
Chapter 26
Black Sunset
Première Partie : Stars.
Chapitre 26
« And you know heroes aren't meant to survive
So much harder to love when alive
Walk with the devil in your head
You would think you were better off dead »
(Heroes - Mika)
Vendredi 31 Avril 1981, Résidence de Peter Pettigrow, Londres Est.
- Je vous jure que je ne savais rien ! Sirius ne m'a rien dit du tout ! Pitié !
Le visage en sang, les yeux baignés de larmes de douleur et une vilaine fracture au bras, Pettigrow offrait un énième spectacle pitoyable, mais Bellatrix avait eu besoin de se défouler sur autre chose que des meubles et des bibelots. Pettigrow était rarement distrayant, mais il avait le mérite de supplier très vite et de mentir de plus en plus mal à mesure que le feu des sortilèges mordait sa peau.
Elle était donc convaincue depuis le début que le petit traître n'avait pas fauté concernant l'émission de radio.
Le petit interrogatoire musclé auquel elle venait de s'adonner motiverait sans doute possible Pettigrow à lui fournir des informations sur le sujet le plus rapidement possible.
- Je trouve tout de même étrange que Potter et Black ne t'aient pas tenu informé de leurs plans. Ne sont-ils pas censés être tes meilleurs amis ?
Le jeune homme essuya son visage de sa main valide et renifla plusieurs fois, ses yeux humides fixés sur le tapis tâché à ses pieds.
- Je ne sais pas. James se cache plus que jamais depuis Edimbourg et Sirius était aux Etats-Unis pendant deux semaines avant de revenir. Il m'a dit qu'il croulait sous les missions pour l'Ordre.
Bellatrix soupira avec agacement. C'était bien la première fois qu'un coup de publicité se faisait sans Pettigrow. Elle espérait que ni Black, ni Potter ne soupçonne le jeune homme. Dans le doute, il faudrait qu'ils redoublent de prudence pour ne pas perdre leur informateur.
Toutefois, la petite émission de Culture Moldue était une véritable catastrophe. Tout le monde ne parlait plus que de cela. Même La Gazette avait imprimé un article sur le sujet, offrant une deuxième visibilité à l'Ordre du Phénix. Le Maître lui avait demandé de tout faire pour stopper Madelyn McGonagall - puisqu'elle s'était clairement positionnée comme l'organisatrice de ce nouveau coup de communication - mais Bellatrix n'avait pas l'ombre d'une idée sur l'endroit où son ennemie de jeunesse pouvait bien s'être terrée. Elle connaissait assez McGonagall pour savoir qu'elle ne se laisserait pas facilement attraper, surtout après avoir réussi à se faire passer pour morte durant près de deux ans tout en continuant à aider l'Ordre.
Le Maître n'avait pas apprécié d'entendre ses doutes, et Bellatrix savait qu'elle avait échappé à un Doloris uniquement à cause de son ventre rond. Pour se racheter, elle avait donc proposé ce qu'elle savait faire de mieux : une vengeance.
Elle ne pouvait pas s'en prendre à l'un des présentateurs, au risque de faire d'eux des martyrs - même si le tour de son cousin ne tarderait plus : elle attendait juste d'avoir donné naissance à sa fille pour s'occuper de lui - mais l'Ordre comptait de nombreux membres.
Frapper au hasard dans les rangs de Dumbledore aurait l'avantage de faire réfléchir les autres.
- Il vaudrait mieux pour toi que tu t'arranges pour amasser des informations sur cette radio, et vite. En attendant, le Maître souhaite que tu complètes cette liste d'un nom.
Elle lui tendit un morceau de parchemin sur lequel elle avait inscrit tous les noms des membres connus de l'Ordre du Phénix.
Pettigrow resta un long moment silencieux, si bien que Bellatrix se demanda s'il n'allait pas oser lui mentir et affirmer que la liste était complète.
- Caradoc Dearborn, murmura-t-il finalement.
Bellatrix haussa un sourcil à la mention du nom familier : Dearborn était un Serpentard qui avait fait ses classes en même temps que Narcissa. Elle le savait Sang-Mêlé, mais n'aurait jamais soupçonné qu'il choisirait le camp de Dumbledore.
Tant pis pour lui.
…
Mercredi 6 Mai 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.
La nuit rendait l'Allée des Embrumes encore plus menaçante qu'en plein jour, et Sirius n'était pas mécontent de pourvoir se réfugier sous la forme de Patmol. La carrure du molosse et la vague ressemblance avec le Sinistros lui assurait que personne ne l'approcherait de trop près, et à considérer la populace qui se traînait d'une échoppe à un bar douteux, ce n'était pas plus mal.
Depuis le début de la soirée, il n'avait aperçu que deux Mangemorts notoires - Rogue et Karkaroff - lesquels avaient passé un peu moins de deux heures dans un bar - autour de ce qu'il lui avait semblé être une innocente chope de bièraubeurre quand il était entré pour vérifier. Les tuyaux de Fol-Oeil devaient être mauvais car aucune des personnes qui étaient censées se retrouver ici n'était venue. Il avait patienté jusqu'au matin avant de rentrer, pestant contre l'Auror qui lui avait fait perdre une soirée qu'il avait prévu à une autre fin.
Surveiller son propre meilleur ami.
Remus étant encore retourné en mission, sûrement dans un coin perdu de France, à la recherche d'un clan de loup-garous qui pourrait peut-être se tourner contre Voldemort. Sirius avait donc essayé d'éliminer Peter de sa liste des possibles traîtres, qui ne comptait que les noms de Caradoc Dearburn et Benjy Fenwick en plus de ceux des deux Maraudeurs.
Si Peter travaillait pour Voldemort, un Mangemort viendrait peut-être lui rendre visite ?
Sirius s'arrangeait donc pour occuper le peu de nuit de libre que lui laissait l'Ordre du Phénix pour garder un œil sur Queudver, espérant abuser d'une nuit blanche supplémentaire pour rien.
En poussant la porte, il reconnut l'odeur de Judy et oublia presque aussitôt ses idées sombres.
- Jud' ? lança-t-il tout en se débarrassant de sa veste de cuir.
L'absence de réponse ne pouvait indiquer qu'une seule chose et il s'obligea à se montrer discret, au risque de devoir faire face à une femme enceinte de mauvaise humeur.
Les nombreux maléfices que Lily lui avaient lancé un an plus tôt lui avaient appris la prudence.
Il la trouva pourtant assise en tailleur au milieu du couloir, les yeux rivés sur la petite chambre qu'il avait reconverti en chambre d'ami quand il avait hérité de la maison.
- Un problème, Adler ? demanda-t-il avant de prendre place à ses côtés.
Elle soupira, l'air perdu. Il passa un bras autour de ses épaules en signe de réconfort, même s'il ne savait s'il était pour lui ou pour elle.
- Mes amies m'ont fait la surprise d'une fête pré-natale aujourd'hui.
Sirius fronça les sourcils : il était presque certain que ni James, ni Lily n'avaient organisé une telle fête. Le parrain se devait d'être présent à un truc pareil, non ?
- Lane a eu des jumeaux il y a trois ans… Elle a commencé à me demander si la chambre du bébé était prête, combien de tenues j'avais acheté, quelle était la marque de mon landau…
Il déglutit.
Ils n'avaient rien de tout cela. Tout juste quelques pyjamas - sûrement trop grands pour un nouveau né - qu'ils avaient acheté le jour où Judy aurait dû avorter. Depuis, entre la guerre, la menace planant sur Harry, et la possibilité d'une taupe parmi les Maraudeurs, leurs préparatifs étaient au point mort.
S'il se souvenait bien, à cette même époque, James testait l'organisation de la nursery de son appartement avec un poupon qu'il avait ensorcelé pour pleurer de façon aléatoire, et Lily était arrivée à la fin de la liste que sa mère avait dressé.
Le souvenir de la fausse alerte de Judy, un mois plus tôt, lui rappela qu'il n'était pas tout à fait prêt à affronter la naissance du bébé.
- Il faut qu'on trouve un prénom. Enfin deux. Un si c'est une fille, un autre si c'est un garçon. Je suis censée prendre des cours de préparation à l'accouchement. Oh, et il y a tout un tas de papiers à remplir.
Sirius comprit un peu mieux pourquoi elle ne dormait pas.
- Il nous reste trois mois pour faire tout ça, Jud', relativisa-t-il.
Essaya, du reste.
- Ça peut être aussi bien deux mois. Potter n'est pas obligé d'avoir raison et le bébé peut très bien arriver en avance.
Sirius se garda bien de lui expliquer qu'il serait très surpris que James se trompe. Ce n'était définitivement pas le moment.
- Jud', les magasins sont fermés maintenant. On verra ça demain. J'achèterais un Elfe de Maison s'il le faut, mais on sera prêts à temps.
Elle se releva sans grande conviction et Sirius comprit que ses journées allaient être au moins aussi chargées que ses nuits.
…
Jeudi 7 Mai 1981, Manoir Lestrange, Angleterre.
Bellatrix observait le ballet des décorateurs qu'elle avait engagé pour refaire la nursery.
Elle avait décidé de fêter le début de son cinquième mois de grossesse par un cadeau à sa fille. La route était encore longue pour elle et Bellatrix voulait qu'elle sache à quel point elle était attendue. Si la majorité de ses fausses couches s'étaient produites avant la fin du premier trimestre, elle avait également perdu un fils à six mois et avait bien failli mourir par la même occasion.
Elle ferma les yeux pour éloigner ses pensées de ces mauvais moments et caressa la courbe que faisait son ventre. Sa fille viendrait au monde au bon moment, pleine de vie et en parfaite santé. Elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour que cela se passe ainsi.
Numéro 1 la sortit de ses rêveries en lui apportant son infusion et elle s'intéressa aux changements dans la grande pièce en face de la chambre qu'elle partageait avec Rodolphus.
Les lourds rideaux noirs avaient été ôté en premier, révélant trois grandes fenêtres dont elle avait presque oublié l'existence. Les murs étaient en train d'être magiquement repeint dans un rose pastel qui apporterait la luminosité essentielle à une chambre d'enfant. Un seul des quatre murs serait tapissé d'un riche tissu prune, brodé du blason des Lestrange en fils argentés. Elle avait commandé le berceau, la table à langer et de ravissantes commodes à un artisan renommé. Bien entendu, elle ferait installer un fauteuil d'où elle pourrait veiller sur le sommeil de sa fille.
Une fois les travaux terminés, elle se pencherait sur la question des vêtements. Elle possédait déjà quelques tenues lui ayant appartenu petite, et elle comptait bien agrandir la garde robe de sa fille. Dès que Rodolphus aurait fini de constamment s'inquiéter pour elle et sa santé, elle se rendrait au Chemin de Traverse en compagnie de Narcissa. Sa cadette s'était toujours montrée de très bon goût et Draco était de loin le petit garçon le mieux habillé d'Angleterre.
Elle se refusait à se contenter de quoique ce soit qui ne soit pas parfait pour son héritière. Sa fille aurait un Sang-Pur, une place de choix dans la nouvelle société que le Maître ne tarderait plus à créer. Bellatrix ne doutait pas que son enfant hérite de la beauté qui seyait si bien aux Black. Elle s'imaginait déjà une petite fille aux yeux gris et aux longues mèches noires, aussi délicatement bouclées que celles des Lestranges. Avec un peu de chance, elle hériterait du nez délicat de Druella Black.
Mais elle aurait son tempérament et Bellatrix saurait le polir à la perfection pour qu'elle soit loyale à la Cause et sans pitié envers leurs ennemis. La volonté farouche qui animait les Black depuis des générations serait sa plus grande force. Sa fille s'élèverait parmi ses pairs et finirait par obtenir la même importance qu'un homme.
- Lady Lestrange, Madame.
Bellatrix abandonna ses rêveries avec un soupir et baissa les yeux vers Numéro 2. Son Elfe de Maison fixait la pointe de ses orteils, ses larges oreilles rabattues pour dissimuler la cicatrice qu'un mauvais service lui avait valu des années de cela. Elle n'avait jamais eu à se plaindre de lui depuis.
- Monsieur Bartémius désire s'entretenir avec vous, Lady Lestrange.
Avec un soupir, elle abandonna le décorateur à sa mission et rejoignit le boudoir au rez-de-chaussée. Elle savait pertinemment quel était l'objet de la visite de son protégé.
- Alors ? demanda-t-elle sans s'embarrasser des civilités.
- On a enfin trouvé où il vit, ma Lady. Son appartement est très bien protégé.
Bellatrix s'installa dans le canapé face à Bartémius. Rien de tout cela ne la surprenait. Si Dearborn avait été assez stupide pour entrer au service de Dumbledore, il restait un Serpentard et savait parfaitement assurer sa survie.
- Il va falloir ruser dans ce cas. Que sais-tu de ses fréquentations ?
- Il est assez solitaire. Pas d'amis au service des Oubliators. Avery Junior a fait ses classes en même temps que lui, mais ils n'étaient pas proches. Dearborn avait plus d'amis à Serdaigle que dans sa propre maison…
- Et sa famille ?
- Elle est éclatée au quatre coins du pays… Sa mère est décédée dans un de nos raids il y a deux ans de cela. De ce que j'en sais, son père s'est retiré du monde depuis.
Bellatrix haussa un sourcil à la nouvelle information. Ils avaient là une faille parfaite pour attirer Dearborn dans un piège. L'homme était intelligent - les Oubliators n'engageaient pas des idiots - et sa position dans l'Ordre du Phénix avait dû lui apprendre à être plus méfiant que jamais. Ils allaient devoir jouer finement pour pouvoir le capturer puisque tels étaient les ordres du Maître.
- Il faut retrouver cet homme. La mort de sa femme l'a de toute évidence affaibli. Il fera un parfait sujet pour l' Imperium. Mulciber se chargera de lui faire contacter Dearborn et nous le cueillerons au point de rendez-vous. Nous n'aurons qu'une seule chance… Il faudra que le plan soit millimétré.
Bartemius se leva.
- Il en sera fait selon vos ordres, ma Lady.
…
Vendredi 8 Mai 1981, Centre commercial Brent Cross, Londres.
- On ne va pas choisir une poussette uniquement parce que la couleur est sympa, Sirius !
- C'est un critère comme un autre ! Il y a une centaine de modèles Judy, et on a une liste interminable !
Judy soupira avant de fermer les yeux pour retrouver son calme, une technique qui fonctionnait de moins en moins bien depuis qu'elle était enceinte.
- Je vais chercher un vendeur ! lâcha-t-elle en tournant les talons.
- Excellente idée !
Sauf qu'il se retrouva seul au milieu de l'immense rayon dédié aux poussettes et qu'il se sentit plus perdu que jamais. Il n'avait jamais imaginé que les moldus puissent avoir un tel choix. Pour tout ce qu'il en savait, les landaus sorciers se transmettaient de mère en fille. Celui des Black était une espèce de panière recouverte de dentelles noires qui flottait à la manière d'un balai. Bien entendu, un tel objet ne pouvait être vu ailleurs que dans le monde sorcier, ce qui expliquait en partie pourquoi ce modèle en particulier était utilisé depuis au moins trois générations.
En comparaison, les poussettes moldues semblaient particulièrement compliquées : des accessoires divers - à commencer par de nombreuses sortes de sangles - remplaçaient les sortilèges, il fallait se battre avec des poignées pour espérer les plier - il trouverait un sortilège pour ça plus tard, même s'il devait l'inventer lui-même - et il n'était pas toujours convaincu que deux modèles soient si différents que ça.
Il jeta un coup d'oeil à sa liste, puis à sa montre. La première lui confirma que la poussette était bien en tête, et la deuxième qu'il était là depuis une heure sans avoir rien acheté.
Judy revint accompagnée d'une jeune femme aussi rousse qu'une Weasley.
- Alors, dites moi ce que vous aimeriez pour votre poussette ?
Judy eut une grimace qu'il reprit quand la jeune femme se tourna vers lui.
Elle eut un sourire indulgent - visiblement, ils n'étaient pas les premiers à être dépassés par la situation -.
- Premier enfant, pas vrai ?
- Coupable, marmonna-t-il.
- Ça va bien se passer. Bien, reprenons depuis le début, est-ce que vous avez une voiture ?
L'interrogatoire se révéla particulièrement efficace : en moins de dix minutes, la centaine de modèles se transforma en une petite dizaine. Sirius installa un poupon trouvé en bout de rayon et fit le tour du magasin avec chacune sans les ménager.
Il n'y en eut que trois à passer son test de conduite. Le vert bouteille de la deuxième permit de justifier son élimination et Judy se décida pour la moins chère des deux.
- Et bien voilà ! Il vous fallait autre chose ?
Conquis par l'efficacité de la jeune femme, Sirius lui tendit la liste que Judy avait établi la veille, ponctuant ses réflexions par plusieurs coup de fils à son amie Lane et à Lily.
La vendeuse écarquilla les yeux avant de reprendre contenance.
- Je vais aller chercher une collègue.
…
Dimanche 17 Mai 1981, Cardigan, Pays de Galles.
Cardigan était une petite ville côtière. La pluie qui tombait à verse depuis le matin même gâchait la vue sur la mer et les couleurs pastels des façades. Si la ville n'avait pas été peuplée exclusivement de moldus, Bellatrix l'aurait sans doute trouvée agréable. Elle adorait observer les tempêtes depuis le confort d'une maison, et le vent puissant lui assurait de belles vagues.
Dès que sa fille serait assez âgée pour voyager par transplanage, elle s'offrirait un tour du pays. Après tout, les moldus ne seraient bientôt plus un problème.
- Bella, il est l'heure.
Bellatrix s'arracha à la contemplation de la mer déchaînée et descendit au rez-de-chaussée de la petite maison où vivait Evan Dearborn, le père de Caradoc.
Comme prévu, le plus compliqué avait été de retrouver l'homme - un moldu de surcroît, ce que Caradoc s'était bien gardé de raconter à ses camarades de classe - et elle devait avouer que Bartémius avait fait un excellent travail. Il avait su utiliser à bon escient ses ressources - notamment les nouvelles recrues qui commençaient à être assez aguerries pour partir en mission - et elle veillerait à ce que le Maître le récompense comme il le méritait. Ensuite, Mulciber Junior avait rendu une petite visite à Dearborn père. Le chagrin avait affaibli ses barrières psychiques, l'absence de magie dans ses veines le laissait sans défense, le briser n'avait pas pris plus d'une minute. Mulciber lui avait fait écrire une lettre dans laquelle il annonçait une maladie grave, et l'envie de revoir son fils une dernière fois.
Caradoc s'était précipité tout droit dans le piège.
Maintenant venait la partie délicate de la mission.
Bellatrix enfila la cape d'invisibilité qui était son laisser-passer pour cette mission, puisque Rodolphus refusait encore et toujours qu'elle se mette en danger dans son état. Elle ne pourrait quitter sa cachette qu'une fois que Caradoc serait maîtrisé. Pour cela, le Maître lui avait donné l'autorisation de sortir les grands moyens : Mulciber commanderait à Dearborn sénior d'accueillir son fils et le mènerait dans le salon, là où Stan et Ralf l'attendaient. Pour éliminer toute possibilité d'évasion, Travers, Bartémius et Rowle les suivraient. A un contre six, elle espérait que l'Oubliator serait assez intelligent pour se rendre sans combat. Un éventuel transplanage était rendu impossible par les charmes anti-transplange que Selwyn et Dolohov étaient chargés de poser après l'arrivée de Dearborn.
Des coups secs retentirent au moment où elle trouvait une place discrète dans un coin de la pièce.
- Mon fils ! Tu es venu !
- Évidement que je suis venu, papa. Comment te sens-tu ?
- Mieux maintenant que tu es là. Viens, on va aller s'installer dans le salon.
Brun, l'allure athlétique et une tenue soignée, Caradoc ne ressemblait pas beaucoup à son père, qui devait avoir développé un goût prononcé pour l'alcool pour accompagner son veuvage.
En apercevant les deux frères Lestrange, Caradoc se figea et plongea sa main vers la poche arrière de son pantalon moldu.
Mulciber se chargea de l'intercepter en posant sa baguette à la base de sa nuque.
- Ne bouges pas.
Caradoc hésita une seconde de trop. Déjà, Travers et Rowle lui saisissaient un bras chacun et Bartémius se chargea de récupérer sa baguette, pour la briser aussitôt.
Pour faire bonne mesure, Stan le ligota soigneusement et Bellatrix put enfin se dévoiler.
Toujours encadré par deux Mangemorts, sa bouche bâillonnée, ses pieds et ses poings liés, Caradoc Dearborn n'avait aucune chance de leur échapper. Il tenta toutefois de se dégager en la voyant et Bellatrix ne put retenir son sourire torve.
Inspirait-elle la peur à ce point ?
- Je vois qu'il est inutile que je me présente… Parfait. Stan, peux-tu dire à Selwyn et Dolohov qu'ils peuvent partir ? Mulciber, je te remercie de ton aide. Je te laisse le soin de déposer Dearborn sénior à mon manoir : le Maître a jugé qu'il pourrait être utile. Bartémius, Rolf, vous venez avec moi. Il nous attend avec impatience.
…
Lundi 18 Mai 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.
- Je crois que je pourrais tuer pour une bière bien fraîche. Être enceinte craint.
Sirius se fendit d'un sourire en coin et porta la bouteille de bièraubeurre à ses lèvres. Le beau temps avait choisi le jour où ils peignaient la chambre du bébé pour faire une pause sur Londres. Il avait trouvé que la vision d'une Judy Adler, en sueur, dans un t-shirt qui laissait son ventre rond à nu et un mini-short qu'elle avait ensorcelé pour pouvoir entrer dedans, était particulièrement intéressante. Judy n'avait pas apprécié qu'il passe plus de temps à la détailler qu'à peindre les murs et l'avait copieusement recouvert de peinture. Ses cheveux étaient désormais plus beige que noirs, et il craignait d'être obligé de les couper si rien ne partait à l'eau.
Néanmoins, la chambre d'amis avait perdu ses murs rouge et or au profit d'une peinture beige, à l'exception d'un pan de mur recouvert d'un papier peint ensorcelé, décorés d'animaux de la forêt.
- J'ai mal au dos, grimaça Judy en se redressant sur sa chaise.
- C'est toi qui n'a pas voulu utiliser la magie, je te rappelle.
- C'est de ta faute si je suis enceinte !
- Quoi ?! C'est toi qui a insisté Square Grimmaurd !
- Pour rappel, il faut être deux pour faire un enfant !
La voix de James leur fit faire le même bond surpris. Sirius le trouva sur le pas de porte qui menait dans le petit jardin à l'arrière de sa maison, un sourire moqueur qui n'annonçait rien de bon sur les lèvres.
- La peinture, ce n'est pas pour les murs à la base ?
- Qu'est-ce que tu fiches là, Potter ? grogna-t-il pour toute réponse.
- Je suis venu voir si tu avais survécu aux travaux, cette question !
- J'ai fait le plus gros du travail. C'est un incapable en travaux manuels.
- Ça dépend quels travaux manuels, se défendit-il en désignant son ventre rond d'un geste du menton.
Avant de devoir esquiver le torchon qui traînait sur la petite table entre eux dans un éclat de rire moqueur.
- La prochaine fois je t'envoie mon verre, crétin !
- Tant de tendresse entre vous deux réchauffe le cœur. Vous me faites voir où va dormir ma filleule ?
Judy se releva en grimaçant, ses mains verrouillées sur le bas de son dos et Sirius se promit de lui faire un massage plus tard pour se faire pardonner de son aide relative.
- Les préparatifs avancent ? demanda James en les suivant dans la maison.
- On a acheté tout ce qu'il y avait sur la liste, à part quelques vêtements.
- Mais il faut encore terminer la chambre et faire disparaître tout le bazar à moitié dangereux du rez-de-chaussée.
- Ouais… Tant qu'ils ne marchent pas, ils ne font pas trop de bêtises.
- Pas dans ma famille, le corrigea Judy, sans pour autant entrer dans les détails.
James l'interrogea du regard et il répondit par une grimace inquiète. Il faudrait qu'il parle à Burt, histoire de savoir à quoi s'en tenir.
- Vous avez bien travaillé dis donc ! Je ne savais pas que la pièce était aussi grande ! Où tu vas mettre le berceau, Judy ?
Un sourire adoucit son expression que le stress avait fermé depuis une semaine.
- Au milieu de la pièce. Mon oncle et mon père m'ont promis une pièce unique. Je mettrais le rocking-chair de ma grand-mère à côté de la fenêtre… Je vais installer un grand placard contre ce mur, d'autres en face, pour ranger les jouets, et un grand tapis sous le berceau. Avec une table à langer, ça devrait suffire.
James pencha la tête sur le côté d'un air pensif, comme lorsqu'il étudiait un plan pour une mauvaise blague.
- Ça va être pas mal du tout je pense ! Ah, Lily m'a demandé de te donner ça. Le sortilège pour un ciel étoilé n'est pas trop compliqué d'après elle… Elle l'a installé dans la chambre de Harry et ça fait office de veilleuse.
Judy récupéra le morceau de parchemin.
- Evans est une fille géniale. Tu lui diras merci de ma part.
James ne s'éternisa pas, puisqu'il lui faudrait pas moins de trois heures pour rallier l'Ecosse en balai. Sirius savait qu'il aurait utilisé n'importe quelle excuse pour revenir sur Londres, et il préférait qu'il le fasse pour venir se payer sa tête plutôt que pour se donner l'impression que la guerre se faisait sans lui.
La tombée de la nuit les trouva installés dans le salon, des plats emportés indiens sur la table basse, une bouteille de Coca-Cola à moitié vide et l'album des Beatles en fond sonore.
- Le prénom du père de James ?
- Fleamont ?
- Fleamont ! Mais qui appelle son enfant comme ça ?!
- Les grand-parents de James apparemment. C'est un nom de famille à la base.
- Ça aurait dû le rester !
Il éclata de rire. Il avait pensé la même chose quand James lui avait expliqué d'où sortait son affreux deuxième prénom. Ne le connaissant que depuis quelques semaines à l'époque - et ayant une gamme très étendue de prénoms ridicules dans sa famille - il s'était abstenu de tout commentaire.
Judy reporta son attention sur le livre de prénoms qu'elle tenait dans les mains, puis grimaça.
- Tu es sûr pour cette histoire d'étoile ? Ça réduirait considérablement les recherches.
Il haussa un sourcil ironique.
- Avec le nombre d'étoiles qu'il y a dans le ciel ?
- Tu as une meilleure solution ?! Ce bouquin promet 12 000 choix différents !
Ce fut à son tour de grimacer. Les seuls prénoms qu'il avait en tête - Wilberforce, Bathsheba, Elvendork - n'étaient que le fruit d'une nuit d'été trop arrosée avec les Maraudeurs. Il avait réussi à faire jurer à Peter, Remus et James de nommer leurs aînés ainsi. Lily s'étant complètement opposée à l'idée d'un petit Elvendork, la promesse était devenue une blague entre eux. Il avait la très fine impression que Judy ne l'apprécierait pas à sa juste valeur.
- On pourrait choisir une lettre ?
Elle garda le silence une poignée de secondes avant de se fendre d'un large sourire, qui se transforma en grimace l'instant d'après.
- Laquelle ?
…
Jeudi 28 Mai 1981, Manoir Lestrange, Angleterre.
Peter Pettigrow arriva chez elle grimé en apollon blond aux yeux bleus et dans une tenue élégante qui devait à elle seule valoir plus chère que toute sa garde robe au complet. Bellatrix n'avait pas apprécié de devoir débourser une somme si conséquente pour cet incapable, mais elle ne pouvait pas prendre le risque que quelqu'un reconnaisse Pettigrow.
Elle était presque certaine que son manoir était sous surveillance.
Fidèle à lui-même, il avançait d'un pas incertain, Bartémius à ses côtés, et s'inclina maladroitement une fois face à elle.
- Bartémius, débarrasse-le de toutes ces fanfreluches, grogna-t-elle en guise de bonjour.
Elle prit aussitôt la direction des cachots du Manoir, pressée de voir Pettigrow repartir. Seule la perspective de tourmenter le jeune homme, et la certitude de briser définitivement Dearborn, lui avait fait accepter la proposition de Rodolphus quand le Maître avait insisté pour qu'elle obtienne des informations par tous les moyens.
Rodolphus avait tué le père de Dearborn après l'avoir torturé jusqu'à la folie - ce qui n'avait pas pris assez de temps à son goût - mais le jeune Oubliator n'avait pas ouvert la bouche. Pas plus qu'il n'avait cédé devant le Seigneur des Ténèbres, malgré le savoir faire reconnu du Maître. Bellatrix en était même arrivé à se demander s'il ne s'était pas effacé la mémoire par Salazar savait quel moyen. Rares étaient ceux qui résistaient autant, aussi longtemps.
Caradoc Dearborn se croyait sûrement courageux et loyal, alors qu'en réalité, il faisait preuve d'une stupidité affligeante. Résister comme il le faisait ne lui apportait que des souffrances supplémentaires. Bellatrix ne lui permettrait pas de mourir sans avoir parlé.
Elle fut la première devant le cachot qui servait de chambre à Dearborn et jeta un coup d'oeil à travers la mince ouverture de la porte.
Le jeune homme était recroquevillé dans un coin de la cellule, les chaînes qui pendaient à ses bras l'empêchant de trouver une position confortable pour dormir. Son visage n'était plus qu'une collection de bleus et de coupures, le sang avait collé ses cheveux bruns sur son crâne et ses vêtement lacérés laissaient voir d'autres blessures. A part ses quelques côtes brisées, Bellatrix savait toutefois qu'il n'avait rien de grave. Elle veillait à ce qu'aucune infection ne s'installe - ou du reste pas trop vite - et les températures clémentes de cette fin de printemps le protégeaient de maladies qui auraient pu l'affaiblir davantage.
Bartémius la rejoignit enfin, traînant Pettigrow derrière lui. Le petit traître semblait penser qu'il ne ressortirait pas de ce sous-sol…
Si cela n'avait tenu qu'à elle, ce serait une chose dont elle s'assurerait après la victoire du Maître. Le Seigneur des Ténèbres était toutefois connu pour tenir ses promesses et elle savait que Pettigrow aurait une situation enviable à l'issue de cette guerre.
Elle poussa la porte de la cellule et fit un pas à l'intérieur, prenant soin de ne pas marcher sur les différents fluides qui maculaient le sol.
- Bonjour, mon cher ami. J'ai ramené de la visite aujourd'hui.
Dearborn releva difficilement la tête et ouvrit son seul œil valide.
- Je ne… dirais rien, souffla-t-il.
- Oh, à moi je le sais… Mais peut-être te montreras-tu plus bavard avec la personne qui a vendu ton nom. Peter, entre. Ne fais pas ton timide.
Si l'incrédulité se dessina difficilement sur ses traits déformés, la colère qui embrasa son seul œil valide fit reculer Pettigrow d'un pas.
- Sale traître ! grogna Dearborn. L'Ordre finira par découvrir la réalité, Peter ! Et je suis certain que Black, Potter et Lupin te mettront dans un plus sale état encore que moi !
Pettigrow pâlit sensiblement et jeta un regard anxieux vers la sortie.
- Bien. Je vais vous laisser entre vous. A tout à l'heure.
…
Jeudi 28 Mai 1981, Quartier Général de l'Ordre du Phénix, localisation inconnue.
Emmeline Vance était la plus affectée de tous. Sirius n'avait jamais été très proche de Caradoc Dearborn - une rivalité Serpentard-Gryffondor puérile l'obligeait à garder ses distances - et il n'était pas plus proche de la mystérieuse Emmeline Vance - il n'était pas tout à fait sûr d'avoir déjà entendu le son de sa voix lors d'une réunion - mais il avait remarqué que Vance et Dearborn étaient ensemble, comme tout le monde dans le reste de l'Ordre. Rien d'étonnant à ce que la jeune femme soit effondrée ce soir, alors que cela faisait plus de dix jours que Caradoc n'avait pas donné signe de vie.
Et il y avait une règle d'or dans l'Ordre : passées deux semaines sans nouvelle, un membre était considéré comme mort. Puisque personne ne pouvait survivre à deux semaines de torture dans l'antre de Voldemort. Le peu de corps que les Aurors avaient parfois retrouvé l'avaient bien prouvé.
Le délai était donc de plus en plus proche, et la situation suffisamment désespérée pour que Dumbledore rassemble tout le monde dans un nouveau Quartier Général bien plus miteux que le précédent.
Depuis qu'Emmeline avait prévenu l'Ordre, Sirius avait passé ses nuits à tenter de surprendre la confession d'un Mangemort sur le sujet, mais sans succès. Tout ce qu'on savait, c'était que Caradoc était parti voir son père et n'était jamais revenu. Sirius se demandait s'il n'était pas déjà mort et la seule chose qu'il retirait de cette disparition était que Dearborn n'était définitivement pas l'espion, ou s'il l'avait été, Voldemort n'avait plus eu besoin de ses services.
- Et toi, Black, toujours rien ?
Sirius reporta son attention sur Fol-Oeil et lui rendit son regard suspicieux.
- Non. Je n'ai aucune piste à proposer. Voldemort a dû confier cette mission aux Mangemorts proches de lui, c'est la seule explication.
Maugrey sembla tenté de faire un commentaire désagréable, mais Dumbledore le coupa :
- Si les voix traditionnelles ne donnent rien, nous allons procéder autrement : Madelyn, serait-il possible de programmer une émission demain soir ? Et faire un appel à témoin ?
Madelyn hocha la tête, imitée par Benjy Fenwick.
Que les personnes ayant des informations susceptibles d'expliquer la disparition de Caradoc envoient leur hibou à Poudlard.
Après cette proposition - la première vraiment utile depuis la disparition de Caradoc de sa part -, Dumbledore continua son tour de table, et Sirius s'appliqua à détailler ses camarades de l'Ordre, encore et toujours à la recherche de l'espion qui s'amusait à les vendre à l'ennemi. Ce soir, ni Peter, ni Remus n'étaient présents. Avec la disparition de Caradoc, la mort de Fabian et Gideon, sans les Potter ni les Londubats, leurs rangs semblaient plus clairsemés que jamais. Une petite dizaine de personnes seulement avaient répondu à l'appel, et Sirius savait bien qu'ils étaient presque au complet.
S'il ne trouvait pas rapidement ce salopard de mouchard, il ne resterait bientôt plus personne pour tenir tête aux Mangemorts…