
Chapter 15
« Here comes goodbye
Here comes the last time
Here comes the start of every sleepless night
The first of every tear I'm gonna cry
Here comes the pain »
(Here Comes Goodbye - Rascal Flint)
Mercredi 7 Janvier 1981, Domicile de Sirius Black, Londres.
- Lunard, si tu n'arrêtes pas de bouger dans tous les sens, je ne vais jamais y arriver.
- Excuse-moi d'avoir mal peut-être !
- Et ravale ton sale caractère au passage !
Sirius défia son meilleur ami du regard, s'étonnant de ne pas voir ses yeux ambres passés au jaune l'espace d'une brève seconde. Avec patience, il déposa une généreuse couche d'un onguent pour les contusions sur les côtes bleuies du loup-garou.
Il s'était retenu de faire le moindre commentaire en le voyant débarquer chez lui, mais Remus était dans un état lamentable. La moitié de son visage était si tuméfiée que son œil avait disparu dans les plis de sa peau. Ses lèvres avaient doublé de volume et il s'était traîné jusqu'à la chaise la plus proche. Sirius l'avait obligé à prendre un alcool fort avant de lui faire ôter pull et t-shirt.
Selon toute vraisemblance, Remus s'était fait passer à tabac après que ses collègues aient découvert sa véritable condition. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait - Lily et James avaient soigné le loup-garou une petite dizaine de fois depuis leur sortie de Poudlard - mais c'était la première fois que Remus venait le trouver.
Il avait toujours soupçonné James de minimiser les dégâts quand il venait le trouver pour le prévenir - à la demande de Lunard sans nul doute possible -, il n'avait toutefois pas imaginé que son meilleur ami puisse avoir déjà été dans un tel état.
Plusieurs côtes étaient brisées, son arcade sourcilière était fendue, son nez saignait et il craignait une autre fracture, et son torse n'était qu'un vaste hématome. Il bataillait depuis une demi-heure pour soigner ce qu'il savait soigner, mais l'expertise de Lily n'aurait pas été de trop.
Remus avait refusé tout net.
- Il faut que tu les dénonces à la Brigade, Remus.
- Pour que l'on me colle sous surveillance parce que je suis un loup-garou ? Je serais inutile pour l'Ordre après ça.
- Tu as vu dans quel état ils t'ont laissé ?! Tu aurais pu y rester !
- Il en faut un peu plus pour me tuer, et tu le sais.
Il ravala sa réplique, ayant trop reconnu le ton excédé de Remus : il ne servait plus à rien de discuter avec lui désormais.
Une heure plus tard, Remus avait enfilé un de ses t-shirts sur sa peau tuméfiée, bu deux tasses de thé coupées au Whisky-Pur-Feu et avait fini par accepter de passer quelques jours chez lui, le temps qu'il retrouve ses forces.
Sirius allait l'aider à monter les escaliers quand deux majestueux Cerfs se matérialisèrent devant eux.
Il déglutit en reconnaissant Cornedrue, redoutant l'annonce d'une attaque.
- Lily vient d'apprendre le décès de ses parents. J'ai besoin d'aide.
La silhouette des Cerfs se délitèrent, laissant l'impression que l'obscurité venait de gagner du terrain sur le salon. Sirius fixa l'endroit où le Patronus de James s'était tenu quelques secondes auparavant sans réussir à réaliser la nouvelle. Il avait revu Iris et Henry Evans lors du baptême de Harry. Il avait échangé des sourires crispés avec la première et des blagues avec le deuxième. Ils lui avaient semblé que le couple Evans étaient en pleine forme et il n'expliquait pas leur soudaine disparition.
- Tu ne crois pas que Voldemort… souleva Remus.
Sirius ferma les yeux pour oublier cette hypothèse, mais se résigna à seulement prier pour que Remus se trompe. Il n'osa pas imaginer l'état de Lily. Il l'avait vue effondrée lorsque Fleamont et Euphémia étaient décédés - le couple Potter l'avait accueillie à bras ouverts et traitée comme leur fille dès leur première rencontre -, et seule sa volonté d'aider James - et lui sans doute un peu - l'avait poussée à aller de l'avant.
Plus d'un an et demi s'était écoulé depuis, la guerre avait gagné en horreur, la menace de Voldemort les avait obligés à se couper du monde, James était parfois tout juste supportable et Harry demandait une attention constante.
La perte de ses parents risquait d'être la goutte d'eau de trop.
- Tu te sens capable de supporter le voyage en moto ? demanda-t-il à Remus.
Ils avaient convenu avec James et Lily de ne plus utiliser de moyen de transport magique pour leur rendre visite. Sirius utilisait sa moto. Remus et Peter se contentaient d'envoyer des lettres par la poste moldue pour prendre des nouvelles.
Le loup-garou secoua la tête négativement.
- Je ne m'en sens pas capable et la dernière chose dont Lily a besoin c'est de me voir dans cet état. Vas-y. Tu en as fait assez, je vais me débrouiller.
Un soupir lui échappa mais il ne pouvait que se ranger à l'avis de Remus. Toutefois, s'il croyait qu'il allait l'abandonner à son triste sort, il pouvait rêver.
Il ne tenait pas à subir une remontrance de la part de James.
Sans plus prêter attention aux tentatives de Remus pour le convaincre de partir sans plus tarder, il traîna son meilleur ami à l'étage, l'aida à s'installer dans la chambre d'ami sans commenter le « Tu crois que Judy va me laisser dormir dans son lit ? » e t s'assura qu'il avait assez d'eau, de nourriture et de lecture d'ici à ce Judy revienne de son travail.
- Repose-toi, Lupin. Et tu n'as pas intérêt à disparaître où je te jure que tu vas le regretter.
Remus leva son seul œil visible au ciel mais le remercia du regard. Sirius prit le temps de prendre quelques affaires au cas où il doive passer quelques jours avec les Potter et laissa un mot à Judy sur la table du salon.
Lily a perdu ses parents et James a besoin de moi. Je risque d'être absent quelques jours.
Remus est à l'étage. Il a fait une mauvaise rencontre. Assure-toi qu'il ne te fausse pas compagnie à la première occasion. Il m'a promis de rester ici jusqu'à ce qu'il aille mieux.
Je t'embrasse,
SB.
Les trois heures de moto nécessaires pour rallier l'Ecosse par les airs lui parurent interminables et seule la perspective de tomber en panne s'il poussait trop sa mécanique l'empêcha de tenter de diviser ce temps par deux.
Il déposa sa moto au croisement de la rue où vivaient ses amis et rejoignit le portail en courant, ôtant son casque entre deux foulées.
- Patmol !
Prévenu par les charmes qui protégeaient l'endroit, James l'attendait déjà sur le pas de la porte, son fils dans les bras et une paire de cernes violacées qui rivalisaient avec celles de Remus les lendemains de pleine lune.
- Merci d'être venu, souffla-t-il.
Il leva les yeux au ciel pour lui rappeler qu'il n'avait pas besoin d'être remercier pour ça.
- Elle est ma sœur avant d'être ta femme, espèce de crétin, lui rappela-t-il.
Il se pencha et embrassa le front de son filleul qui semblait lutter contre le sommeil.
- Je vais aller l'endormir et je vous rejoins. Lily est dans le salon.
Sirius le retint par le bras.
- Remus a encore été agressé. Je l'ai soigné au mieux et il est assigné chez moi jusqu'à nouvel ordre.
Les traits de James s'affaissèrent et Sirius lut la culpabilité dans son regard épuisé.
- Aux dernières nouvelles, tu n'es pas responsable de tous les malheurs du monde, Potter ! Je me suis chargé de son cas, et les débiles qui lui ont fait ça vont amèrement le regretter. Je vais m'occuper de Lily. Va dormir un peu.
James se raidit de colère une brève seconde, mais Harry se mit à pleurer doucement et il se détourna d'un pas lourd en direction des escaliers.
Sirius se retrouva seul dans l'entrée et inspira profondément pour conjurer le courage d'aider Lily et la patience pour supporter James. Il se décida à faire un détour par la cuisine : il savait déjà dans quel état il allait retrouver Lily - prostrée dans un canapé, les yeux et le nez rouge, et son regard vert éteint - et l'expérience - consoler Lily Evans durant leur sixième et septième année avait été sa spécialité - lui avait appris qu'une tasse de chocolat chaud agrémenté de chamallows était aussi indispensable qu'une boîte de mouchoirs.
- Hey, Bichette, murmura-t-il quelques minutes plus tard en déposant une tasse fumante sur la table basse.
Lily sortit de sa torpeur avec un temps de retard et Sirius sentit son cœur se serrer en découvrant le désespoir et la douleur dans son regard.
- Hey, chuchota-t-elle en retour.
Ses yeux glissèrent vers la tasse et un mince sourire étira ses lèvres l'espace d'un instant.
- Merci.
Sirius se débarrassa finalement de sa veste de moto avant de se glisser dans la peau de Patmol. James et lui ne savaient que se consoler l'un l'autre et leur pauvre technique se résumait souvent à une bouteille d'alcool fort. Malgré son apparence d'ours, Patmol réussissait à venir à bout de toutes les larmes, surtout quand Sirius n'essayait pas de contrôler la part animale qui cohabitait avec sa conscience humaine dans le crâne du molosse. Il grimpa sur le canapé et déposa sa tête sur les genoux de Lily. La jeune femme embrassa son museau avant de le serrer un peu plus étroitement contre elle.
Des larmes ne tardèrent pas à s'échouer sur son pelage ébène. Sous sa forme Animagus, il finit par perdre le fil avec la réalité et il eut besoin que James le sorte de sa torpeur en le secoua doucement. Lily s'était endormie.
Il se dégagea en douceur, ce qui était toujours délicat compte tenu de la taille de Patmol, puis suivit son frère de cœur dans la cuisine.
- Alors ? demanda-t-il après avoir retrouvé forme humaine.
James déposa deux verres et une bouteille de Whisky moldu sur la table. Sirius remarqua qu'il avait l'air un peu moins fatigué qu'à son arrivée. Il s'installa en face de lui et remplit les verres. James passa une main à travers la collection d'épis dressés sur son crâne et eut un soupir à fendre l'âme.
- La mère de Lily appelle tous les deux jours pour avoir des nouvelles, expliqua-t-il d'une voix atone. Comme elle n'a pas téléphoné deux fois de suite, Lily s'est inquiétée et elle a laissé plusieurs messages… Sa sœur a fini par rappeler.
- Et connaissant cette harpie, elle n'a pas été tendre, vrai ?
James grimaça.
- Je suppose que ça aurait pu être pire… Iris et Henry ont eu un accident de voiture Jeudi dernier à cause du verglas et ils sont morts sur le coup.
Sirius porta son verre à ses lèvres. Les accidents de voiture étaient courants chez les moldus, et pour avoir roulé sur des routes gelés en moto, il savait qu'il n'y avait pas plus traître.
- C'est quoi la suite ?
James avala une gorgée sans que cela ne réussisse à adoucir son expression fermée.
- L'enterrement est demain.
- Tu veux que je garde Harry ?
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée d'y aller…
Sirius haussa un sourcil : il savait que James ne s'entendait pas avec sa belle-soeur, mais pas au point de refuser à Lily ses derniers adieux à ses parents.
- La mère de Rogue vit encore à Cokeworth.
Il comprit aussitôt où son frère voulait en venir. Rogue devait savoir que les Evans étaient décédés, et à la place de Voldemort, il ferait aussi le pari que Lily et James se déplaceraient pour l'enterrement. L'occasion était parfaite pour tenir la promesse de mort qu'il avait en tête.
- Qu'en pense Lily ?
- Elle veut y aller quand même.
Sirius glissa un regard en direction de sa soeur. Elle dormait encore, emmitouflée dans sa couverture rouge, mais son visage portait toujours des traces de larmes. Lily n'avait pas seulement perdu ses parents aujourd'hui, mais aussi les derniers liens qui la retenaient au monde moldu. Pétunia ne répondait plus à ses lettres depuis qu'elle s'était entichée de Vernon Dursley, plus de quatre ans plus tôt, ses grand-parents étaient tous décédés, et ses parents étaient chacun enfant unique. Elle avait besoin de dire adieu à cette partie de sa vie.
- Et si Dumbledore vous accompagne ? Voldemort n'osera jamais s'en prendre à vous. Il a trop peur de se faire botter le cul par un vieillard qui a plus du double de son âge.
- Pétunia ne va pas apprécier…
- Oh, je suis sûr que si tu lui expliques que c'est soit Dumbledore, soit prendre le risque que tous les invités se fassent massacrer, elle fera le bon choix. Elle n'est pas stupide à ce point-là ! Je garderais Harry.
James soupira, termina son verre et passa une main dans ses mèches. Il semblait plus abattu que jamais. Les morts qui s'accumulaient depuis leur sortie de Poudlard, conjuguées au stress de la guerre, n'en finissait pas d'envenimer les deuils. Il était difficile de continuer à avancer quand tout se plaisait à rappeler qu'ils pouvaient perdre quelqu'un du jour au lendemain.
Il se leva et agrippa l'épaule de son frère.
- Ça va aller, Cornedrue…
…
Mercredi 7 Janvier 1981, appartement de Cygnus Black.
Bellatrix poussa Pettigrew à l'intérieur du bureau du Maître sans ménagement et l'obligea à s'agenouiller en même temps qu'elle.
Le jeune homme trébucha maladroitement et tomba lourdement en sol. Son corps tremblant offrait un spectacle pathétique et elle ne put retenir son claquement de langue agacé.
Que Salazar lui vienne en aide, car elle allait le tuer avant que le Seigneur des Ténèbres ne lui en donne l'ordre.
- Tu peux te relever, Bellatrix, lui indiqua le Maître.
Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale au son de sa voix profonde et elle se redressa avec grâce. Ses yeux effleurèrent la silhouette Seigneur des Ténèbres un bref instant. Elle remarqua son air sombre et sut aussitôt que Pettigrew ne pourrait pas se permettre de le décevoir.
- Peter, j'ai besoin de savoir où se trouvent les Potter.
Surpris par l'entrée en matière directe du Seigneur des Ténèbres, Pettigrew sursauta violemment et releva les yeux vers lui, avant de se souvenir de la personne à qui il avait à faire.
- Je ne connais pas l'adresse avec précision, Maître. C'est Madelyn McGonagall qui s'est occupée de leur refuge et elle ne fait confiance à personne à part sa tante.
Bellatrix eut un rictus à la mention de son ennemie de jeunesse. Elle avait fait ses classes en même temps que la nièce de Minerva McGonagall. Madelyn était une stupide Gryffondor jusqu'au bout des ongles, et pétrie des mêmes valeurs que sa tante, en plus d'une langue acérée. Elle l'avait détestée dès le premier regard et le sentiment avait été très rapidement réciproque quand elle lui avait rappelé qu'elle n'était qu'une Sang-de-Bourbe lors de leur premier cours commun.
Madelyn avait répliqué avec un charme qui lui valu une méchante coupure à la lèvre.
- Je suis sûr que si tu faisais un effort, Peter, tu pourrais trouver l'adresse précise des Potter, n'est-ce pas ? N'es-tu pas l'un des plus proches amis de James Potter ? J'ai cru comprendre qu'il prêtait une confiance aveugle à ses amis. A moins qu'il ne te soupçonne déjà ?
Le ton déçu du Lord était feint - jamais il ne se serait montré aussi mielleux s'il avait été véritablement déçu du travail d'un de ses Mangemorts - mais Pettigrew mordit à l'appât tout pareil.
Il serra les poings et cessa de trembler, réagissant enfin comme un homme qu'il se targuait d'être pour la simple raison qu'un pénis pendait entre ses jambes.
Bellatrix se savait à même de lui en remontrer, et plutôt deux fois qu'une.
- James ne se doute de rien ! Si je vous donne son adresse précise, il saura tout de suite que cela vient de moi !
Sa franchise lui valut de goûter au Doloris. Il hurla au bout de quelques secondes et se tortilla sur le sol à la façon d'un vulgaire ver. Le Seigneur des Télèbres attendit qu'il supplie pour lever son sortilège
- Me crois-tu idiot, Peter ? asséna-t-il d'une voix glaciale. Penses-tu réellement que je vais lancer une attaque sur les Potter dès que je saurais l'endroit où ils se cachent ? Je sais très bien que cette petite Sang-de-Bourbe est douée en sortilège, et si Madelyn McGonagall les a aidé à poser des protections autour de leur maison, il sera difficile de les en déloger. La prochaine fois que tu auras la prétention de te croire plus malin que moi, je laisserais Bellatrix se charger de te le faire regretter.
Pettigrew étouffa ses sanglots à la menace et se redressa difficilement.
- Maintenant, où sont les Potter ?
- J'ignore leur adresse exacte, Maître. Quelque part en Écosse.
Bellatrix glissa un regard vers le Seigneur des Ténèbres et lui trouva cette expression impassible qui habillait ses traits quand il réfléchissait. Si Pettigrew mentait, il réussit toutefois à le convaincre puisqu'il se détourna.
- Les McGonagall sont originaires de là-bas, dit-il, plus pour lui que pour Pettigrew et elle.
Un silence s'installa dans l'immense bureau pendant une poignée de secondes.
- Peter, je veux que tu trouves l'adresse précise des Bones. Tu as une semaine devant toi. Passé ce délai, à chaque jour de retard, Bellatrix te rendra une petite visite et te fera amèrement regretter ton incompétence. Tu peux disposer.
Pettigrew quitta la pièce d'un pas chancelant et Bellatrix surprit le regard dégoûté que Bartémius Croupton Junior posa sur lui au moment où il passa la porte.
- Bellatrix, il te revient la charge de t'occuper des Bones.
Elle se redressa, fière qu'il lui confie une tâche aussi importante.
- Je croyais que nous avions réussi à les écarter du pouvoir ? s'étonna-t-elle toutefois.
Les Bones étaient des traîtres à la solde de Dumbledore, mais ils étaient également une grande famille de Sang-Purs et le maître ne se résignait pas facilement à les faire assassiner.
- Oswald Bones continue à manoeuvrer dans l'ombre. Son successeur est un de ses anciens collaborateurs et lui est complètement dévoué. D'après mes informations, Oswald lui envoie des directives très précises… De plus, Edgar Bones fait encore partie de cet Ordre du Phénix et son évincement de la scène politique lui permet d'avoir plus de temps à y consacrer. Si nous voulons espérer gagner, il faut absolument priver Dumbledore de tous ses appuis.
Bellatrix ne put s'empêcher d'approuver d'un signe de tête les paroles de son Maître. Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle aurait tué cette petite Antigone après avoir obtenu la démission d'Oswald Bones. Quoiqu'ils fassent, les traîtres resteraient des traîtres. Leur sang était aussi impur que celui des Sang-de-Bourbe.
- Il en sera fait ainsi, Monseigneur.
…
Jeudi 8 Janvier 1981, Cokeworth, Angleterre.
Quand il s'aperçut qu'il venait de relire pour la troisième fois la même phrase, Sirius renonça à lire le livre moldu qu'il tenait en main - un certain Tolkien dont Lily les avait dégoûtés à force de le citer à tout bout de champ durant toute sa sixième année - Il tendit l'oreille vers l'étage - où Harry faisait sa sieste - sans rien entendre qu'un silence paisible.
Il jeta un coup d'oeil à l'horloge et soupira. James et Lily ne seraient pas de retour avant au moins une paire d'heures, et il n'arrivait pas à se rassurer. Dumbledore avait accepté de les accompagner, recrutant Fabian, Gideon, Benjy Fenwick et Peter pour assurer la sécurité de l'enterrement, mais Sirius craignait quand même que Voldemort tente le tout pour le tout.
C'était la première opportunité qui lui était donnée depuis qu'il avait manqué de tuer James, près d'un an plus tôt.
Craignant de perdre patience s'il se mettait à tourner en rond, il se mit en tête de préparer des cookies. Lily adorait ça, et avec un peu de chance, il réussirait à lui en faire avaler un s'il usait de ses yeux de chiot battu. Il ouvrit bien trop de placards pour trouver ce dont il avait besoin - Lily et lui n'avaient jamais eu la même logique quand il s'agissait de ranger des ingrédients - et il tenta la première recette qu'il trouva dans un bouquin de cuisine.
Bien évidemment - parce qu'il était le fils de son père - Harry se réveilla au moment où il avait de la pâte plein les mains et une plaque de gâteaux presque cuits dans le four.
- Merde, marmonna-t-il en se précipitant vers l'évier, nettoyant ses mains le plus vite possible.
Harry commenta sa lenteur par des pleurs et il abandonna les cookies dans le four, absolument convaincu de les retrouver brûlés en revenant. Son filleul était assis dans son lit, de grosses larmes roulaient sur ses joues et un regard misérable derrière ses mèches noires. Sirius le prit dans ses bras avec douceur, essayant d'étouffer la culpabilité qu'il sentait quelque part au creux de son ventre.
Il n'avait pas été si long que ça, si ?
Tandis qu'il berçait Harry, l'odeur de brûlé vint lui chatouiller les narines et son exclamation scandalisée tira un petit rire à son filleul.
Une heure plus tard, le petit garçon s'amusait à donner des morceaux de plus en plus ridicules à Patmol, riant à chaque coup de langue qui léchait ses mains. Sirius aurait pu passer le reste de la journée à ça - il ne se lasserait sans doute jamais de son petite rire innocent et de la façon dont ses yeux verts se mettaient à briller, un mélange étrange entre la malice de James et la chaleur de Lily - mais le miroir à double sens se mit à vibrer sur la table basse. Craignant qu'il s'agisse de James, il reprit aussitôt forme humaine, arrachant un cri de surprise à Harry.
- Judy ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
La jeune femme avait un regard maussade et son sourire tordu ressemblait trop à un dangereux rictus.
- Il faut toujours menacer Lupin pour qu'il accepte de se soigner ?
Sirius leva les yeux au ciel.
- Il fait sa tête de mule ? Dis-lui qu'il aura le droit à une leçon de morale de James quand il reviendra !
Judy haussa un sourcil.
- J'ai été obligée de lui casser un doigt pour qu'il se montre raisonnable.
Sirius en perdit momentanément sa langue.
- Peu importe. Il a enfin pris sa potion anti-douleur, donc il dort comme un bébé… Pourquoi tu as des miettes partout sur le visage ?
Il s'essuya le visage avec le revers de sa main et glissa un regard vers son filleul. Harry s'amusait avec ses jouets sans lui accorder une once d'attention.
- Harry a insisté pour me donner la becquée.
Elle eut un éclat de rire.
- Tu aimes trop ce gamin pour ton propre bien. Il peut faire ce qu'il veut de toi.
Sirius ne chercha pas à la contredire : Harry s'était ménagé une place énorme dans son cœur, et il regrettait sincèrement que la guerre ait obligé les Potter à l'exil. Il ne voyait son filleul qu'une ou deux fois par mois, et était pris par surprise par tous les changements qui le transformaient en si peu de temps. Et à chaque fois, il repartait plus décidé que jamais à terminer cette guerre au plus vite.
Harry ne pouvait pas grandir dans un tel merdier.
- Comment va Lily ? demanda Judy.
- Elle tient le coup. J'espère que son harpie de sœur ne sera pas trop dure avec elle… Sans quoi je serais obligé de faire un détour par Cokeworth sur le chemin du retour.
- Pense à moi si tu veux piéger une nouvelle maison. J'ai encore plusieurs tours en réserve.
- Ne me tente pas.
Son sourire tordu étira sur ses lèvres, assorti à son meilleur regard brûlant et il eut une soudaine envie de transplaner à Londres. Il gardait un excellent souvenir de la façon dont ils avaient terminé leur virée au Square Grimmaurd.
- Bien, je vais te laisser à ton babysitting. Embrasse Lily pour moi.
- J'y manquerais pas. Je t'embrasse.
Elle lui répondit d'un clin d'oeil et le miroir lui renvoya son propre reflet.
- Bon, Harry, qu'est-ce que tu dirais d'un bon bain ? Je connais tout un tas de sortilège pour faire des bulles multicolores !
Si son filleul ne répondit pas tout de suite, il passa près d'une heure dans son bain, s'amusant des objets qu'il ensorcelait et aspergeant d'eau toute la pièce, lui y compris. Il était complètement trempé quand James et Lily revinrent de Cokeworth.
Ce qui eut au moins le mérite de faire sourire Lily, avant qu'elle ne récupère son fils, cherchant du réconfort dans un câlin que le petit garçon sembla lui rendre consciencieusement, comme s'il sentait que c'était à son tour de prendre soin de sa mère.
Sirius sécha ses vêtements d'un coup de baguette et s'appliqua à ranger la pièce, de peur que Lily ne se transforme en dragon.
- Alors ?
- Rogue était là.
- Quoi ?
James soupira et passa une main à travers ses cheveux. S'il s'en tenait à son air encore plus mal coiffé que d'habitude, il avait dû répéter ce mouvement trop de fois cet après-midi.
- Et il y avait d'autres Mangemorts ?
- Pas d'après Fol-Oeil. Il a fouillé tous les environs pendant la cérémonie.
- Qu'est-ce qu'il voulait ?
- Soutenir Lily, grinça James entre ses dents.
Sirius ne put retenir un rire mauvais. Ce crétin travaillait pour l'homme qui souhaitait voir Lily morte, autant parce qu'elle était Née-Moldu que parce qu'elle avait eu le culot de s'opposer à lui, et il venait la soutenir ?
- Tu lui as balancé ton poing dans la figure pour lui remettre le peu de cervelle qui lui reste en place, j'espère ?
- J'aurais bien aimé, mais Lily l'a giflé et je crois que c'était encore plus satisfaisant.
- Et j'ai loupé ça ? Merde !
James se fendit d'un petit sourire et Sirius lui lança un clin d'oeil, le silence entre eux devenant plus éloquent que les paroles. Il lut sur le visage de son frère que l'enterrement avait été difficile, et qu'il était inquiet pour Lily, parce que la perte de ses parents étaient une dure épreuve au milieu de cette guerre, et qu'elle et lui étaient désormais orphelins.
Ils n'avaient plus de bras protecteurs où se réfugier si la guerre devenait encore plus cruelle.
Sirius s'approcha pour attirer son frère dans une étreinte qui se voulait virile, mais qui était sûrement leur façon à eux de se dire je t'aime sans avoir à paraître trop sentimental.
Il attendit que James desserre sa prise autour de ses épaules pour reculer, se glissant dans la forme de Patmol pour rejoindre Lily dans sa chambre. Il délogea le chat - une horrible boule de poils d'un gris douteux qu'elle avait baptisé Minas, et que James surnommait Menace depuis le début à cause du sale caractère du félin - et se lova contre le flanc de sa sœur. Lily se redressa pour l'embrasser sur le dessus du crâne avant de reprendre la berceuse qu'elle chantonnait à Harry, toujours agrippé à elle.
…
Vendredi 9 Janvier, Hôpital Sainte Mangouste, Londres.
Bellatrix se dirigea directement vers les escaliers d'une démarche assurée pour ne pas attirer l'attention du pléthore de Guérisseurs et d'Infirmières qui passaient d'une personne à une autre pour trier les patients et les orienter vers le bon service.
Elle n'avait pas de temps à perdre en paperasse inutile ou en babillages qui ne lui apprendraient rien de plus que ce qu'elle savait déjà.
Elle gagna le quatrième étage de Sainte Magouste sans que personne ne lui adresse la parole, mais marqua une pause en arrivant sur le palier, incertaine de la salle à visiter en premier pour retrouver au plus vite son beau-père.
- Je peux vous aider ? lui demanda une petite infirmière au visage avenant mangé par une pair d'yeux bleus beaucoup trop grands.
- Je cherche Ranatus Lestrange. Il a été admis ce matin.
- Il est dans la salle au fond du couloir, à droite.
Elle remercia la jeune femme d'un signe de tête et s'éloigna aussitôt.
Rodolphus et Rabastan étaient déjà au chevet de leur père. Son mari était installé sur le seul fauteuil disponible et son jeune frère semblait mener la garde au pied du lit.
Ranatus, pâle comme la mort, semblait en proie à une grande souffrance. Il se tenait la poitrine et respirait par à coup. Elle prit place sur le bord du lit avec délicatesse et saisit la main qui serrait le drap avec obstination.
Son beau-père ouvrit les yeux à son contact et elle eut la fugace impression que les traits de son visage se détendaient, comme si la voir soulageait sa douleur.
- Bellatrix…
- Comment vous sentez vous, Ranatus ?
- Ma foi, pas… très bien.
Elle raffermit sa prise sur sa main et l'assortit d'un petit sourire compatissant, avant de jeter un coup d'oeil à son mari. Elle reconnut l'inquiétude dans son regard malgré le masque impassible qui gardait ses pensées.
- Je vous laisse en bonne compagnie, père. Stan et moi allons aller discuter avec les Médicomages. Peut-être ont-ils des nouvelles.
Bellatrix se retrouva seule avec son beau-père sans en ressentir de gêne. Elle avait tissé une relation filiale avec lui au cours des années, et se sentait bien plus proche de lui qu'elle ne l'avait été avec son propre père.
Ranatus savait reconnaître sa valeur, ce que son père n'avait jamais appris à faire.
- Avez-vous besoin de quelque chose, Ranatus ? De l'eau ? De redresser vos oreillers ? Je peux vous faire la lecture de La Gazette si vous voulez.
Ranatus secoua la tête et posa sa deuxième main sur la sienne.
- Votre… présence… me suffit… ma chère…
Elle soupira en le voyant lutter pour murmurer deux mots d'affilée.
- Je vais retrouver celui qui a osé s'attaquer à vous, Ranatus. Il paiera très cher son acte de rébellion.
Un vague sourire étira les lèvres fines de l'homme.
- Votre fougue… est… ce que… je préfère… chez… vous… Bellatrix. J'ai… toujours… admiré… votre… force… de… caractère… Je… regrette… que… mon fils… et vous… n'aayez… pas… eu… d'enfants… Vos… sangs… mêlés… auraient… fait… des merveilles.
Bellatrix déglutit un peu trop bruyamment et il sembla se rendre compte du malaise qu'il avait provoqué.
- Ne… vous… méprenez pas… ma chère… Bellatrix. Je ne… vous en… veux pas… Vous… connaître… est un… bonheur qui… me suffit.
- Rodolphus et moi finirons par prolonger votre lignée, affirma-t-elle avec conviction.
Ranatus hocha la tête.
- Je sais… qu'Il vous… a accordé… son aide… Je ne… serais… peut-être… plus là… pour assister… à cela.
- Ne dites pas de telles absurdités, Ranatus. Vous êtes dans la force de l'âge ! Ce maléfice ne suffira pas à vous enterrer, nous le savons tous les deux.
Une grimace de douleur déchira le visage de son beau-père, et Bellatrix comprit qu'il avait sauvé les apparences devant ses deux fils pour ne pas les inquiéter.
Elle se fit la promesse de retrouver la personne qui avait piégé ce courrier avec un maléfice aussi puissant et de lui faire payer au-delà de ses attentes.
Elle avait beaucoup trop de respect et d'affection pour son beau-père pour laisser quelqu'un s'en prendre à lui et s'en sortir impuni.
- Je compte… sur vous… pour… veiller… sur mes… garçons… Bellatrix. Vous… êtes… la… seule… en qui… j'ai… entièrement… confiance.
- Je vous le promets, Ranatus.