Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
All Chapters Forward

Chapter 20

Black Sunset

Première Partie : Stars.

Chapitre 20

« When you can't find your way and all around you walks as deep and grey.
The stars fall from above and you're barely holding on my love.
Giving it my best shot, baby, your love's got all that I need.
Here crying from the rooftops.
Nothing can stop us if we believe.
Here giving it my best shot, baby, I find that we can be free.
When you're here with me . »

(Best shot - Birdy & James Young)


Mercredi 11 Février, La Colline, Rowlfer, Idaho, Etats-Unis.

Sirius n'arrivait pas à trouver le sommeil.

Dans ses bras, Judy n'avait pas eu ce problème. Sa respiration tranquille lui semblait plus profonde que toutes les nuits de la semaine passée, et le pli entre ses yeux s'était estompé. La décision qu'ils avaient pris le matin même l'avait libérée d'une angoisse qui la rongeait de l'intérieur. Au cours de la journée, son sourire était revenu, accompagné de son ironie tranchante et de sa confiance en elle.

Sa métamorphose l'avait convaincu qu'ils avaient fait ce qu'il fallait.

Grant Adler semblait parfaitement d'accord avec lui. En les voyant revenir à la voiture avec plusieurs heures d'avance, les bras chargés de paquets, le biker avait attiré sa fille unique dans une dangereuse embrassade et il était certain d'avoir vu une larme échapper au géant. Burt, lui, avait bien failli tourner de l'oeil à la nouvelle et avait mis près d'un quart d'heure à se remettre de ses émotions. Les deux hommes avaient ensuite insisté pour qu'ils fêtent l'heureux événement au restaurant, et Judy s'était écroulée de fatigue dans l'alcôve qui lui servait de chambre, de retour dans sa caravane.

Sirius ne réalisait pas.

Sous sa main, il y avait une vie en train de s'épanouir. Dans moins de six mois, un être qui aurait peut-être ses yeux et le foutu tempérament des Black allait voir le jour.

Dans six mois, il allait devenir père.

Il allait devenir père au milieu d'une guerre, alors que sa cousine avait promis de le tuer et que Voldemort avait décidé d'assassiner son filleul.

Il allait devenir père alors qu'il se comportait difficilement en un adulte responsable, même quand la situation l'exigeait. Il vivait au jour le jour depuis qu'il avait quitté le toit familial et n'avait jamais su se projeter à plus de quelques semaines.

Il allait devenir père alors qu'Orion Black avait été plus qu'absent durant toute son enfance, laissant le soin à Walburga de les élever, Regulus et lui, à la baguette.

Il allait devenir père et il était effrayé de ne jamais être à la hauteur.

Des doigts fins se posèrent sur la main qu'il avait glissé sur le ventre de Judy, espérant inconsciemment sentir un mouvement.

- Je peux entendre ton cerveau tourner à plein régime, Sirius… souffla Judy.

- Désolé.

Elle se tourna pour lui faire face et se redressa sur un coude, tandis qu'il basculait sur le dos.

- Tu veux en parler ?

La peur fit battre son cœur plus vite et il ferma les yeux malgré lui pour tenter de juguler la panique. Elle effleura ses paupières serrées du bout des doigts avant de se pencher pour l'embrasser délicatement.

- Ce rejeton n'est pas plus gros qu'une noix et te fait déjà perdre ton sang-froid ? Qu'est-ce que tu vas faire quand il fera sa crise d'adolescence ?

Il ne fut pas surpris qu'elle se moque de lui, puisqu'elle ne s'était pas gênée pour lui faire croire qu'on lui avait coupé la jambe deux semaines plus tôt.

Un bref sourire tendu lui échappa mais il refusa d'ouvrir les yeux.

- J'ai quinze ans pour y réfléchir.

- Pars plutôt sur douze.

Il soupira et elle se cala contre lui, sa tête reposant sur son épaule, sa main redessinant la tâche d'un rouge profond en forme d'étoile qui décorait son torse depuis sa naissance.

- De quoi as-tu peur, Sirius ? Que le bébé soit ta copie conforme ?

Les battements désordonnés de son cœur faillirent bien lui voler ses mots, mais ce qui s'était passé entre eux en octobre lui avait appris qu'il était plus simple de parler tout de suite plutôt qu'expliquer après s'être dérobé.

- Tu crois que je vais réussir à être un bon père ?

Elle se redressa à nouveau, posa une main sur sa joue et il se força à ouvrir les yeux pour croiser son regard bleu nuit. Il n'y avait aucune trace de moquerie cette fois, juste une confiance sans borne qui lui était entièrement destinée.

- Je t'ai vu t'occuper de ton filleul, Sirius. Tu aimes ce gamin et tu donnerais ta vie si cela pouvait l'empêcher de connaître le malheur. Je t'ai vu jouer avec une petite fille de cinq ans que tu ne connaissais même pas pendant plus d'un quart d'heure. J'ai plus peur que tu ne sortes pas vivant de cette foutue guerre plutôt que tu sois un mauvais père.

Incapable de répondre à sa déclaration sincère, il resserra son étreinte et enfouit son visage dans la courbe de son cou, inspirant son odeur épicée à plein poumon, laissant la peur le quitter un peu plus à chaque inspiration, même s'il savait qu'elle reviendrait le hanter de nombreuses fois pour le reste de sa vie.

- J'ai eu une enfance de merde Jud', tu n'as pas idée à quel point, murmura-t-il.

- Si ça peut t'aider à te sentir mieux, la mienne n'était pas non plus fantastique. Ma mère est décédée quand j'avais sept ans, mon père l'a tellement mal vécu qu'il a disparu pendant plus d'un an. C'est mon oncle qui s'est occupé de moi. Mon père n'était pas revenu depuis six mois quand il a été arrêté pour trafics. Je ne l'ai pas revu avant mes douze ans.

- Square Grimmauld était une prison.

Le silence qui tomba entre eux lui laissa le temps qu'il fallait pour repousser ses idées noires et les enfermer avec le reste de ses mauvais souvenirs dans un coin de sa tête.

- On va faire une fine équipe, pas vrai ? dit-il finalement.

Elle éclata de rire, chassant définitivement ses inquiétudes, et il la fit rouler sous lui pour pouvoir lui en voler les derniers éclats sur ses lèvres.

Samedi 14 Février, Manoir Lestrange.

Bellatrix se réveilla en sursaut, une atroce douleur au niveau de son ventre. Elle repoussa aussitôt les couvertures aux tissus luxueux dans des gestes saccadés.

- Non !

Une large tâche de sang s'était épanouie sur sa chemise de nuit blanche, collant le tissu sur son ventre si plat, mais qui abritait pourtant la vie.

Jusqu'à maintenant.

Elle ne chercha pas à se lever, ou à appeler à l'aide. Elle avait vécu cette épreuve à huit reprises déjà et le diagnostic avait toujours été le même.

Fausse-couche.

Des larmes se mirent à couler le long de ses joues et elle n'essaya même pas de les refouler. La douleur qui saccageait le bas de son ventre et de son dos n'était rien comparée à celle qui était en train de ravager son cœur. Elle retomba en arrière, vidée de ses forces, et se roula en boule pour se couper du reste du monde. La douleur devint un peu plus supportable, mais elle sentait le tissu devenir de plus en plus humide contre ses cuisses, signe que l'hémorragie qui était en train d'emporter sa fille ne se tarissait pas.

Peut-être les Médicomages avaient-ils eu raison en prédisant qu'une énième fausse-couche lui serait fatale, que les risques étaient trop grands pour sa santé, qu'il valait mieux se résigner.

Bellatrix Lestrange n'était pas du genre à se résigner.

Seulement son corps allait avoir raison d'elle cette nuit. Elle allait se vider de son sang, ce sang si pur qui faisait sa fierté mais qu'elle était strictement incapable de partager avec sa propre fille.

Son corps refusait de porter la vie et Bellatrix avait l'impression d'avoir été doublement punie. D'abord en étant née une fille alors que son père désirait un garçon pour transmettre le nom des Black à une nouvelle génération, puis une seconde fois en lui refusant de pouvoir procréer, ce qui était la raison première du corps d'une femme.

La douleur atteignit de nouveaux sommets, mettant tous ses nerfs au supplice, lui donnant l'impression que sa tête allait exploser. Les sanglots s'unirent aux larmes, et elle perdit tout contrôle sur sa respiration, avant qu'un cri de souffrance ne passe ses lèvres, ravageant sa gorge tant elle manquait d'air. Elle se mit à tousser, déterminée malgré tout à ne pas mourir, cherchant par tous les moyens à faire entrer de l'air dans ses poumons, mais l'air était devenu poisseux à son tour et elle ne comprit que trop tard qu'elle se noyait dans son propre sang.

Des bras puissants lui agrippèrent la taille et commencèrent à la tirer vers le fond - vers sa mort - et elle se débattit avec le peu de force qui lui restait.

- Non ! Lâchez-moi !

- Bellatrix ! Bellatrix, réveille-toi !

- Non !

Elle se débattait encore quand elle rouvrit les yeux sans comprendre où elle se trouvait, sans reconnaître Rodolphus au-dessus d'elle alors qu'il essayait de la maintenir plaquée sur le matelas, résistant à ses coups avec courage. L'horreur de son cauchemar était tapie dans chaque fibre de son être, elle avait cru mourir - elle pensait toujours mourir - et plus rien ne faisait sens autour d'elle. Sa magie se déploya sans qu'elle ne puisse la maîtriser - sans qu'elle ne pense à la maîtriser - et un puissant sortilège de répulsion frappa Rodolphus de plein fouet. Débarrassée du poids qui l'entravait jusqu'alors, elle se glissa hors du lit.

Lorsqu'elle se réceptionna durement sur le sol, deux langues de douleur remontèrent depuis ses genoux jusqu'à ses hanches, et elle rampa difficilement jusqu'à la salle de bain.

Son ventre la faisait toujours horriblement souffrir, des sanglots la secouaient violemment et sa vision était trouble. Seule la peur et son irascible envie de survivre - de leur prouver à tous qu'elle était plus forte que la Mort elle-même - lui permirent de se mettre en sécurité. Elle se roula en boule entre le meuble de l'évier et le mur, et se rendormit quelques minutes plus tard, épuisée par ses larmes.

Samedi 14 Février, Résidence de Sirius Black, Londres.

A moitié aveuglé, Sirius manqua de percuter Judy en sortant de la cheminée. Il se dépêcha de se débarrasser des nombreux paquets qui encombraient ses mains pour pouvoir ôter la cendre qui s'était incrustée dans ses yeux.

Il se retrouva face aux visages inquiets de James et Lily.

Sa bonne humeur se fana. Il les connaissait trop pour ne pas comprendre quand quelque chose de grave s'était produit.

Remus…

A la pensée que, peut-être, son crétin de meilleur ami était mort, il déglutit difficilement.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-il.

James et Lily échangèrent un même regard surpris.

- Comment ça, qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'étonna James.

- Bah je sais pas… Vous avez vos têtes des mauvais jours. C'est Lunard, c'est ça ?

Son frère de cœur le dévisagea les yeux plissés, comme s'il cherchait un détail qui lui aurait échappé, avant de se tourner vers Lily.

Sa femme l'ignora complètement, ses yeux rivés sur Judy et sa bouche entrouverte comme si elle était sous le choc.

- Oh mon Dieu ! s'exclama-t-elle finalement en se levant d'un bond pour prendre Judy dans ses bras. Merlin, j'espérais que vous changeriez d'avis !

Judy eut un temps de retard avant de lui rendre son étreinte, puis un rire lui échappa quand Lily commença à la bercer. Il sentit un large sourire s'étaler sur ses lèvres, si large que ses joues lui firent mal, à la vue du tableau.

- Par Godric, Patmol ! Vous gardez le bébé ?

Sirius se tourna vers James et voulut lui adresser une remarque ironique, mais son frère de cœur avait le regard brillant, comme si l'émotion menaçait d'être vraiment trop forte.

Il se contenta de hocher la tête.

L'émotion fut trop forte mais James ne chercha pas à s'en cacher.

Un quart d'heure plus tard, tout le monde - Judy exceptée - avait une coupe de champagne à la main. Sirius ne se souvenait pas de la dernière fois où il s'était senti aussi heureux. La guerre ne leur offrait définitivement pas assez d'opportunités…

Quand Harry se réveilla de sa sieste, il se dévoua pour aller récupérer son filleul installé dans la chambre d'ami.

- Hey, bonhomme. Bien dormi ? demanda-t-il doucement en l'attirant contre lui.

Harry l'agrippa aussitôt, sa tête couronnée d'épis indomptables se posant sur son épaule et Sirius embrassa délicatement son front.

- Tu as failli louper la petite fête, Harry. Qu'est-ce que tu en penses d'avoir un cousin ou une cousine bientôt pour jouer avec toi ?

Harry eut un babillement joyeux qui lui tira un sourire satisfait. Malgré les mauvais coups de Bellatrix et les pleurnicheries de Regulus, il avait passé de bons moments avec Narcissa et Androméda, quand ils inventaient des jeux pour échapper à l'ennui des grandes réunions de famille.

Il resserra légèrement son étreinte autour du petit garçon, lui promettant en silence d'arrêter Voldemort et de faire en sorte qu'il ait une enfance heureuse et le plus loin possible de la guerre.

Dans ses bras, Harry commença à s'agiter et il prit le chemin du rez-de-chaussée, sachant qu'il ne tarderait pas à réclamer son goûter à grand renfort de cris.

Lily l'attendait, un biberon dans la main qu'elle lui tendit.

- Harry ne va pas tarder à passer aux purées, et il faut encore que tu peaufines ta technique Chaton.

Il s'installa dans le fauteuil favori de l'Oncle Alphard, enfila un bavoir autour du cou de son filleul et ne s'étonna plus de voir le petit garçon se saisir du biberon.

- Bien, passons aux choses sérieuses, s'exclama soudainement James en conjurant un parchemin, une plume et de l'encre. Judy, quand le bébé doit-il naître ?

Judy haussa un sourcil dans sa direction et Sirius eut à peine le temps de jeter un regard sombre à son meilleur ami, même s'il savait que James lui renvoyait son hibou. Elle leva les yeux au ciel en comprenant qu'il s'agissait d'une de leur énième invention puérile.

- Approximativement dans six mois Potter. Ce n'est pas à toi que je vais apprendre qu'une grossesse dure neuf mois, n'est-ce pas ?

Son trait d'ironie échoua lamentablement à décourager James.

- Non, la date exacte. Que je puisse faire une estimation.

- Une estimation de ?

- Du jour où tu vas accoucher !

- Parce que… ?

Lily tapota gentiment son genou, un sourire désolé sur les lèvres mais une étincelle de malice dans son regard vert.

- Il veut parier avec Peter, Remus et Sirius. C'était l'idée de Sirius quand ils ont fêté le début d'une nouvelle génération de Maraudeurs.

- Oui, avec un thème pareil, c'est Sirius qui a eu l'idée.

- Hey !

- Oh arrête ! Tu es une diva à tes heures perdues et tu le sais très bien.

Ils éclatèrent de rire et il se fendit d'un sourire en coin, sachant pertinemment qu'elle avait raison et que tout le monde en avait conscience.

- Donc, Adler, la date ?

- J'en ai pas la moindre idée, Potter ! Je ne l'ai pas demandée !

- Tu as ton dossier de l'hôpital ? demanda Lily. Si les Etats-Unis fonctionnent comme le Royaume-Uni, ça doit être marqué quelque part.

Judy soupira mais se leva pour attraper son sac à dos et en sortit un dossier cartonné, avant de s'installer sur l'accoudoir du fauteuil. Lily l'étudia une petite minute, s'attardant sur des images en noir et blanc avec un sourire nostalgique, avant de trouver l'information qu'elle cherchait.

- Ah ! 5 Août !

James eut une expression étrange, ses sourcils froncés, tandis que Lily haussait les sourcils, visiblement surprise.

- Quoi ? s'inquiéta-t-il tout en reposant le biberon de Harry sur la table basse, asseyant son filleul contre lui.

James sembla hésiter avant de se pencher vers Judy et lui.

- Je ne veux pas me mêler de ce qui me regarde pas…

- Vraiment ? le coupa Judy, son sourire tordu sur les lèvres et un regard qu'il qualifia de dangereux.

James balaya sa menace implicite d'un geste de la main.

- Vous n'étiez pas censés être dans l'impossibilité de faire un bébé début Novembre ?

L'exclamation outrée de Judy précéda d'une fraction de seconde un coup sec à l'arrière de son crâne et il grimaça, tandis que Lily éclatait de rire.

- Je le crois pas ! Mais vous vous dites absolument tout, vous deux !

- C'est de sa faute ! Il a demandé un compte rendu exhaustif quand je suis revenu de chez toi !

- Et c'est une excuse ?! s'écria-t-elle en lui donnant un coup dans le bras cette fois.

- Ouch ! Les hormones te rendent encore plus agressives qu'avant, Judy !

- Elle ne serait pas enceinte si tu n'aimais pas…

James se coupa quand Judy pointa sur lui sa baguette magique, une expression vicieuse sur le visage. Son sourire tordu avait disparu, ce qui signifiait qu'elle ne plaisantait plus. Cornedrue leva les mains en signe de reddition mais Judy ne rangea pas sa baguette pour autant.

- J'en déduis qu'il y a eu une entorse au contrat. Je suis déçu Patmol. Vous…

Il se coupa et resta figé un instant, la bouche entrouverte et les yeux écarquillés, avant d'éclater de rire.

- Square Grimmauld ?! s'exclama-t-il après s'être un peu calmé. Vraiment ?! Ce petit a déjà ton talent pour semer le trouble, Black !

Judy tourna un regard noir vers lui, le poing armé.

- Ah non, là c'est pas moi ! Je ne lui ai rien dit ! J'aurais eu le droit à une leçon de morale interminable !

James agita ses sourcils quand il se retrouva la cible du regard noir de Judy, définitivement moqueur, et immanquablement fier de lui. Il récupéra sa plume et son bout de parchemin, affichant un air sérieux qui se voulait de circonstance.

- Lily, je t'écoute.

- Oh, j'ai le droit de parier cette fois ?

- Évidemment. Tu n'as aucun parti pris dans cette histoire…

Lily détailla Judy avec attention, avant de soupirer :

- Tu n'as ni frères, ni sœurs, pas vrai Judy ?

- Pas que je sache.

- Et ton père ?

- Pas que je sache non plus.

- Ta mère ?

- Deux frères.

Lily hocha la tête et pesa le pour et le contre en silence.

- Un garçon. 1er Août. Vers… euh… Treize heures. Trois kilos cinq… Attends, trois kilos huit plutôt. Ton père est un demi-géant Judy d'après Sirius. Cinquante-quatre centimètres.

Sirius se retrouva bien ennuyé quand son frère de cœur se tourna vers lui.

James avait tellement répété que son aîné serait un garçon, sous le regard approbateur d'Euphémia, qu'il n'avait pas pris un gros risque en misant sur le fait qu'aucun des deux ne se trompait jamais. Il avait déjà du mal à imaginer que Judy portait leur enfant étant donné son ventre plat deviner s'il s'agissait d'une fille ou d'un garçon dépassait de loin ses dons médiocres en divination.

- Qu'est-ce que tu en dis, Harry ? demanda-t-il à son filleul occupé à jouer avec les longues mèches noires qui étaient parfaitement à sa portée puisqu'il ne s'était pas encore décidé à les couper.

Un babillement incompréhensible ne lui apporta aucune sorte de réponse et il se résigna à improviser.

- Un garçon. 3 Août. Seize heures. Trois kilos deux cents et quarante-huit centimètres.

- Aucun de vous deux n'a de sens pratique, c'est décevant, commenta James en terminant de noter son pari.

- Surprends-nous, Potter, ironisa Judy.

James se fendit d'un sourire en coin digne du sien.

- Excepté le fait qu'il soit né garçon, Sirius fait tout le contraire de ce que sa famille attend de lui depuis toujours ! Donc, ce sera une fille. Comme elle est le fruit de deux chieurs notoires et d'une diva, elle va se faire désirer. Donc après le terme. Mettons le 6 Août. Cinquante centimètres et trois kilos trois cent cinquante. Et tout ça en pleine nuit… Hum… Disons trois heures du matin ? Voilà ! Je vais m'arranger pour avoir les avis de Peter et Remus mais je peux vous assurer que vous allez perdre de l'argent.

- Et moi ? intervint Judy.

- Tu ne vas pas parier Adler ! Tu as des infos auxquelles on a pas accès. Ce serait de la triche !

Samedi 14 Février, Manoir Lestrange.

- Elle revient à elle…

Bellatrix ouvrit difficilement les yeux avant de les refermer aussitôt. Ses paupières semblaient plus lourdes qu'un Hypogriffe mort et le peu de lumière qui filtrait lui donnait un violent mal de crâne. Elle avait un goût métallique dans la bouche, comme si elle s'était mordue la langue sans réussir à se souvenir de l'avoir vraiment fait. Elle voulut porter les mains à son visage pour chasser la fatigue et revenir pleinement à elle, mais quelque chose les retenait.

Elle réalisa avec horreur que quelque chose retenait également ses pieds.

La panique prit le dessus sur la fatigue et elle rouvrit les yeux, parfaitement alerte cette fois-ci.

Elle se trouvait dans une des chambres d'amis du Manoir - l'une des plus petites, mais tout de même dotée d'une salle de bain - et des liens retenaient ses mains et ses pieds, comme si elle était folle et qu'on avait été obligé de l'attacher à la façon d'un animal.

Ignorant la langue de douleur qui divisait son cerveau en deux, elle adressa un regard particulièrement noir à Rolf, installé à sa droite.

- Qu'est-ce que cela signifie ?! gronda-t-elle en essayant de garder toute sa dignité malgré la situation et la douleur qui enserrait son crâne.

Rodolphus eut une grimace ennuyée mais ne lui donna pas l'impression de vouloir la libérée.

- Tu as eu une crise de panique, lui expliqua-t-il avec calme. Tu as fait un cauchemar, j'ai essayé de te réveiller mais tu as cru que je t'attaquais. Tu m'as assommé avec de la Magie Intuitive… Le Médicomage a jugé plus sage de te contenir au cas où une deuxième crise surviendrait… Est-ce que tu te souviens de tout cela ?

Bellatrix serra les dents et redressa le menton, incapable de retrouver le souvenir de ces événements, incapable de croire qu'elle avait pu se montrer aussi faible.

Elle ne connaissait pas la peur et elle gardait son sang-froid en toute circonstance. Cette histoire n'avait aucun sens.

- Ce n'est pas grave, souffla son mari en réponse à son silence. Le Médicomage s'en doutait.

- Peux-tu retirer ces liens, s'il-te-plaît ?

Il hésita mais son regard insistant eut raison de ses doutes. Dès que ses mains furent libres, elle les porta machinalement à son ventre encore plat.

- Le bébé se porte bien, Bella. Le Médicomage l'a examiné.

Elle se détendit légèrement et Ralf attrapa ses mains avant de les porter à ses lèvres.

- Je dois aller prévenir le Médicomage de ton réveil. Je te laisse prendre les doses de potion sur la table de nuit ?

Bellatrix le suivit du regard et attendit qu'il ait quitté la pièce pour attraper le premier verre contenant un liquide grisâtre dont l'odeur fit monter un début de nausée.

Pour une fois, elle choisit d'écouter son corps et vida le liquide d'un simple Evanesco avant de prendre le second verre.

Elle se figea.

Pas d'alcool. Pas de tabac. Pas de Magie Noire. Le moins de café possible. Et pas d'auto-prescription de potion.

Ce qui s'était passé n'était qu'une humeur passagère. Un violent cauchemar qu'elle n'était pas prête de refaire. Par Salazar, elle n'avait pas fait de cauchemar depuis qu'elle était enfant ! Les choses allaient rentrer dans l'ordre et il n'y avait aucune raison pour qu'elle se drogue… Sa fille était encore petite et désespérément fragile. Elle ne prendrait pas le risque de l'empoisonner.

Quoiqu'il lui en coûte, elle ne laisserait rien ni personne la lui prendre.

Samedi 14 Février, Londres.

- Donne-moi ta main.

- Je suis une grande fille, Black. Je vais me débrouiller !

Sa main se glissa tout de même dans la sienne et il l'agrippa fermement avant de l'aider à s'installer à sa gauche, les pieds dans le vide, et Londres sous eux.

La grossesse inopinée de Judy lui avait sorti la Saint Valentin de la tête, et si James lui avait permis de ne pas perdre la face en le lui rappelant discrètement avant de repartir pour l'Ecosse en taxi, il avait dû improviser.

Une chance que sept ans de mauvais coups à travers Poudlard, au nez et à la barbe de Rusard et McGonagall, ait grandement développé cette capacité.

Judy n'avait pas été dupe, mais s'était facilement prêtée au jeu. Ils avaient passé la fin de l'après-midi dans un cinéma moldu, à regarder un film d'horreur - Blood Beach - plutôt que la comédie romantique pour laquelle tous les autres couples faisaient la queue. Il n'avait pas trouvé le film aussi effrayant que ce qu'annonçait le titre, et nettement moins intéressant que le Star Wars que Lily leur avait fait voir l'été de leur sixième année.

Judy avait agacé la moitié de la salle en riant aux moments où elle aurait dû crier de peur.

- Potter a raison, Sirius. Il y a un grand romantique qui sommeille en toi.

Il leva les yeux au ciel tout en lui tendant la boîte de nouilles asiatiques qu'elle avait choisi un peu plus tôt, les réchauffant d'un sort.

- Ce n'est pas romantique, c'est illégal, corrigea-t-il.

Elle rit doucement et pointa sa paire de baguettes - comment faisait-elle pour manger avec ça plutôt qu'avec les fourchettes qu'il avait pris le dépassait - sur lui.

- Nous sommes au sommet du Tower Bridge sous prétexte que j'ai supposé qu'on y avait une belle vue.

- Au moins, tu es fixée, la vue vaut le détour.

Ils mangèrent leur nouilles en critiquant le film qu'ils venaient de voir, avant de s'abîmer dans le ballet des bateaux sur la Tamise.

Londres était particulièrement calme ce soir-là, même s'il aurait mis sa baguette à brûler que Voldemort préparait une énième attaque, puisqu'il doutait que les Mangemorts aient osé annoncer à leur patron qu'ils prenaient tous leur soirée pour s'occuper de leur petite femme.

Judy se nicha contre lui, à la recherche d'une chaleur que l'hiver cherchait à leur voler à coup de grands courants d'air glacé.

- La dernière fois qu'on a fait quelque chose d'illégal, on a aussi fait un enfant.

Sirius eut un sourire en coin : il savait que James allait ressortir l'anecdote à la moindre occasion qui lui serait donnée, et il n'excluait pas que Walburga finisse par être au courant, ce qui le laissait rêveur d'avance.

Avec un peu de chance, elle en ferait une crise cardiaque.

- Tu es déjà à la recherche du parfait endroit pour concevoir le deuxième ?

Sa remarque lui valut un coup dans le ventre, auquel il répondit par un éclat de rire, avant de l'embrasser jusqu'à ce que ses poumons le brûlent.

 




BONUS :

Sirius avait perdu le fils avec la réalité. Le froid était mordant au sommet du pont - principalement à cause du vent - mais le corps de Judy contre lui, ses lèvres sur les siennes et leur langue engagée dans un ballet sensuel, l'empêchaient de le sentir réellement. Tout comme ils l'empêchèrent d'apercevoir les deux policiers moldus qui se tenaient désormais à moins d'une dizaine de mètres d'eux.

Seul un coup de sifflet strident les ramenèrent à la réalité.

Judy mit fin à leur baiser - lui arrachant un grognement mécontent - et il se détourna pour fusiller l'importun du regard.

L'homme étant au moins aussi imposant que Grant Adler, il se ravisa aussitôt.

- Qu'est-ce que vous fichez là ! C'est interdit !

- Désolé, on savait pas, tenta-t-il, même si une telle parade n'avait jamais fonctionné à Poudlard… Ou du reste, pas très longtemps.

- Vous vous fichez de moi ?! Revenez par là !

Sirius fut tenté de transplaner sur le champ, mais il ne pouvait pas se permettre d'être traîné en justice pour usage de la magie devant un moldu - un policier qui plus est - une deuxième fois. Euphémia Potter n'était plus là pour prendre sa défense au Magenmagot.

Il aida Judy à se redresser et ils rejoignirent la tour la plus proche.

Une femme blonde les attendait sur le parapet de pierre, l'air profondément blasée, comme s'il ne s'agissait pas de la première fois qu'elle était obligée de récupérer des personnes au sommet du pont.

- Vous avez une explication ?

Sirius glissa un regard vers Judy - le bout de son nez était rouge, tout comme ses joues, mais la lueur dans son regard lui indiqua qu'elle était loin d'être inquiète à l'idée de se faire arrêter. Il était presque sûre qu'elle s'amusait de la situation. - et choisit de miser sur la vérité plutôt que sur un mensonge abracadabrant dont Peter avait toujours eu le secret à Poudlard.

- Elle avait envie d'admirer la vue, et il n'est pas conseillé de dire non à une femme enceinte…

Ce fut au tour de la moldue d'échanger un regard avec son collègue. Elle secoua la tête.

- Je suis sûre que vous allez adorer la vue sur la Tamise depuis le poste de police, conclut-elle. Tournez-vous.

Sirius obtempéra et grimaça quand le policier serra les menottes autour de ses poignées. Se faufiler à travers la fenêtre, par laquelle ils étaient passés une heure plus tôt, fut nettement plus compliquée avec les mains attachées dans le dos. Ils dévalèrent les nombreuses marches encadrés par les deux moldus et finirent à l'arrière d'une voiture grillagée, sous les yeux curieux de nombreux touristes.

- Ce n'est pas tout à fait ce que j'avais en tête pour cette nuit, souffla-t-il à Judy, tandis que la voiture démarrait.

- Oui, en général, je réserve aussi les menottes pour un autre but, répondit-elle, son sourire tordu assorti à un regard brûlant qui ne laissait aucune place au doute quant au sens de ses paroles.

L'espace d'une seconde, Sirius eut l'impression que son cerveau cessait de fonctionner, et il déglutit difficilement. Un virage plus brusque que les autres le projeta contre la portière et il retrouva ses esprits, se maudissant en silence de ne pas avoir transplané.

Son expression devait en dire long sur le fond de sa pensée car Judy eut un léger rire, avant de se pencher pour l'embrasser délicatement sur la joue.

- Plus tard…

La voiture se stoppa, l'empêchant de répondre. Les deux policiers les conduisirent dans un bâtiment moderne, puis dans un petit bureau où deux tables occupaient toute la place.

- Bien… Vous avez vos papiers d'identité ? demanda la femme après avoir attrapé un formulaire.

- Nope, répondit Judy. J'étais invitée toute la soirée.

La femme se tourna vers lui et Sirius eut une grimace. Son collègue se fendit alors d'un bref éclat de rire moqueur.

- Et bien je crois que vous allez passer la nuit avec nous dans ce cas…

La suite se passa étrangement comme l'un de ces films que Lily leur avait fait voir, des années de ça. Il fut pris en photo, on lui trempa les doigts dans de l'encre pour prendre ses empreintes et il dut montrer chacun de ses tatouages au moldu - ce que la vague ressemblance avec Grant Adler rendait particulièrement pénible -. Ensuite, il dut vider ses poches, ôter les lacets à ses chaussures et sa ceinture. La policière qui se chargeait de ranger ses affaires dans un sac en plastique détailla sa baguette magique avec un air étrange.

- On avait des plans pour la Saint Valentin, expliqua Judy, un air provocateur sur le visage. On l'appelle la baguette magique, et elle porte bien son nom.

La jeune femme rougit violemment et il dut se retenir de ne pas éclater de rire quand Judy lui fit un clin d'oeil.

La cellule était à peine plus large qu'un placard de Poudlard et avait pour seul mobilier un banc qui semblait profondément inconfortable. De simples barreaux les séparaient d'un homme au regard mauvais, qui eut le mauvais goût de siffler d'un air appréciateur quand il vit Judy.

Une bouffée de colère lui fut serrer les poings et il était prêt à expliquer à cet abruti qu'il valait mieux qu'il la ferme quand Judy leva les yeux au ciel.

Elle se rapprocha de leur voisin, une lueur étrange au fond du regard.

- Satisfait par la vue ?

Le moldu se leva du banc et se posta devant les barreaux, ses bras croisés sur son torse, et un sourire malsain qui donna envie à Sirius de lui asséner un coup de poing, tout de suite !

Judy le devança.

Sa main droite glissa à travers les barreaux, attrapa l'homme par le col de chemise, puis tira de toutes ses forces.

Le choc du visage de l'homme sur les barres de métal fit un bruit sourd, suivit d'un grognement de douleur particulièrement sincère quand il tomba à genoux en se tenant le nez.

- Moi aussi maintenant, gros tas.

A sa façon de se comporter depuis leur entrée dans le quartier général des Aurors moldus, Sirius était presque certain que le nombre de fois où Judy s'était retrouvée dans une telle situation dépassait de loin le sien, voir même celui des Maraudeurs et de Lily cumulés.

Judy s'installa dessus, le dos plaqué au mur, puis ferma les yeux.

- Je ne dis rien à Potter si mon père et mon oncle n'entendent parler de rien.

Il pris place à l'autre bout du banc, dans une position similaire à la sienne, sauf qu'il était loin de ressentir sa nonchalence affichée.

- Marché conclu.

Ses lèvres s'étirèrent en ce sourire tordu qu'il adorait et s'il devait être tour à fait honnête avec lui-même, c'était sans nul doute la meilleure Saint Valentin de sa vie. Il avait presque hâte d'être à la prochaine.

Forward
Sign in to leave a review.