Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
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Chapter 21

Black Sunset

Première Partie : Stars.

Chapitre 21

« When you feel my heat
Look into my eyes
It's where my demons hide
It's where my demons hide
Don't get too close
It's dark inside »

(Demons - Imagine Dragons)


Lundi 16 Février 1981, École de Magie de Poudlard, Écosse.

- Nous avons besoin d'une explication, Sirius.

Sirius se rencogna contre le dossier de sa chaise avec toute la désinvolture qu'il pouvait invoquer, et braqua un regard sombre sur Dumbledore.

Il avait ignoré plusieurs hiboux, raté une réunion de l'Ordre à cause de son séjour aux Etats-Unis, et visiblement agacé Dumbledore. Du reste, il en était arrivé à cette conclusion en recevant une lettre par Fumseck, lui indiquant une heure de rendez-vous à Poudlard. Il avait essayé d'oublier le fait que Dumbledore essayait d'user des sept années qu'il avait passé à Poudlard, et du respect qu'il avait toujours eu pour lui en le convoquant dans le bureau directorial, mais ses réflexes de mauvais élève étaient revenus aussitôt la grille du château passée.

Il n'avait plus l'âge de recevoir des leçons de morale - n'en déplaise à James et Remus - et il trouvait les manières de Dumbledore carrément douteuses.

- Une explication ? répéta-t-il en penchant la tête sur le côté, reproduisant une des mimiques de Patmol.

- Ne te fais pas plus bête que tu ne l'es, Black ! Tu sais très bien de quoi on parle !

Il retint de justesse un grognement au ton accusateur de Fol-Oeil.

Il savait que Dumbledore et Maugrey n'apprécieraient pas son changement de méthodes - Dumbledore plus que Maugrey, d'ailleurs - mais il avait envoyé ses dernières réticences dans la cheminée quand James lui avait raconté pour la Prophétie et la menace sur son filleul, sans oublier que la grossesse de Judy impliquait que l'on comptait réellement sur lui maintenant.

Cette foutue guerre devait se terminer.

Il plongea son regard gris dans celui bleu de Dumbledore.

- Vous voulez vraiment savoir pourquoi j'ai tué un Mangemort, c'est ça ? Parce que c'était un Mangemort et qu'il était en train de torturer mon meilleur ami. Je ne laisserai plus aucun de ces salopards s'en prendre à ma famille.

Dumbledore se redressa sur son large siège de bois sculpté et le détailla par dessus ses lunettes en demi-lune. Pour la première fois, Sirius ne sentit pas cette impression d'être passé au rayon X.

- Nous nous sommes mis d'accord, tous, pour ne pas nous abaisser au niveau de Voldemort. Nous devons éviter de tuer quand cela est possible. Peter nous a dit que le Mangemort était inconscient quand tu lui as tiré dessus. Je n'ai pas créé l'Ordre du Phénix pour que ses membres se comportent en justicier sans scrupules !

Il éclata d'un rire mauvais et se pencha vers Dumbledore :

- Je peux me tromper, mais aux dernières nouvelles, Voldemort a une très grande influence sur Azkaban. J'ai plusieurs fois croisé des Mangemorts censés être là-bas. De toute évidence, votre méthode n'est pas assez radicale.

- Cela ne constitue pas une excuse, Sirius !

- Non, juste une bonne raison de changer les règles du jeu. Au rythme où vont les choses, il n'y aura bientôt plus de membres de l'Ordre du Phénix pour lutter contre Voldemort et on sait tous ce qui se passera ensuite.

Dumbledore lui lança un regard perçant, comme s'il lui demandait de faire attention à ses propos. Sirius lui répondit par un sourire insolent qu'il avait passé des années à polir. Il savait très bien qu'il avait raison. Le meurtre des Bones, l'attaque lors de la mission d'extraction, le nombre grandissant de Mangemorts censés être sous les verrous qui réapparaissaient sur les champs de bataille… Tous ces signes indiquaient clairement que Voldemort avait décidé de passer à la vitesse supérieure. Le temps des membres de l'Ordre du Phénix était compté. Le sien comme celui de Dumbledore. Il ne ferait pas l'erreur d'être trop tendre au moment où la guerre devenait plus dure.

- Bon sang Black ! éructa Fol-Oeil. Ce que tu as fait l'autre jour n'est ni plus ni moins qu'un meurtre de sang-froid ! A croire que tu devais éliminer ce Mangemort en particulier !

Sirius crut une folle seconde qu'il avait mal compris l'insinuation de l'Auror derrière lui. Quand il se retourna pour faire face à Maugrey, le regard accusateur braqué sur lui alluma une colère sans nom dans ses entrailles. Il comprit un peu mieux ce que Fol-Oeil fichait là.

- Sur les ordres de Voldemort, c'est ça ?! répliqua-t-il d'une voix sourde, remontant la manche gauche de son blouson en cuir où le seul tatouage qu'on pouvait y voir était le symbole de l'Ordre. Vous vous foutez de ma gueule ?!

Maugrey resta impassible.

- Tu es le choix le plus logique.

Il sortit sa baguette sans même y réfléchir, la colère aveuglant définitivement son jugement, même s'il avait du mal à croire que Fol-Oeil et Dumbledore puissent réellement penser qu'il soit la taupe dont l'Ordre soupçonnait l'existence depuis un peu plus d'un mois. Tout ce qu'il avait fait depuis ses dix-sept ans ne valait donc rien à leurs yeux ?! Il se battait contre l'idéologie des Sang-Purs depuis qu'il avait onze ans et ne cessait de clamer son allégeance dès qu'il en avait l'occasion. Par Godric, il avait bien failli mourir en refusant de devenir un Mangemort l'été de ses seize ans !

- Vous pouvez vous la mettre où je pense votre foutue logique ! Je ne suis pas un putain d'espion ! gronda-t-il.

Qu'il clame son innocence avec toute la rage qu'il ressentait n'aida pas Maugrey à changer d'avis. L'Auror se contenta d'adopter une sorte de garde, sa baguette magique bien en évidence, prêt à riposter s'il se risquait à l'attaquer. A son regard désabusé, Sirius comprit pourquoi il était le choix le plus logique . Ce n'était pas parce qu'il avait tué un Mangemort de trop, ou parce que Maugrey avait amassé des preuves irréfutables au cours d'interrogatoires au département des Aurors, mais bel et bien parce qu'il était un Black et, qu'Androméda exceptée, tout le ramassis de consanguins qui lui servaient de famille soutenaient Voldemort.

La logique voulait effectivement que lui, le dernier héritier mâle de la longue lignée des Black, n'échappe pas à ce qui ressemblait étrangement à une tradition.

- Si j'étais cet enculé de mouchard, James, Lily et Harry seraient déjà morts, parce que je sais où ils se cachent !

Un silence pesant suivit sa déclaration, et au regard perplexe de Maugrey, Sirius devina qu'il n'était pas au courant pour la Prophétie concernant Harry. Il se tourna vers Dumbledore et lui trouva une expression ennuyée malgré ses efforts pour paraître détaché.

Merlin, directeur de Poudlard ou pas, il oubliait qu'il avait grandi dans une famille de Serpentards !

- C'est quoi ces conneries ? marmonna finalement Maugrey.

Dumbledore soupira avant de faire un geste négligent avec sa baguette, sûrement pour s'assurer que personne ne pourrait surprendre leur conversation.

- Je vois que James n'a pas su tenir sa langue.

- James est mon frère et il n'a pas pour habitude de me cacher des choses.

Dumbledore plissa les yeux au sous-entendu sans pour autant le relever, avant de se tourner vers Fol-Oeil.

- Voldemort est persuadé que le jeune Harry est le seul à pouvoir le vaincre. Il a décidé de tout mettre en œuvre pour le tuer.

- Quoi ?! Mais ce gamin n'a même pas un an ! Il pourrait être un Cracmol pour tout ce qu'on en sait !

Sirius serra les poings à s'en faire blanchir les articulations. Deux longues semaines - pourtant chargées - n'avait pas réussi à lui faire accepter que son filleul avait un psychopathe aux trousses avant même de savoir parler. Il était entré dans l'Ordre par conviction - la doctrine des Sangs-Purs était complètement infondée - et pour Lily et Remus, mais la mort de Regulus, puis la menace qui planait sur Harry, et maintenant cet enfant qu'il allait avoir avec Judy, et qui serait tout sauf un Sang-Pur, rendait son engagement de plus en plus personnel. Ce que Voldemort faisait était immoral, qu'il s'en prenne à sa famille était inacceptable.

Godric, il se battait pour que cet enfoiré termine six pieds sous terre le plus rapidement possible.

- Je suppose que c'est exactement pour cela qu'il a décidé de s'occuper de lui maintenant, de peur qu'il devienne trop puissant en grandissant.

Le ton neutre de Dumbledore - comme s'il commentait l'article sur la météo - raviva brusquement sa colère et il tapa du poing sur la table face à lui, précipitant une pile de parchemins au sol.

- Vous parlez de mon filleul Dumbledore ! D'un petit garçon de sept mois ! Pas d'un pion dans une partie d'échec ! Qu'est-ce que vous comptez faire pour le protéger ?!

Dumbledore eut le bon goût de paraître gêné.

- Je réfléchis à une solution, Sirius. Il existe un sortilège de vieille magie qui pourrait assurer la sécurité des Potter… Je dois faire des recherches.

- Des recherches ?! répéta-t-il mécaniquement sans vraiment y croire. Pendant combien de temps ?

- Je crains que le sortilège ne soit prêt avant plusieurs mois. C'est pour cela que…

- Plusieurs mois ?!

Il se leva brusquement, ne réalisant son geste que lorsque la chaise heurta le sol avec fracas, et pointa un doigt accusateur sur Dumbledore.

- Harry doit être protégé maintenant ! Voldemort veut le tuer et il n'attendra pas plusieurs putain de mois pour le faire ! Alors pendant que vous faites vos petites lectures, je vais me mettre au travail ! Je vais trouver cet enfoiré de traître et je vais lui faire regretter d'avoir parlé ! Et mettez-vous bien dans le crâne que je vais tuer autant de Mangemorts pendant plusieurs mois, Voldemort compris, si ça me chante !

Il tourna des talons à la fin de sa tirade, hors de lui, et bien décidé à faire une sortie bien plus tonitruante que son entrée polie.

- Sirius ! le rappela Dumbledore au moment où il ouvrait la porte de son bureau.

- Allez vous faire foutre !

Lundi 16 Février 1981, Manoir Lestrange.

Bellatrix se réveilla aux alentours de onze heures sans honte, puisqu'elle avait décidé de laisser son corps prendre tout le repos qu'il jugerait nécessaire. Elle aurait aimé se glisser dans les bras de Rodolphus, mais son mari partait désormais aux aurores pour le Ministère. Il avait hérité du siège de Ranatus au Magenmagot et avec lui, une charge de travail supplémentaire. Elle repoussa les draps de soie verte et rejoignit la salle de bain d'un pas encore endormi.

Mécaniquement, elle attrapa la petite fiole au liquide transparent, se piqua le bout du doigt, et laissa une goutte de sang dans la préparation.

Depuis le cauchemar qu'elle avait fait deux nuits plus tôt, elle ne pouvait s'empêcher de craindre pour la santé de sa fille. Comme elle était encore trop petite pour qu'elle puisse la sentir bouger, elle préférait s'assurer d'être toujours enceinte. Un léger soupir de soulagement lui échappa quand le contenu de la fiole tourna au vert.

Rassurée, elle se prépara avec soin, choisissant une tenue sobre mais élégante, qui mettait sa taille encore fine en valeur et ne dévoilait pas trop sa poitrine.

Elle avait un rendez-vous d'affaire dans l'après-midi et ses camarades Mangemorts avaient tendance à oublier qu'elle leur était supérieure puisqu'elle était une femme.

Elle était en train de déguster un petit-déjeuner parfaitement équilibré quand Numéro 3 vint lui annoncer que Yorick Yaxley était dans le hall et insistait pour la voir.

Elle rejoignit le boudoir jouxtant le hall et l'homme ne tarda pas à l'y rejoindre.

- Bonjour Yorick, le salua-t-elle poliment tout en lui proposant de s'asseoir.

- Bonjour Lady Lestrange.

- Vous souhaitiez vous entretenir avec moi, si j'ai bien compris ? demanda-t-elle aussitôt, soucieuse de ne pas perdre son temps en politesses inutiles.

- Oui… Comme le maître le lui a demandé, mon fils garde un œil sur Dumbledore à Poudlard : ce matin, Maugrey Fol-Oeil était présent au petit-déjeuner et mon fils m'a juré avoir aperçu Sirius Black, ainsi qu'un autre homme qu'il ne connaissait pas. Il m'a immédiatement envoyé un hibou.

Bellatrix ne s'étonna pas outre mesure que Dumbledore profite des protections de Poudlard pour y tenir des rendez-vous concernant l'Ordre du Phénix, pas plus que son traître de cousin soit de temps en temps au château. D'un signe de tête, elle incita Yaxley à continuer.

- J'ai aussitôt prévenu le Seigneur des Ténèbres, et Il est convaincu que le deuxième homme se nomme Peter Pettigrew. Il m'a ordonné de venir vous prévenir sur le champ.

L'annonce aurait dû l'inquiéter - Dumbledore soupçonnait déjà cet imbécile - mais elle se força à demeurer calme, du moins face à Yaxley. Elle le remercia avant de le laisser prendre congé. Avec un soupir, elle regagna le salon où elle prenait son petit-déjeuner : il allait falloir qu'elle rende une visite à Peter Pettigrew ce soir et cette perspective venait de ruiner son humeur.

Lundi 16 Février 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.

Trois heures de moto n'avait pas suffi à l'apaiser. Il atterrit sans douceur sur un parking et n'attendit même pas d'être dissimulé pour se rendre visible. Quand il arriva chez lui moins de dix minutes plus tard, il avait manqué de percuter deux voitures en se faufilant à toute vitesse dans le trafic pour échapper aux embouteillages qui voulaient tester son absence totale de patience, et n'était pas passé loin de rater un virage en tournant trop brusquement à une intersection. Il resta juché sur sa moto et sortit son paquet de cigarettes, grognant en le découvrant presque vide. Il avait sincèrement besoin de se calmer et quatre pauvres cigarettes ne seraient définitivement pas assez.

Il ne savait pas encore ce qui le mettait le plus en colère : que Fol-Oeil l'ait envisagé comme l'espion qui menaçait l'Ordre du Phénix sous seul prétexte qu'il était né Black, ou que Dumbledore lui reproche ses méthodes brutales quand il ne faisait absolument rien de plus pour assurer la protection de Harry.

Il était par contre certain d'une chose : il allait débusquer le traître qui se cachait dans leurs rangs. Il allait suivre chaque membre de l'Ordre du Phénix s'il le fallait, mais il finirait par trouver lequel d'entre eux les vendait à Voldemort.

Oui, il allait le trouver, et il allait lui faire regretter son choix. On ne menaçait pas sa famille sans en subir de très lourdes conséquences, et à la différence de beaucoup, il n'avait pas peur d'avoir du sang sur les mains.

Sa dernière cigarette termina de se consumer dans une ultime bouffée et il se résigna à rentrer pour éteindre sa colère à grand renfort de Whisky Pur Feu, au risque de faire quelque chose de considérablement stupide, comme aller traîner dans l'Allée des Embrumes et tirer sur tous les Mangemorts qui croiseraient sa route.

Il n'avait pas prévu de tomber sur Judy en poussant la porte.

Elle se tenait adossée à la chambranle de la porte du salon, ses bras croisés sur sa poitrine et une expression illisible sur le visage.

Son regard bleu nuit sur lui était aussi pénétrant que celui de Dumbledore, à la différence qu'il eut la sensation de passer un test dont il ignorait la teneur exacte.

Il faillit repartir.

La colère des Black était devenue légendaire au fil des générations, et soigneusement entretenue par des mariages consanguins, au point qu'il était difficile de savoir ce dont n'était pas capable un Black quand son tempérament instable tournait à l'orage.

Malgré son jugement obscurci par une colère telle qu'il n'en avait pas ressenti depuis qu'il avait appris que Regulus était devenu Mangemort, Sirius savait très bien qu'il valait mieux qu'il reste seul jusqu'à ce que la tempête passe.

- Tu ne vas nulle part, lâcha-t-elle d'un ton neutre quand il esquissa un geste pour faire demi-tour, tout en faisant un premier pas vers lui, son regard désormais décidé.

- Crois-moi, tu ne veux pas avoir à faire à moi maintenant, Adler, marmonna-t-il d'une voix sourde, les mots passant difficilement ses lèvres à cause de ses mâchoires verrouillées.

La rage le faisait trembler, et il sentait une langue de douleur remonter le long de ses bras tétanisés à force de trop serrer ses poings.

Elle avança d'un pas de plus et se retrouva face à lui, le défi de plus en plus brillant dans ses yeux.

- Je n'ai pas peur, souffla-t-elle.

- Tu devrais, gronda-t-il.

Son sourire tordu vint jouer sur ses lèvres un bref instant :

- De nous deux, je suis celle qui peut te mettre KO d'un seul coup de poing.

La pulsion qui le poussa à l'embrasser balaya tout le reste et il ne chercha pas à la contrôler. Il n'était pas question de tendresse et de sentiment cette fois, juste de lui et de sa rage et de cet irrésistible besoin de prouver un point. Ses lèvres prirent violemment possession des siennes et son baiser ressembla plus à une morsure qu'à une preuve d'amour. Le goût du sang ne le stoppa pas, pas plus qu'il n'effraya Judy. Il sentait ses mains s'accrocher avec force à ses longues mèches noires, autant pour le contenir que pour mieux le garder contre elle.

Elle heurta le mur de l'entrée dans un bruit sourd qu'il ignora, tout comme il ignora son halètement provoqué par un manque prolongé d'air quand il rompit le baiser pour enfouir son visage dans son cou, laissant une marque à la naissance de son épaule. Déjà, Judy s'activait à le débarrasser de sa veste de moto, puis de son pull.

Il perdait le contrôle, chaque seconde un peu plus que celle d'avant, et sa rage n'était pas la seule responsable. L'odeur de Judy, les gémissements qu'il lui arrachait et ses mains sur lui, étaient en train de le rendre complètement cinglé, si tant est qu'il ait un jour été tout à fait sain.

La jambe de Judy accrocha sa taille, l'attirant au plus près d'elle, et un grognement de plaisir s'échappa de sa gorge auquel Judy répondit par un ricanement satisfait. Il releva les yeux, à la recherche des siens, et il manqua de perdre le fil en les trouvant plus sombre que jamais, tandis que son sourire tordu était de retour sur ses lèvres.

- Toujours confiante ? marmonna-t-il d'une voix hachée, sa main quittant sa poitrine pour le haut de sa cuisse.

- Je ne devrais pas ? répliqua-t-elle, ses ongles ravageant ses épaules quand il la plaqua un peu plus contre le mur.

- Tu es complètement dérangée.

- Faux. Je suis enceinte.

Il reprit possession de ses lèvres, avant de les débarrasser de leurs derniers vêtements d'un coup de baguette magique.

Lundi 16 Février 1981, Londres Est.

Bellatrix observa son reflet dans le miroir sans pouvoir retenir une grimace.

Pour ne pas être repérée si jamais Pettigrew était surveillé - elle ne lui prêtait pas beaucoup de qualités, et certainement pas celle de la discrétion - elle avait du revêtir une triste tenue moldue - une jupe vulgaire, bien trop courte, un chemisier informe et un pull de laine prune qui avait au moins le mérite de flatter son teint -, elle avait gardé le chignon compliqué qui lui avait pris près d'une demi-heure à peaufiner et avait enfilé un manteau gris qu'elle détestait. Elle avait usé de ses dons naturels en Métamorphose pour changer la forme de son menton, de ses lèvres et de son nez, avant de rendre sa chevelure d'ébène grisonnante.

Grâce à quelques coups de baguette, elle était devenue méconnaissable et avait vieilli de plus de dix ans. Elle détestait se voir ainsi.

Le quartier où Pettigrew vivait était désert. La majorité des volets étaient fermés, comme si ceux qui vivaient là craignaient ce qu'il se passait à l'extérieur, ce dont elle se félicita. La porte s'ouvrit sur Bartémius Croupton Junior et il s'inclina avec respect devant elle avant de la laisser entrer, l'aidant aussitôt à se défaire de son manteau.

Bellatrix plissa le nez à l'odeur qui régnait dans la maison de Pettigrew, étrange mélange entre la poussière et l'humidité.

Le petit traître de l'Ordre du Phénix était installé sur son canapé, les mains glissées sous ses cuisses pour en cacher les tremblements, le teint trop pâle de celui qui est terrifié.

Elle leva les sortilèges qui la dissimulait et refusa catégoriquement de s'asseoir de peur de contracter une maladie quelconque.

- Pourquoi Dumbledore a voulu te voir ce matin ? demanda-t-elle avec impatience sans se donner la peine d'user de la moindre formule de politesse.

Pettigrew déglutit difficilement, et à sa façon de mâchonner sa lèvre inférieure, elle aurait mis sa baguette à brûler qu'il avait cru pouvoir leur cacher cet entretien.

- A… A cause de la mission d'Extraction… lâcha-t-il finalement d'une voix rendue hésitante par la panique. Ils… Ils ont des soupçons. Ils sont sûrs qu'il y a une taupe maintenant.

La nouvelle était objectivement catastrophique - le Maître tenait plus que tout à avoir un agent à l'intérieur de l'Ordre du Phénix, prêt à lui rapporter les secrets de Dumbledore et ses guignols - mais elle garda un visage impassible, se contentant de lever un sourcil délicat.

- Te soupçonnent-ils en particulier ?

Pettigrew fixa la pointe de ses chaussures en déglutissant difficilement.

- N… Non… Je ne pense pas. Je… J'ai reçu le Doloris pendant l'attaque… Je ne pense pas qu'ils… Mais… Ils ont des soupçons et… Dumbledore… Dumbledore est…

- Dumbledore est un vieillard dont le temps est passé, le coupa-t-elle sèchement. Serais-tu en train d'insinuer que notre Seigneur est moins puissant que lui ?

- N… Non… Non !

- Sage réponse, commenta Bartémius depuis le fauteuil on il s'était installé, ses chaussures reposant sur le tissu usé négligemment. Ma Lady, j'ai l'impression que ce bon à rien ne nous dit pas tout. Souhaitez-vous que je le punisse pour vous faire perdre votre temps si précieux ?

Bellatrix eut un sourire mauvais que Pettigrew dut apercevoir car son teint devint verdâtre. Le Doloris qu'il avait reçu lors de la mission d'Extraction était son idée : au-delà du fait qu'il rendait Pettigrew insoupçonnable, il lui avait rappelé comment leur Maître sanctionnait l'échec.

- Tu as raison, Bartémius… Rien d'autre à ajouter, Pettigrew ? J'ai mieux à faire que d'être ici.

Pettigrew eut la très mauvaise idée d'hésiter et elle fit signe à Bartémius d'exécuter sa menace.

L'éclair rouge frappa l'ami de son cousin de plein fouet, et il tomba la tête la première sur le tapis défraîchi à ses pieds. Même si elle doutait que quelqu'un se soucie des hurlements de Peter, elle prit toutefois la peine de fermer les rideaux et de lancer des sortilèges de discrétion.

Pettigrew se tortillait à la façon d'un ver particulièrement repoussant, et ses supplications se faisaient de plus en plus sincères à mesure que Bartémius augmentait la pression sur son esprit, appliquant ses conseils à la lettre.

Elle avait bien vite compris qu'un Doloris trop puissant, trop tôt, faisait perdre connaissance à la victime, ce qui leur offrait un échappatoire bien trop facile. Mieux valait créer une douleur de plus en plus insupportable, mais laisser le temps au cerveau de se faire à l'idée.

Après un cri particulièrement déchirant, elle leva la main pour interrompre Bartémius.

Pettigrew sanglotait, sa face pressée sur le sol, de la morve coulait de son nez et de la bave de sa bouche, le rendant encore plus repoussant que d'ordinaire.

Elle s'accroupit à ses côtés et saisit avec violence l'oreille qui dépassait de ses cheveux trop ternes et trop fins. Il étouffa une plainte et elle tordit sa prise jusqu'à ce que ses pleurs redoublent.

- La prochaine fois que tu oses me mentir, Pettigrow, je te coupe une oreille. La prochaine fois que tu oses me cacher quelque chose, je fais de toi un Eunuque.

Elle se releva et conclut sa menace en écrasant la main tremblante à côté de ses escarpins.

Quelques minutes plus tard, Peter avait repris ses esprits et était à nouveau installé sur son canapé, ses mains tremblantes cachées sous ses cuisses.

- Je… Fol-Oeil… Il pense que Sirius est l'espion.

Cette fois, Bellatrix laissa un large sourire s'épanouir sur ses lèvres. En soi, l'information n'était pas surprenante - elle avait fait en sorte que des tels soupçons puissent germer dans l'esprit calculateur de Dumbledore - mais savoir que la première étape de sa vengeance était un succès était particulièrement satisfaisant. Elle avait prévu de détruire son cousin, le mettre à genoux avant la fin de l'année, et Salazar lui en soit témoin, elle ne laisserait rien ni personne se mettre en travers de sa route.

- C'est une excellente nouvelle, n'est-ce pas, Bartémius ?

Son jeune protégé hocha la tête avec déférence.

- Il faut saisir cette opportunité, Peter. Je veux que tu ne fasses rien pour le discréditer. Et si ce loup-garou aborde le sujet, je veux que tu accuses Sirius à demi-mot. Inutile de jouer à ce jeu avec Potter. Ce crétin est d'une loyauté aberrante et tu risquerais de te faire repérer. Je compte sur toi pour agir avec discrétion. Compris ?

Pettigrew hocha la tête, ses yeux rivés sur la pointe de ses chaussures.

- Quand ont-ils prévu une distribution de tracte ?

- On se réunit dans une semaine pour le décider.

- Parfait… Bien, je crois que je n'ai plus rien à faire ici. Bartémius, le Seigneur des Ténèbres souhaite que ce petit rat n'ait plus jamais l'idée de lui cacher quoique ce soit. Je te laisse le soin de lui rendre visite la semaine durant et de lui faire passer le goût des cachotteries. N'abîme rien qui puisse attirer l'attention.

Elle rejoignit l'entrée sans ce qu'il ne la raccompagne. Au moment où elle ouvrait la porte, des quintes de toux frénétiques lui apprirent que Pettigrew devait avoir l'impression de se noyer dans ses propres poumons. Elle sourit largement : finalement, Pettigrew pouvait s'avérer distrayant.

Lundi 16 Février 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.

Sirius se redressa en grimaçant, son corps endolori ne lui rappelant que trop bien ses activités de la journée, pas qu'il ne songe à s'en plaindre pour autant. Il leur avait fallu trois essais, à Judy et lui, pour réussir à rejoindre la chambre à l'étage, et deux de plus pour que sa rage ne soit plus qu'un lointain souvenir.

Godric lui en soit témoin, le sexe s'était avéré bien plus efficace pour éteindre sa colère que l'alcool ou les cigarettes.

Les bruits de pas dans les escaliers précédèrent d'une poignée de secondes Judy. Elle apparut, vêtue simplement de son t-shirt de l'Ordre et les bras chargés d'un pot de glace, qui avait miraculeusement survécu à l'été, et quelques paquets de gâteaux moldus, qui avaient peu à peu envahis ses placards à mesure que Judy passait du temps chez lui.

Elle déposa ses provisions sans cérémonie sur le lit et retrouva sa place à ses côtés. Il passa un bras autour de sa taille, sa main reposant négligemment sur sa cuisse dénudée. Judy lui donna l'impression de l'ignorer complètement : elle attrapa le pot de glace et avala deux larges cuillerées qui durent au moins lui geler la moitié du cerveau.

- Je suis affamée, marmonna-t-elle.

- J'avais remarqué.

Elle releva la tête, les yeux brillants de malice et ce sourire tordu qu'il adorait. Elle l'embrassa délicatement, et Sirius dut se faire violence pour ne pas approfondir le baiser et goûter cette glace au caramel directement sur sa langue.

- Je ne me souviens pas t'avoir entendu te plaindre.

Sirius attrapa la cuillère et se servit à son tour avant de répondre :

- Si mes souvenirs sont exacts, tu étais très occupée à autre chose.

Elle lui asséna un léger coup dans le ventre sans nier ce qu'ils savaient tous les deux être la vérité : il n'avait pas pour habitude de laisser une sorcière insatisfaite.

Le carton de glace ne fit pas long feu, le pot de Nutella diminua de moitié et Judy avala deux brownies en plus avant de s'estimer rassasiée. Elle se cala un peu plus contre lui, sa main reposant sur la tâche de naissance en forme d'étoile qui barrait sa poitrine, tandis qu'il laissait sa main courir de sa hanche à son genou, réalisant qu'il se sentait parfaitement bien à cet instant.

- Je crois que tu es la première personne qui ne recule pas devant la colère des Black, souffla-t-il. Même James n'approche pas.

- Pas étonnant. James, c'est un Bambi.

- Un Bambi ?

Il sentit son sourire contre sa peau.

- Un dessin animé sur un faon. Si on arrive à installer la télé dans cette maison, je te le ferais voir. Et pour information, la colère des Black n'est rien du tout à côté de celle de Grant Adler.

Sirius se raidit et Judy rit doucement.

- Il est plus grand et plus lourd que toi, et en général, j'arrive à l'assommer. Être inconscient est la seule chose raisonnable qu'il est capable de faire quand il est dans cet état.

Sirius songea qu'il avait tout intérêt à ne pas provoquer celui qui était presque son beau-père, sinon au moins le grand-père maternel de son futur enfant.

- Au final, c'est quoi l'histoire ?

Il soupira, songea à se taire, avant de comprendre qu'il avait besoin d'en parler, et que cette fois, James ne semblait pas le meilleur choix - son frère était déjà assez inquiet pour son fils, il n'avait pas besoin que quelqu'un en rajoute une couche - Remus n'avait toujours pas donné signe de vie et Peter donnait déjà l'impression de porter le poids du monde sur ses épaules. Judy lui avait déjà prouvé qu'elle savait écouter et garder un secret.

- Il y a une taupe dans l'Ordre, et les chefs pensent que c'est moi.

Judy se redressa pour croiser son regard, les sourcils froncés, avant de lever les yeux au ciel.

- Toi, un espion ? Ils sont complètement stupides !

Sirius ne sut pas vraiment comment interpréter sa déclaration.

- C'est ce que je leur ai dit…

- Oui, non mais même… Tu portes chacune de tes pensées sur ton visage. Et tu es aussi discret qu'un éléphant dans un champ de betteraves ! Ne le prends pas mal, mais si j'avais besoin d'un espion, tu serais mon dernier choix.

Finalement, il choisit de ne pas relever.

- Le problème c'est que si ce n'est pas toi, qui ? reprit-elle, plus sérieusement cette fois.

- Je sais…

Maintenant que sa colère était passée, il réalisait que l'avenir de l'Ordre était en question. Le traître dans leur rang pouvait bien détruire tout ce qu'ils avaient déjà accompli. Leur journal avait permis de recruter deux nouvelles personnes - un auror du nom de Shaklebolt et le frère d'une Cracmol, Figgs -, ils influençaient l'opinion publique, même si cela semblait parfois dérisoire, et ils avaient contribué à sauver des centaines de vies lors des attaques. L'Ordre était un solide rempart contre Voldemort.

Un solide rempart entre Harry et Voldemort.

Il ne permettrait pas que ce rempart s'effondre, quoi qu'il lui en coûte.

Judy se redressa et posa sa main sur sa joue, redessinant du bout des doigts la morsure qu'elle lui avait laissé quelques heures plus tôt. Il ne trouva plus l'ombre d'un sourire dans son regard, juste une inquiétude grandissante qu'il partageait.

Avec raison.

- Il faut que tu sois prudent, Sirius, d'accord ? Je sais que je ne peux pas t'empêcher d'aider, mais je ne veux pas te perdre. Je ne peux pas.

Il sentit sa gorge se serrer, la peur prenant le dessus sans qu'il ne s'y attende, et un poids tomba sur ses épaules. Il savait que l'inquiétude de Judy allait bien au-delà du fait qu'elle attendait leur enfant et qu'elle avait peur de l'élever seule. Sa réaction face à sa colère, le fait qu'elle ne lui tournait jamais le dos, son soutien inconditionnel… S'il avait besoin de preuves sur l'importance qu'il avait pour elle, elle lui en avait donné plus d'une aujourd'hui.

Et il savait que le contraire n'était pas vrai.

Il raffermit sa prise sur sa taille, et attrapa sa nuque, son pouce effleurant la courbe de sa joue.

- Je t'aime Judy, souffla-t-il. Et je vais faire attention, c'est promis.

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