Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
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Chapter 28

Black Sunset

Première Partie : Stars.

Chapitre 28

We were tight knit boys
Brothers in more than name
You would kill for me
And knew that I'd do the same

And it cut me sharp
Hearing you'd gone away
But everything goes away
Yeah everything goes away

But I'm going to be here until I'm nothing
But bones in the ground

(Always Gold - Radical Face)

 


 

Dimanche 14 Juin 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.

Sirius poussa la porte de sa maison d'un geste las, exténué après une nuit blanche passée à défier la mort. Il ne savait toujours pas comment James avait pu s'en sortir avec pour seules blessures une collection de bleus et d'égratignures - qu'il ait pris la forme de Cornedrue n'expliquait pas sa chance insolente -. Ils n'avaient compris que bien après pourquoi Voldemort ne s'était pas attardé pour vérifier s'il était mort ou vivant. Dorcas Meadowes avait profité de la diversion de James pour s'en prendre directement à Voldemort. L'ancienne Serdaigle était une duelliste prodigieuse, mais pas assez pour le vaincre. Benjy avait retrouvé son corps à une cinquantaine de mètres de la grange en ruine, et Sirius avait précipité leur départ : ils étaient partis retrouver Lily et Harry à moto. Lily avait bien évidement rejoint la cachette de secours - un triste appartement de deux pièces au-dessus d'une ancienne boucherie - et Sirius avait laissé le couple se remettre de leur frayeur en redécollant pour Londres.

Il aurait aimé boire jusqu'à l'inconscience et ne pas ouvrir l'oeil avant le lendemain - Merlin, il avait eu la peur de sa vie au cours de la nuit - mais la scène qui l'attendait dans son salon lui fit comprendre qu'il n'en avait pas fini.

Remus Lupin était affalé sur son canapé, le visage défiguré par des coups et une plaie le long de son bras gauche, tandis que Judy dormait dans une position qui ne devait pas être confortable, sa main droite sur sa baguette et la gauche empoignant l'arme qu'elle lui avait offert près d'un an plus tôt.

- Tiens, le retour du héros…

L'ironie cinglante dans la voix de Judy ne lui tira qu'un regard fatigué en réponse. Il n'avait jamais imaginé rentrer à cette heure, et par les temps qui courraient, un retard pouvait devenir synonyme d'une très mauvaise nouvelle. Il aurait dû lui envoyer un Patronus mais l'urgence avait été ailleurs.

- Les Mangemorts ont attaqué James et Lily, souffla-t-il.

- Dieu tout puissant ! s'écria-t-elle en se levant, la rancune laissant place à une sincère inquiétude. Ils vont bien ? Harry va bien ?

- Ça va, ils s'en sont sortis. Ils…

Sa voix se brisa et il se frotta le front dans un réflexe compulsif, essayant de ne pas se noyer dans les souvenirs, s'efforçant de ne pas revivre la panique quand il avait cru James mort, ni de ressentir la culpabilité étouffante quand il avait dû l'abandonner pour mettre Harry et Lily en sécurité.

Cette fois, ils avaient eu de la chance - encore - mais la prochaine confrontation pourrait se terminer tout autrement.

Et il était viscéralement terrifié à cette idée.

Judy dut le voir et il lui fut plus reconnaissant que toutes les autres fois réunies quand elle se glissa dans ses bras, lui laissant la possibilité de cacher ses larmes dans la courbe de son cou. La nuit avait été bien plus éprouvante qu'il ne voulait l'admettre. Il aurait aimé être en colère contre l'espion qui avait aidé Voldemort à retrouver la trace de ses meilleurs amis, mais il était trop fatigué, même pour ça.

Finalement, Judy l'obligea à prendre sa place dans le fauteuil et lui ramena un verre de Whisky-Pur-Feu, le rejoignant en s'asseyant sur l'accoudoir.

Il se surprit à détailler la silhouette inconsciente du loup-garou, à moitié surpris qu'il ne se soit pas réveillé à son retour, mais soulagé de la situation.

- Il est arrivé autour de minuit. Je lui ai ouvert parce qu'il était en mauvais état, mais j'ai préféré lui donner une lourde dose de Philtre de Paix.

- Lourde à quel point ?

- Assez pour qu'il dorme jusqu'à midi.

Sirius termina son verre en silence, essayant de se convaincre que Remus avait été passé à tabac par ses amis loup-garous, et non parce que des Mangemorts avaient voulu obtenir plus que les petits renseignements qu'il fournissait - peut-être - de temps en temps sur le compte de l'Ordre.

- Peter est venu aider ?

La question de Judy lui indiqua que ses pensées avaient suivi la même direction que les siennes.

- Ouais… C'est lui qui a retrouvé James. Ce crétin a fait s'effondrer une espèce de hangar sur lui pour faire croire à sa mort.

- Pourquoi est-ce que je ne suis pas étonnée ? Tu veux de l'aide pour le soigner ?

- Non, ça va aller. J'ai l'habitude. Va te reposer.

- De nous deux, tu es celui qui a une tête de mort-vivant.

- Ça, c'est toi qui le dit…

Sa réplique lui valut un coup sur le bras et il attrapa sa main au vol pour l'attirer contre lui, avant de prendre possession de ses lèvres. La chaleur de son corps, son odeur, la tendresse que cachait le ballet de leurs langues, lui apporta le réconfort dont il avait tant besoin pour se redresser après une énième nuit de cauchemars. En moins d'un an, Judy était devenue un repère vital dans sa vie, et il savait que la guerre lui semblerait encore plus insoutenable, si elle n'était pas là pour le relever quand il se retrouvait à genoux.

- Si tu ne m'as pas rejoint dans une heure, j'appelle ce bébé Etoile.

- On s'est mis d'accord sur la lettre M .

- J'accouche donc j'ai le dernier mot.

- Je me dépêche, promis.

Elle déposa un baiser sur sa joue avant de se lever et il se força à l'imiter pour récupérer la trousse de premier secours qu'il rangeait dans l'entrée.

Remus était aussi amoché que la dernière fois. Outre son visage méconnaissable, il avait au moins une côte cassée et la plaie sur son bras ressemblait étrangement à une brûlure, comme si on l'avait traîné sur plusieurs mètres. Il fit au mieux, appliquant onguents et sortilèges, essayant de se convaincre que Voldemort aurait utilisé un Doloris et non ses poings pour obtenir des informations.

Dimanche 14 Juin 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.

- Ces trucs vont finir par te tuer.

Sirius sursauta, surpris dans ses pensées, et releva les yeux vers Remus. Le loup-garou avait fait mentir les pronostics de Judy en dormant toute la journée, à tel point que la jeune femme envisageait de le réveiller, de peur qu'il ait fait une hémorragie au cerveau.

Sirius avait passé le temps en fumant plusieurs cigarettes. James et Lily lui avaient envoyé une lettre pour lui dire qu'ils changeraient régulièrement de planque, et qu'il faudrait se contenter de communications via le miroir à double-sens de James pour savoir où ils se trouvaient. Sirius n'entendait pas les laisser courir aux quatre vents longtemps. Il irait trouver Dumbledore dans son bureau et ne quitterait pas la pièce sans une solution pour assurer la sécurité de son filleul et de ses parents.

Ils étaient passés beaucoup trop près de la catastrophe.

- Entre ça et ma cousine, je préfère le tabac. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Remus se redressa, étouffant une complainte dans un étrange sifflement.

- La meute où j'étais en infiltration a décidé de s'allier à Voldemort, et j'ai eu la mauvaise idée d'essayer de les convaincre du contraire… On ne m'y reprendra plus.

Sirius ne trouva rien à répondre. L'explication tenait la route bien sûr, surtout que les loup-garous avaient tendance à en venir rapidement aux poings, tandis que les Mangemorts préféraient les sortilèges de Magie Noire pour obtenir des informations.

Mais les rangs de Voldemort comptaient des lycanthropes, dont Fenrhir Greyback lui-même.

- Ils ne t'ont pas loupé…

- J'ai déjà vu pire. Où est Judy ?

- Chez son oncle.

Il hocha la tête, comme s'il approuvait que Judy s'éloigne quand il était là. Une autre fois, il n'aurait pas hésité à lui rappeler qu'être un loup-garou ne faisait pas de lui un monstre, mais toute l'amitié qu'il avait pour Remus lui servait à éloigner ses doutes quant à sa véritable loyauté.

- Tu étais en mission cette nuit ?

Il serra les dents malgré lui. Il devait garder sa colère sous contrôle. Remus n'y était peut-être pour rien. La taupe pouvait être n'importe qui.

Innocent tant qu'on ne l'a pas prouvé coupable, d'accord, Pat' ?

- J'étais en Ecosse. James et Lily ont été attaqué.

Il lui sembla que Remus blêmissait sous ses contusions mais il ne vit pas l'ombre de la surprise sur son visage. Il aspira une bouffée de tabac pour ne pas se trahir.

- Ils vont bien ? Et Harry ?

- Ils s'en sont sortis. James de justesse. Mais ils sont tous les trois vivants. Dorcas n'a pas eu cette chance.

Si Remus eut l'air sincèrement soulagé de savoir que ses amis s'en étaient sortis, son expression se décomposa à l'annonce de la mort de la jeune femme. Il s'affaissa contre le dossier du canapé, avant de contempler l'âtre vide de la cheminée.

Un silence s'installa entre eux, et Sirius ne chercha pas à le rompre. Il n'était pas certain de pouvoir cacher la colère qu'il sentait bouillonner en lui. Il tenait la taupe de l'Ordre entièrement responsable pour les événements de la nuit dernière, et Godric lui en soit témoin, le traître passerait un très mauvais moment quand il allait le trouver, ancien ami ou pas.

- Comment Voldemort a retrouvé leur trace ?

- Excellente question ! Une idée à ce sujet, Lupin ?

Remus se tendit subitement et il soutint son regard lorsqu'il tourna la tête vers lui. Le loup-garou le connaissait suffisamment pour savoir qu'il était en colère - furieux pour être précis - et son commentaire acide clamait haut et fort contre qui.

- Je ne suis pas l'espion, Patmol, souffla-t-il finalement.

Sirius décida d'être sourd à la douleur qu'il entendait dans la voix du Maraudeurs. James avait bien failli mourir cette nuit. Harry aurait pu perdre son père. Il ne pouvait plus laisser la compassion tronquer le regard qu'il devait porter sur Remus Lupin aujourd'hui.

- Madelyn McGonagall et Dumbledore exceptés, il n'y a que Peter, toi et moi qui savaient où ils se cachent.

- Alors je te retourne le compliment, Black ! Qui me dit que tu n'es pas le traître ? Si je me souviens bien, ce ne serait pas une première.

L'allusion à la mauvaise blague qu'il avait joué à Rogue lui tira un grognement mauvais et il se retint de justesse d'attraper sa baguette.

- Jamais je ne trahirais James, marmonna-t-il, les mots passant difficilement ses mâchoires verrouillées.

- Tu l'as déjà fait. Tu l'as déjà trahi quand tu as craché sur le serment des Maraudeurs pour rire. Ce n'est pas parce que je t'ai pardonné que j'ai oublié, Black !

- Ne me prends pas pour un con, Lupin ! Peter est venu aider cette nuit ! J'ai aidé ! Tu es le seul qui manquait à l'appel ! James a failli mourir !

- Je me battais pour l'Ordre sur un autre front ! Entre toi et moi, tu es celui qui a tout à gagner à passer dans le camp de Voldemort !

- Je n'ai jamais avalé les conneries des Black sur les Sang-Purs !

- Et après ?! Tu vas avoir un enfant, Black ! Et à ta place, je voudrais aussi que la guerre se termine avant sa naissance !

Jamais je ne mettrais la vie de James, Lily et Harry en danger !

- Et je dois te croire sur parole c'est ça ?! Je ne suis pas aussi naïf que James.

Remus se leva difficilement, un bras enroulé autour de son torse meurtri et Sirius le regarda faire sans bouger. Il valait mieux qu'il reste assis. Il n'était pas certain de résister à l'envie de briser le nez du loup-garou s'il quittait son fauteuil.

Remus s'en alla sans un regard en arrière et Sirius se demanda s'il le reverrait un jour…

Mardi 16 Juin 1981, Résidence de Peter Pettigrow, Londres Est.

Bellatrix n'aimait pas la nouvelle tournure des événements.

Peter Pettigrow était, depuis le départ, un souffre douleur trop lâche pour oser contester ses ordres, et trop faible pour se révolter quand elle décidait de le punir pour ses maigres résultats. Il n'était qu'un petit traître, Sang-Mêlé, Gryffondor et ami de son cousin. Sa place se trouvait largement en dessous de la sienne. Il aurait dû s'estimer heureux de pouvoir s'agenouiller devant elle et de se prosterner devant le Seigneur des Ténèbres.

Seulement, il semblait avoir compris que le Maître défendrait bien mieux ses intérêts que Dumbledore, ou du reste que la défaite de l'Ordre n'était plus qu'une question de mois, et avait cessé d'être un résistant pathétique pour devenir un collaborateur convaincu.

Voilà qu'il voulait devenir Mangemort et que le Maître voulait qu'elle le traître comme un subalterne plutôt qu'un serviteur.

Voilà qu' Il voulait qu'elle organise son initiation.

- Qu'est-ce que je dois faire ?

Elle se retint de lever les yeux au ciel à sa voix nasillarde et à sa façon de se tordre les mains.

- Bartémius te donnera des leçons de Magie Noire. Le Maître désire que ses serviteurs aient quelques bases. Normalement, tu aurais dû affronter un Mangemort de Son choix mais étant donné la nature confidentielle de tes services pour la Cause, le duel aura lieu après la victoire du Maître. La cérémonie de la Marque se fera elle aussi en petit comité. Ah, et le Seigneur exige la mort d'un membre de l'Ordre du Phénix.

Pettigrow hocha la tête d'un air résigné.

- Je peux vous donner un nouveau nom…

Elle eut un sourire en coin qui le fit pâlir, à raison.

- Non, un mort de ta main, Peter.

Mardi 16 Juin 1981, Poudlard, Ecosse.

Sirius monta les escaliers menant au bureau de Dumbledore d'une démarche hésitante, peinant à croire sa chance. Il avait emprunté le passage du miroir du quatrième étage sans croiser Rusard, Miss Teigne, Peeves ou un professeur. En ce début d'après-midi, les élèves étaient en cours et les couloirs déserts. Tout se déroulait comme il l'avait espéré, mais il avait imaginé que trouver le mot de passe de la Gargouille serait un peu plus compliqué…

Dumbledore ou pas, Poudlard ou non, la guerre était une réalité et changer un mot de passe de temps à autre semblait être une preuve de bon sens.

- Par Salazar, que fais-tu ici, Sirius ?!

- La ferme, vieux chnoque !

Phineas Nigellus Black eut une expression outrée qui lui rappela vaguement celle de Walburga, avant d'ouvrir la bouche pour lui faire - sans doute - une leçon de morale. Sirius régla la possibilité en lui lançant un Silencio, qu'il dut multiplier, quand chacun des anciens directeurs voulut lui faire connaître le fond de sa pensée sur son odieux manque de respect.

- N'essayez pas de me faire croire que ça vous surprend, vous étiez tous là lors de ma dernière visite, grogna-t-il.

Il fit un tour rapide dans la pièce, curieux de savoir si Dumbledore gardait un dossier estampillé d'un « e spion de l'Ordre ? » où il découvrirait sans doute sa photo, sans rien trouver de semblable, du reste à portée de vue.

Il pouvait bien sûr fouiller davantage, mais il n'était pas venu pour ça et Dumbledore risquait d'y voir une bonne raison pour lâcher Fol-Oeil à ses trousses. Il prit donc place sur le fauteuil directorial, posa ses pieds sur le bureau devant lui, et alluma une première cigarette.

Merlin, pour ce qu'il en savait, Dumbledore passait plus de journées à Londres qu'au château, et il n'avait pas la moindre idée du temps qu'il allait devoir attendre… Il y avait donc de bonnes chances pour qu'il rumine sa colère pendant quelques heures, ce qui n'était une mauvaise nouvelle que pour celui qui en était la cible.

Après l'attaque qu'avait subi les Potter en Ecosse, il était bien résolu à prendre en main la question de leur sécurité lui-même, et tant pis s'il devait se transformer en chien de garde jusqu'à la mort de Voldemort. James et Lily ne supporteraient pas longtemps de passer d'hôtel en hôtel - qu'importe le nombre d'étoiles - ou alors, ils finiraient pas être reconnus à leur insu, attaqués à nouveau sans plan de secours réfléchi à l'avance. Il avait vaguement essayé de les convaincre de quitter le pays - Judy lui avait assuré pouvoir les faire disparaître aux Etats-Unis - mais James n'avait rien voulu entendre, arguant qu'il ne céderait pas devant Voldemort et qu'à défaut de pouvoir se battre, il resterait au Royaume-Uni parce que la peur ne pouvait pas gagner. Il aurait peut-être eu une chance de le faire changer d'avis si Lily avait été de son coté… Ce qui n'était pas le cas. Là où James Potter était décidé, elle était intraitable.

Il avait maudit ces deux hyppogriffes butés, Judy avait conclu que leur fierté les mènerait à leur perte, puis il s'était rabattu sur le plan B.

Et le plan B pourrait très bien se terminer par son poing sur le nez de Dumbledore.

Sirius était arrivé à la fin de son paquet de cigarettes, et avait lu presque la moitié d'un ouvrage traitant de métamorphose à un niveau tel qu'il n'en avait pas lu depuis ses Aspic's, quand les flammes de la cheminée virèrent au vert, suivi du chant ravi de Fumseck.

Il reposa le livre sur le bureau et se redressa sur son siège. Dumbledore le dévisageait par dessus ses lunettes en demi-lune - une manie qui commençait à lui taper sur le système - puis se fendit d'une grimace qu'il ne lui avait jamais vu.

- Bonsoir, Sirius. Que me vaut cette visite surprise ?

- Vous savez très bien pourquoi je suis là, Dumbledore.

Le vieux sorcier ôta son chapeau décoré de délicates broderies argentées, puis sa cape bleue nuit, gratifiant Fumseck d'une légère caresse en passant devant lui. Finalement, il vint s'asseoir face à lui. Au contraire de sa dernière visite dans ce bureau, ils avaient échangés leur place autour de la table imposante, et Sirius en était particulièrement satisfait.

Dumbledore aussi devait parfois rendre des comptes.

- Du thé ?

- Vous pensez sincèrement que je suis venu ici pour boire du thé ?!

Dumbledore eut un sourire poli qui lui fit serrer son poing gauche.

Pas tout de suite.

- Je suis certain que tu pardonneras à un vieil homme le réconfort d'une boisson chaude. Vois-tu, ma journée a été longue…

Sirius resta silencieux tandis qu'il mettait une bouilloire à chauffer d'un simple coup de baguette, puis conjurait une tasse des plus délicates. Il savait ce qu'était en train de faire Dumbledore. Par Godric, il avait été élevé par des Serpentards ! Il connaissait tous les moyens diplomates permettant de gagner du temps.

- Comment vont James et Lily ?

- Parfaitement bien. A vrai dire, je ne les ai pas vus en aussi grande forme depuis des mois. Il paraît qu'une tentative de meurtre a ce genre d'effets.

- Sirius, ce n'est pas…

Son poing s'écrasa sur le bureau, Fumseck s'envola de son perchoir et la porcelaine tinta.

- Je ne suis pas venu ici parler de la pluie et du beau temps, Dumbledore ! Je veux des réponses ! Et une solution ! Si jamais il arrive quelque chose à James, Lily ou Harry, je vous en tiendrais pour personnellement responsable !

Son coup d'éclat eut au moins le mérite de fissurer la carapace de diplomatie politique que Dumbledore avait enfilé pour parer ses attaques. Il soupira, comme vaincu, mais Sirius se promit de rester sur ses gardes. Pour l'avoir vu à l'oeuvre, il savait que Dumbledore aimait aussi se faire passer pour un grand-père inoffensif quand son aura de génie tout puissant ne lui permettait pas d'obtenir ce qu'il voulait.

- Très bien Sirius, je t'écoute…

- Comment Voldemort a-t-il pu retrouver les Potter ?

- L'espion était ma première piste, mais Alastor a mené son enquête au Ministère et a découvert que le Service des Usages Abusifs de la Magie a été prévenu d'un acte magique devant moldus au nom de Harry James Potter. Il n'y a pas eu de suite car Harry est trop jeune, mais Voldemort a des informateurs innombrables à travers tous les services du Ministère… C'est l'explication la plus plausible.

Sirius en perdit momentanément la parole, puis maudit les Potter et leur foutu talent pour s'attirer les pires ennuis. Harry était mineur, et son premier acte magique avait dû activer la Trace sur lui. James et Lily allaient devoir redoubler de prudence car les accidents magiques étaient extrêmement fréquents durant la petite enfance.

Et l'espion ?

- J'ai des suspects, mais aucune certitude. Nous allons devoir composer avec lui jusqu'à ce qu'il se trahisse.

Cette fois, la réponse était celle qu'il s'était imaginé. Là où n'importe qui aurait soumis les membres de l'Ordre au Veritasserum, Dumbledore se contentait d'attendre. Qu'importe que les Byrnes, les Bones, Caradoc Dearborn, Figgs et peut-être même les Prewett soient morts à cause de lui. Quand Voldemort devenait sanguinaire, Dumbledore se raccrochait à ses principes humanistes, comme si ça ferait une quelconque différence à la fin… Ils avaient tous du sang sur les mains et on le leur reprocherait avant le dixième anniversaire de la chute de Voldemort.

- Et pour la protection de James et Lily ? Vous en êtes où ? Plusieurs mois ont passé depuis notre dernière conversation.

Dumbledore porta sa tasse à ses lèvres, essayant de le décrypter à travers la légère fumée, et reçut un regard noir pour seule réponse.

- J'aurais préféré parler de cela avec James et Lily… Peut-être que…

- Que vous allez arrêter de me prendre pour un con trente secondes ? Pour autant que je sache, la planque en Ecosse s'est révélée être un mauvais pari de votre part ! Ce coup-ci, je me charge de finaliser les détails.

- Sirius…

- Non ! Il s'agit de mon frère, de ma sœur et de mon filleul ! Pas de l'avantage stratégique que vous pensez avoir sur Voldemort ! Je saurais prendre leur véritable intérêt à cœur ! Où en êtes vous à propos de ce putain de sortilège ?!

Ce fut au tour de Dumbledore de lui lancer un regard sombre - Merlin, la dernière fois qu'il l'avait croisé, il avait seize ans et avait bien failli tuer Rogue - auquel il répondit par un sourire insolent.

Que croyait-il ? Qu'il allait se mettre à pleurer comme cinq ans plus tôt ?

- J'ai presque abouti aux recherches. Le professeur Flitwick et le professeur McGonagall doivent vérifier que je ne me suis pas trompé. Ils m'ont promis d'y consacrer du temps à la fin de l'année scolaire. J'ai bon espoir que tout sera fin prêt pour septembre.

- Plus tôt serait foutrement apprécié, vous savez ?! Harry va avoir un an cet été. Ce serait bien qu'il le fête en sécurité !

- Le voir grandir sain et sauf est mon souhait le plus cher.

- C'est marrant, j'en ai pas vraiment l'impression, ironisa-t-il en se levant.

Il quitta la pièce sans une formule de politesse à l'attention de Dumbledore et se promit d'avoir une petite discussion avec Madelyn McGonagall dès que possible. Cette fille se vantait d'être aussi douée en sortilège que sa tante l'était en Métamorphose. Les recherches de Dumbledore semblait être un défi à sa hauteur.

Vendredi 19 Juin 1981, Manoir Black, 12 Square Grimmaurd, Londres .

Bellatrix saisit le couffin que lui tendait sa Tante et examina avec ravissement la fine dentelle noire et les broderies en fil d'argent qui en recouvrait l'intérieur. Le berceau avait veillé sur le sommeil de quatre générations de Black - une tradition inaugurée par Phineas Black - et elle était fière de le recevoir à son tour. Sa fille serait après tout à moitié Black, et la seule requête de Rodolphus serait sans doute que leur enfant revête la robe de baptême traditionnelle des Lestrange le moment venu.

- Je suis tellement heureuse de cette nouvelle addition à notre famille, Bellatrix, ma chère enfant. Si seulement Regulus avait eu le temps de laisser une descendance lui aussi…

Bellatrix surprit le regard menaçant de Narcissa quand elle releva les yeux du couffin et se garda bien de confier à Walburga que, pour tout ce qu'elle en savait, Sirius était en bonne voie pour devenir père. Elle comptait de toute façon tuer le petit bâtard après la naissance de sa fille. Elle en avait fini de ses coups d'éclats. Il avait trop souillé le nom des Black depuis trop longtemps, et elle ne laisserait rien lui survivre.

- Il ne fait pas bon de vivre dans le regret ma Tante, intervint Narcissa avec douceur. Vous savez bien que la lignée Black ne s'éteindra jamais. De plus, vous êtes ce que Draco a le plus proche d'une grand-mère maternelle. Je suis sûre qu'il vous rendra fière.

Walburga se redressa sur son siège et tendit une main vers le petit garçon, caressant ses mèches blondes avec une tendresse rare. Draco eut un large sourire pour elle, avant de s'éloigner de sa démarche encore hésitante. Bellatrix le suivit du regard, ravie de voir que son filleul grandissait et devenait plus fort.

Le Maître aurait besoin de jeunes hommes vigoureux.

- J'ai moi aussi quelque chose pour toi, Bella.

Bellatrix sourit à sa sœur tandis qu'elle lui tendait un paquet soigneusement emballé. Elle reconnut aussitôt la couverture en fourrure de Fléreur que leur mère tenait de la famille Rosier. L'intérieur était doublé d'un doux tissu fleuri.

- Tu ne l'as jamais utilisée pour Draco, remarqua-t-elle.

- Lucius a semble-t-il peur que les fleurs adoucissent son fils… De toute façon, notre mère aurait aimé que tu la reçoives à ton tour.

Bellatrix n'en était pas aussi sûre - Druella Black n'avait jamais loué ses talents de Lady et lui avait très clairement fait comprendre qu'elle regrettait son engagement en tant que Mangemort - mais elle déposa la couverture dans le berceau. Sa fille aurait l'air d'une véritable princesse entourée de telles possessions familiales.

- Rodolphus et toi êtes décidés sur un prénom ? demanda Walburga.

Elle aurait aimé pouvoir répondre qu'elle gardait la surprise pour le faire-part de naissance, mais la tradition voulait que la femme Black offre le nom de l'enfant à venir lorsqu'elle recevait le couffin.

- Alya Reina Lestrange.

- Alya ? répéta sa tante, les sourcils froncés. Ce nom m'est familier.

- Votre mémoire est excellente ma Tante, reprit Narcissa. C'est une étoile dans la constellation du Serpent, n'est-ce pas, Bella ?

- Exactement.

- C'est un très joli prénom. Et s'il s'agit d'un garçon ?

- Il ne s'agira pas d'un garçon, ma Tante. J'en suis parfaitement convaincue.

Mardi 30 Juin 1981, Godric's Hollow, Angleterre.

Le village était parfait.

Sirius en avait fait le tour après avoir visité le cottage une semaine plus tôt, et il ne regrettait pas son choix. La petite église, le cimetière - hanté disait-on -, le pub qui lui rappelait Les Trois Balais à Pré-au-Lard, les nombreuses petites maisons, toutes dans le même style sans être pourtant identiques, les quelques boutiques, la forêt à quelques kilomètres pour Cornedrue… Lily allait adorer la présence des moldus pour Harry, les nombreux sorciers installés aux alentours éviteraient au Ministère de remarquer les accidents magiques de son filleul, et pour couronner le tout, ils habiteraient à moins d'une heure de moto de Londres.

Bien sûr, Dumbledore avait essayé de convaincre James et Lily de s'installer à Pré-au-Lard, argumentant qu'ainsi, ils pourraient facilement trouver refuge à Poudlard si Voldemort retrouvait leur trace, se gardant bien d'expliquer qu'ainsi, il pourrait garder un œil sur Harry. Sirius s'était chargé d'envoyer un charmant « Occupez-vous de vos chaudrons » quand James lui en avait parlé.

Plus grand sorcier de sa génération ou pas, Sirius avait décidé que Dumbledore n'était définitivement pas à la hauteur pour assurer la sécurité des Potter.

Un taxi finit par apparaître au bout de la rue principale et il fit de grands signes depuis sa moto avant de démarrer, guidant la voiture vers la sortie du village, là où le quartier sorcier s'était largement implanté.

Il s'arrêta devant une petite maison en pierre grise, surmonté d'un étage en colombage et entourée par un muret de pierre.

- Vous êtes sûrs que c'est là ? s'étonna le chauffeur de taxi tandis qu'il aidait James à sortir les bagages du coffre.

- Certains, Monsieur. Encore merci pour la course.

Le moldu dévisagea ses clients sans se soucier de cacher le fond de sa pensée, à savoir que James et Lily semblaient définitivement fous, puis remonta dans son taxi et s'éloigna.

- Bienvenue chez vous !

James l'attira dans une étreinte virile, ponctuée de claques dans le dos. Lily l'embrassa sur la joue, Harry blotti contre elle.

- Tu vas adorer ta chambre, Harry, dit-il en ébouriffant les mèches brunes de son filleul. Tu as une vue superbe sur le jardin !

Il s'empara ensuite de deux des plus grosses valises et leur fit un tour guidé. La maison n'était pas très grande, mais elle disposait de deux chambres et d'un salon lumineux, largement suffisant pour trois personnes. James et Lily semblèrent satisfaits de son choix.

- Si vous avez besoin de meubles, vous n'aurez qu'à me dire quoi, et je vous trouverais ce qu'il faut.

- Ne t'inquiète pas, Patmol. Avec les meubles d'Ecosse, on devrait s'en sortir.

- Merci de t'être occupé de tout ça, souffla Lily.

Il échangea un regard avec sa petite soeur de cœur et s'obligea à lui sourire en la découvrant encore abattue. Elle n'avait toujours pas digéré l'attaque du début du mois, et Sirius espérait de tout son cœur que ses amis n'auraient plus à déménager à cause de Voldemort. Madelyn lui avait promis de se pencher sur le sortilège de Dumbledore, mais elle n'avait pas la moindre idée du moment où tout serait prêt. Il faudrait donc redoubler de prudence en attendant.

- Sirius, tu devrais rentrer maintenant. Tu en as assez fait.

- Je peux vous aider à vous installer.

- Pat', Judy va accoucher dans moins d'un mois. Tu t'occupes d'elle, plus de nous.

- Mais…

- Dégage, Black, on t'a assez vu !

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