Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
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Chapter 11

« Nobody said it was easy
It's such a shame for us to part
Nobody said it was easy
No one ever said it would be this hard
Oh, take me back to the start »

(The Scientist - Cold Play)

 


Lundi 27 Octobre 1980, Résidence de Sirius Black, Londres, Angleterre.

Sirius attrapa le bouquet de fleurs près de lui et regarda une dernière fois l'image que lui renvoyait son reflet : il s'était rasé de près, avait enfilé sa tenue moldue fétiche (un jean ajusté, un t-shirt d'un blanc éclatant qui mettait sa carrure en valeur et une veste de cuir noir) et il s'était coiffé comme il en avait l'habitude (c'est-à-dire en évitant la brosse à cheveux justement). En temps normal, il se serait donc trouvé terriblement séduisant et n'aurait pas douté une seule seconde de ses chances face à une jolie jeune femme.

En temps normal…

- Elle va me tuer.

- Mais non, Pat', le rassura James depuis le salon.

- Si, elle va me faire manger ce stupide bouquet et après elle me tuera.

- Ce bouquet n'est pas stupide ! On a passé deux heures à le choisir ! Je te rappelle que tu as failli faire pleurer la vendeuse !

- Ce bouquet est stupide, cette situation est stupide et je suis le mec le plus stupide de la planète. Elle va me…

- Black ! intervint Lily. Si tu ne te décides pas dans les dix secondes, c'est moi qui vais te faire manger ce bouquet et qui te tuera juste après.

Sirius grimaça face à son miroir, en reconnaissant le ton que Lily utilisait pour le menacer du temps où il était un fauteur de trouble sans foi ni loi et qu'elle était la préfète qui avait foi en la loi…

- A ta place, je choisirais d'affronter Judy, remarqua James. Comme elle t'aime bien, elle abrégera sans doute tes souffrances. Lily, c'est moins sûr.

Sirius ferma les yeux, inspira profondément et fit volte face. En trois enjambées, il avait gagné la cheminée et tenait une belle poignée de poudre de Cheminette Long Voyage.

- Et si elle a fait condamner sa cheminée ? marmonna-t-il, plus pour lui-même que pour le couple Potter.

- Bougre de Troll ! le rabroua son meuilleur ami. Le contrat de raccordement est à ton nom !

Ce dernier argument imparable lui donna l'impression de se trouver au bout d'une planche surplombant un bassin remplit de requins affamés.

- Pour l'amour de Viviane, Black ! s'énerva Lily. Faut-il que je te lance l'I mpérium pour que tu te décides ?!

- Méfie-toi, elle en est capable…

Sirius en avait parfaitement conscience, tout comme il savait pertinemment que s'il reculait maintenant, il ne se le pardonnerait jamais.

Haut les cœurs, Gryffondor.

Il lança la poudre et le feu devint rouge. Il eut encore besoin d'échanger un regard avec James avant d'avancer dans l'âtre.

La Colline, Rowlfer, Idaho, Etats-Unis.

La dernière chose qu'il vit avant de se faire aspirer fut le signe d'encouragement de Lily.

Lundi 27 Octobre 1980, La Colline, Rowlfer, Idaho, Etats-Unis.

Depuis son plus jeune âge, Sirius Black n'avait jamais apprécié le transport par poudre de Cheminette : outre le fait qu'il avait mis longtemps à se faire comprendre, ses réceptions étaient toujours approximatives, il se retrouvait couvert de suie et comme il ne supportait pas de fermer les yeux pendant le trajet, il terminait le voyage les yeux larmoyants.

Il avait toutefois eu la naïveté de penser que les voyages internationaux seraient un peu plus confortables : au prix où il avait payé le raccordement de sa cheminée à celle de Judy, il aurait même pu rajouter que cela aurait été la moindre des choses.

Il fallait malheureusement se confronter à la réalité : le voyage était aussi pénible que l'on fasse vingt kilomètres ou que l'on traverse plusieurs fuseaux horaires.

Quand Sirius arriva à destination, il avait le sentiment d'être resté dans le noir pendant une éternité. Il sortit en titubant d'une cheminée, manqua de s'étouffer tant il toussait et se cogna dans un meuble (voir peut-être même deux), parce qu'il était trop ébloui pour voir clairement autour de lui. Finalement, il lui fallut plusieurs minutes pour retrouver totalement ses esprits et quand il put regarder autour de lui pour analyser la situation, il regretta aussitôt la cheminée.

Un homme se tenait à moins d'un mètre de lui et le toisait comme s'il était un insecte insignifiant.

A tout bien reconsidérer les choses, ce n'était pas loin d'être le cas…

L'inconnu mesurait plus de deux mètres, était large comme deux fois un être normalement constitué et son ventre légèrement proéminent renforçait l'impression qu'il avait été taillé dans du granit. Si son crâne était parfaitement lisse, sa barbe était, elle, impressionnante, même si elle ne suffisait pas à masquer le rictus mauvais qui étirait les lèvres de l'homme. Sirius avisa la veste de cuir cloutée que portait son vis-à-vis et fit enfin le lien avec la description (nettement moins détaillée) que Judy lui avait fait de son père.

Et merde..

Ses doutes furent brutalement confirmés quand l'homme le saisit à la gorge sans sommation.

- Tu n'es pas le bienvenu ici, blanc-bec ! grogna-t-il en bougeant à peine les lèvres, si bien que Sirius se demanda s'il avait à faire à un humain ou à un ours.

Sirius n'osa rien tenter malgré l'air qui se raréfiait de plus en plus. S'il s'en prenait au père de Judy, il pouvait faire une croix sur ses dernières chances, mais s'il mourrait étouffé, il n'aurait jamais l'occasion de se réconcilier avec la jeune femme. Les bruits de pas qui s'élevèrent dans son dos lui ôtèrent l'opportunité de faire son choix.

- C'était quoi ce… Grant ! Lâche-le !

Ledit Grant lança un regard sombre à l'attention du nouvel arrivant tout en resserrant son emprise, avant de libérer Sirius d'un geste négligeant. Le jeune homme prit une profonde inspiration et s'éloigna le plus possible du colosse avant de faire face à son sauveur.

Ce qu'il vit le figea sur place.

Le deuxième homme était nettement moins impressionnant que le père de Judy. Sirius le dépassait d'une bonne tête et son embonpoint pouvait laisser supposer qu'il n'était pas spécialement sportif. Seulement, il braquait dans sa direction le canon d'un fusil et le regard mauvais qu'il dardait sur lui était tout, sauf rassurant.

- Alors comme ça, c'est toi le blanc-bec…

Sirius suivait le père de Judy à une distance respectueuse, tout en essayant de garder un œil sur l'homme au fusil derrière lui. Il avait l'impression d'être dans la peau d'un hors la loi venant de se faire arrêter par deux chasseurs de prime et il ne pouvait pas dire qu'il en menait large. Il avait secrètement espéré qu'en se montrant sous son plus beau jour, il créerait une sorte de diversion. Seulement, entre ses vêtements couverts de suie et son bouquet de fleurs dont il ne restait que les tiges, il allait devoir repenser ses plans…

Son escorte le mena jusqu'à un petit bâtiment un peu à l'écart de la maison, juste à côté de la caravane qui trônait à l'ombre de plusieurs sapins.

Lorsque Grant Adler ressortit de la caravane, il pointa un index menaçant sur sa poitrine et Sirius se ratatina sur lui-même face à son regard noir.

- Arrange les choses, gamin !

Il ne put que hocher la tête. L'homme sembla satisfait de sa réponse mais le poussa en direction de la porte quand il passa à côté de lui.

Il prit une profonde inspiration avant d'appuyer sur la poignée : son cœur battait à cent à l'heure dans sa poitrine et le nœud dans sa gorge n'avait rien à voir avec le fait que Grant ait tenté de l'étrangler dix minutes plus tôt. Il avait tout simplement peur que Judy refuse au moins de l'écouter, sinon de lui pardonner. Même s'il ne pourrait s'en prendre qu'à lui dans les deux cas…

Un léger tintement résonna quand il poussa la porte et il se hissa dans la caravane : une pièce unique rassemblait les fonctions de salon, salle à manger et cuisine. Les meubles étaient un mélange hétéroclite de différents styles : un petit buffet de toutes les couleurs, des éléments bons marchés pour la cuisine, des banquettes en cuir. Le tout correspondait tout à fait à Judy et à sa manie de mélanger les genres.

Il la trouva installée dans un petit fauteuil sur sa gauche, les bras croisés sur sa poitrine, le visage fermé et le regard revêche.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ?!

Sirius serra les dents pour digérer son ton froid et cassant, tout en réalisant que la voir si distante était plus… douloureux… que ce qu'il avait imaginé. Il s'accrocha toutefois à son regard, refusant de la laisser s'éloigner encore plus.

- Je suis venu m'excuser, dit-il d'une voix rauque et hésitante.

Elle haussa un sourcil puis eut un sourire froid :

- Je ne vois pas de quoi.

- Judy, je…

- Adler, le corrigea-t-elle.

Sirius sentit son courage vaciller mais refusa d'abandonner dans un sursaut de fierté.

- Je me suis comporté comme un imbécile et tu as toutes les raisons de m'en vouloir mais je…

- Arrête ça Black, l'interrompit-elle. On n'avait pas signé de contrat que je sache. Tu ne me dois rien et je ne te dois rien. Dégage maintenant.

- Pas avant de t'avoir expliqué que…

- Expliquer quoi ?! gronda-t-elle en se levant avant de pointer un doigt accusateur dans sa direction. Il n'y a rien de plus à dire, Black ! Entre nous, il n'y avait que du sexe et je me suis trompée quand j'ai cru que tu ressentais autre chose. Je…

- Ce n'était pas que physique entre nous et tu le sais aussi bien que moi!

- Ah bon ?! Ce n'est pas ce que tu m'as fait comprendre, la dernière fois !

Sirius ferma les yeux pour rassembler ses pensées et se frotta le front d'un geste compulsif.

- Ma réaction n'avait rien à voir avec toi, souffla-t-il sans réussir à la regarder en face.

Judy eut un rire moqueur particulièrement froid :

- Tu es conscient que je ne vais pas avaler ça facilement, pas vrai ?

Sirius resta paralysé par le regard dédaigneux avec lequel elle le fixait. Il s'était attendu à ce qu'elle soit sur la défensive mais pas à ce point. Cela ne facilitait en rien les choses pour lui et il doutait de plus en plus être capable d'aller au bout de son explication…

Il sentait pourtant qu'il n'avait pas le choix. S'il se taisait, s'il abandonnait, il ne se le pardonnerait pas.

Il prit une profonde inspiration et rassembla tout le foutu courage qui faisait de lui un Gryffondor.

- Tu es… la première personne à me dire… à me dire je t'aime Judy, dit-il finalement, même si chaque mot était plus dur à dire que le précédent.

Il dut faire une pause : son cœur avait repris une étrange course contre la montre et il enfonça ses mains dans ses poches pour qu'elle ne puisse pas voir à quel point elles tremblaient. Il lui fallut encore quelques secondes pour faire taire la voix de sa mère dans sa tête alors qu'elle répétait une litanie d'insultes.

Sale traître à ton sang. Tu déshonores les Black ! Tu n'es pas digne d'être mon fils !

Quand il releva enfin la tête, Judy le dévisageait avec attention et malgré ses efforts pour ne rien montrer, il la connaissait assez pour deviner sa surprise.

- On ne m'a pas appris, Judy… Dans ma famille, les sentiments sont pour les femmes et les faibles… On ne m'a pas appris… Ça ne pardonne pas tout mais ça explique certaines choses.

Judy garda le silence mais Sirius vit l'hostilité diminuer dans ses yeux.

- Tu aurais pu m'expliquer ça l'autre fois, au lieu de disparaître.

Sirius déglutit difficilement, la honte lui brûlant les joues.

- J'ai paniqué. Je n'avais pas réalisé qu'on en était arrivé là. Je… L'Ordre avait besoin d'aide et je… Je n'aurais pas dû y aller. J'ai merdé, je le reconnais, je… Je suis un imbécile fini.

Elle secoua la tête lentement et il admira son talent pour garder un visage impassible quand bien même elle semblait en proie à l'hésitation. Il sentit l'espoir renaître dans sa poitrine et son cœur accéléra, moins douloureusement.

- Tu me manques, Judy. Et je suis désolé si je t'ai blessée. Vraiment désolé.

Elle croisa à nouveau ses bras sur sa poitrine et tenta de lui jeter un regard noir, mais ses yeux étaient bien trop brillants pour qu'elle soit convaincante. Elle serra les dents pour contenir ses larmes et Sirius se sentit encore plus coupable quand une première goutte glissa le long de sa joue.

Au risque de recevoir un coup de poing, il franchit la distance qui les séparait et l'attira dans ses bras.

- Je t'interdis de pleurer à cause de moi, Adler. Je t'assure que je n'en vaux pas la peine, chuchota-t-il.

- Je sais.

Sa voix tremblait encore mais elle renifla sèchement et Sirius ne sentit aucune autre larme couler sur son t-shirt.

- Je suis vraiment désolé, Jud'.

Elle soupira puis passa ses bras autour de sa taille et se nicha un peu plus contre lui. Sirius resserra son étreinte, respirant son odeur à plein poumon.

Réalisant qu'elle ne lui avait pas que simplement manqué : son absence l'avait tué à petit feu.

- A quel point tu es fâché avec ta famille ? demanda-t-elle finalement.

- Je ne suis pas fâché avec ma famille. Je ne fais plus partie de cette famille. Je me suis enfui quand j'avais seize ans, l'été avant ma sixième année. Mes parents m'ont renié. Il n'y a pas de retour en arrière possible.

- Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

Un sourire triste lui échappa tandis qu'il songeait au chemin qu'il avait parcouru depuis ce fameux été 1975 : quitter le toit familial avait fini de lui faire comprendre qu'absolument rien dans sa famille ne valait le coup. Il avait cessé complètement de songer à Walburga et à Orion comme à ses parents, leur préférant de loin ceux de James. Les Maraudeurs étaient devenus ses seuls frères, Lily sa sœur. Naturellement, il s'était engagé dans l'Ordre quand Regulus avait préféré les Mangemorts. Il n'avait plus rien à voir avec les Black et il avait tiré un trait définitif sur sa famille sans l'ombre d'un regret.

- Je n'y pense plus. C'était il y a des années. Et les rares fois où j'y repense, j'ai l'impression que tout ça est arrivé à quelqu'un d'autre.

Elle se redressa et il baissa la tête pour croiser son regard : elle le dévisageait désormais avec inquiétude et Sirius devina sa question avant qu'elle ne la pose.

- Tout ça quoi ?

Il détourna les yeux, de peur qu'ils le trahissent, alors que certains souvenirs s'échappaient de la boîte de Pandore. Il revit Walburga et son air sévère, entendit un énième sermon, contempla la porte verrouillée de sa chambre, ressentit la faim qui rongeait son ventre, la brûlure des sortilèges sur son corps.

Judy le ramena à la réalité en caressant sa joue du bout des doigts. Il réalisa alors que son cœur battait dans ses oreilles et que sa respiration était bien trop rapide.

Elle souffla un « désolée » avant de reposer sa tête contre son épaule. Il glissa son visage dans son cou et ferma les yeux pour se raccrocher à son odeur.

Un silence tomba entre eux et Sirius lui fut reconnaissant de ne pas avoir insisté. S'il évitait de repenser à son enfance, c'était en partie parce qu'il n'était pas bien sûr d'avoir un seul souvenir de valable qui puisse en valoir la peine.

Finalement, elle se dégagea de son étreinte avec douceur et, en lui trouvant cette expression décidée dont il avait appris à se méfier, il comprit qu'elle avait pris sa décision le concernant. Il soutint son regard sans flancher malgré l'appréhension qui lui serrait le ventre.

- Il y a d'autres choses dont tu ne m'as pas parlé, vrai ?

Sirius énuméra pour lui-même sa condition d'Animagus non déclaré, le fait qu'il passe toutes ses pleines lunes avec un loup-garou, la promesse de mort de Bellatrix, celle de Voldemort concernant James et Lily, avant de hocher la tête lentement.

Judy eut une grimace puis retrouva son sérieux.

- Ecoute, je veux bien qu'on retente quelque chose mais… Range-moi ce sourire idiot, espèce de crétin !

Sirius fit de son mieux pour se calmer mais un feu d'artifice battait son plein dans tout son corps et il devait mobiliser une grande part de sa volonté pour ne pas attirer Judy dans ses bras et l'embrasser jusqu'à avoir les poumons en feu.

Le coup de poing qu'elle lui asséna dans le ventre sans prévenir lui fit l'effet d'une douche froide et il reprit ses esprits avec plus ou moins de réussite.

- J'ai encore du mal à digérer ce qu'il s'est passé l'autre jour, Sirius… Ne crois surtout pas que tu es le seul à avoir des difficultés à exprimer tes sentiments. Je veux bien te laisser une seconde chance mais à une condition.

- Tout ce que tu veux.

- Plus de sexe.

Sirius cilla, ouvrit plusieurs fois la bouche pour parler sans réussir à se décider. Judy avait mis tellement de détermination dans ses mots qu'il préférait être sûr de sa réponse plutôt que de prendre le risque de tout gâcher.

Encore.

- Pourquoi ? murmura-t-il au bout d'un long moment passé à soutenir son regard décidé.

- Parce que j'ai besoin d'être sûre que tu ressens autre chose qu'une attirance physique pour moi, Black. On a tous les deux besoin d'être sûrs de ça.

Sirius ne trouva rien à redire et abandonna définitivement l'idée d'argumenter.

- Très bien…

Elle eut un léger sourire et Sirius se fit violence pour détourner son regard de ses lèvres. Elle dut s'en apercevoir car un éclair de malice illumina son regard et il se demanda ce qu'elle trouvait de si drôle à le voir tenir sa promesse.

- Sirius, tu peux m'embrasser, tu sais.

Son soupir de soulagement la fit rire, et il se promit de lui rendre la monnaie de sa pièce plus tard : au vu des nombreuses fois où un simple baiser s'était transformer en un corps à corps sensuel, il savait qu'il ne serait pas le seul à avoir du mal à se contrôler.

Il se contenta pour le moment de savourer sa chance : il se pencha lentement et déposa un baiser chaste sur ses lèvres.

- Merci de me laisser une seconde chance, souffla-t-il.

- Tu as intérêt à me montrer que ça en vaut la peine.

Il acquiesça en silence même si l'ampleur de la tâche le fit frémir : il lui faudrait sans doute beaucoup de temps avant qu'il ne s'approche du petit-ami idéal, et encore fallait-il qu'il se fasse à l'idée que Judy n'était plus une amie mais bel et bien sa petite-amie.

La porte de la caravane s'ouvrit brusquement derrière eux et ils sursautèrent dans un même ensemble. L'homme qui l'avait menacé de son fusil se tenait dans l'entrebâillement, mais le tablier jaune poussin qu'il avait enfilé ne collait pas avec la première impression qu'il lui avait donné un peu plus tôt.

- Judy, est-ce que ton blanc-bec de petit-ami anglais reste pour le dîner ?

Bien qu'il s'était adressé à sa nièce, Burt le fixait avec insistance.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée, marmonna-t-il.

- C'est l'anniversaire de mon père aujourd'hui. Ça fait une semaine qu'il prépare le repas. Tu veux vraiment lui annoncer que tu ne restes pas ?

Sirius avisa l'expression amusée de Judy, puis celle de plus en plus impatiente de l'homme.

- Je crois que je n'ai pas vraiment le choix…

- C'est bien ce qu'il me semblait, conclut-elle en s'écartant. Pas besoin de sortir ton regard de serial killer, Oncle Burt, il reste manger !

L'homme eut un rictus étrange avant de s'en aller.

- Je crois que ton oncle ne m'aime pas.

- Burt n'aime pas grand monde à part moi.

Sirius prit place à droite de Judy et tenta de ne pas faire attention aux regards mauvais que lui lançaient Grant et Burt : étant donné que les deux hommes étaient assis en face de lui, la tâche était on ne peut plus délicate.

- C'est… hum… très gentil à vous de m'avoir invité pour le dîner, réussit-il à articuler alors que le silence était de plus en plus pesant.

- Nous les américains, nous avons de l'éducation, grogna Burt.

Sirius déglutit difficilement et chercha de l'aide auprès de Judy. La jeune femme dissimula très mal son sourire amusé et se racla la gorge comme pour faire passer son envie de rire.

- Je croyais que les personnes éduquée ne menaçaient pas leurs invités avec un fusil, tenta-t-il.

Un bon trait d'humour peut parfois désamorcer une situation plus que critique. Du reste, c'était ce que Sirius espérait.

- Les invités sont généralement invités à passer par la porte d'entrée. Ils ne débarquent pas dans le salon de leur hôte sans prévenir.

Sirius ne put retenir une grimace crispée.

- Je… En tout cas, ça sent très bon.

Burt haussa un sourcil et ouvrit la bouche..

- C'est à mon tour de dire les bénédicités, non ? intervint Judy.

- Oui, mais…

- Très bien. Alors si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je vais me lancer. Je commence à avoir faim et Sirius a raison : ça sent divinement bon, Oncle Burt.

Sirius ne fut pas mécontent que Judy vienne à son secours mais il se demandait bien ce qu'elle entendait pas bénédicités.

Du coin de l'oeil, il vit sa petite-amie prendre un air sérieux et joindre ses mains devant elle. Il s'appliqua à l'imiter tout en espérant que ce qui suivrait n'allait pas être trop compliqué à reproduire.

- A la belle et bonne table !

Oh les gais compagnons,

que le Seigneur aimable

Donne sa bénédiction.

Sirius ne put s'empêcher de lever très haut les sourcils face à ce manège inédit. Il marmonna quelque chose qui ressemblait à un amen avec un petit temps de retard et se promit d'interroger Lily au sujet de cette étrange coutume.

- Judy chérie, peux-tu demander à ton blanc-bec de petit-ami anglais qu'il me passe son assiette ?

Sirius déposa avec précaution la pile d'assiette sur la table de la cuisine (là où Judy lui avait dit de la

mettre, d'ailleurs) et s'empressa de quitter la pièce sous le regard noir de l'Oncle Burt. Il retrouva Judy devant la cheminée du salon et ne fut pas mécontent quand elle se glissa dans ses bras.

- Mon père et mon oncle te détestent, constata-t-elle.

- C'est ce que j'avais cru remarquer. En même temps, c'est peut-être mieux comme ça.

- Pourquoi ?

- Je me sens moins désolé de t'annoncer que toute ma famille te hait également.

- Quoi ? s'indigna-t-elle en se redressant pour le dévisager. Je ne les ai jamais rencontrés !

- M'est d'avis que ça n'arrivera pas de si tôt… A moins que je ne me retrouve fauché et qu'il devienne urgent que ma mère trépasse.

Judy fronça les sourcils pour l'inciter à s'expliquer.

- Si jamais elle apprend que je sors avec une née-moldue, elle en fera une attaque. Entre toi et moi, ce sera un bon débarras.

A sa plus grande surprise, le visage de Judy s'assombrit.

- Qu'est-ce que j'ai dit ? Je me fiche que tu sois née-moldue et…

- Ce n'est pas ça, Sirius. Tu ne devrais pas parler comme ça de ta mère… On en a qu'une seule dans la vie.

Sirius faillit se lancer dans une de ses descriptions inspirées de Walburga Black, puis ses yeux accrochèrent la photo qui trônait sur le manteau de la cheminée : une jeune femme qui ressemblait beaucoup à Judy, tenait une petite fille de trois ou quatre ans dans ses bras et souriait à l'objectif.

- C'est ta mère ? demanda-t-il en désignant la photo d'un geste du menton.

Le regard de Judy se perdit dans le vague quelques secondes.

- Oui.

- Tu ne m'as jamais parlé d'elle…

- Elle est décédée quand j'avais sept ans.

- Je suis désolé. Je…

- Tu ne pouvais pas savoir.

Il voulut demander ce qu'il s'était passé mais la tristesse qu'il lisait dans les yeux de Judy l'en empêcha. Il n'aimait pas la voir sans son sourire et il ne souhaitait pas remuer ce qui était à l'évidence des souvenirs douloureux pour elle. Il préféra attraper sa main et l'entraîner vers le large fauteuil près de la télévision.

- Que font ton père et ton oncle ?

- Ils te critiquent en fumant une cigarette.

- Attends… Tu veux dire que ton père est en train de parler ? Il faut peut-être que j'aille voir ça !

Judy lui asséna un coup dans le ventre en riant.

- Idiot !

Il lui fit un clin d'oeil puis regarda autour de lui : la maison était assez vétuste et décorée de façon vieillotte mais à voir les nombreuses photos autour de lui et les bibelots entassés un peu partout, Sirius ne pouvait s'empêcher de lui trouver un côté terriblement sympathique. Non, pas sympathique… Vivant, juste ça. Si le père de Judy et l'oncle Burt ne lui avaient pas signifié qu'il n'était pas le bienvenu ici, il aurait sans doute adoré revenir.

- Bon, et c'est quoi la suite des événements ?

- Et bien, dès que Burt aura terminé sa deuxième cigarette, il nous fera de délicieux pop-corn et nous t'initierons à notre rituel.

- J'ai hâte de voir ça !

- Moi aussi !

Ils se tournèrent vers l'Oncle Burt qui venaient de faire irruption dans la pièce.

- Je croyais que tu avais notre rituel en horreur ? s'étonna Judy.

- C'est exact. C'est pourquoi je disais à ton père que nous pourrions innover cette année.

- Tu m'en diras tant… Et bien vas-y, surprends-moi.

- Pendant que nous regarderons une nouvelle fois Le Magicien d'Oz, ton blanc-bec de petit-ami anglais pourrait tenter d'établir un nouveau record dans une discipline injustement méconnue…

Sirius grimaça avant de sourire largement en voyant Judy plisser les yeux en une menace silencieuse en direction de son oncle.

- Et cette discipline serait ?

- Tenir le plus longtemps en équilibre sur un piquet de quinze centimètres de diamètres suffisamment haut pour que la mort succède à sa chute.

Judy eut une exclamation outrée et jeta le coussin le plus proche au visage de Burt.

- Oncle indigne ! File à la cuisine me faire mes pop-corns et commence à intégrer que désormais, tu me partages avec un troisième homme !

Burt s'éloigna en riant.

- Puisque tu en parles Judy chérie, tu es sûre que ton blanc-bec de petit-ami anglais est bien un homme ? lança-t-il quand il fut hors de portée.

- Tu veux que je t'expose toutes mes preuves en détail ou ma bonne foi te suffit ?

Burt eut une expression étrange, ouvrit la bouche puis la referma, avant de disparaître dans la cuisine.

- C'est un jeu, pas vrai ? demanda Sirius en remarquant l'expression jubilatoire de Judy.

- Plus ou moins.

- Comment ça ?

- Le premier qui arrive à court de réplique fait la vaisselle.

- Je commence à comprendre pourquoi tu as une aussi bonne répartie…

Judy éclata de rire.

Lundi 27 Octobre 1980, Bureau de Ranatus Lestrange, Londres.

Bellatrix entra dans le bureau où son beau-père avait pour habitude de régler ses affaires courantes. Comme bon nombre de famille Sang-Pur, les Lestrange possédaient un bel appartement à quelques pas du Ministère de la Magie et de nombreuses lois étaient discutées et parfois même votées dans un boudoir guindé.

Vue l'heure tardive, la petite secrétaire qui se chargeait d'accueillir les rendez-vous de Ranatus devait être rentrée chez elle depuis plusieurs heures déjà et Bellatrix l'envia presque. Elle traversa le hall, remplissant le silence de l'écho de ses talons sur le marbre sombre et poussa la porte au fond de la pièce.

Comme convenu, Peter Pettigrow et Bartémius Croupton Junior étaient déjà présents. L'ami de son cousin se ratatina sur son siège en la voyant entrer et Bellatrix se demanda pour la énième fois comment Pettigrow avait pu finir à Gryffondor.

- Personne ne l'a suivi ? demanda-t-elle en guise de bonjour.

- Il a suivi nos consignes à la lettre, répondit Bartémius avec assurance.

Bellatrix s'en étonna mais choisit d'être diplomatique, de peur que Pettigrow ne perde tous ses moyens si elle disait tout haut ce qu'elle pensait.

- Venons-en directement à la raison de notre présence, déclara-t-elle. Pettigrow, le Maître a quelques questions pour toi. Je pense qu'il est inutile de te rappeler qu'il vaut mieux que tes réponses soient honnêtes…

Le bruit de déglutition angoissée qui fit écho à sa menace était tout ce qu'elle demandait.

- Pour quand est prévu la prochaine campagne de publicité de votre petit gang ?

Pettigrow s'agita nerveusement, faisant grincer le cuir sous ses fesses.

- Il n'y a rien de prévu pour le moment. Je… Je pense qu'on… Qu'ils feront sans doute quelque chose pour marquer la m… la perte de Wilkes et Rosier.

- Vont-ils utiliser la même méthode pour les distribuer ? demanda Bartémius.

- Peut-être. C'est Sirius qui se charge de ça. Je… Je pourrais essayer de le convaincre de s'en tenir à la même méthode.

- C'est une bonne idée, approuva-t-elle, son meilleur sourire mielleux sur les lèvres. Il faudra que tu nous préviennes de la date que ce petit traître choisira.

Pettigrow hocha la tête sans grande conviction.

- Y a-t-il de nouveaux membres ?

- Non. Dumbledore pense que la Guerre des Géants a traumatisé les esprits.

- C'était le but, souligna-t-elle. Et à ce propos, les Potter ont brillé par leur absence sur le champ de bataille…

A la mention de son grand ami, Pettigrew se tordit les mains et jeta un rapide coup d'oeil autour de lui, comme s'il craignait que le jeune homme apparaisse au milieu du bureau.

- Potter te soupçonnerait-il déjà ? s'étonna-t-elle.

- Non ! J'ai fait tout ce que vous m'avez dit de faire ! J'observe, je viens à nos rendez-vous, je vous envoie un hibou si quelque chose d'important se prépare et je ne prends pas d'initiatives. James n'a aucune raison de penser que… que j'ai… que je travaille pour vous.

- Et ce travail sera récompensé, Peter, intervint Bartémius. Le Maître t'a donné sa parole de te trouver une place de choix dans la société qu'il construit.

Pettigrow hocha la tête, ses yeux humides fixés sur ses mains crispées.

Bellatrix sentait la peur qui se dégageait de chacun de ses pores mais le jeune homme semblait avoir compris où se trouvaient ses intérêts : le Seigneur des Ténèbres lui avait promis mariage, richesse et influence à la fin de la guerre. En attendant, Rodolphus s'était arrangé pour qu'il monte en grade et quelques Gallions supplémentaires venaient arrondir son petit salaire d'archiviste à chaque information digne de ce nom. Si Pettigrow s'en tenait à leur plan et réussissait à faire profil bas devant Dumbledore, il avait tout à gagner à changer de camp.

- Je disais donc : que deviennent les Potter ?

Pettigrow prit une inspiration sifflante avant d'ouvrir la bouche :

- Ils se cachent. Je ne sais pas où ils sont en ce moment. Ils ne restent pas longtemps au même endroit.

- Et pourquoi se cachent-ils ? Je les croyais prêts à mourir pour leur cause ? ironisa Bartémius.

- C'est à cause de Harry. Lily ne pouvait plus se battre parce qu'elle était enceinte et maintenant ils ne veulent pas faire de lui un orphelin.

- La grossesse n'était pas qu'une rumeur… Quand exactement ce petit bâtard est-il né ? demanda-t-elle.

Elle ignorait encore pourquoi, mais le Maître s'intéressait de très près aux enfants Potter et Londubat.

- Le 31 Juillet.

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