
Chapter 13
« Love is our resistance
They'll keep us apart and they won't stop breaking us down
Hold me
Our lips must always be sealed »
( Resistance - Muse )
Lundi 3 Novembre 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.
Dès que sa maison fut en vue, Sirius relâcha la poignée des gazes et laissa sa moto ralentir tandis qu'il remontait la rue. Comme prévu, Remus et Peter étaient déjà arrivés puisqu'ils avaient transplané et les attendaient devant son portail, l'air exténué mais fiers d'eux.
Il s'immobilisa à leur hauteur et Judy descendit souplement de la place arrière. Elle ôta son casque, libérant une cascade de boucles blondes, et lui dédia un sourire qu'il qualifia d'arrogant.
Cette nuit, Remus, James, Peter et lui avaient tout simplement trahi l'Ordre du Phénix, risquant non moins que les éternelles représailles de Fol-Oeil, en se laissant manipuler comme des premières années de Poufsouffle, et Judy se pavanait comme si elle avait gagné à la loterie.
- Arrêtez avec vos têtes d'enterrement les gars… Si vous vous taisez, le reste de votre petit club n'en saura jamais rien ! Et avouez que sans moi, vous y seriez encore !
Sirius échangea un regard avec ses deux meilleurs amis et s'abstint de tout commentaire. Judy avait sûrement raison - ils avaient usé de sortilèges de discrétion pour pouvoir glisser le numéro de leur journal entre les pages de l'édition de La Gazette sans que les Elfes ne s'en aperçoivent, ce qui avait aussi nécessité un léger sortilège de Confusion. Si ce dernier était la spécialité de Peter, Remus n'était pas assez endurant après avoir passé ces dernières semaines à tenter l'impossible pour rallier les loups-garous à leur cause, et il fallait quelqu'un pour faire le guet, un rôle qui lui était revenu.
Lily étant exclue, James privé de mission à risque depuis celle où il avait bien fallu mourir, et les autres membres de l'Ordre tenus à réparer les dégâts causés par la dernière déclaration publique de Lord Voldemort, il n'y avait plus eu que Judy pour les aider.
- Lunard et moi, on a décidé d'accuser Sirius si on vient à être découverts, répliqua Peter.
- Merci pour la solidarité les gars, marmonna-t-il en réponse.
Il leva un à un les sortilèges qui protégeaient sa maison et retrouva sans surprise James et Lily dans son salon. Un petit-déjeuner digne d'un hôtel les attendait, ainsi que quelques paquets emballés de rouge et d'or.
- Joyeux Anniversaire Patmol ! chantonna le couple Potter en l'apercevant.
Avant qu'il n'ait eu le temps de dire merci, ses trois Maraudeurs de meilleurs amis se lancèrent dans une interprétation très bruyante et très fausse de la chanson du Joyeux Anniversaire moldu, sous les rires de Judy et Lily. Il se laissa guider par Peter jusqu'au fauteuil préféré de son Oncle Alphard, Judy s'installa sur l'accoudoir et les quatre autre se tassèrent sur le canapé.
- De notre part à tous ! fanfaronna James en déposant le plus gros paquet devant lui.
Sirius haussa un sourcil suspicieux et vérifia rapidement si son cadeau n'était pas piégé (ce qui ne serait pas une première). Il détailla ensuite les différents produits que contenait la boîte avec étonnement : une petite-boîte de pétard qui explosait quand on les laissait tomber, de la poudre pour faire de la gelée, du produit moussant, une lotion décolorante, de la colle translucide, du vernis à ongles, plusieurs paquets de verres en plastique, des bâtons de colle, un boîtier noir dont il ignorait la fonction, un sachet de poudre urticante et une bouteille de sirop.
En relevant la tête, il croisa le regard brillant de James, celui qui avait toujours annoncé un mauvais coup à Poudlard.
- Je sais de source sûre que Walburga Black est en déplacement à Édimbourg jusqu'à demain…
Si la stupeur le laissa la bouche entrouverte, il ne tarda pas à faire le lien entre tous les articles devant lui et Judy. Quand il se tourna vers elle, elle lui adressa un clin d'oeil.
- Burt et moi, on se livre une guerre sans merci à chaque 1er avril. J'ai en stock un très grand nombre de blagues tordues… Et je crois que ce serait bien mérité.
Il répondit à son ton plein de défi par un sourire en coin avant de déposer un rapide baiser sur ses lèvres.
Son geste n'échappa à aucun de ses quatre amis, James en tête, et il trouva un sourire stupide sur le visage de son frère de cœur tandis qu'il lui tendait un nouveau présent.
- Tu as cinq ans d'âge mental.
- Et demi, répliqua-t-il avec un aplomb qui aurait fait bondir Euphémia Potter.
- Crétin.
- Moi aussi je t'aime.
- Va te faire foutre.
- J'ai toujours su que tu étais un grand romantique, Sirius.
Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais fut coupé par le ton affable de Remus :
- Les garçons, soyez sages.
Outre la promesse de pouvoir piéger le Manoir Black à la façon moldue sans prendre le moindre risque, il reçut plusieurs cassettes de groupes de rocks de la part de Lily, une boîte à outils pour s'occuper de sa moto, une nouvelle paire de jeans, un coup de poing américain en acier et un assortiment de chocolats de chez Honeyduck. Bien entendu, Cornedrue, Lunard et Queudver lui offrirent un cadeau destiné à Patmol et il grogna en découvrant la médaille accrochée à un collier rouge, clouté de pointes d'acier dorées. D'un côté, on pouvait lire Patmol, de l'autre, Judy Adler. La jeune femme tenta de leur arracher une explication mais le serment des Maraudeurs résista à sa curiosité, même si Sirius était certain qu'elle ne donnait l'impression de se résigner que pour mieux insister plus tard.
Après un solide petit-déjeuner et une bonne douche, ils reçurent un hibou de la part de Dumbledore leur annonçant que leur opération de la nuit était un véritable succès : toute la communauté sorcière ne parlait plus que du numéro de leur journal. Comme il faudrait s'attendre à des représailles de la part de Voldemort, il précipita son départ pour le Manoir Black.
…
Lundi 3 Novembre 1980, Manoir Lestrange.
Bellatrix déchira calmement l'exemplaire de La Gazette du Sorcier avant de le jeter dans le feu ronflant de sa cheminée d'un geste délicat.
Elle ne devait pas prendre cet affront personnellement. Le Maître lui avait ordonné de ne rien faire. Il fallait qu'elle oublie pour un temps que son traître de cousin était derrière cette nouvelle provocation : elle ferait en sorte de lui faire payer son choix d'allégeance la prochaine fois que leurs routes se croiseraient.
- Bellatrix ?
Elle releva les yeux vers son mari qui, installé à la table pour terminer son petit-déjeuner, la fixait avec surprise. Elle roula les yeux mais ne put retenir un léger sourire en coin.
- Notre petite taupe nous a tenu informés du plan de l'Ordre du Phénix. Le Maître a décidé de laisser couler.
Rodolphus en fut d'abord étonné, puis joua avec son bouc parfaitement taillé, signe d'une profonde réflexion.
- Je croyais qu'il voulait anéantir l'Ordre de l'intérieur ?
- Je le pensais également… Il ne m'a pas expliqué les raisons de Sa décision.
Et elle ne s'était pas permis de lui demander, même si l'ordre de ne rien faire lui avait causé une intense colère qu'une nuit passionnée avec Rodolphus avait tout juste contenue.
- Père m'a avoué à demi-mot que notre Seigneur avait évoqué un moyen d'augmenter encore ses pouvoirs.
Bellatrix se surprit à se demander si son Maître pouvait réellement devenir plus puissant qu'il ne l'était déjà, puis frémit à cette idée : si tel était le cas, leur victoire était assurée. La Cause vaincrait et l'Ordre Nouveau pourrait enfin voir le jour.
- Peut-être compte-t- Il tuer Dumbledore une fois que ses pouvoirs seront à leur apogée, supposa-t-elle en venant le rejoindre à la table. Privée de son chef, l'Ordre du Phénix se délitera de lui-même.
- Pourquoi avoir tant insisté pour avoir une taupe dans ce cas ?
Un soupir lui échappa : elle n'en avait pas la moindre idée. Elle s'était toujours fait un honneur d'exécuter les ordres du Seigneur des Ténèbres, même quand elle les désapprouvait, et ne cherchait pas à deviner les raisons qui poussaient son Maître à les lui donner. Le Seigneur des Ténèbres n'était- Il pas leur guide ? Il avait certainement élaboré un plan où le rôle de Peter Pettigrow serait pleinement justifier.
Par la force de son prodigieux entêtement, elle dénia au doute le droit de se glisser dans son cœur. Elle avait remis en Lui toute sa foi de voir un jour le Royaume-Uni débarrassé de cette vermine moldue. Il ne pouvait échouer.
- Je vais aller prendre un bain, dit-elle finalement en se levant.
Rodolphus sortit de ses pensées et la détailla, ses yeux bruns plus sombres encore que d'ordinaire.
- Je suppose qu' Il t'a chargée d'organiser une descente pour répondre à Dumbledore ?
Elle hocha la tête, un nouveau sourire sur les lèvres.
Carnassier.
- Je n'attends personne avant plus de deux heures…
…
Lundi 3 Novembre 1980, Square Grimmaurd, Londres.
Il déposa sa moto à deux rues de sa destination finale, devant une vieille bicoque que le voisinage disait hantée, mais qui tenait encore debout malgré les années. Plus jeune, il en avait fait son refuge pour échapper à la surveillance de sa mère et à l'atmosphère étouffante du domicile familiale, du moins jusqu'à ce que Bellatrix ne découvre sa cachette.
Cela faisait maintenant près de six ans qu'il s'était enfui de Square Grimmaurd, emmenant avec lui tout ce que sa malle avait pu contenir. Rien n'avait vraiment changé, à part les modèles des voitures moldues garées le long des trottoirs. Il reconnut quelques noms sur les boîtes aux lettres et une vieille dame lui sembla vaguement familière. Avisant sa dégaine, elle traversa la rue en les apercevant et Sirius s'en trouva étonnamment flatté : les Black avaient posé leur Manoir dans l'un des quartiers les plus huppés de la capitale et même si Walburga ne le reconnaîtrait jamais, ses voisins étaient encore plus coincés qu'elle.
- Tu as vraiment grandi ici ? demanda Judy.
Il eut une grimace.
- Ouais. Attends un peu de voir le Manoir.
Il lui sembla qu'elle répétait le mot manoir comme pour se convaincre qu'elle avait bien entendu. Bientôt, les numéros 11 et 13 apparurent. Il s'arrêta pour se concentrer sur le 12, espérant qu'avoir été renié ne l'empêcherait pas de briser le sortilège rendant la maison incartable.
Le manoir surgit de nul part et Judy fit un bond à ses côtés.
Il fut tenté de passer par la porte d'entrée avant de se souvenir que sa génitrice avait pour règle stricte de toujours s'enfermer. Il détailla la façade avec attention, réalisant avec une grimace qu'il aurait dû emmener son balai pour passer par la fenêtre de la bibliothèque, l'une des rares de la maison qui s'ouvrait facilement de l'extérieur.
Du reste, il y avait personnellement veillé.
- Tu es assez mince pour passer par un des vasistas du sous-sol. Si tu croises l'Elfe de Maison, Stupéfie-le puis viens m'ouvrir la fenêtre du boudoir au rez-de-chaussée. Ne fais pas de bruit dans le hall d'entrée, les tableaux sont infernaux.
Judy le dévisagea, l'air incrédule, avant de retrouver ses moyens et de le fusiller du regard.
- C'est tout ?!
- J'ai cru comprendre que c'était ton idée, Adler, et c'est mon anniversaire…
- C'est James qui a eu cette idée.
- Tu sauras à qui en vouloir alors.
Il lui fallut plusieurs essais avant de réussir à ouvrir le vasistas. Judy l'aida à faire sauter la tige métallique qui le maintenait entrouvert, puis elle se glissa par l'ouverture, les pieds en avant et sa baguette magique brandie.
La poignée de minutes qui s'écoulèrent ensuite lui parut interminable. Pour avoir grandi au Manoir, il savait à quel point il regorgeait de pièges. Il espérait ne pas s'être trompé en estimant que le sous-sol - où Orion conservait d'inestimables grands crus de vin d'Elfes et de vieilles cuvées de Whisky Pur Feu - était moins protégé que durant ses jeunes années, puisque Walburga avait toujours eu en horreur d'y descendre. A mesure que le temps s'étirait, il se résigna presque à devoir forcer la porte d'entrée dans l'éventualité où Kreattur aurait réussi à intercepter Judy.
La fenêtre la plus à gauche de la maison s'ouvrit subitement et Judy lui tendit la main pour l'aider à la rejoindre.
- Tu as été longue !
- Ton foutu Elfe m'a sautée dessus ! grogna-t-elle en lui montrant sa main ensanglantée. J'ai dû lui foutre deux coups de poing avant qu'il ne me lâche.
- Un Stupéfix aurait suffi, dit-il en fermant la fenêtre.
- C'est un réflexe. C'est glauque ici.
Il regarda autour de lui et ne put qu'opiner en détaillant le boudoir où Walburga avait organisé d'innombrables goûters. La pièce était bien sûr immaculée - sans quoi Kreattur aurait été décapité - mais l'ordre trop parfait témoignait d'une absence totale de vie.
- Par quoi on commence ? demanda-t-il en ôtant son sac à dos.
Judy lui offrit un sourire torve et il comprit très vite qu'il allait devoir se méfier d'elle au prochain 1er Avril.
Elle commença par la cuisine et versa de généreuses rasades de sirop dans tous les récipients contenant un quelconque liquide, tandis qu'il s'appliqua à enfermer Kreattur dans sa cachette favorite, bardant la porte de nombreux sortilèges pour l'empêcher de sortir une fois qu'il aurait repris conscience.
- C'est du laxatif, expliqua-t-elle. Prends les boîtes de poudre et va les verser dans les toilettes. Le temps qu'elle revienne, la gelée aura prise et les toilettes seront complètement bouchées.
Il s'exécuta avec plaisir et rejoignit le premier étage en prenant bien garde d'éviter les marches grinçantes de l'escalier. Il croisa son reflet dans le miroir en entrant dans le petit cabinet de toilette et déglutit difficilement : une part de lui était véritablement euphorique quant à la raison de sa présence ici - savoir que Walburga allait piquer une crise de nerf lui apportait une immense satisfaction - mais pour le reste, se retrouver entre ces murs lui laissait une étrange impression au creux du ventre et une profonde envie de vomir.
Comme si Walburga risquait d'apparaître à tout moment pour le surprendre la main dans le sac. La vengeance qu'elle lui infligerait alors rendrait bien pâle le Doloris qu'il avait reçu à Glasgow cet été.
Il serra les dents pour éloigner ses mauvais souvenirs et déchira la petite boîte de carton avant de vider la poudre translucide dans la cuvette des toilettes.
Il détestait chaque centimètre carré de cette foutue maison et il était certain que le nombre de bons moments qu'il y avait passé se comptaient sur les doigts de ses mains.
Le 12 Square Grimmaurd avait toujours été une prison à ses yeux et ses géniteurs des geôliers particulièrement cruels.
Un craquement dans le couloir lui indiqua que Judy approchait et il ricana en lui trouvant une grimace dégoûtée sur le visage.
- Des têtes d'Elfes ?!
- Tradition familiale.
- Je commence à penser que c'est une bonne chose qu'ils t'aient renié. Fixe les pétards sous le battant des toilettes.
Sirius s'y attela aussitôt tandis qu'elle démontait le tuyau sous le lavabo avec autant d'efficacité que lorsqu'elle faisait de la mécanique. Elle y inséra un sac plastique transparent rempli de produit moussant avant de le remettre en place. Après avoir découpé soigneusement le plastique qui dépassait, personne ne pouvait soupçonner qu'en ouvrant l'eau, la pièce allait se remplir de bulles de savon.
- J'aurais presque envie de rester pour voir sa réaction.
- Pour en avoir été la victime, c'est une horreur. Elle a un loisir quelconque ?
- Faire pleurer les vendeuses du Chemin de Traverse.
- Quoi ?!
Il eut un sourire en coin avant de reprendre.
- Elle brode un peu aussi.
Il la conduisit dans le grand salon deux portes plus loin. La pièce était toujours aux couleurs de Serpentard. Le piano avait été changé par un plus luxueux - que personne ne joue dessus n'avait pas d'importance - et les canapés en peau de dragon faisaient face à la cheminée. Le secrétaire de Walburga était consciencieusement fermé et il oublia aussitôt l'idée de le forcer.
Il préféra imiter Judy : elle emballait soigneusement les objets à sa portée dans du film plastique transparent, les recouvrait de colle, puis les fixait au plafond. Sirius refusa qu'elle touche aux objets entreposés dans la vitrine derrière le piano.
- Il y a plusieurs trucs ensorcelés là-dedans. Je ne veux pas que tu termines à Sainte-Mangouste.
Ils allaient rejoindre le second étage pour piéger la deuxième salle de bain, quand Judy remarqua la tapisserie qui jouxtait la porte. Elle s'en approcha et passa quelques secondes à la détailler avant de poser son doigt sur la marque de brûlé à côté du nom de Regulus. Il serra les poings en voyant la date de décès de son petit frère, preuve que Narcissa ne lui avait pas menti. Il avait demandé à Fol-Oeil d'essayer de déterminer ce qui lui était arrivé, mais à part la rumeur d'une désertion fatale, l'Auror n'avait rien réussi à apprendre de plus. Sirius continuait donc à arpenter les batailles en espérant que le salaud qui avait liquidé Regulus finirait comme lui.
Judy ne commenta pas son silence obstiné et se contenta d'attraper sa main droite aux jointures blanchies avant de déposer un baiser à la commissure de ses lèvres.
- On continue, Sirius ? J'ai vraiment envie que Walburga Black passe une très mauvaise semaine.
Il étouffa sa rancoeur avec sa fierté et lui emboîta le pas.
- Semaine ?
- Si on se débrouille bien, oui.
Toutes les salles de bain subirent donc le même traitement que la première, Judy bloqua les poignées de toutes les pièces en vidant un tube de colle forte dans le mécanisme. Il l'aida à remplacer les contenus des potions esthétiques par des produits qui allaient lui blanchir les cheveux, couvrir sa peau de boutons, brunir ses dents et augmenter sa pilosité. Judy découpa allègrement de larges trous dans la dizaine de robes favorites Walburga et cacha plusieurs morceaux de viande avariée au fond de la penderie. Pour finir, elle déposa de la poudre urticante sur chaque pile de vêtement et usa de son dernier tube de colle pour s'assurer que la porte resterait fermée un bon moment.
Il crut qu'elle en avait terminé quand il la vit s'arrêter pour contempler la pièce, mais elle fouilla à nouveau dans son sac pour en sortir une boîte contenant terre et asticots qu'elle vida sous les oreillers.
- Alors ? demanda-t-elle en se tournant vers lui, son sourire tordu sur les lèvres et le même air suffisant que le matin même.
Sans laisser une seule chance à son cerveau de trouver quelque chose d'intelligent à répliquer - et doutant sincèrement d'en être capable -, il plaça les mains de part et d'autre de son visage et l'embrassa passionnément. Quand elle répondit volontiers à son baiser, il sentit ses pensées perdre toute cohérence et il s'abandonna complètement. Il oublia qu'il se trouvait 12 Square Grimmaurd, qui plus est dans la chambre de sa génitrice. Il n'y avait plus que Judy et lui, leurs deux corps pressés l'un contre l'autre et la chaleur qui se diffusait dans ses veines, chassant la fatigue d'une nuit blanche passée à combattre Voldemort et le malaise d'être de retour dans la maison qui l'avait vu grandir. Il n'avait jamais mieux troublé le silence du Manoir qu'en arrachant des soupirs et des gémissements de plaisir à une Née-Moldue dans la maison de ses ancêtres, et il regretta l'espace d'un moment de conscience qu'ils ne se soient pas embrassés dans le hall, à la vue de tous les tableaux, à commencer par celui de Walburga. Qu'en auraient-elles pensé, ces vieilles gargouilles, de voir un homme Black complètement à la merci d'une femme et d'aimer ça ?
Le bruit mat que fit son corps en heurtant le bâtant de la porte les ramena soudainement à la réalité et Sirius tenta de reprendre son souffle tout en résistant à l'envie de prendre possession des lèvres de Judy, gonflées par leurs baisers. Sa main quitta ses cheveux pour sa nuque et Judy pressa son front contre le sien. Sirius ne fut pas surpris de le trouver plus sombre que d'ordinaire.
- Tu ne m'as pas répondue… souffla-t-elle.
Sa voix hachée manqua de lui faire perdre le fil une fois de plus.
- Je crois que j'ai bien failli te demander en mariage, Adler, mais je garde ça pour le moment où je recevrais la lettre de Sainte Mangouste m'annonçant son internement définitif.
- Je préfère te prévenir maintenant : ce sera non, marmonna-t-elle.
Il eut un éclat de rire et bascula la tête en arrière pour se soustraire à son souffle brûlant qui menaçait de l'emporter trop loin compte tenu de leur contrat.
- J'ai bien dit failli.
A sa plus grande surprise, elle étouffa un juron et il baissa les yeux vers elle, juste pour lui trouver ce visage fermé qui la trahissait à chaque fois qu'elle essayait de garder son self-contrôle.
- Un problème Adler ? murmura-t-il en déposant un baiser sur sa joue, presque à la commissure de ses lèvres, bravant le risque de recevoir un coup de poing en la poussant dans ses derniers retranchements.
- Tu deviens beaucoup trop attirant quand tu ris, Sirius Black, siffla-t-elle les dents serrées.
- Il faut bien que je te rende la pareille. Tu as diaboliquement sexy, Judy Adler, quand tu agis en Serpentarde sournoise.
Sa prise se resserra sur sa nuque et il l'attira contre lui, sa main épousant parfaitement le léger creux en bas de son dos.
- Ta chambre, souffla-t-elle, sa voix de nouveau hachée.
- Quelle chambre ?
- Tu dois bien avoir une chambre dans cette foutue baraque !
Il y avait une urgence dans sa voix qu'il découvrait pour la première fois et l'afflux de sang qui lui arriva brusquement au cerveau manqua de le faire tituber.
- A l'étage, réussit-il à articuler.
Sa conscience lui rappela vaguement que Judy et lui avaient passé un certain accord, et sa prodigieuse fierté l'obligea à le lui rappeler.
- Mais… ?
- Pas aujourd'hui.
…
Mardi 4 Novembre 1980, Manoir Lestrange.
- Lady Lestrange, Madame, Lady Malefoy vient d'arriver.
Malgré l'heure tardive qui ne ressemblait pas à sa cadette, Bellatrix referma le Grimoire de Magie Noire qu'elle étudiait depuis près d'une heure et fit signe à Numéro 2 - à moins qu'il ne s'agisse de Numéro 4 - de faire entrer sa sœur. Elle n'eut pas à attendre longtemps : les talons de Narcissa annoncèrent son entrée.
Elle se leva pour l'accueillir mais se figea quand elle croisa le regard ombragé de sa jeune sœur, avant de placer un massif canapé entre elle deux quand elle réalisa que Narcissa contenait sa colère évidente derrière un sourire glacial.
- Cissy, que me vaut le plaisir ? la salua-t-elle avec diplomatie, cherchant ce que pouvait bien lui reprocher sa cadette.
Elle ne l'avait pas revue depuis leur rendez-vous avec le Lord une semaine plus tôt, et l'attaque qui avait eu lieu l'avant-veille exceptée, elle n'avait pas quitté le Manoir.
- N'avais-tu pas promis à Tante Walburga que tu renforcerais les protections du Manoir Black ?
Sa promesse ne lui revint pas tout de suite en mémoire et elle dut réfléchir intensément pour retrouver le moment où elle avait pu dire une telle chose, sûrement pour que Walburga cesse de l'agacer avec sa paranoïa grandissante.
La mort de Regulus semblait avoir emporté une part de son bon sens.
La mort de Regulus !
Walburga était inquiète que Sirius clame le Manoir, puisqu'il était désormais le dernier homme de la lignée à porter le nom Black, et que le titre de Chef de famille pourrait très bien lui revenir s'il portait sa requête au Magenmagot.
Elle doutait très sincèrement que son traître de cousin ait la moindre envie de faire une telle chose, puisqu'il déclarait à tout bout de champ qu'il haïssait la famille dans laquelle il était né, mais Walburga s'était montrée particulièrement insistante.
- Il se pourrait en effet que je m'y sois engagée. Pourquoi ?
Narcissa eut un bref sourire mauvais, son regard toujours aussi polaire.
- Walburga a fait irruption dans ma salle à manger soutenue par Kreattur. Elle était au bord de la crise de nerf ! Quelqu'un - et nous savons toutes les deux qui - a piégé tout le Manoir Black !
Bellatrix sentit une vague de colère chasser la légère inquiétude provoquée par l'arrivée de sa sœur. Un frisson de mauvais augure remonta le long de sa colonne vertébrale et le verre de vin posé sur la table basse éclata, éclaboussant de rouge l'ouvrage du Seigneur des Ténèbres. Elle s'obligea à inspirer profondément pour ne pas perdre une seconde fois le contrôle sur sa magie et fit de nouveau face à sa cadette.
L'expression glacée de Narcissa lui fit comprendre qu'elle n'en avait pas fini avec elle :
- Je vais aller retrouver notre Tante et m'assurer qu'elle reprenne ses esprits. Il vaudrait mieux pour toi que le Manoir soit en état au plus vite ! Lucius n'apprécie guère d'avoir des visiteurs ces derniers temps !
Narcissa n'attendit pas sa réponse pour tourner les talons et prendre la direction de la grande cheminée qui trônait dans le Hall.
Il lui fallut plusieurs minutes et tout le sang-froid que le Maître lui avait appris à développer au cours de leurs séances de travail pour ne pas laisser la colère emporter tout son bon sens.
Sirius paierait pour cet affront, comme il paierait pour tous les autres. Lorsqu'il avait refusé de prêter allégeance au Maître et à la Cause l'été de ses seize ans, Bellatrix avait promis au Seigneur des Ténèbres qu'elle s'occuperait de purifier sa famille. Les traîtres trouveraient peut-être une rédemption illusoire auprès du Lord Noir, mais elle ne permettrait pas à son cousin d'en bénéficier. Sa défection avait accablé le nom des Black, et Regulus n'avait été d'aucune aide pour redorer leur réputation.
Au fil des années, Sirius n'avait fait que prouver à quel point il n'était qu'un individu déviant et sans nul doute stupide. Seule la protection de Dumbledore et une chance insolente expliquait qu'elle ne l'ait pas encore éliminé.
Il était désormais certain qu'elle lui réserverait un sort pire que la mort.
- Elfs !
Son cri fut suivi par cinq discrets pop. Tous ses serviteurs, Numéro 1 excepté, fixaient la pointe de leurs pieds.
- Vous allez me suivre au Manoir Black, Square Grimmaurd, à Londres, et faire en sorte que tout soit en ordre avant le lever du soleil. Je superviserai personnellement votre travail.
Un frisson secoua l'un d'eux, mais ils acquiescèrent dans un même ensemble.
Avant de rejoindre la demeure ancestrale des Black, Bellatrix prit le temps de nettoyer le Grimoire de Magie Noire et laissa une note à son mari.
Elle pensait avoir une petite idée de ce qui l'attendait. Ses deux dernières années d'études à Pourdlard avaient été ponctuées par les blagues inspirées de Sirius et de ses trois amis. Plus tard, Walburga n'avait jamais cessé de se plaindre des nombreuses lettres qu'elle recevait - parfois quotidiennement - faisant état de la dernière bêtise de son aîné. Il y avait donc de bonnes chances pour que Walburga ait essuyé le pire de la tempête de sortilèges.
Elle n'avait pas prévu que Sirius pousse le vice à un tel point.
En quittant la cheminée, elle s'enfonça jusqu'à la cheville dans un liquide poisseux dont se dégageait une odeur pestilentielle et ruina l'une de ses paires de chaussures favorites. Aucun des sortilèges qu'elle utilisa ne la débarrassa complètement de la puanteur. Quand elle voulut se laver les mains dans la salle de bain du premier étage, une mousse abondante s'éleva du lavabo, puis de l'eau se déversa sur ses vêtements. Manquant de glisser, elle se rattrapa aux toilettes. Une série de coup secs la prirent par surprise et sa main plongea dans une mixture gluante.
Toutes les portes étant bloquées par tout autre chose qu'un sortilège, et elle dut se résoudre à faire exploser les poignées, ce qui allait lui coûter une fortune à faire remplacer puisqu'elles étaient toutes en argent - folie de son arrière-grand mère -. Le grand salon n'avait pas subit trop de dommages à part une collection d'objets collés au plafond, dont elle chargea ses Elfes de s'occuper. A sa grande surprise, aucun objet de valeur n'avait disparu et la Tapisserie n'avait pas été vandalisée. Elle gagna les étages et se méfia de chaque pièce d'eau avec raison, même si le mal était fait. Une odeur repoussante s'échappait de la chambre de sa Tante et elle n'osa pas entrer, jusqu'à ce que Numéro 1 vienne la chercher pour ouvrir la penderie.
Les remugles qui l'agressèrent faillirent la faire vomir et seule la certitude de ne pas trouver une seule salle de bain en état de fonctionnement la retint.
Par acquis de conscience, elle monta dans les anciennes chambres de Regulus et Sirius. Si celle du cadet ne semblait même pas avoir été ouverte, le lit défait dans celle de Sirius lui appris que son cousin n'avait pas agi seul. Elle se demanda une folle seconde s'il n'avait pas forniqué là avec un de ses amis - les mœurs des loup-garous lui étaient complètement inconnus et une telle infamie ne l'étonnerait guère - mais elle trouva un soutien-gorge à peine dissimulé dans les draps défaits, auquel était attachée une note :
Sang-de-Bourbe et fière de l'être.
Judy Black.