son frère. Il atterrit sans douceur à côté de lui et porta sa main à son cou à la recherche d'un pouls, même faible.
- C'est toujours bon de te voir, Black, gémit James.
- Crétin, Potter ! gronda-t-il en se penchant pour l'attirer contre lui. Ne me refais pas un coup pareil !
- Voldemort est stupide mais il ne va pas marcher deux fois… Lily et Harry ?
- Ils sont loin d'ici.
James laissa échapper un soupir de soulagement et s'agrippa à lui.
- Merlin merci.