
Chapter 19
Black Sunset
Première Partie : Stars.
« I'm drawing perfect circles
Round the life that we could share
And what is ours is ours to keep
I know the thing you want the most »
(Light up the dark in you - Gabrielle Aplin)
Jeudi 5 Février 1981, Chemin de Traverse, Londres.
Sirius remontait la rue principale du Chemin de Traverse en compagnie de James d'un pas rapide, à l'image des rares passants. Depuis six mois, l'artère commerçante du seul quartier sorcier de Londres était devenue un lieu à éviter pour quiconque espérait ne pas croiser la route d'un Mangemort. La peur, entretenue par quelques attaques occasionnelles, avait vidé les rues et les commerces. Désormais, l'ambiance était lugubre et la méfiance de mise.
Machinalement, Sirius resserra sa prise sur sa baguette et jeta un rapide coup d'oeil par dessus son épaule pour vérifier s'ils n'étaient pas suivis.
- On est tendu, Black ? se moqua James, alors qu'il s'arrêtait devant la porte d'un pub où les Maraudeurs s'étaient de nombreuses fois réunis.
- Dois-je te rappeler que j'ai promis à ta femme de te ramener vivant ?
James leva les yeux au ciel puis entra.
- Bonjour Boris ! s'exclama-t-il à l'attention du gérant.
Ce dernier leur sourit largement.
- Je commençais à me demander si vous n'étiez pas morts, tous les deux !
- La femme de Jesse l'avait enfermé et je viens juste de le libérer. On est venu fêter ça !
Boris partit dans un éclat de rire tonitruant.
- Votre table est libre. Installez-vous, j'arrive tout de suite.
Sirius et James se dirigèrent vers le fond de la salle et prirent place à une table qui leur offrait un parfait point d'observation, même si pour le moment, il n'y avait qu'eux et un homme installé au bar.
Comme il l'avait annoncé, Boris vint leur apporter une carte chacun puis retourna à ses occupations.
Sirius glissa un coup d'oeil à l'intérieur du dépliant, y découvrit une feuille de parchemin soigneusement pliée qu'il s'empressa de faire disparaître dans la poche intérieur de sa cape.
- Je crois que je vais prendre comme les autres fois, Boris, dit-il fortement. Tu m'accompagnes Jesse ?
- Évidemment, Alfie.
Sirius retint de justesse sa grimace : ils avaient toujours fait en sorte de rester discrets quand ils étaient en mission pour l'Ordre, mais depuis que Dumbledore avait parlé de la prophétie aux Potter, ils ne pouvaient plus envisager une seule sortie sous leur vraie identité. Ce soir, James - Jesse - était aussi roux qu'un Weasley et portait des lentilles, tandis qu'il avait opté pour une crinière châtain et une barbe de plusieurs jours. Merlin soit remercié qu'ils soient tous les deux doués en métamorphose.
Boris leur apporta finalement leur commande, récupéra ses menus avec un clin d'oeil et les laissa tranquille. Sirius porta son verre à ses lèvres sans lâcher l'homme du regard : Boris était un échalas d'une quarantaine d'années à l'accent irlandais prononcé. Il y avait de cela deux ans, une bande de Mangemorts avaient essayé de s'en prendre à lui un soir où les Maraudeurs étaient présents. James, Remus, Peter et lui s'étaient immédiatement levés pour échanger quelques sorts avec les ânes de sieur Voldemort. Boris avait alors compris dans quel camp ils se trouvaient et s'était proposé de garder un œil sur le Chemin de Traverse pour eux… Et de laisser une oreille traîner quand des Mangemorts se rencontraient dans son établissement.
- Alors, où ça en est avec Judy ?
Sirius, qui était en train de boire, avala de travers et toussa longuement pour retrouver son souffle.
- C'est si grave que ça ?
Le visage inquiet de James trouva un lourd écho en lui et il but à nouveau une gorgée, juste pour que l'alcool atténue la peur et la douleur.
…
Mercredi 4 Février 1981, Résidence de Sirius Black, Londres.
- Tu es là depuis longtemps ?
Il vit Judy sursauter légèrement dans le fauteuil de l'Oncle Alphard où elle s'était installée. Elle posa sur lui un regard grave qui lui fit comprendre bien plus en un dixième de seconde qu'en une discussion de plusieurs heures.
- A peine un quart d'heure. Tu reviens d'où ?
- J'ai été me promener, histoire que ma moto ne rouille pas, dit-il tout en posant son casque et sa veste sur une chaise.
Il vint s'asseoir en face de la jeune femme.
- Comment tu vas ?
- Ça peut aller… Et toi ?
- Je ne sais pas vraiment. Pas trop mal je suppose…
Un silence gêné s'installa entre eux pendant quelques minutes sans qu'ils ne puissent se regarder dans les yeux.
- Je me suis renseignée hier, dit-elle finalement. Pour l'avortement.
Il déglutit difficilement, la gorge soudainement sèche et serrée. Il n'aimait pas ce mot.
- Et ?
- On a jusqu'à la fin du troisième mois de grossesse pour se décider. J'ai… J'ai pris un rendez-vous pour qu'ils puissent déterminer depuis combien de temps je suis enceinte.
- D'accord… C'est quand ?
- Dans trois jours, à dix heures.
Il hocha la tête machinalement, son esprit se focalisant sur des détails pour éviter de trop se pencher sur la véritable question, tout en sachant qu'il faudrait bien y passer à un moment ou à un autre.
- Tu viendras ?
L'inquiétude dans la voix de Judy lui fit relever la tête.
- Bien sûr. A moins que tu ne veuilles pas.
Elle sembla soulagée, et il lui en voulut l'espace de quelques secondes d'avoir pu penser qu'il la laisserait se débrouiller toute seule face à ce problème, avant de se souvenir qu'à peine quatre mois plus tôt, il avait fui quand elle lui avait avoué qu'elle l'aimait.
- Ce serait bien que tu viennes.
Il la détailla alors qu'elle fixait ses mains : il n'arrivait pas à retrouver la Judy qu'il connaissait, cette jeune femme dynamique et pleine d'assurance, à la bonne humeur communicative. Aujourd'hui, elle avait l'air éteinte et vide d'énergie, comme si cet enfant en elle la dévorait de l'intérieur. Sirius se demanda ce qu'il devait faire : la prendre dans ses bras ? Lui dire que tout allait s'arranger ? Ou discuter avec elle de la décision qu'ils allaient prendre ? Il n'était décidément pas doué quand il s'agissait de réconforter quelqu'un… Qu'aurait fait James à sa place ?
Sa question resta sans réponse, aussi choisit-il de prendre la main de Judy.
- Ça ne va pas si bien que ça, pas vrai ? murmura-t-il avec une grimace.
Elle secoua la tête négativement.
- Tu as parlé avec ton oncle et ton père ?
- Ouais… Mon père n'a rien dit mais Burt a promis de te tuer.
- Quel homme charmant. S'il n'était pas moldu, ma mère l'adorerait.
Judy eut un petit sourire avant de froncer les sourcils :
- Les Potter sont au courant, pas vrai ?
- Lily a juré de me tuer si jamais je n'assume pas mes responsabilités comme il faut.
Elle secoua la tête, ferma les yeux durant une longue minute et quand elle les rouvrit, Sirius vit la détermination briller dans son regard.
- Tu sais, j'ai beau retourner le problème dans tous les sens, j'ai toujours l'impression que l'avortement reste la meilleure solution.
Sirius serra les dents pour encaisser ses paroles et se maudit de n'avoir aucun argument éclairé pour lui prouver qu'elle avait tort.
- On est trop jeunes. Tu ne travailles pas. J'ai un boulot de serveuse dans une boîte de nuit… Tu… On… Avoir un enfant, ça se choisit, non ? Tu imagines dire à ce gosse qu'il n'était qu'un concours de circonstance quand il sera plus grand ?
- Pourtant, c'est le cas. Et il mérite autant qu'un autre d'avoir sa chance sur cette planète.
- Tu n'es pas d'accord pour que j'avorte, c'est ça ?
Sirius soupira.
- Ce n'est pas ça. Je… Je n'aime pas l'idée de tuer un bébé. Même si je sais qu'on ne peut pas le garder non plus. Et l'abandonner ? Je… On lui laisserait toutes ses chances. Si on lui trouve une bonne famille…
- On ne peut pas l'abandonner, Sirius.
- Pourquoi ?
- Mon père a été abandonné à la naissance et il en souffre encore aujourd'hui. Je ne peux pas faire ça à cet enfant.
Le visage fermé de Judy lui fit comprendre qu'il ne servait à rien d'insister.
Pour la énième fois depuis qu'il la savait enceinte, Sirius essaya de s'imaginer papa sans y parvenir. Avoir un enfant était un pari sur l'avenir, à commencer par le temps que durerait leur relation. Avoir un enfant, c'était un contrat à vie, sans retour en arrière possible.
Il n'était pas James. Il ne pouvait pas regarder Judy dans les yeux et lui dire qu'il était convaincu qu'ils passeraient le reste de leurs jours ensemble, qu'ils se marieraient et que la vie serait alors douce et tranquille.
Depuis ses seize ans, il vivait au jour le jour et la guerre qui rongeait le pays lui avait appris que c'était sans doute le meilleur moyen de ne rien regretter.
- L'avortement, c'est la moins mauvaise des solutions pour tout le monde, pas vrai ?
Judy eut une grimace triste et acquiesça en silence.
…
- Vous avez pris votre décision alors ?
Sirius soupira et se rencogna contre le dossier de sa chaise.
- On peut dire ça… On attend le rendez-vous pour savoir si c'est encore possible et après…
- Tu n'as pas l'air très enthousiaste.
Sirius aurait préféré éluder la question implicite, mais le regard insistant que son frère de cœur posait sur lui l'incitait à se confier. Comme toujours.
- Tu me crois si je te dis que c'était exactement ce genre de problèmes que je m'étais juré d'éviter ?
- Etant donné ta carrière de coureur de jupons, c'est un peu contradictoire.
- Comment ça ?
- Tu as eu de la chance que ça ne te soit pas arrivé plus tôt, c'est tout.
- Ça change rien au problème.
- C'est sûr.
Sirius voulut demander à James ce qu'il ferait dans sa situation mais la porte du pub s'ouvrit à ce moment là sur un nouveau client.
- Qu'est-ce que Snivellus fait ici ? marmonna James le plus bas possible.
- Tu te poses vraiment la question ou c'est juste pour meubler la conversation ? ironisa-t-il pour toute réponse.
James grimaça et Sirius jeta un coup d'oeil à sa montre : Dumbledore lui avait dit qu'une rencontre entre un Mangemort et un informateur dévoyé du Ministère aurait lieu aux alentours de dix-neuf heure. Sirius avait invité James pour cette petit mission, histoire qu'il ne tourne pas cinglé en Ecosse, ou finisse par avoir raison de la patience de Lily.
- Notre premier Mangemort ponctuel, releva-t-il avec ironie, arrachant un regard sombre à James.
Rogue alla s'installer à la table la plus éloignée de la leur et ne tarda pas à commander une bièraubeurre.
- Pour revenir à mon petit problème. Tu ferais quoi, toi ?
- Je garderais le petit.
- D'accord. Et si ta chérie ne voulait pas le garder ?
- Je crois que je lui trouverais une gentille famille pour qu'il ait une belle vie.
- Ouais, ça aussi c'est exclu.
- Pourquoi tu me demandes alors ?
Sirius lui envoya un regard noir avant d'avaler une nouvelle gorgée d'alcool. James le dévisagea longuement avant de lui répondre.
- Très bien… Judy est quand même plus… concernée que toi. C'est un truc de filles les grossesses et si ça venait à tourner au vinaigre entre vous deux, c'est elle qui se retrouverait avec le petit à élever. Alors si j'étais à ta place, je me rangerais à sa décision et j'essaierais de la soutenir au mieux.
Sirius ne fut pas étonné par la réponse de son meilleur-ami. Ses parents s'étaient appliqués à lui transmettre tout un tas de principes, dont une droiture parfois gênante, et depuis qu'il s'était marié, James avait terminé de se transformer en parfait gentleman. Le gamin insolent et prétentieux de leurs jeunes années avait bel et bien disparu.
- Je crois que le rendez-vous galant de notre petit serpent arrive, souffla James, les yeux rivés sur la porte vitrée du pub qui laissait deviner une silhouette.
- Voyez-vous ça…
La porte venait de s'ouvrir, dévoilant une jeune femme blonde un peu plus âgée qu'eux. Ils la suivirent du regard alors qu'elle rejoignait Rogue : elle était menue et pas très grande, mais plutôt élégante avec ses chaussures rouge à talons, et son tailleur moldu dont la jupe arrivait au-dessus du genou. Rogue se leva, lui serra la main en rougissant largement, puis aida la jeune femme à enlever sa cape avec des gestes maladroits.
Une fois qu'elle fut installée à la gauche de leur ancien camarade de classe, Sirius la détailla aussi discrètement que possible : le visage de l'inconnue lui disait quelque chose, il en était certain. La fille éclata d'un rire haut perché, trop fort pour être naturel, et la mémoire lui revint comme par magie.
- Elle travaille au département des Transports Magiques, souffla-t-il. C'est la secrétaire du type que j'ai vu pour passer ma cheminée en internationale.
- T'es sûr ?
- Oh oui. Elle m'a ouvertement dragué. Ainsi que tous les autres gars qui sont passés avant moi. Snivellus va se faire manger tout cru.
- Ça lui fera pas de mal… On décolle ?
Sirius pencha la tête, juste pour être sûr qu'il ne pouvait vraiment rien entendre de la discussion entre le faux petit couple, puis termina son verre d'une seule traite.
- Vous partez déjà les gars ?
- Le devoir nous appelle Boris, claironna James.
- Vraiment ?
- Il dit ça parce qu'il n'a pas la permission de vingt heures et qu'il ne veut pas que ça se sache, se moqua Sirius en réglant la note.
Boris leva les yeux au ciel et leur fit un signe de la main quand ils quittèrent le pub.
- Bien. Voldemort a infiltré le service des Cheminées, dit James, alors qu'ils s'éloignaient vers le Chaudron Baveur pour regagner le monde moldu. Ça explique certaines choses.
- Ouais… Il n'y a peut-être pas de taupe chez nous au final.
- Je n'en suis pas si sûr…
- L'avenir nous le dira.
- Comme tu dis. En tout cas, c'en est fini des coups de cheminette.
- Je le crains, très cher.
Ils échangèrent un regard grave et terminèrent le reste du chemin dans un silence pensif qui ne leur ressemblait pas…
…
Vendredi 6 Février 1981, Manoir Lestrange.
Bellatrix distribuait des sourires tout juste polis depuis une heure et s'agaçait de reconnaître des visages qui n'avaient rien à faire ici.
Ranatus avait été un homme très respecté dans la communauté magique, ajoutant de nouvelles lettres de noblesses au nom des Lestrange, et sa popularité n'avait été entachée d'aucun scandale malgré des idées que certains jugeaient trop conservatrices.
Seulement, elle n'acceptait pas que des arrivistes profitent de la veillée suivant l'enterrement pour lier des relations professionnelles sous son nez, ce qui était le cas de tous les fonctionnaires qui lui présentaient ses condoléances sur un ton cordial.
Merlin, son beau-père était décédé, Radolphus et Rabastan avaient perdu un père aimant. La moindre des choses était de respecter leur deuil.
Elle aurait dû se montrer plus ferme avec Rabastan quand il lui avait présenté la liste des invités. La veillée était traditionnellement réservée à la famille et aux amis proches. On se souvenait des anecdotes et des bons souvenirs, on notifiait les grands accomplissements du défunt sur un livre d'or qui irait rejoindre les archives de la famille à Gringotts.
Ce défilé était ridicule, en plus d'être inutile.
- Tu as ton regard des mauvais jours, Bella. Un problème ?
Elle se tourna vers sa sœur en haussant un sourcil délicat, feignant de ne pas comprendre sa remarque malgré le fond évident de vérité. Narcissa était une fine observatrice et elle la connaissait sans doute mieux que Rodolphus.
- Ranatus est décédé.
Elle inclina la tête avec respect.
- Et notre communauté a perdu un grand homme. Notre père le tenait en haute estime.
Bellatrix ne put retenir un rictus à la mention de Cygnus. Malgré tout le respect qu'elle avait eu pour son père, Narcissa se trompait si elle pensait qu'être estimé par lui était un compliment. Cygnus n'avait jamais tutoyé la cheville de Ranatus, et ceci dans bien des domaines.
Un serveur passa près d'elles et Narcissa attrapa un verre de vin blanc. Bellatrix déclina l'offre, se souvenant trop bien des conseils du gynécomage qui avait suivi sa dernière grossesse.
Pas d'alcool. Pas de tabac. Pas de Magie Noire. Le moins possible de café. Et pas d'auto-prescription de potion.
Cela n'avait pas fait une grosse différence, mais elle ne voulait prendre aucun risque.
- Viviane toute puissante ! Tu es enceinte ?!
Avant qu'elle n'ait eu le temps de confirmer l'intuition de sa cadette, Narcissa l'attira contre elle et elle sentit une larme qui n'était pas à elle sur sa joue.
- Je suis heureuse pour toi, Bellatrix, souffla-t-elle à son oreille avant de desserrer son étreinte.
Ses paroles l'étonnèrent car elle savait que Narcissa n'avait pas apprécié de lui offrir sa fertilité et le rituel avait été éprouvant pour elle. Pendant un moment, elle avait même pensé que sa cadette risquait de couper les ponts avec elle.
- Vraiment ? lâcha-t-elle en croisant le regard gris de Narcissa.
Sa jeune sœur eut un sourire triste et sa main effleura son ventre.
- J'aurais aimé offrir une sœur ou un frère à Draco… souffla-t-elle. Mais je t'ai vue traversée tant d'épreuves et de déceptions ces dernières années que j'ai finalement réalisé que tu méritais cet enfant plus que moi. Mon fils est parfait. Ton enfant et lui formeront une fratrie malgré tout. Je suis heureuse pour toi, Bellatrix. Sincèrement.
Bellatrix attrapa la main de Narcissa, son cœur battant plus vite et des larmes firent briller ses yeux.
- Merci, Cissy.
- La famille est là pour ça, Bella.
…
Samedi 7 Février 1981, St Luke's Magic Hospital, Idaho, Etats-Unis.
Sirius reposa un énième magazine sur la petite table qui lui faisait face et croisa les bras sur son torse pour s'occuper les mains. A ses côtés, Judy était aussi immobile qu'une statue et fixait le ventre d'une femme enceinte à l'autre bout de la pièce depuis qu'elle était arrivée.
Il soupira, commença à taper du pied sur le sol dans un tic nerveux et vérifia l'heure à nouveau, réalisant avec effroi que seulement deux minutes s'étaient écoulées.
Pour éviter de tourner fou, il recommença à parcourir la pièce du regard : Judy avait pris rendez-vous dans un hôpital moldu, et ils patientaient depuis une demi-heure dans une pièce défraîchie en compagnie de femmes enceintes et de quelques maris, tandis que des enfants en bas âges s'amusaient comme ils le pouvaient.
- Pourquoi tu fais ça avec ta jambe ? T'as envie d'aller aux toilettes ?
Sirius sursauta et découvrit une petite fille devant lui. Elle le fixait avec des yeux curieux et il se sentit fondre devant son visage en forme de cœur qui lui rappela Tonks.
- Alors, pourquoi tu fais ça ?
Elle n'avait pas cinq ans mais elle fronçait déjà les sourcils d'un air sérieux, comme si la question qu'elle avait posé nécessitait une réponse immédiate.
- Je m'ennuie.
Elle eut un grand sourire.
- Tu veux jouer avec moi ?
- Et bien…
- Attends, je vais chercher mes jouets !
La fillette courut jusqu'à sa mère, une femme bien plus âgée que lui et qui devait attendre un deuxième enfant. Sirius vit la petite fille fouiller dans un sac à dos bleu et jaune puis revenir vers lui avec plus de jouets qu'elle ne semblait pouvoir en porter. Avant d'avoir eu le temps de comprendre ce qu'il se passait, Sirius se retrouva avec une licorne dans une main et un pantin articulé dans l'autre.
- Alors lui c'est Woody et là, c'est Bouton d'Or, présenta-t-elle. Woody doit sauver son amie Jessie (elle montra une poupée rousse) qui a été enlevée par le méchant Docteur Côte de Porc (Sirius trouva qu'effectivement, le cochon en plastique avait une tête qui ne lui revenait pas). Ah, et il y aussi Buzz !
En quelques phrases, la petite fille continua à lui expliquer la situation critique dans laquelle se trouvait tous ses jouets et il se résolut à assumer le rôle qu'elle attendait de lui.
S'engagea alors une bataille sans merci au cours de laquelle le méchant Docteur Côte de Porc faillit l'emporter en libérant un terrible dinosaure en guise de diversion. Sirius réussit à convaincre la petite qu'une corne de licorne était largement assez pointu pour traverser le cuir du monstre et tandis qu'il retenait la bête, Buzz (il n'avait pas tout compris le concernant) avait déployé ses ailes mécaniques pour partir à la poursuite de leur ennemi et de sa prisonnière. Mais le Docteur avait…
- Sirius, c'est à nous.
Il se figea au moment où Bouton d'Or allait porter l'attaque finale et releva la tête vers sa petite-amie. Elle souriait largement, visiblement amusée par son comportement, tout comme une bonne partie des occupants de la salle d'attente.
- Laisse-moi deux minutes, dit-il.
Bouton d'Or reprit sa course, évita un coup de dents qui manqua de lui arracher une patte et Woody lança une pierre dans l'oeil de leur ennemi. Le dinosaure grogna de douleur, trébucha… Au terme d'un bon prodigieux, Bouton d'Or ficha sa corne pile au niveau de son cœur !
- Prends ça, sale bête ! Je dois y aller princesse. Sois sans pitié avec ce Docteur Côte de Porc !
La petite hocha la tête, lui fit une signe de la main et reprit son jeu là où il l'avait interrompue. Sirius se dépêcha de rejoindre Judy et adressa un salut de tête poli à la dame qui était venue les chercher.
- Par ici.
Sirius passa un bras autour des épaules de Judy alors que la réalité le rattrapait. Il n'était pas venu ici pour amuser une petite-fille, aussi adorable soit-elle, mais pour soutenir sa petite-amie.
- Tu étais très convaincant en super Cow-Boy, souffla-t-elle à son oreille tout en se blottissant un peu plus contre lui.
- Tu trouves ? J'ai eu du mal à m'approprier le personnage pourtant… J'étais plus inspiré par cette licorne. Elle avait un côté puncheur avec ses narines en forme de cœur.
Judy rit tout bas et Sirius s'en félicita. La jeune femme broyait du noir depuis le début de la semaine et il essuyait plus d'échecs que de succès quand il essayait de lui remonter le moral.
Ils arrivèrent finalement dans un bureau jouxtant une salle d'examen où un lit était installé près d'une machine munie d'un écran. Sirius s'assit en face d'un bureau où était installé un homme d'une quarantaine d'années. Légèrement plus petit que lui, il avait un visage qui transpirait la gentillesse et incitait à la confiance. Malgré lui, Sirius lui trouva un air de Remus Lupin, quelque part dans la façon qu'il avait de le regarder droit dans les yeux.
- Bonjour, je suis le Docteur Wilson.
Judy et lui se contentèrent de secouer la tête.
- Bien, d'après le dossier que vous avez remis à votre arrivée, il s'agit du premier rendez-vous. Miss Adler, à quand remontent vos dernières règles ?
Sirius vit Judy faire cette petite grimace ennuyée qu'elle avait toujours quand il lui posait une question à laquelle elle ne voulait pas répondre.
- Je ne suis pas très sûre… Un mois, peut-être deux… Je n'ai jamais fait trop attention à ça.
Sirius cessa d'écouter de trop près la conversation et préféra regarder autour de lui. Tout cet attirail moldu lui était inconnu et il se demandait vraiment à quoi pouvait bien servir certains des instruments qui étaient entreposés dans une vitrine sur sa gauche.
- Avant que je ne vous examine, vous avez des questions ?
Sirius reporta son attention sur Judy et le Docteur Wilson. Sa petite-amie semblait guetter son approbation avant d'aborder la vraie raison de leur visite.
Alors si j'étais à ta place, je me rangerais à sa décision et j'essaierais de la soutenir au mieux.
Les paroles de James avaient force de loi et il hocha la tête, avant d'attraper la main de la jeune femme pour lui prouver qu'il la soutenait.
- Nous… Nous ne pensons pas garder le bébé, dit-elle d'une voix hésitante.
Le docteur Wilson bascula contre le dossier de son siège et son visage devint terriblement sérieux.
- C'est une décision qui n'est pas sans conséquence, Miss Adler.
- Je sais.
Son ton était plus décidé, mais le docteur ne sembla pas plus convaincu pour autant. Il croisa les mains et appuya son menton dessus, son regard plus scrutateur que jamais.
- Les risques ne sont pas anodins… Saignements importants, risques d'infection, endommagement du col de l'utérus… Dans certains cas, cela a entraîné la perforation de l'utérus, voir même la mort de la patiente. Quelques études font état d'une baisse de la fertilité.
Sirius se sentit pâlir face à la liste des scénarios catastrophes, tandis qu'un froid terrible se diffusait dans ses veines à l'idée d'être responsable de la mort de Judy. S'il s'était voilé la face au début de leur relation, il savait désormais que la vie sans elle ne serait plus tout à fait la même.
La main de Judy dans la sienne se mit à trembler, et un coup d'oeil vers elle lui apprit que s'il était particulièrement inquiet, elle était profondément terrifiée.
Wilson eut une drôle d'expression, comme s'il retenait une expression victorieuse, et Sirius comprit pourquoi Lily lui avait fait promettre de ne pas juger Judy si elle se décidait pour l'avortement. Si l'acte était légal, il avait comme l'impression qu'il n'était pas populaire.
Il ouvrit la bouche sans y réfléchir à deux fois. Wilson essayait de faire peur à Judy, sûrement parce qu'il n'était pas un fan de l'avortement. Il avait horreur qu'on fasse souffrir sa famille, de quelque façon que ce soit.
- Et les risques pour l'accouchement ? S'il est trop tard ?
Wilson lui donna l'impression d'avoir avalé de travers et ce fut à son tour de retenir une expression satisfaite.
- Saignements importants qui peuvent contraindre à l'ablation de l'utérus, infections, dépression post-partum… Parfois, la mère ou l'enfant ne survivent pas.
A ses côtés, Judy rejeta ses épaules en arrière et il serra sa main. Son regard était de nouveau décidé et le moldu eut un soupir de défaite.
- Très bien. Je vais faire une échographie pour vérifier à combien de semaines de grossesse vous en êtes. Si l'intervention est possible, je vous expliquerais la procédure.
- Et s'il est trop tard ? se surprit à demander Sirius.
Le docteur marqua une pause et les détailla l'un après l'autre.
- S'il est trop tard, vous aurez environ six mois pour réfléchir à ce que vous allez décider, dit-il en se levant. Sachez toutefois que notre hôpital est en relation avec les services sociaux.
Sa réponse sembla aussi rassurer Judy et Sirius l'imita quand elle se leva à son tour pour suivre le moldu dans la pièce adjacente. Il resta sur le pas de la porte, ne sachant pas très bien s'il pouvait rentrer lui aussi et s'il devait faire quelque chose en particulier. Judy s'installa sur l'espèce de lit, releva le bas de son pull pour découvrir son ventre, puis lui fit signe de la rejoindre.
Déjà, le docteur Wilson déposait une gelée bleuté sur la peau de Judy et tournait l'écran vers lui. Au moment où il posa un instrument sur son ventre, Judy eut un soupir triste et bascula sa tête en arrière pour fixer le plafond avec attention, comme si ce qu'il se déroulait dans la pièce ne la concernait plus.
L'examen dura plusieurs minutes durant lesquelles le docteur Wilson resta muet comme une tombe et seul des froncements de sourcils de plus en plus nombreux trahissaient ses pensées. Des pensées que Sirius aurait bien aimé pouvoir lire…
- Bien, s'exclama-t-il soudainement avant d'éteindre l'appareil et de poser plusieurs serviettes en papier sur la table. Je vous laisse essuyer ça puis me rejoindre à mon bureau ?
Sirius se demanda si la jeune femme avait entendu alors qu'elle restait sans réaction.
- Judy, ça va ?
Elle lui adressa un vague geste de la main avant de se redresser sur un coude. Elle nettoya la gelée bleue en silence puis se leva à la façon d'un automate.
Sirius l'imita, un peu plus inquiet qu'il voulait bien le reconnaître. Toute cette histoire prenait un tournant qui ne lui plaisait décidément pas et l'air affairé du docteur ne fit que renforcer cette impression.
- Il y a quelque chose qui n'est pas normal ? demanda Judy d'une voix faible.
Le moldu appuya ses coudes sur la table et croisa ses doigts au niveau de son visage.
- Votre grossesse semble suivre son cours et tout est normal de ce point de vue là. Ce qui m'embête, c'est que vous en êtes à un stade plus avancé que ce vous pensiez.
- Vous voulez dire qu'il est trop tard pour l'avortement ?
Il avait parlé en même temps que Judy, sans savoir si ça pouvait être une bonne ou une mauvaise nouvelle.
- L'intervention est encore possible mais il ne faut plus traîner. En général, j'oriente les patientes qui souhaitent avorter vers une psychologue afin que personne ne puisse plus douter de sa décision. Une fois que la grossesse est interrompue, il n'y a pas de retour en arrière possible.
Sirius dévisagea le médecin puis Judy, notant tour à tour l'expression préoccupée du médecin, et celle torturée de la jeune femme.
Finalement, Judy se redressa d'un coup et repoussa ses mèches blondes en arrière d'un geste impatient.
- Nous avons pris notre décision, dit-elle d'une voix où il aurait été vain de chercher de l'émotion. Que proposez-vous ?
Sirius esquiva le regard que lui lança le moldu et préféra se concentrer sur ses mains.
C'est un truc de filles les grossesses. Alors si j'étais à ta place, je me rangerais à sa décision et j'essaierais de la soutenir au mieux.
- Je peux vous libérer un rendez-vous dans trois jours, à onze heures, pour un deuxième bilan. Si vous souhaitez toujours avorter, l'intervention aura lieu dans la soirée.
- C'est parfait.
Le médecin sembla ravaler une protestation puis commença à fouiller dans les tiroirs de son bureau.
- Je vais vous expliquer comment on va procéder dans ce cas.
Sirius tenta de suivre la discussion pendant quelques minutes mais fut bientôt perdu à cause du jargon moldu et médical. En outre, il n'arrivait pas à se défaire de la culpabilité qui avait élu domicile au fond de sa gorge, comme si un monstre invisible s'était installée sur sa poitrine et empêchait l'air de circuler normalement dans ses poumons. Machinalement, il commença à taper du pied.
Pourquoi tu fais ça avec ta jambe ? Tu as envie d'aller aux toilettes ?
Il se figea et ne put retenir une grimace triste en repensant à la petite-fille de la salle d'attente. Il s'était bien amusée avec elle et il devait reconnaître que depuis qu'Harry était né, la vision qu'il avait des bébés s'était nettement améliorée.
Ils n'étaient pas tous de petits monstres braillards et il y avait quelque chose de véritablement magique quand on voyait à quel point ils changeaient en l'espace de quelques jours.
Le bruit que fit la chaise de Judy quand elle se leva le sortit de ses rêveries et Sirius salua le docteur Wilson un peu plus froidement que nécessaire.
Il ne saurait dire pourquoi, mais il avait cette désagréable impression d'avoir été trahi.
…
Mardi 10 Février 1981, St Luke's Magic Hospital, Idaho, Etats-Unis.
Sirius descendit de la voiture du père de Judy sans plus s'étonner d'être encore en vie. L'homme conduisait comme un inconscient, osant des manœuvres à coup sûr interdites par le code de la route moldu et passant par des chemins qui n'en étaient pas, mais il semblait aussi doté d'une chance insolente…
Ou alors Judy lui lançait un sortilège avant qu'il ne prenne le volant, ce qui n'était pas tout à fait exclu.
- Tout va bien se passer, Judy.
Sirius se retourna en entendant les paroles de Grant alors que l'homme enlaçait sa fille, dans un geste qui n'était pas sans rappeler l'étreinte d'un ours tant la silhouette de Judy était frêle comparée à celle de son père.
Judy finit par se dégager et embrassa son oncle sur la joue avant de le rejoindre.
- Je dois sortir vers vingt heures normalement.
- On a des trucs à faire en ville mais on sera revenu à temps, grogna Burt.
- On habite à une demi-heure de route, vous pouvez très bien rentrer…
- Puisque je te dis qu'on a des choses à faire en ville. Et file, tu vas être en retard.
Sirius la vit lever les yeux au ciel alors qu'elle le rejoignait. Il passa un bras autour de ses épaules et la guida en direction du bâtiment imposant à une centaine de mètres.
Ils marchèrent en silence, chacun perdu dans ses pensées. Sirius ne savait toujours pas quoi penser de cette situation. Il avait l'impression de vivre quelque chose qui n'était pas vraiment réel. Lui, un sorcier Sang Pur, accompagnait sa petite-amie dans un hôpital moldu…
Quand sa vie avait-elle pris un virage aussi serré ?
Il gravit les marches qui menaient au hall de l'établissement et détailla machinalement les personnes qui quittaient l'hôpital. Ses yeux s'arrêtèrent plus de temps que nécessaire sur un couple à peine plus âgés qu'eux.
La femme tenait un nourrisson contre elle comme s'il s'agissait de son plus précieux trésor.
Sirius ralentit son pas malgré lui et il se figea quand il croisa le regard de l'homme.
Le temps se gauchit et il se tourna vers Judy, accrochant un regard identique au sien.
Avant d'avoir compris ce qui leur arrivait, ils s'enfuirent en courant, traversèrent le parking comme si Voldemort lui-même étaient à leurs trousses, puis gagnèrent les rues plus animées de la petite ville.
Ils s'arrêtèrent à bout de souffle au milieu d'une place anonyme mais trouvèrent encore la force d'éclater d'un rire libérateur.
Quand ils se furent calmés, Sirius attrapa le visage de Judy en coupe et l'embrassa comme jamais encore il ne l'avait embrassée. Cette fois, il y avait une promesse sur laquelle il n'aurait pas su mettre de mots.
- Je t'aime, souffla-t-il, se surprenant de trouver ces trois mots si faciles à dire.
Elle sourit, lui caressa tendrement la joue, ses yeux bleus nuits plus magnifiques que jamais alors qu'ils se perdaient dans le gris des siens.
- Moi aussi. Et c'est une bonne chose. Parce qu'on vient de faire un sacré pari.
Il lui fit un clin d'oeil, desserra son étreinte et l'entraîna vers le magasin de l'autre côté de la place. La vitrine présentait les dernières layettes à la mode et Sirius sourit plus largement encore en découvrant une peluche en forme de chien noir parmi les quelques jouets mis en avant.
- Après vous, Miss Adler, dit-il en ouvrant largement la porte.
Judy se fendit d'un nouvel éclat de rire et entra dans la boutique.
…
Mardi 10 Février 1981, Manoir Rosier.
Bellatrix était installée autour d'une large table à la droite du Seigneur des Ténèbres. En face d'elle, Fenrhir Greyback avait obtenu un honneur qu'il ne méritait certainement pas étant donné le monstre inhumain qu'il était, mais Bellatrix avait bien compris qu'il faudrait qu'elle s'habitue à composer avec la présence du loup-garou.
La loi qui encadrait encore plus sévèrement les lycanthropes était passée en milieu d'après-midi, leur assurant le soutien de ces bêtes jusqu'à la victoire. Le Lord Noir leur accordait protection en échange de leur aide durant les attaques, et avait promis de supprimer toutes les lois à leur encontre quand il accéderait au pouvoir.
Le massacre des Bones avait parfaitement joué son rôle.
- La Cause est sur la bonne voie. Je pense qu'une fois que l'Ordre du Phénix sera anéantie, plus rien ne nous empêchera de porter le coup final en débarrassant le Ministère de la Magie de tous les incompétents qui le gèrent. Nos rangs sont plus fournis que celui du camp adverse et nous allons en profiter pour les épuiser. La Guerre des Géants nous a appris que nos ennemis ne sont pas aussi endurants et préparés que nous le sommes. Il va falloir les épuiser pour les pousser à commettre des erreurs. Bartémius, où en sont nos jeunes recrues ?
Bellatrix se tourna vers son protégé et ne fut pas surprise de lui trouver un visage serein. Elle avait supervisé de loin la formation d'une vingtaine de jeunes gens, héritiers de grandes familles de Sang-Purs, comme le fils aîné de Rowle, ou des sangs-mêlés que le Maître avait recruté à cause d'un quelconque talent, et elle savait donc que Bartémius s'était montré intraitable avec eux, testant leur loyauté comme elle l'avait fait avec lui, et s'assurant qu'ils aient bien compris ce qu'on attendait d'eux. Leur niveau de duel restait un peu faible à son goût, mais mettre en jeu leur vie lors des attaques les ferait progresser bien plus vite que des heures de cours théoriques.
- Ils sont prêts Monseigneur. Ils attendent avec impatience le moment où ils pourront vous prouver leur foi dans notre Cause.
- Parfait. Dans ce cas, je vais vous expliquer ce que j'attends de chacun d'entre vous.
Sans surprise, Bellatrix se retrouva en charge de l'organisation de l'attaque principale à Belfast, Lucius s'occuperait de ravager les environs de Londres, Dolohov récupéra Edinburgh et Travers, Gloucester. Les attaques se devraient d'être simultanées, destructives et répétées. Elle aurait à sa disposition plusieurs bataillons d'Inféris, quelques Acromentulas, trois Géants vivant dans les régions montagneuses d'Irlande et une grande partie des jeunes recrues.
Il lui imposa encore la présence de Greyback et sa grimace n'échappa à personne, le loup-garou y compris.
- Je vais avoir besoin de renforcer ma meute, Maître, pour soutenir votre effort de guerre.
Le Seigneur des Ténèbres eut un geste impatient.
- Prélève autant de moldus qu'il te faut, Greyback, mais aucun sorcier. Suis-je bien clair ?
Le loup-garou ne sembla pas apprécier d'être ainsi limité dans son choix, mais Bellatrix savait qu'il s'en tiendrait aux Ordres du Lord s'il voulait que sa Meute ait sa ration de chair fraîche lors de la prochaine pleine lune.
A la fin de la réunion, le Seigneur des Ténèbres fit apparaître un verre emplie d'un vin rouge - qu'elle devina excellent rien qu'à son odeur - devant chacun d'eux et se leva.
- J'ai perdu un excellent serviteur cette semaine. Ranatus Lestrange a été l'un des tous premiers Chevalier de Walpurgis. Il a servi notre Cause de bien des façons. Sa loyauté et sa dévotion étaient sans limite et je sais qu'il les a brillamment transmises à ses deux fils, Rodolphus et Rabastan, ainsi qu'à sa belle-fille, Bellatrix. Je lève ce verre à sa mémoire.
Bellatrix approuva le discours de son Maître d'un hochement de tête solennel et s'autorisa à boire une gorgée de son propre verre.
- Bellatrix, un mot en privé.
Tandis que les autres Mangemorts quittaient la salle de réception du Manoir Rosier, Bellatrix resta assise à sa place. Son Maître se versa un second verre du délicieux cru.
- Tu attends un enfant, n'est-ce pas, Bellatrix ?
Elle ne fut pas du tout surprise qu'il le sache déjà. Le Seigneur des Ténèbres était un excellent Legilimens et elle ne dérobait jamais ses pensées. Elle tenait beaucoup trop à la confiance qu'il lui accordait.
- Oui, Maître. Grâce à vous, Monseigneur. Je vous en suis infiniment reconnaissante.
- C'est une excellente nouvelle. Il aurait été dommage que la nouvelle génération soit privée de l'alliance du sang des Black et des Lestrange. Je sais que Ranatus aurait été transporté par cette annonce.
- Il l'a été, Monseigneur. Savoir que sa lignée continuait après lui a adouci ses souffrances. Il est parti sereinement.
Un silence s'installa le temps que son Maître déguste le vin rouge. Bellatrix lui glissa un rapide coup d'oeil, et la vision de son profil séduisant et de ses lèvres rendues carmin par le liquide lui procura une sensation aussi étourdissante que l'alcool.
Lorsqu'elle se retrouvait seule avec le Maître des Ténèbres, elle regrettait parfois d'être une femme mariée…
- Je pense plus raisonnable que tu ne te rendes pas à Belfast lors de l'attaque. Par respect pour Ranatus, je ne veux pas que le futur héritier Lestrange soit à risque. Qui penses-tu capable de mener nos troupes sur le terrain ?
Bellatrix fut contrariée par la décision de son Maître, mais se rangea à ses arguments avisés, parfaitement identiques à ceux que Rolf avait récité à chacune de ses grossesses quand elle n'en faisait qu'à sa tête et partait se battre pour la Cause.
Cette fois-ci, les choses étaient différentes. Le Lord Noir lui-même lui avait offert une chance, peut-être la dernière, elle ne pouvait pas la gaspiller.
- Rodolphus sera parfaitement à même d'appliquer mes plans, Monseigneur.
- Très bien. Je te laisse le soin de le lui annoncer. Tu peux prendre congé.
Elle se leva, lissa les pans de sa robe prune, puis se retira après s'être inclinée avec respect.