Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
All Chapters Forward

Chapter 18

Première Partie : Stars.

Chapitre 18

« Let me see you through
'cause I've seen the dark side too
When the night falls on you
You don't know what to do
Nothing you confess
Could make me love you less »

(I'll stand by you - The Pretenders)


Lundi 2 Février 1981, Gare de King Cross, Londres.

L'éclair vert frappa Tom Summerbee dans le dos avant que Sirius n'ait eu le temps d'ouvrir la porte.

- Papa !

Le petit garçon - Garrett - voulut faire demi-tour mais Sirius le poussa dans le train sans ménagement. Il trébucha mais se rattrapa à un siège. Sa mère le suivit aussitôt dans le wagon, tenant une petite fille d'à peine un an contre elle, des larmes baignant ses joues.

- Le train part dans quatre minutes. On se charge de les tenir à distance. Suivez le plan à la lettre et vous serez en sécurité.

La femme hocha la tête, son regard déterminé malgré les larmes et la peur qui suintait de chacun de ses pores.

- Bonne chance !

Il ferma la porte d'un sortilège, comme convenu, puis remonta avec précaution les wagons qui le séparaient du bout du quai, ne sachant pas d'où provenait le sortilège qui avait tué Summerbee, rageant d'avoir laissé un Mangemort remporter une bataille aussi facilement.

C'était la première fois qu'une mission d'exfiltration tournait aussi mal et il ne comprenait définitivement pas pourquoi.

La gare de King Cross était le théâtre d'une embuscade sans précédent et l'Ordre n'avait pas prévu un tel accueil. Il n'y avait que lui, Peter, Benjy Fenwick et Caradoc Dearborn pour assurer la sécurité de la famille Summerbee, soit sept personnes au total.

Une fois le train parti, ils seraient hors de danger, mais il n'était pas convaincu que les moldus acceptent de démarrer si la gare était attaquée.

Il retrouva Caradoc - un ancien Serpentard que Sirius avait appris à connaître au cours de plusieurs missions passées avec lui -, caché derrière un panneau d'affichage.

- C'est bon ?

- Le père est mort, annonça-t-il. Tu as appelé les renforts ?

- Ils sont en chemin, répondit Caradoc. Mais je ne sais pas où sont Pettigrew et Fenwick.

Sirius se força à garder son calme malgré le danger qui menaçait l'un de ses meilleurs amis et se mit en tête de trouver un plan B le plus rapidement possible.

Caradoc le devança.

- Je vais aller m'assurer que le moldu démarre ce train. Couvre-moi.

Sirius opina et quitta leur cachette précaire pour se porter au contact des Mangemorts, sans vraiment savoir où ces derniers ce trouvaient.

La gare était immense et un silence surnaturel s'était emparé de leur zone de départ après que les moldus se soient précipité vers les sorties, vidant les lieux en quelques minutes, comme s'il s'agissait d'un ballet parfaitement réglé.

Il avançait donc de cachette en cachette, le dos plié pour passer devant les nombreux magasins.

Seule une chance insolente lui permit d'éviter le sort qui fusa depuis le bout d'une allée. La vitrine de la boutique de vêtements implosa violemment et plusieurs éclats le frappèrent de plein fouet. Bravant la pluie de bouts de verres en se protégeant la tête de ses bras, il trouva refuge derrière une pile de jeans, espérant que son adversaire viendrait le rejoindre pour terminer le travail, mais un cri de douleur déchira le silence. Il se risqua à nouveau dans l'allée sans voir personne et s'en remit à ses sens Animagus. Localiser le cri fut un peu plus compliqué que d'ordinaire à cause de l'écho dans la grande gare, et du vacarme provoqué par le départ d'un train. Il finit toutefois par trouver le Mangemort derrière un train à l'arrêt, tout au bout du quai.

Sans savoir s'il s'agissait d'un piège, il sauta sur les rames et contourna le train par le côté opposé au Mangemort.

Son sang se glaça dans ses veines.

Peter, couché sur le dos, était secoué de violent spasmes qui ne pouvaient être que l'oeuvre d'un Doloris.

Stupéfix ! hurla-t-il, tout en fonçant tête baissée au secours de Peter.

Le Mangemort brisa son sortilège une seconde trop tard et fut frappé de plein fouet. Sirius sortit l'arme à feu qui accompagnait chacune de ses sorties et s'arrêta dans un dérapage à côté du Mangemort. D'un geste brusque, il lui arracha son masque et tenta de mettre un nom sur ce visage au teint olivâtre et au regard brun, à peine plus âgé que lui, avant de pointer le canon de son arme dessus.

- On ne touche pas à ma famille, connard !

L'homme, inconscient, ne pouvait pas l'entendre, pas plus qu'il ne pouvait se défendre, mais Sirius avait décidé de faire une croix sur le principe de ne pas tuer parce qu'il valait mieux que ça. Voldemort en avait après James et Lily. Voldemort voulait tuer son filleul, un petit garçon qui n'avait même pas un an. Les Mangemorts lui avaient pris Regulus, et le meurtre des Bones avait été d'une sauvagerie inimaginable. Un Mangemort venait de tuer sous ses yeux un homme après l'avoir obligé, lui et sa famille, à quitter le pays par peur de représailles.

La guerre avait pris un tournant trop sombre, trop vite, et la pitié était devenue un luxe que l'Ordre ne pouvait plus se permettre.

Il pressa la détente et la balle, tirée à bout portant, arracha près de la moitié du visage du Mangemort. Une large flaque de sang se forma aussitôt sur le sol clair de la gare.

Sirius rangea son arme dans la ceinture de son pantalon, après s'être assuré que la sécurité était en place, puis aida Peter à se relever.

Il tremblait de tous ses membres et avait des difficultés à marcher.

- Tu l'as tué, gémit Peter.

- Et je recommencerais quand je le rejoindrais en Enfer, répliqua-t-il sèchement, allongeant le pas pour mettre Peter en sécurité et lui laisser le temps de récupérer.

Il força la porte d'une épicerie et poussa son ami derrière le comptoir.

Son meilleur ami était pâle et tremblant. Sirius lui fourra une barre de chocolat dans la main.

- Avale-ça. Il faut qu'on retrouve les autres.

- J'ai envie de vomir.

- Tu sais ce que Lunard dit du chocolat, Queudver ? Tu te sentiras mieux après.

Il se redressa ensuite et surveilla avec attention l'allée à travers les grandes fenêtres. Aucun éclair de lumière n'attira son attention et les bruits de mastication de Peter exceptés, la gare était affreusement silencieuse. Au bout de dix longues minutes de garde, il envisageait de repartir quand la forme argenté d'une chauve-souris surgit devant lui.

Les trains sont partis. Benjy est avec moi. Il est blessé mais il survivra. On se tire d'ici.

Sirius soupira de soulagement. Il saisit Peter par le bras, rassuré de lui trouver un teint un peu moins verdâtre, et transplana dans la ruelle bordée de poubelles.

- Je dois aller travailler, Sirius, se plaignit Peter quand il l'obligea à l'accompagner chez lui pour se reposer.

- Il n'est pas encore sept heures, Pet'. Tu vas t'allonger pendant deux heures et tu arriveras juste en retard. Tu t'es pris un Doloris, ce n'est pas négociable.

Une heure plus tard, Peter, allongé dans son canapé, ronflait bruyamment tandis qu'il était installé devant une tasse de café agrémenté de Whisky Pur Feu. Après avoir donné un Filtre de Paix à Peter, il avait pris une rapide douche. Il essayait désormais de comprendre comment Voldemort avait bien pu savoir qu'ils seraient là.

Sirius avait effectué des dizaines de missions d'exfiltration depuis son arrivée dans l'Ordre. James ou Edgar Bones s'occupaient en général de fournir des lieux sûrs à des familles désirant quitter l'Angleterre sans utiliser la Magie, puis ceux qui accompagnaient les familles se concertaient quelques jours avant le départ sur l'itinéraire.

En règle générale, il s'agissait de les mettre dans le premier train à destination d'un grand aéroport - celui de Londres excepté - puis de les envoyer vers la France ou l'Allemagne, où des amis de Dumbledore avaient mis au point un réseau pour les faire disparaître dans le monde moldu. Certains choisissaient les Etats-Unis, mais ils se débrouillaient alors pour obtenir le statut de réfugié politique auprès du ministère sorcier, et prenaient le risque que Voldemort retrouve leur trace s'il venait à gagner.

En quatre ans, la mécanique était devenue bien huilée. Jamais ils n'avaient été accueillis par les Mangemorts.

Il alluma une cigarette pour chasser la fatigue d'une nuit passée à lutter contre Voldemort et termina son café sans grand entrain.

Il connaissait une réponse à ses questions, mais il espérait se tromper, parce qu'alors, Voldemort remporterait deux batailles aujourd'hui.

Ils avaient peut-être une taupe dans leurs rangs. Benjy ou Caradoc les avait peut-être tous trahi.

Peut-être.

Il s'accrocha à ce maigre espoir, même si une petite voix lui soufflait avec ironie qu'il faisait preuve d'une naïveté affligeante.

La guerre avait pris un tournant trop sombre, trop vite. L'Ordre du Phénix ne pouvait pas s'écrouler. Pas maintenant que Voldemort voulait s'en prendre à Harry et qu'il devenait plus urgent que jamais de l'arrêter.

Un bruit de talon le fit se retourner et il vit Judy déposer son sac près du canapé avant de le rejoindre. Sirius remarqua alors son manque d'entrain, son visage fatigué et son regard absent. Un mauvais pressentiment accéléra les battements de son cœur quand elle l'embrassa distraitement, sans même se fendre d'une remarque ironique sur sa nuit passée à sauver le monde.

Sans lui laisser le choix, il l'attira alors sur ses genoux et enlaça sa main gauche avec la sienne. Si elle parut surprise par son geste, Sirius vit toutefois de la gratitude éclairer son regard.

Ce qui lui laissa tout loisir d'imaginer le pire…

- Qu'est-ce qui est arrivé à Queudver ?

- La nuit a été longue, éluda-t-il. Il voulait se reposer un peu avant de partir à son travail…

Elle se servit du café et Sirius raffermit son bras autour de sa taille.

Judy était trop silencieuse et semblait éteinte.

- Il y a quelque chose qui ne va pas ? demanda-t-il.

Judy soupira, passa nerveusement une main à travers ses cheveux avant de lui faire face et Sirius déglutit bruyamment, de plus en plus mal à l'aise.

- Je t'en parlerai plus tard, d'accord ?

- Mais… Pourquoi ?

- Parce que ça ne regarde pas ton ami et parce que tu as la tête de quelqu'un qui n'a pas assez dormi… J'ai besoin que tu sois vraiment réveillé, tu comprends ?

- Oui… C'est si grave que ça ?

Judy eut un petit sourire en coin, que Sirius trouva aussi triste que tendre, puis elle leva sa main libre pour lui caresser doucement la joue.

- Ne commence pas à te faire des films, Black. Je n'ai pas l'intention de te quitter et je ne suis pas non plus mourante.

Sirius ne chercha pas à dissimuler son soupir de soulagement.

- Très bien. Je devrais pouvoir gérer dans ce cas.

Il l'attira un peu plus contre lui et l'embrassa délicatement.

Lundi 2 Février, Appartement de Ranatus Lestrange, Londres.

Bellatrix récupéra le linge posé sur le front de son beau-père et l'humidifia dans la cuvette installée sur la commode. Ranatus était brûlant de fièvre depuis deux jours, sa respiration sifflante et il ne cessait de se plaindre de douleurs à la poitrine le peu de fois où les potions qui assommaient ses souffrances le laissaient reprendre connaissance.

Bellatrix avait épluché les nombreux grimoires de Magie Noire à sa disposition sans trouver le maléfice qui était en train d'emporter son beau-père. Il existait des centaines de façon d'arrêter un cœur, du poison aux sortilèges, mais tous se caractérisaient par une efficacité d'Apothicaire : le cœur cessait de battre en quelques heures, un jour tout au plus.

L'agonie de Ranatus, pourtant, durait depuis un long mois.

Bien sûr, les potions et le savoir-faire des meilleurs médicomages avaient permis une légère amélioration de son état au cours des deux premières semaines, avant que l'issue ne devienne évidente. Bellatrix consacrait donc le plus de temps possible à l'homme, s'assurant qu'une personne soit toujours à son chevet quand il ouvrait les yeux, lui faisant la lecture de La Gazette, et ravivait le souvenir de ses plus grands accomplissements.

Toutefois, depuis deux jours, Ranatus n'avait été conscient que de brèves minutes, tout juste assez longtemps pour reprendre ses potions et avaler un léger potage, Rolf devait continuer d'oeuvrer pour le Maître au Ministère et Stan se retrouvait à devoir gérer les affaires courantes de son père.

Elle passait donc de longues heures seules.

Enfin, pas tout à fait.

Depuis trois belles journées, elle savait que la vie s'était installée en elle. Sa fille - puisqu'elle en était intimement convaincue - n'était pas plus grande qu'une tête d'épingle, mais elle était là, à grandir lentement, puisant dans ses propres forces l'énergie qu'il lui fallait pour devenir saine et vigoureuse. Jamais elle ne s'était sentie aussi heureuse, aussi complète, à sa place dans ce monde en plein changement.

Elle ne comptait pas s'arrêter là. Elle avait de grands projets pour sa fille et pour la société sorcière. Elle était déjà le premier lieutenant du Maître - le médaillon qu' Il lui avait offert ne quittait plus son cou et reposait contre son cœur - et elle rêvait de devenir encore plus proche de lui en alliant sa lignée avec la sienne.

Si le Maître avait admis n'avoir aucune envie de se marier, même à une femme issue des plus beaux lignages de Sang-Purs, Bellatrix espérait secrètement le faire changer d'avis d'ici à ce que sa fille soit en âge. Une fois son pouvoir assuré sur leur monde, le Maître serait l'équivalent d'un roi sur ce pays, et un roi se devait d'avoir une descendance.

Elle ferait de sa fille la Mangemort la plus dévouée aux yeux du Maître, prête à lui offrir son âme, son cœur et sa vie s' Il le lui demandait.

- Ce sourire… vous va… à ravir… ma chère… Bellatrix.

La voix sifflante de Ranatus la ramena à la réalité et elle se pencha pour attraper sa main droite entre les siennes.

- Gardez vos forces au lieu de me flatter, Ranatus.

Il eut un bref sourire, mais ses yeux en gardèrent la lumière.

- Quelque… chose… a changé… en vous… Bellatrix… Je le sens…

Bellatrix se mordit la lèvre, hésitant à dévoiler une nouvelle trop fraîche. De ses sept grossesses, une seule avait été au-delà du premier trimestre.

Les yeux de Ranatus devinrent suppliant et ses résolutions se radoucirent. Une telle annonce ne pourrait que lui remonter le moral et peut-être aider à sa guérison.

- Je suis enceinte.

Un véritable sourire illumina son visage, effaçant la douleur et la fatigue, et sa main droite se resserra sur la sienne.

- C'est merveilleux… Bellatrix… Merveilleux. Je suis… très… heureux.

Elle lui rendit son sourire.

Ranatus Lestrange s'éteignit trois heures plus tard.

Lundi 2 Février 1981, Domicile de Sirius Black, Londres.

Quand Sirius se réveilla après plusieurs heures de sommeil, il lui sembla qu'un sang neuf coulait dans ses veines. Si on lui en avait donné l'occasion, il aurait certainement pu envoyer toute une bande de Mangemorts à Azkaban sans forcer son talent ou tenir tête à deux loup-garous enragés… Il se redressa et trouva Judy adossée contre le mur, juste à côté de la fenêtre. Elle semblait abîmée dans la contemplation de l'extérieur, pourtant Sirius était certain que ses yeux étaient vides…

Comme si elle regardait en elle-même.

- Peter est parti ? interrogea-t-il en se souvenant qu'elle avait émis cette condition avant de lui parler de ce qui la préoccupait.

Elle tourna la tête vers lui et poussa un soupir à fendre l'âme.

- Oui, il y a un moment déjà, dit-elle en s'installant sur le bord du lit.

A la voir jouer avec le tissu de son pantalon d'un air à nouveau absent, il se douta qu'il s'agissait de quelque chose de grave. Judy ne perdait pas son sourire facilement. Il dut prendre sur lui pour initier la conversation.

- Alors ? C'est quoi la mauvaise nouvelle ?

Judy se tendit et repoussa nerveusement ses cheveux en arrière avant de plonger son regard dans le sien.

Jamais Sirius ne l'avait vu aussi grave.

- Je… J'ai du retard sur mon cycle, Sirius.

Sirius en perdit le contrôle de sa mâchoire et mit une longue minute à vraiment comprendre les paroles de Judy.

- Du retard ? Tu veux dire… que tu es enceinte ?

Il avait murmuré. Parler à voix haute aurait rendu la vérité trop… vraie.

- Peut-être. Je n'ai pas encore fait de test… Je… Je voulais t'en parler avant.

- Et tu as… Tu as beaucoup de retard ?

Elle se mordit la lèvre inférieure.

- Plusieurs semaines… Peut-être un mois… Je n'ai pas fait attention. Ça m'est sorti de la tête.

Sirius déglutit difficilement puis se frotta le visage pour rassembler ses pensées avant de souffler avec force.

- Très bien. On va faire ce test alors. Pour être sûrs… On… On avisera après, d'accord ?

Judy hocha la tête sans grande conviction et son air misérable inquiéta plus Sirius que la perspective de devenir père.

Pour le moment, du reste.

Lundi 2 Février, Appartement de Ranatus Lestrange, Londres.

Bellatrix referma la porte de la salle de bain avec urgence et se précipita sur le lavabo. L'eau fraîche sur son visage atténua la sensation de brûlure sur son visage, mais le chagrin qui étreignait son cœur ne s'allégea pas pour autant.

Lorsqu'elle s'était aperçu que Ranatus avait cessé de respirer, elle avait aussitôt appelé le Médicomage qui s'occupait de lui. Le verdict avait été sans appel. Le maléfice avait eu raison du cœur de Ranatus, qui s'était arrêté.

Il était mort.

Elle avait pris sur elle, s'obligeant à garder la tête froide, le temps d'escorter le Médicomage vers la cheminée, puis de prévenir Rolf et Stan que leur père était décédé. Les deux frères étaient arrivés moins de cinq minutes plus tard et s'étaient précipités dans la chambre paternelle. Elle n'avait pas osé les suivre et s'était retrouvée seule au milieu d'un vaste salon.

La réalité l'avait alors rattrapée. Son beau-père était décédé. Il ne serait pas là pour voir sa lignée se prolonger, ni le Maître gagner cette guerre et transformer leur Cause en loi.

La tristesse avait foudroyé le bonheur dans lequel elle baignait depuis trois jours et elle avait eu l'impression qu'une lame glacée s'enfonçait dans son cœur, l'empêchant de respirer pendant quelques secondes.

Les larmes avaient commencé à couler, plus nombreuses que celles qui avaient salué la mort de Cygnus Black.

Son père n'avait jamais su l'apprécier à sa juste valeur. Les choses auraient été différentes si elle avait été un garçon, ou si l'une de ses sœurs avait été un garçon. Mais il n'avait eu que trois filles et le titre de Patriarche de la Famille Black était revenu à Orion. Bellatrix avait tout fait pour le satisfaire, obéissant à chacun de ses ordres, suivant l'étiquette des Sang-Purs à la lettre et ramenant des résultats scolaires proches de la perfection.

Cygnus avait continué à se plaindre qu'elle ne soit pas un garçon et la déception était toujours présente dans son regard quand il la détaillait. L'année de ses seize ans, il lui avait présenté Ranatus et Rodolphus dans le but de sceller un futur mariage qui se déroulerait après sa sortie de Pouldard.

Et Ranatus l'avait aussitôt prise sous son aile, la libérant du carcan de Cygnus en louant son intelligence autant que sa beauté, s'amusant du caractère des Black qui transformait chacune de ses colères en tempêtes et admirant son talent naturel pour la Magie Noire.

Elle coupa le robinet d'eau froide et se découvrit pâle sans son maquillage, ses yeux rougis encadrés par les traînées noires de son mascara.

Je compte sur vous pour veiller sur mes garçons, Bellatrix.

Sa main glissa sur son ventre encore plat. Elle portait l'avenir de la famille Lestrange en elle et elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour se montrer à la hauteur.

Lundi 2 Février 1981, Résidence des Potter, Caithness, Ecosse.

Sirius se surprit à fixer le portail devant lui et se demanda vaguement depuis combien de temps il était là.

Avec une ultime inspiration censée l'aider à rassembler ses pensées, il le poussa et traversa le petit jardin englué par une épaisse couche de neige.

James apparut dans l'encadrement de sa porte, sa baguette brandie.

- Sirius ? s'étonna son meilleur ami. Ne le prends pas mal, mais c'est pas vraiment le moment…

- Judy est enceinte, répondit-il d'une voix d'automate.

Les yeux de James s'écarquillèrent au point que Sirius eut l'impression qu'ils allaient sortir de leurs orbites. Finalement, Cornedrue s'effaça et ouvrit largement la porte.

Il trouva Lily dans le salon, le teint rouge qui accompagnait toutes ses colères et ses yeux verts brillants, signes on ne peut plus clairs qu'il avait interrompu une des impressionnantes disputes entre James et Lily.

- Judy est enceinte, dit aussitôt James, alors qu'il le faisait asseoir sur une chaise.

Lily sembla oublier sa colère, puis son visage se glissa dans un masque d'incrédulité. Lentement, elle se laissa tomber sur le canapé.

- Elle est enceinte de Sirius ? demanda-t-elle.

- Évidemment ! s'insurgea-t-il. Pas de James !

Lily leva les mains en signe de paix.

- Vous en êtes sûrs ?

- On a fait des tests. Deux moldus et deux sorciers. Tous positifs.

- Et qu'en dit Judy ? s'inquiéta James.

Sirius soupira et se prit la tête entre les mains. Dès qu'il ferma les yeux, il se retrouva assailli par les souvenirs de ces dernières heures…

Sirius fixait les deux fioles de potion qui lui faisaient face. Leur couleur verte ne laissait aucun doute possible et après avoir relu trois fois la notice, il était certain que cette couleur ne pouvait avoir qu'une seule explication possible…

Judy était bel et bien enceinte.

Il se redressa pour observer la jeune femme : recroquevillée sur le canapé, elle n'arrêtait pas de faire tourner les tests de grossesses moldus qu'elle avait tenu à acheter entre ses doigts. La réponse qu'ils avaient donné était, elle aussi, sans équivoque.

Sirius se frotta le front dans un geste qui en disait long sur la nervosité qui l'étreignait.

Ça, c'était pas prévu, se répéta-t-il pour la énième fois.

Il n'arrivait pas à se souvenir quand ils s'étaient montrés imprudents, Judy et lui. Aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'oubliait jamais de lancer le sortilège de protection et Judy lui avait dit prendre une potion qui l'empêchait de tomber enceinte… Ou l'équivalent moldu. Il ne savait plus très bien… Et de toute façon, le résultat était le même.

Ce qui est fait est fait. Il faut assumer maintenant.

Assumer.

Sirius ferma les yeux pour juguler la panique. L'idée de devenir père un jour ne lui avait pas encore traversé l'esprit. Il avait vingt et un ans après tout ! Et contrairement à James, il n'avait pas ce besoin de fonder un famille à peine sortit de l'adolescence. Pour être tout à fait honnête avec lui-même, il s'était imaginé être encore un séducteur volage quand Remus, Peter et James seraient tous casés et cela lui aurait très bien convenu.

Sauf qu'il avait rencontré Judy. Et qu'il était tombé amoureux d'elle.

Ça non plus, c'était pas prévu .

Il rouvrit les yeux et la détresse de la jeune femme le frappa à nouveau. S'il n'avait pas la moindre idée de la façon dont il était censé se comporter, il était toutefois certain qu'il ne devait pas laisser Judy penser qu'elle était seule à faire face.

Il se leva et vint la rejoindre sur le canapé.

- Je… Judy ?

Elle ne répondit pas mais quand elle tourna finalement la tête vers lui, il vit que des larmes menaçaient de couler.

- Qu'est-ce qu'on va faire, Sirius ?

Sa voix était étranglée et sa question résonnait comme une supplique à ses oreilles.

- Je…

Sa voix se brisa et il serra les dents pour reprendre le contrôle. Que pouvait-il bien lui répondre ? Dans sa famille, de telles situations se réglaient à coup de mariages arrangés quand la fille était une Sang-Pur… Sinon, quelques Gallions changeaient de propriétaire et l'on entendait plus jamais parler de cette histoire.

- On ne peut pas le garder Sirius… On est beaucoup trop jeunes.

Il revint à la réalité dans un léger sursaut et dévisagea Judy sans comprendre où elle venait en venir.

- Tu veux dire, l'abandonner ?

Elle fronça les sourcils, essuya rapidement ses joues humides puis secoua la tête :

- Non. Je crois… Sirius, je crois que ce serait plus raisonnable si j'avortais. Ça doit encore être possible et…

- Attends, attends… Qu'est-ce que ça veut dire ça, avorter ?

Judy se figea et ce fut à son tour de le dévisager. Elle finit par détourner le regard et le fixa sur ses mains.

- Ça veut dire interrompre la grossesse, Sirius, dit-elle dans un murmure.

Sirius sentit ses entrailles se geler, comme s'il venait d'avaler un sac de glaçons.

- Tu veux tuer le bébé ? marmonna-t-il en espérant qu'il se trompait.

Judy pâlit dangereusement.

- Ce n'est pas… Ce n'est pas encore un bébé. C'est un fœtus. Il…

- C'est pareil.

Il avait parlé plus sèchement que ce qu'il aurait voulu mais ne réussit pas à s'en sentir désolé. Leur conversation prenait un tour qui ne lui plaisait pas et Sirius n'était pas sûr qu'il pourrait continuer à se regarder dans le miroir s'il devenait complice de… ça.

Tu as une meilleure solution peut-être ? gronda Judy en pointant un index accusateur dans sa direction. On ne se connaissait pas il y a un an !

- C'est pas une excuse ! On a fait une connerie mais ça ne justifie pas un meurtre !

- Tu ne penses pas que tu y vas un peu fort là ?

- Tu as une autre façon d'appeler ça ?

Judy prit une grande inspiration pour rassembler son calme.

- On appelle ça l'avortement. Et les femmes y ont recours dans ce genre de situation. Regarde la vérité en face, Sirius. Ni toi, ni moi, ne sommes prêts pour devenir parents.

Sirius sentit son ressentiment diminuer. Il ne pouvait pas dire qu'il n'était pas d'accord avec elle sur ce point…

- Je vais rentrer.

Sirius l'obligea à se rasseoir alors qu'elle se levait.

- Je voudrais rentrer chez moi, Sirius, grinça-t-elle.

Il soutint son regard sombre, Merlin seul savait comment.

- Tu as combien de temps… pour te décider ? Pour avorter.

Elle soupira et ferma les yeux une folle seconde. Sirius la connaissait assez pour pouvoir dire qu'elle était sûrement aussi effrayée que lui par ce qui leur arrivait.

- Je ne sais pas, dit-elle finalement. Il faudrait que je me renseigne. Mais… Il ne faut pas traîner pour se décider, ça j'en suis sûre.

- D'accord… On pourra quand même en reparler… plus tard ?

De nouvelles larmes coulèrent le long des joues de Judy tandis qu'elle hochait la tête faiblement. Sirius l'attira contre lui, toute colère disparue.

- Ça va s'arranger, Judy.

- Tu me laisses pas tomber, pas vrai ? demanda-t-elle d'une petite voix.

- Pour que ton oncle vienne jusqu'ici pour me canarder avec son fusil ? Je ne suis pas fou à ce point.

Sa pointe d'humour lui tira un son étranglé à mi-chemin entre le rire et le sanglot.

- On trouvera une solution… On est pas les premiers à qui ça arrive… Ça va s'arranger.

- Patmol, ça va mon vieux ?

Sirius sentit une main serrer son épaule et il releva la tête. Il croisa le regard inquiet de son frère de cœur et s'y raccrocha. S'il avait fait de son mieux pour rassurer Judy, il savait que tout au fond de lui, il n'en menait pas large.

Ce qui expliquait pourquoi il était venu ici.

- Judy pense avorter, chuchota-t-il.

James fronça les sourcils avant de se tourner vers sa femme et Sirius l'imita.

Lily prit quelques secondes avant de répondre à la question muette de son mari.

- L'avortement est un acte médical moldu pour stopper une grossesse. Je crois que ce n'est pas vraiment légal chez les sorciers mais c'est une pratique commune chez les moldus.

- Les moldus arrivent à bloquer une grossesse ? s'étonna James. Ils font comment pour la relancer ?

Lily se mordit la lèvre inférieure puis eut un sourire triste.

- Ça ne fonctionne pas comme ça, James. Il n'y a pas de retour en arrière possible… Ils…

- Ils tuent le bébé, termina Sirius à sa place.

- Et Judy veut faire ça ?! C'est horrible !

- Ce n'est pas une décision facile à prendre, James, intervint Lily d'une voix douce. Les femmes qui font ce choix mettent longtemps à faire leur deuil… Et personne ne devrait les juger pour ça.

James ouvrit la bouche à plusieurs reprises pour finalement garder le silence.

- Sirius, il faut que tu parles sérieusement avec Judy… reprit Lily. Quand elle sera un peu moins sous le choc, d'accord ? C'est une décision qui doit être prise à deux.

- Je sais…

- Tu serais pour qu'elle avorte ? lui demanda James en s'asseyant à côté de sa femme.

Sirius soupira.

- J'en ai pas la moindre idée… Je vais avoir du mal à me dire qu'on a tué un bébé qui nous avait rien fait mais… Je ne sais pas… C'est sûrement la meilleure solution, non ? Tu m'imagines papa ? Ça va être un désastre total. Je suis nul avec les bébés.

- Tu t'en sors plutôt bien avec Harry, dit Lily.

- Ce n'est pas pareil… Et puis ce n'est pas avec l'enfance que j'ai eu que je vais pouvoir faire des miracles.

- Argument invalide, s'opposa James. Jusqu'ici, tu as fait tout l'exact contraire de ce que ta famille de cinglés t'a inculqué et ça t'a plutôt bien réussi.

Sirius ne chercha pas à retenir un petit sourire qui sembla rassurer son frère de cœur.

- Bon, je vais chercher une bouteille de Scotch… Tu as besoin d'un remontant.

Il ponctua sa phrase avec un claque dans le dos. Leur regard se croisèrent. James répondit à son merci silencieux par un clin d'oeil.

- Tu n'en loupes pas une, tu le sais, ça ?

- Chacun sa croix, Potter.

Forward
Sign in to leave a review.