Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
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Chapter 10

Première Partie : Stars

« Well you see her when you fall asleep
But never to touch and never to keep
'Cause you loved her too much
And you dived too deep »

(Let Her Go - The Passanger)

 


Samedi 25 Octobre 1980, QG de l'Ordre du Phénix, localisation inconnue.

Sirius saisit le verre que lui tendait Fabian Prewett et commença à boire le champagne qu'il contenait sans l'apprécier. La fête donnée à l'occasion de la mort des Mangemorts Rosier et Wilkes battait son plein dans le quartier général de l'Ordre du Phénix. Adossé contre le mur de la pièce qui accueillait les réunions de l'Ordre, Sirius n'arrivait pas à se réjouir de cette nouvelle inespérée : aucun Mangemort n'était tombé depuis la Guerre des Géants, terminée plus de trois mois plus tôt, et voilà que les Aurors faisaient d'une pierre deux coups.

L'utilisation des Impardonnables a montré son utilité.

Le pays tout entier avait accueilli l'annonce avec soulagement, même si l'on craignait les représailles de Voldemort. Le Mage Noir avait en effet l'habitude d'intensifier ses vendettas pour venger ses morts, quoiqu'il lui en coûte.

- Hé bien Patmol ! T'en fait une de ces têtes !

- Je digère mal la Pleine Lune d'il y a deux jours. Tu seras gentil de ne pas trop forcer sur la caféine en fin de mois, Lunard.

Son loup-garou de meilleur ami lui envoya une tape amicale dans l'épaule qui manqua de lui faire lâcher sa coupe.

- Tu vieillis mal Patmol !

- Ça doit être ça.

- Oui. Ou l'absence de James qui t'empêche de faire la fête.

Sirius soupira au rappel de Remus : James et Lily brillaient par leur absence ce soir, tout comme les Londubat. Depuis la naissance d'Harry et Neville, les deux couples se faisaient aussi discrets que possible, si bien qu'il ne l'avait pas revu depuis le jour où Judy était arrivée et…

Il se figea malgré lui et battit des paupières d'un air automatique pour rassembler ses pensées.

James lui manquait. Leur temps passé ensemble. Leurs discussions débiles. La pleine lune était la première qu'il passait seul en compagnie de Lunard. Sans oublier que les missions avec lui étaient toujours plus intéressantes : étant un Potter digne de son nom, James s'attirait tous les ennuis imaginables. La moindre reconnaissance devenait une aventure.

Maintenant, il faisait équipe avec Benjy Fenwick et l'ancien Serdaigle exigeait de lui qu'il réfléchisse avant d'agir.

- Peter va venir au final ? demanda-t-il pour éviter que Remus ne choisisse un sujet de conversation de son cru.

- Non. Il doit faire des heures supplémentaires pour impressionner son chef de service.

- Il n'a jamais eu besoin de faire ça avant…

Remus le dévisagea avec insistance et Sirius haussa un sourcil pour toute réponse :

- Quoi ?

- Où tu étais ces trois dernières semaines ?

- Et bien…

- Bon sang Patmol ! Peter a eu une promotion !

- Vraiment ? Comment ça se fait ?!

- Je suppose que son travail méritait un avancement.

- Et il fait quoi ?

- Il a plus de responsabilités. Il met au point le planning de ses collègues, il s'occupe de la liaison avec les autres départements, il… Il fait pas mal de paperasse, aussi, d'après ce que j'ai compris.

Sirius haussa un sourcil et se retint de faire remarquer à Remus qu'il n'en savait pas tant que ça sur la vie de leur meilleur ami, mais choisit la diplomatie pour ne pas subir une série de railleries.

Il n'était pas vraiment d'humeur.

- Et toi, le boulot ?

Remus eut un grimace crispée qui voulait tout dire :

- Restons concentrés sur les bonnes nouvelles, tu veux ? C'est pour ça que nous faisons la fête ce soir.

Sirius dévisagea son meilleur ami tandis qu'il portait son verre à ses lèvres : Remus avait cette même expression que d'ordinaire à la fois douce et triste, ce qui le faisait paraître bien plus vieux que ses vingt ans. Pourtant, il lui semblait qu'il y avait quelque chose de plus aujourd'hui.

- Lunard, tu es au courant que si tu as besoin de quoique ce soit, tu…

- Je n'ai pas besoin de ta charité, Black. Même si je te suis reconnaissant de l'intention.

- Très bien, marmonna-t-il, tout en faisant la promesse d'en toucher deux mots à Lily.

Il ne savait pas vraiment s'il s'agissait du tact féminin ou de la gentillesse de la jeune femme, mais Remus acceptait son aide à chaque fois qu'elle la lui proposait.

- Ah les gars ! Quand est-ce qu'on se réunit pour notre petit journal ?

Sirius grimaça en reconnaissant l'enthousiasme qui ne lâchait jamais Benjy quand il s'agissait de leurs tracts. Pour sa part, son rôle se limitait à les distribuer à travers tout Londres tout en tâchant de ne pas se faire repérer ni par les Aurors, ni par les Mangemorts. Jusque-là, il avait pu compter sur sa forme Animagus mais maintenant que Benjy était avec lui, rien n'était moins sûr. Le point positif était que le nom de l'Ordre du Phénix était sur de plus en plus de lèvres et Dumbledore avait laissé entendre que de nouveaux volontaires s'étaient manifestés.

- Il va falloir faire quelque chose d'extra pour marquer les esprits : deux Mangemorts en moins, ça va peut-être réveiller les esprits !

Remus eut une moue sceptique :

- Je n'en suis pas certain, Benjy, mais ça prouve que les Mangemorts ne sont pas immortels. Si on peut les blesser, on pourra s'en prendre à Voldemort un jour ou l'autre et le faire tomber.

- Ça revient un peu à ce que j'ai dit.

La discussion prit un tournant autrement plus sérieux et Sirius cessa d'écouter quand Remus se lança dans une critique du système politique sorcier qui, à sa connaissance, n'intéressait que Peter et Lily en temps normal.

Autour de lui, les membres de l'Ordre avaient formé de petits groupes, chacun parlait de choses et d'autres et l'alcool coulaient à flot. Une bonne humeur générale saturait la pièce, accentuée par les nombreux éclats de rire. On était bien loin de l'ambiance morose de ces derniers mois et un sourire triste affleura ses lèvres.

Il savait qu'il aurait dû se mêler aux autres - rejoindre Gideon et Fabian pour leur prouver à quel point les Maraudeurs avaient semé plus de pagaille qu'eux deux, ou tenter de boire plus qu'Hagrid une fois de plus - mais la réalité était tout autre. Il n'avait pas le cœur à la fête.

A vrai dire, il n'avait pas le cœur à grand chose ces derniers temps.

Il passa une main à travers ses mèches brunes et fixa le vide un long moment, jusqu'à ce que le flot de pensées qui essayaient de se frayer un chemin sous son crâne échoue à gagner sa conscience.

Il en avait plus qu'assez de ruminer ses idées noires. Par Merlin, ça ne lui ressemblait pas !

Tandis qu'il se battait avec ses propres sentiments, l'atmosphère dans la pièce devint peu à peu étouffante : la chaleur, le bruit, les odeurs mêlées de l'alcool et de la nourriture. Il souhaita être ailleurs. Chez lui. Au calme.

Seul.

Il cessa de respirer une folle seconde et attendit que son cœur reprenne un rythme normal avant d'inspirer de nouveau.

Seul.

Ses souvenirs passèrent à travers la barrière mentale que son prodigieux entêtement maintenait en place et il revit pour la énième fois sa maison vide, quand il était revenu après avoir aidé l'Ordre. Judy n'avait même pas pris la peine de lui laisser un mot. Elle avait ramassé ses affaires, effacé toute trace de ses précédents séjours, et n'avait pas donné signe de vie depuis.

Sirius n'avait jamais été un expert en subtilité mais il avait pourtant parfaitement compris le message : il ne devait plus s'attendre à la voir débarquer à l'improviste et il serait sans doute mal avisé d'essayer de lui reparler.

Il soupira et termina son verre d'une longue gorgée.

Tu n'as que ce que tu mérites, Black.

- Sirius, tu es sûr que ça va ?

L'inquiétude dans la voix de Remus était sincère, il le savait, et il lui suffisait d'un mot pour que son meilleur ami l'aide à y voir plus clair dans ses sentiments. Et peut-être arriver à trouver une parade tardive pour que Judy lui pardonne son affreux manque de lucidité.

Il faillit bien prononcer ce simple mot.

Sa fierté - ou peut-être autre chose, mais il n'arrivait pas à mettre un nom dessus - l'en empêcha aussi sûrement qu'un bâillon. A la place, il força un sourire sur ses lèvres :

- Je suis fatigué. Je pense que je vais y aller.

- Déjà ?

- Ouais… Si jamais Queudver se montre, passe lui le bonjour de ma part, d'accord ?

Il tourna les talons sans laisser le temps à Remus de le retenir. Il traversa la pièce à grandes enjambées, récupéra sa veste de cuir dans l'entrée, et sortit.

Le froid qui régnait en maître dans le nord du pays en cette fin d'Octobre l'aida à reprendre le contrôle sur ses sentiments. Il marcha quelques minutes avant de dépasser les barrières anti-tansplanage et réapparut dans la petite ruelle proche de chez lui. Pour une fois, les poubelles étaient vides et l'odeur tolérable. Sirius resta un long moment immobile, incapable de décider de ce qu'il allait faire maintenant qu'il s'était enfui de la petite fête de l'Ordre.

Rentrer chez lui lui assurait de passer le reste de la nuit à ressasser le départ de Judy. A se maudire pour sa stupidité. A regretter de ne pas avoir été capable de réaliser plus tôt que ses trois idiots de meilleurs amis avaient raison, depuis le début, quand ils affirmaient qu'entre elle et lui, il y avait beaucoup plus que de l'amitié.

Il pouvait aussi aller traîner dans un des bars où il avait eu l'habitude de draguer, à la recherche d'une énième conquête. Il n'était pas certain que ce soit une bonne idée, et la voix de la raison - celle qui avait les intonations de Remus - lui disait que non, mais il pourrait trouver là-bas un peu d'alcool pour se griser. D'expérience, il n'y avait rien de mieux pour faire dérailler la mémoire.

Finalement, il se transforma en Patmol. Le champ des odeurs et des bruits de la ville suffirent à occuper sa cervelle de canidé.

Pour le moment, c'était tout ce qu'il lui fallait.

Samedi 25 Octobre 1980, Londres.

- De la part de la demoiselle à la robe rouge sur votre gauche, dit le barman en déposant un verre devant lui.

Sirius resta une poignée de secondes à contempler la tranche d'orange qui flottait au milieu d'un mélange coloré qu'il savait être la spécialité de la maison : il aurait dû s'en tenir à rester sous la forme de Animagus, même si les pas de Patmol l'avaient mené jusqu'ici.

Foutu inconscient.

Bien sûr, rien ne l'empêchait de s'en aller en laissant le verre intact derrière lui et de s'en retourner chez lui…

L'alcool qu'il avait déjà avalé depuis le début de la soirée émoussa cette résolution aussitôt et il tourna la tête dans la direction que le barman lui avait indiqué. Il trouva sans mal la fille, discutant avec un groupe d'amies, qui lui avait offert son verre. Il profita qu'elle soit occupée pour la détailler rapidement : de longs cheveux bruns qui tombaient en boucles étudiées, des yeux de biches soulignés d'un maquillage savant, des lèvres aussi rouges que sa robe et des jambes fuselées terminées par une paire de chaussures aux talons impressionnants. Elle était belle, et de toute évidence, elle le savait.

Quand elle se tourna vers lui, Sirius lui dédia son meilleur sourire charmeur et leva son verre dans sa direction, tout en mimant le mot merci.

La fille lui rendit son sourire avant de retourner à sa conversation comme si de rien était.

Sirius porta son verre à ses lèvres, apprécia la chaleur dans sa gorge quand il en but une gorgée, puis commença à attendre.

Il avait une trop grande expérience du jeu de la séduction pour ne pas saisir les clauses du contrat qu'il venait de passer à travers un simple sourire.

Il était proie, elle était chasseur…

Du moins, c'était ce qu'elle pensait.

Le groupe qui jouait de la musique était plutôt bon, l'ambiance était au rendez-vous, les couples se faisaient et se défaisaient sur la piste de danse au rythme de la musique et après plusieurs verres, Sirius avait l'esprit suffisamment embrouillé pour ne plus réfléchir. La fille qui lui avait offert un cocktail s'appelait Mendy ou Nelly, à moins que ce ne soit Missy… Tout ce que savait Sirius était qu'il n'avait pas eu à forcer son talent pour assurer son coup et s'il dansait pour le moment avec la jeune femme en tout bien, tout honneur, il ne faudrait pas attendre longtemps avant qu'ils n'échangent un baiser.

Avec un peu de chance, tout ça se terminerait dans un lit et il pourrait s'écrouler de fatigue pour le lever du soleil.

- Et maintenant, un morceau pour aider les indécis ! N'oubliez pas de nous inviter au mariage si vous trouvez l'amour de votre vie sur une de nos chansons !

Sur ces bonnes paroles, le groupe entama une mélodie plus lente et Sirius attira sa partenaire plus près de lui, détournant à dessin la tête quand elle approcha son visage un peu trop près du sien.

Jusqu'ici, il lui avait laissé les rênes mais il n'était pas dit qu'elle mènerait la danse tout du long. La fille ne se laissa toutefois pas impressionnée aussi facilement : elle se blottit contre lui et colla ses lèvres près de son oreille droite.

- Ça faisait un bail que l'on ne t'avait pas vu ici, dit-elle.

Sirius retint un soupir et grimaça in extremis tandis qu'une désagréable brûlure au niveau de la gorge l'obligeait à s'éclaircir la voix avant de répondre.

- J'ai été pas mal occupé avec mon boulot…

- Ce n'est que ça alors ?

- C'est-à-dire ?

- Une rumeur disait que tu t'étais rangé et que ta chérie te surveillait de près.

Il réussit à rire, Merlin seul savait comment.

- On a dû me voir avec la même fille deux fois de suite… J'avais oublié à quel point les histoires se déforment vite.

Elle éclata de rire à son tour et sans que Sirius ne l'ait vu venir, il se retrouva plaqué contre un mur, à l'abri des regards.

Le visage sans défaut de sa conquête du jour à quelques centimètres du sien.

- Qu'est-ce que tu fais ? bafouilla-t-il en tentant de se reculer.

Elle haussa un sourcil vaguement moqueur.

- On sait tous les deux ce qu'on est venu chercher ici. Je n'ai pas envie de tourner autour du pot pendant des heures alors qu'on pourrait être chez moi en moins de dix minutes.

Passé un infime moment de surprise, Sirius sentit un sourire étirer ses lèvres et il raffermit sa prise autour de sa taille. Déjà, elle penchait la tête pour l'embrasser.

Ce fut à ce moment que les choses se gâtèrent…

Sirius vit le visage de la fille s'approcher au ralenti du sien. Il bâtit des paupières pour retrouver une vision normale et à sa plus grande stupéfaction, il découvrit que la jeune femme qu'il tenait contre lui, et qu'il allait embrasser, était Judy.

Comme par magie, le poids qui pesait sur lui depuis presque un mois se volatilisa et il se sentit sourire.

Le temps retrouva sa course normale et ses lèvres rencontrèrent celles de Judy.

Si Sirius n'avait pas bu un ou deux cocktails de trop, s'il n'avait pas passé la majorité de ses journées à éviter ses pensées et s'il avait été aussi courageux qu'il se plaisait à le clamer haut et fort, il se serait sans doute aperçu que quelque chose clochait rien qu'à la façon dont Judy l'embrassait.

Mais une part de lui ne voulait pas se confronter à la vérité : il était tellement plus facile à cet instant précis de faire comme si rien ne s'était passé. Le je t'aime de Judy auquel il n'avait pas répondu, l'attaque des Mangemorts, la maison vide à son retour, l'absence absolue de nouvelles… Tout plutôt que la vérité.

Tout plutôt que la réalité.

En désespoir de cause, il se plongea à corps perdu dans l'étreinte. Il plaqua la fille contre le mur à son tour, bousculant quelqu'un au passage sans y prêter attention. Il remonta sa main libre pour caresser le velours d'une joue qui ne lui sembla pas familière tandis que des doigts aux ongles bien trop longs commençaient à emmêler ses cheveux.

Tu m'as manqué. Judy., souffla-t-il entre deux baisers . Je suis désolé… Tellement… désolé…

Il espérait que ces quelques mots suffiraient à être pardonné. Il voyait déjà leur histoire reprendre là où elle s'était interrompue. Si Judy ne lui avait pas pardonné, elle ne l'embrasserait pas avec autant de fougue, n'est-ce pas ?

Judy…

Les doigts quittèrent ses cheveux pour agripper ses épaules.

Il fut repoussé avec force en arrière.

Surpris par cette attaque venue de nulle part, Sirius recula de plusieurs pas et resta planté au milieu des danseurs à fixer l'endroit où se tenait Judy quelques minutes plus tôt.

Sauf que la fille qui le dévisageait avec un regard furieux n'était pas Judy. C'était la fille à la robe rouge, celle qui lui avait offert un verre. Celle qu'il avait invité à danser. Celle avec qui il avait eu l'intention de passer la nuit.

Elle s'approcha de lui en deux enjambées raides, leva une main pour lui asséner une gifle qui s'annonçait magistrale, retint son geste…

- Pauvre type, cracha-t-elle en se détournant sans un regard en arrière.

Sirius la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle ait disparu dans la seconde salle, le sang battant trop follement dans ses oreilles pour qu'il puisse réfléchir à ce qu'il venait de lui arriver. Il passa finalement une main sur son visage pour rassembler ses esprits… Sauf que rien n'y fit.

Pire, il avait comme une irrépressible envie de pleurer sans savoir si c'était parce qu'il avait cru que Judy était revenue dans sa vie ou parce qu'il avait enfin compris qu'elle était partie.

Et qu'il ne la reverrait probablement jamais.

Son corps se mit à trembler et il serra la mâchoire à s'en fendre les dents pour reprendre le contrôle

Sans succès.

Un flot de pensées d'une violence inouïe acheva de lui faire perdre pied avec la réalité et il ne vit plus qu'un seul échappatoire.

Il traversa le pub d'un pas chancelant, déposa trois Gallions sur le comptoir, récupéra sa veste de cuir sur le porte manteau et ne prit même pas la précaution de vérifier si des moldus pouvaient le voir quand il transplana.

Il réapparut à plusieurs centaines de kilomètres de là, devant un portail gris, entourant un petit jardin sans fleurs. Mu par un sentiment d'urgence qu'il avait rarement connu, il poussa le portail avec violence, traversa le jardin à toute vitesse et commença à tambouriner sur la porte.

Le temps qui s'écoula ensuite lui donna l'impression de durer une éternité et sans son ouïe d'Animagus, il n'aurait jamais entendu la personne qui l'interpella sur sa gauche.

- Hé, toi !

Il tourna la tête et fut soulagé de reconnaître James.

Jusqu'à ce que ce dernier ne lui lance un stupéfix parfaitement exécuté.

Dimanche 26 Octobre 1980, Résidence des Potter, Caithness, Ecosse .

- James, ce n'est pas prudent. On devrait demander de l'aide…

- Lil', il est attaché, on lui a pris sa baguette et tu es sortie major de Poudlard en sortilège. Si c'est un Mangemort, il n'a aucune chance.

- Il y a peut-être d'autres Mangemorts près de la maison…

- Tu as toi-même relancé les charmes de protection.

- Visiblement, ça n'a pas arrêté celui-ci…

- Ça, c'est parce que c'est peut-être vraiment Sirius.

- Sirius n'est pas stupide au point de débarquer en pleine nuit chez nous par les temps qui courent.

- Avec lui, on est jamais sûr de rien.

Sirius attendit que ses oreilles arrêtent de siffler pour ouvrir les yeux. Il se tenait au milieu du salon de James et Lily, ligoté à une chaise, et ses deux amis le menaçaient de leurs baguettes. Au delà de l'incongruité de la situation, Sirius nota le regard sombre que Lily posait sur lui et ça, plus que tout, le mit terriblement mal à l'aise.

- Un problème, Bichette ?

La jeune mère eut un sourire étrange qui rappela à Sirius celui du félin s'apprêtant à bondir sur sa proie.

- Si tu es vraiment Sirius Black, je te tue.

Sirius se sentit déglutir avec difficulté.

- Je savais que j'aurais dû faire Mangemort…

Sa tentative de blague tomba toutefois à plat et la tension ne tarda pas à devenir pesante. En y réfléchissant un peu, Sirius pouvait parfaitement comprendre pourquoi ses deux amis lui avaient réservé un tel accueil… Il débarquait à trois heures du matin et manquait de démolir leur porte d'entrée. A leur place, Sirius aurait utilisé un sortilège plus brutal que le stupéfix.

- Si j'étais un Mangemort renseigné, je te dirais que je suis un animagus chien, que tu es un animagus Cerf, que Queudver est un animagus rat, que Lunard est un loup-garou, que tu as fait de ma vie un enfer au début de la première année, qu'ensuite on est devenus inséparables… Que tu nous as cassé les oreilles avec ta rouquine pendant presque six ans et qu'on envisageait de te couper la langue avec Remus et Peter pour avoir la paix… Si j'étais un Mangemort, je pourrais t'en dire encore pas mal des conneries comme ça.

James et Lily échangèrent un regard mais ne baissèrent pas leur baguette d'un seul centimètre. Sirius ne se formalisa pas à leur visage fermé et préféra plonger son regard dans celui de son meilleur ami, sans trop savoir quel message lui faire passer, mais sans douter une seule seconde qu'il en dirait plus en se taisant qu'en parlant jusqu'à l'aube.

L'expression de James passa de la méfiance à la colère, de la colère à la surprise, puis de la surprise à l'inquiétude.

- Lil' chérie, je peux te parler une petite seconde ? marmonna-t-il en entraînant sa femme par le coude en direction de l'entrée.

Sirius bascula sa tête en arrière pour trouver une parade mais les larmes qui lui brûlaient les paupières avaient l'air vraiment décidé. Il fixa avec obstination le plafond, convaincu que s'il ne clignait pas des yeux, rien ne se passerait. Tout à sa concentration, il ne prit même pas la peine d'écouter ce que James disait à Lily. Il ne put toutefois manquer la remarque de sa petite soeur de cœur juste avant que James ne ferme la porte :

- Tu as réveillé Harry avec ton boucan : ça a plutôt intérêt à être grave, Black !

Sirius choisit de se taire mais fut reconnaissant envers James quand il fit disparaître les cordes qui empêchaient le sang d'irriguer convenablement toutes les parties de son corps.

Finalement, sous le regard attentif de son frère de cœur, aucune larme ne s'échappa et Sirius réussit à trouver la force de se redresser.

- Alors ? demanda son meilleur ami sans détour.

- C'est Judy…

- Elle t'a quittée ?

- Plus ou moins…

- Comment ça ? Tu ne l'as pas trompée ou un truc du genre, pas vrai ?!

- Non ! Enfin si… Je… J'ai… J'ai merdé, c'est tout.

James soupira et s'assit en face de lui.

- Reprends depuis le début, Casanova…

Dimanche 26 Octobre, 1980 Résidence des Potter, Caithness, Ecosse .

Sirius fixait sans grande conviction les bandes de brumes se faire et se défaire au-dessus des Highlands écossais. Le froid mordant de ce début de matinée lui donnait l'impression que sa peau avait pris feu mais cela lui convenait. Il préférait de loin cette douleur artificielle à celle qui le rongeait depuis le départ de Judy.

Judy…

Il avait encore du mal à comprendre ce qui lui arrivait. Quand s'était-il donc accroché à elle à ce point ? A quel moment étaient-ils passés de la relation physique à une relation sentimentale ? Il avait toujours pensé qu'il n'était pas fait pour ce genre d'histoire… Une petite amie stable, le train-train quotidien : en un mot, l'ennui. Sauf qu'avec Judy, rien ne s'était jamais passé comme ça. La jeune femme était trop imprévisible et indépendante pour que sa vie devienne monotone. Combien de fois était-elle passée à l'improviste ? Pas de rendez-vous, ou très peu. Une constante improvisation qui les avait emmenés plus loin qu'il ne l'aurait jamais pensé possible.

Sirius se frotta les yeux pour la énième fois, trop peu habitué à les sentir aussi gonflés. James avait gardé son commentaire pour lui mais Sirius l'avait lu dans ses yeux : c'est la première fois que je te vois pleurer.

Si son père avait pu le voir…

Sirius eut un sourire ironique : Orion Black avait épousé Walburga avec autant d'émotion que s'il avait signé un contrat immobilier. Pas étonnant qu'aucun vrai sentiment ne se soit jamais développé sous le toit familial.

Là n'était toutefois pas la question. Il était tombé sur la seule fille qui aurait pu lui convenir et il l'avait perdue par fierté. Ou par peur… Sûrement un peu des deux.

Toujours était-il que Judy ne voudrait certainement plus lui adresser la parole avant des siècles.

Et elle lui manquait quand même.

Des bruits de pas sur sa gauche lui apprirent que quelqu'un approchait et il ne fut pas surpris quand Lily s'arrêta près de lui. Ils restèrent un long moment à partager le silence à peine troublé par le bruit du vent et les rares oiseaux en cette saison.

- Tu as essayé de lui parler ?

- Parler de quoi à qui ? grogna-t-il.

- C'est toi qui m'as appris à écouter aux portes sans me faire prendre Black. Tu as essayé de lui parler ?

- Elle ne veut plus me voir.

Lily eut un soupir.

- Non, ça c'est ce que tu t'es mis dans le crâne. Tu as essayé d'aller la voir quand même ? Pour lui parler ?

- Pour lui dire quoi ? Que je suis le plus grand imbécile que la Terre n'a jamais porté ?

- Ça pourrait être un bon début.

Sirius lança un regard en coin à la jeune femme et secoua la tête quand il découvrit le sourire moqueur qu'elle peinait à dissimuler.

- Je ne vais pas débarquer chez elle et lui annoncer de but en blanc que… lui dire que je…

- Que tu l'aimes ?

Sirius se détourna, déglutit difficilement, et passa une main sur son front d'un geste compulsif. Il n'avait jamais dit ces trois mots-là. A personne. Il n'était même pas sûr de ressentir ça pour Judy, il… Le visage de Judy, assombri par les reproches, lui revint en mémoire et il se sentit terriblement mal.

- Tu ne peux pas débarquer chez elle et lui annoncer que tu l'aimes, Sirius… Elle va croire que tu te forces, que tu lui dis ce qu'elle veut entendre… Mais tu peux débarquer chez elle et lui expliquer ce que tu as dis à James tout à l'heure.

L'immensité de la tâche à accomplir lui fit serrer les dents. Il avait eu tout le mal du monde à raconter son histoire un peu plus tôt et James avait réussi à comprendre ce qu'il n'avait pas formulé. Judy ne pourrait pas lire entre les lignes… Il lui faudrait tout expliciter. Mettre des mots sur des pensées qu'il tentait de fuir depuis plus de trois semaines parce qu'elles le terrifiaient.

- Je n'y arriverais jamais…

Lily avança devant lui et l'obligea à la regarder dans les yeux.

- Tu as réussi à parler à James, Remus et Peter après l'épisode de la Cabane Hurlante, n'est-ce pas ?

Il hocha vaguement la tête.

- Alors tu vas y arriver…

Sirius s'accrocha à la conviction qui brillait dans le regard de Lily et eut l'impression de faire le plein de courage. Elle lui sourit, déposa un baiser sur sa joue et l'attira doucement contre elle.

- Merci Bichette, souffla-t-il.

- De rien Chaton.

Dimanche 26 Octobre 1980 , Manoir Malefoy, Wiltshire, Angleterre.

Bellatrix ajusta une dernière fois ses longues boucles et détailla son reflet dans le miroir : la robe noire qu'elle avait choisie mettait parfaitement en valeur sa silhouette et contrastait avec son teint clair. Elle aurait préféré porter la magnifique parure d'émeraudes et d'argent que Rodolphus lui avait offert à son dernier anniversaire mais elle avait promis à Narcissa de mettre le médaillon de leur mère. Après tout, la fête qui était donnée au Manoir Malefoy était en l'honneur du jeune Draco et elle représenterait les Black puisque Walburga était clouée au lit depuis la mort de Regulus.

- Bella, tu es magnifique.

Elle sourit malgré elle, attrapa son petit sac à main, et rejoignit Rodolphus. Fidèle à son rang, son mari avait revêti un costume sorcier traditionnel, et la légère barbe qu'il s'était mis en tête de faire pousser était parfaitement taillée, soulignant l'élégance de ses traits.

- Toi aussi, tu es très beau ce soir.

- Ma chère, je me dois de ne pas vous faire honte.

- Ce n'est jamais le cas.

Il eut ce sourire particulier, à la fois léger et profond, qu'il ne réservait qu'à elle.

- Il faut partir maintenant, sinon, nous serons définitivement trop en retard…

- Je crois bien que Narcissa ne me le pardonnerait pas.

Rodolphus lui tendit son bras et la mena jusqu'à la haute cheminée de leur hall d'entrée, celle qu'ils n'utilisaient que pour leurs déplacements. Il l'aida à enfiler sa cape en peau de Mooncalf puis jeta une poignée de Poudre de Cheminette dans le feu. Moins d'une minute plus tard, le couple Lestrange émergeait avec grâce dans la Grande Salle de Réception du manoir Malefoy.

Lord et Lady Lestrange !

Bellatrix redressa fièrement la tête, ravie de voir des regards inquiets se détourner, et accompagna Rodolphus jusqu'à Lucius quelques mètres plus loin.

- Bonsoir, Lucius.

- Bellatrix, Rodolphus… C'est un honneur de vous recevoir ce soir.

- L'honneur est pour nous, Lucius, répondit Rodolphus.

- Où est ma sœur ?

- Elle termine de préparer Draco à l'étage.

- Je vous laisse entre hommes, dans ce cas. Je vais aller voir si elle n'a pas besoin d'aide.

Lucius hocha poliment la tête comme s'il approuvait une faveur qu'elle avait tout juste demandé. Tous deux savaient ce qu'il en était réellement : ils avaient le plus grand mal à se supporter et ils valaient mieux pour chacun qu'ils se fréquentent au minimum.

De nombreuses personnes avaient été invitées à la Présentation de l'héritier Malefoy et il n'était pas toujours aisé de faire plus de trois pas sans se cogner à un autre invité. Pourtant, Bellatrix ne rencontra aucune difficulté pour rejoindre l'escalier menant dans les étages. Sa réputation de Mangemort sans pitié précédait chacun de ses pas et plusieurs personnes préférèrent se presser contre un mur pour lui faire de la place, plutôt que de prendre le risque de la contrarier. Bellatrix savoura ce sentiment absolu de supériorité tout le long mais ne fut pas mécontente quand le bruit de la foule céda la place au silence feutré des couloirs du Manoir. Son beau-frère s'était senti obligé d'inviter tout le gratin du ministère dont, à son plus grand dégoût, beaucoup de sang-mêlés. Bellatrix aurait préféré que cette fête reste dans la stricte intimité des Sang-Purs. Après tout, il s'agissait de réaliser un petit rituel de Magie Noire afin de prouver à l'assistance que l'enfant était magique et digne de recevoir son nom complet de façon officielle.

Elle s'arrêta devant une porte gardée par deux armures, l'un portant le blason des Malefoy, l'autre portant le blason des Black, et frappa deux coups secs avant d'entrer.

Encore en peignoir, sa jeune sœur était occupée à habiller son fils avec un ensemble au tissu ancien qui avait dû passer de génération en génération. Indifférent à l'importance de l'événement auquel il allait participer, le petit garçon babillait joyeusement, ravie que sa mère s'occupe de lui.

Narcissa s'appliqua à nouer un ruban avant de prendre Draco dans ses bras.

- Ah, Bella ! dit-elle en s'apercevant enfin de sa présence. Je me demandais quand tu te déciderais à te montrer.

- Tu sais bien que…

-… une dame de rang doit se faire attendre ? J'ai aussi eu le droit aux nombreuses recommandations de notre mère.

Elle s'approcha du berceau en bois rare et y déposa son fils avant de reprendre.

- Même si tu aurais pu oser une autre couleur que le noir, tu es très en beauté.

- Je te retournerai le compliment quand tu auras enfilé tes vêtements.

Narcissa rit doucement.

- Je me suis laissée rattraper par le temps, tu as raison. Mais Draco a mangé plus lentement ce soir. Tu gardes un œil sur lui pendant que je m'habille ? J'en ai pour quelques minutes.

- Évidemment.

Narcissa disparut par une porte étroite qui donnait sur une magnifique salle de bain et Bellatrix ôta sa cape pour être plus à son aise. Elle connaissait suffisamment sa sœur pour savoir que les quelques minutes promises risquaient d'être relativement longues : Narcissa ne laissait jamais rien au hasard quand il s'agissait d'apparaître sous son meilleur jour.

Bellatrix glissa un regard dans le berceau de Draco et secoua la tête malgré elle en découvrant la quantité de dentelles qui recouvrait le petit garçon : seul son visage et le bout de ses doigts dépassaient de sa tenue. Son neveu ne semblait toutefois pas en être gêné : il jouait avec une peluche en forme de chien noir. Bellatrix fut étonnée de reconnaître celle qu'elle lui avait offert la première fois qu'elle était venue le voir. Sans crier gare, Draco repoussa soudainement son jouet et commença à pleurnicher. Bellatrix se figea, totalement impuissante face à ce genre de situation. Elle ne comprenait pas le langage des bébés, n'avait jamais eu d'instinct quand il s'agissait de répondre aux besoins des tous petits et avait horreur de les entendre crier.

Elle faillit appeler Narcissa à son secours avant de se reprendre dans un sursaut de fierté : elle désirait plus que tout être mère et le Maître exhausserait bientôt son vœu. Quand elle aurait sa fille, Narcissa ne serait pas dans la pièce d'à côté pour venir l'aider au premier problème venu.

Bellatrix attrapa son neveu avec maladresse et fit de son mieux pour le caler contre elle. Draco continua à se tortiller encore un moment, puis Bellatrix réussit à le positionner correctement. Dès qu'il fut à son aise, il se calma et commença à faire des bulles avec sa bouche.

- J'ai l'impression que tu es un comédien à tes heures perdues, jeune homme, souffla-t-elle. Cela te fait déjà une bonne raison pour aller à Serpentard.

- Ne commence pas à lui monter la tête avec ça, Bella. Il aura tout le temps d'y penser.

Bellatrix se tourna vers Narcissa et fut surprise de la trouver déjà prête. Sa sœur avait enfilé une robe bleue foncée largement ouverte dans le dos et à peine échancrée sur le devant. Ses cheveux rassemblés en un chignon compliqué dégageait son visage et son maquillage renforçait le gris de ses yeux.

- Tu ressembles à notre mère.

- Évidemment : je suis la seule de ses trois filles à être aussi blonde qu'elle l'était. On va pouvoir descendre tu me redonnes mon fils ?

Bellatrix s'exécuta avec prudence pour ne pas blesser son neveu, puis suivit sa sœur dans le dédale de couloirs. Elle ne fut pas surprise de retrouver tous les invités de sa sœur autour de l'imposant buffet mais se garda bien de se mélanger à eux. Comme le voulait la tradition, elle s'installa à la gauche de Narcissa sur la petite scène qui avait été aménagée pour l'occasion, et commença à scanner la foule du regard, retrouvant des visages familiers avec soulagement. La majorité des serviteurs de la Cause étaient présents et des famille de Sangs-Purs plus modérées, comme les Greengrass, avaient fait le déplacement. Bellatrix aurait adoré profiter de l'occasion pour essayer de les convaincre de s'allier au Maître, seulement Lucius et Narcissa risquaient de ne pas apprécier cette prise d'initiative. Selon eux, certaines choses devaient se faire dans l'ombre la plus totale… Ce qui était une façon déguisée d'avouer que s'ils soutenaient le Lord Noir, ils ne tenaient pas pour autant à ce que toute la société sorcière soit au courant.

- Dobby, rapporte-nous un plateau pour que nous puissions manger, ordonna Narcissa quand un Elfe de Maison passa près d'elles. N'oublie pas que je ne veux rien de trop gras. Et trouve-nous deux coupes de champagne. Dépêche-toi !

L'Elfe détala en direction des cuisines sans demander son reste et revint moins de cinq minutes plus tard avec ce que lui avait demandé sa maîtresse. Bellatrix se saisit de son verre de champagne et le dégusta en silence, trop occupée à détailler ce qu'il se passait autour d'elle. Bientôt, les invités vinrent les voir chacun à leur tour, répétant toujours la même phrase de bénédiction à l'intention de Draco avant d'ajouter un cadeau à la pile.

Tout cela était d'un ennui magistral et Bellatrix regretta pour la première fois que Narcissa ait fait d'elle la marraine de son fils. Elle tint toutefois son rang durant toute cette première partie de soirée, se répétant inlassablement les préceptes de bonne conduite que sa propre mère lui avait fait réciter chaque jour depuis qu'elle était en âge de se souvenir.

Après plus d'une heure d'un défilé incessant, le moment de la Présentation arriva enfin et Bellatrix ne fut pas mécontente de pouvoir s'occuper un peu. Tandis que les invités se rassemblaient autour de l'estrade, Lucius, Rodolphus et Rabastan déplacèrent un magnifique autel taillé dans un sombre bois rare. Le blason des Malefoy était représenté en son centre, et les magnifiques dorures argentés avaient beau briller de milles feu, personne ne doutait que cet objet soit très ancien… et très précieux.

En sa qualité de marraine, Bellatrix devait conduire une cérémonie auquel elle avait assisté de nombreuses fois.

- Nous nous sommes rassemblés pour accueillir le fils de Lucius et Narcissa Malefoy dans la communauté magique. Voici maintenant l'heure de la Présentation. Que l'on présente l'enfant.

Narcissa s'approcha d'elle et installa son fils dans le léger creux sur le plateau de l'autel. Souvent, les enfants se mettaient à pleurer, irrités par les regards fixés sur eux et par la tension que dégageait les adultes. Draco, lui, resta parfaitement immobile, et Bellatrix lui en fut reconnaissante.

Elle prit le petit poignard de cérémonie sur sa gauche et piqua son neveu au niveau de son majeur avec la pointe du couteau. Indifférente aux pleurs de Draco, elle se saisit d'une fiole ouvragée contenant la potion de Révélation, y mélangea une goutte de sang de son neveu, puis l'approcha du visage de l'enfant. Quand elle eut réussi à lui faire avaler un peu de la potion, elle le souleva au-dessus de l'autel pour que tous les invités puisse le voir.

Une lumière dorée commença à irradier du corps de Draco et la foule éclata en applaudissements chaleureux.

- La potion de Révélation a parlé. L'enfant est magique. L'enfant est un des nôtres. Par la volonté de ses parents Lucius et Narcissa Malefoy, nous le nommons Draco Lucius Malefoy. Que la Magie coule toujours claire et forte dans ses veines.

Les invités répétèrent sa dernière phrase dans un parfait ensemble. Lucius s'avança sur le devant de l'estrade et leva son verre.

- Je porte ce toast en l'honneur de mon fils. Et je vous remercie de l'accueil que vous lui avez fait. Que la fête continue.

A peine eut-il finit de parler que des musiciens commencèrent à jouer de la musique. Les invités se dispersèrent et Bellatrix laissa Narcissa récupérer Draco.

- Tu as été parfaite, Bella. Merci.

- C'est normal. Et puis, il fallait que ce soit réussi. Je ne voudrais pas que l'on m'accuse d'avoir saccagé l'entrée de mon propre neveu en société.

Narcissa berça Draco quelques secondes et le bébé arrêta de pleurer.

- Je vais le porter dans sa chambre, ce qui suit ne le concerne plus. A tout de suite.

Bellatrix hocha la tête et rejoignit Rodolphus.

- Ça ne va pas, Bella ?

- Tout va bien.

- Tu es plus pâle que d'habitude.

- Ça doit être l'émotion.

Son mari haussa les sourcils mais s'abstint de commenter son mensonge.

- Allons prendre l'air dans ce cas, dit-il en lui tendant son bras.

Bellatrix se laissa entraîner avec un soupir. Elle aurait dû se sentir d'humeur plus joyeuse compte tenue de l'événement : être assurée que son neveu était un sorcier était une très belle nouvelle. Bellatrix ne doutait pas du rôle que l'héritier des Malefoy aurait à jouer dans cet avenir que le Maître lui préparait. Il ferait parti des décideurs et sa réussite aurait des retombées sur elle, d'autant plus qu'elle était sa marraine. Cela les liait à jamais… Seulement, elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce que cette fête mettait en lumière : sa propre incapacité à avoir un enfant.

Elle tenta de repousser cette pensée dans un coin de sa tête, se persuadant que le Lord Noir allait bientôt régler cette histoire une bonne fois pour toutes, mais ses doutes étaient trop encrés en elle.

Elle savait que le sortilège que lui lancerait son Maître serait sa dernière chance et elle était terrifiée à l'idée que cela ne fonctionne pas.

Il lui fallait cette enfant.

- Je sais à quoi tu penses, Bella… Je te promets que cela va marcher. Le Maître est le plus puissant des sorciers depuis des siècles. Il trouvera le moyen de te faire tomber enceinte. Tu obtiens toujours ce que tu veux…

Bellatrix se glissa dans l'étreinte que Rodolphus lui proposait et resta quelques minutes à savourer sa chaleur. Elle réalisait rarement la chance qu'elle avait eu d'épouser un homme tel que lui. L'espoir revint en elle, comme par magie.

- J'ai vraiment hâte que cet enfant arrive dans notre vie, reprit-il au moment où ils se séparaient. Tu verras, nous lui préparerons une fête de Présentation tel que le monde sorcier n'en a pas connu depuis des années. Le Maître lui-même nous fera peut-être l'honneur d'être le parrain.

Bellatrix sourit face à son enthousiasme.

- On retourne à l'intérieur ? Lucius ne devrait pas tarder à ouvrir le bal et cela fait bien longtemps que nous n'avons pas dansé, Lady Lestrange.

Elle acquiesça en silence.

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