
Chapter 7
«… There's so many wars we fought,
There's so many things we're not,
But with what we have,
I promise you that
We're marching on… »
(Marching On - One Republic)
Samedi 30 Août, Chemin de Traverse, Londres.
- A la prochaine Boris ! tonitrua Sirius en ouvrant la porte.
Le patron du pub où James, Peter, Remus et lui aimaient venir de temps à autre depuis leur sortie de Poudlard, lui fit un vague signe avant de continuer à essuyer le verre qu'il avait dans la main.
Tout en se demandant pourquoi il n'utilisait pas la magie, comme tout le monde, Sirius sortit sur le Chemin de Traverse où l'ambiance était nettement plus tendue que dans le petit établissement. En cette fin de mois d'Août, la grande rue commerçante du Londres Sorcier était absolument déserte, quand bien même le soleil avait de longues heures devant lui et que la rentrée à Poudlard était dans deux jours.
- Je crois que je ne m'y ferais jamais, marmonna-t-il avant de rejoindre sa moto, garée à quelques mètres de là.
Il comprenait toutefois pourquoi aussi peu de personnes se risquaient dans les lieux publics : ces trois dernières années, les Mangemorts avaient attaqué le Chemin de Traverse plus que tout autre endroit. La Guerre des Géants - enfin terminée, grâce à l'utilisation massive des Impardonnables - avait plongé le pays dans une terreur sans précédents et la communauté sorcière se repliait sur elle-même.
Il donna un vigoureux coup de kick.
Sa Bonnie vrombit avant de caler, lui arrachant un juron.
- En panne, Patmol ? s'étonna James.
Il ne se donna pas la peine de répondre, se contentant d'allumer le starter. Au deuxième essai, le moteur se lança normalement.
- La vieille mécanique est caractérielle.
- C'est ce que tu dis toujours avant qu'elle ne tombe en panne, insista son meilleur ami en tournant autour de sa moto, comme s'il était à la recherche d'un détail quelconque, quand bien même il n'y connaissait rien en mécanique.
- Ça ne peut pas être une panne, Cornedrue. On a changé presque toutes les pièces du moteur.
James haussa un sourcil avant d'échanger un regard avec Remus et Peter.
- On ? remarqua le loup-garou.
Sirius secoua la tête face à leur manège : chacun de ses trois amis connaissaient parfaitement la réponse à la question mais ils ne pouvaient pas s'empêcher d'essayer de lui arracher Merlin savait quelle confidence inédite.
De vraies commères…
- Oui. Judy et moi. Plus Judy que moi d'ailleurs. Content ?
Ils eurent au moins la décence de feindre l'embarras.
- Au fait, tu as de ses nouvelles ? lança James.
Sirius se tendit malgré lui et dut faire un effort pour éloigner la déception qui le gagnait à chaque fois qu'il repensait à la jeune femme.
- Pas depuis deux semaines. Ses lettres ont dû se perdre au-dessus de l'Atlantique.
L'expression de James devint soudain sérieuse. Sirius comprit aussitôt que son meilleur ami avait deviné que cet état de fait le touchait bien plus qu'il ne voulait le reconnaître.
- Elle n'a peut-être rien à te raconter, intervint Peter. Après tout, seuls les jeunes pères, les loup-garous ou les inconscients vivent des aventures tous les quatre matins.
- Peter marque un point, renchérit Remus. Ou avec la chance qui est la tienne, elle appartient à ces trois catégories à la fois.
Sirius haussa les épaules, à moitié convaincu seulement, mais reconnaissant envers ses amis d'essayer de lui remonter le moral. Toutefois, James lui donnait l'impression de vouloir en savoir plus et il donna un coup d'accélérateur pour l'inciter à abréger.
- Tu n'oublies pas que dimanche, c'est chez Peter, lui rappela-t-il.
- Je n'oublie pas, Cornedrue. Et je sais encore où il habite. Et que c'est à mon tour d'acheter les desserts. Tu as conscience que tu es en train de te transformer en mère dragon depuis la naissance de Harry ?
James eut une grimace peu inspirée avant de sourire largement :
- Il faut bien qu'un de nous trois se dévoue pour te servir de figure parentale.
Sirius choisit de ne pas répondre et enfila son casque, ainsi que sa paire de lunette de soleil. Au moment de partir, il marqua un temps d'arrêt et dévisagea soigneusement ses trois meilleurs amis : Remus, Peter et James venaient d'échanger un de ces regards de connivence que ses talents de fauteur de trouble associaient toujours à un mauvais coup en préparation.
Ou du reste, l'idée d'un même mauvais coup venait de traverser les esprits des trois Maraudeurs simultanément.
Et il pouvait se tromper - ce qui arrivait rarement - mais il se pourrait que cette fois, il ait le rôle de la cible.
Tout en se promettant de se méfier d'ici les prochaines semaines, il ouvrit les gazs et ne tarda pas à quitter la terre ferme pour les nuages.
…
Samedi 30 Août, Oxford Street, Londres.
Bellatrix replaça une mèche de cheveux que le vent avait emporté et continua sa longue attente, les yeux braqués sur la devanture d'un magasin de vêtements moldus situé à l'écart des grandes avenues. Il s'agissait d'une de ces boutiques de luxe suffisamment réputée pour que la haute société sorcière en ait entendu parlé. Naturellement, Bellatrix n'y avait jamais mis les pieds mais nombre de ses connaissances ne se gênaient pas.
La plus belle soie du monde perd toute sa valeur une fois que ces moins que rien l'ont souillée.
Près d'elle, Rabastan laissa échapper un soupir impatient et elle le fusilla du regard pour lui rappeler de tenir son rang. Le Maître ne les avait pas choisi au hasard avec Rodolphus et ils se devaient de faire honneur à sa confiance.
Finalement, leur cible se décida à quitter les lieux aux alentours de dix-huit heures. Bellatrix eut un rictus en découvrant Madame Bones et ses trois petites filles chargées de paquets, suivies de la silhouette impressionnante d'un unique garde du corps.
Visiblement, les Bones étaient plus stupides qu'elle le pensait. Croyaient-ils vraiment que le monde moldu leur assurait une meilleure protection ?
Une fois qu'elles se furent éloignées du magasin, elle fit signe à son mari et à son beau-frère de lancer l'attaque. A l'autre bout de la rue, Dolohov, Mulciber et Avery Sénior les imitèrent aussitôt, créant la diversion dont elle avait besoin pour se débarrasser du garde du corps.
Madame Bones - une vieille sorcière de quatre-vingt ans à l'allure fragile - les aperçut, saisit sa baguette et attrapa Antigone, la plus jeune de ses petites-filles.
Elle tenta de transplaner.
Echoua.
- Les barrières anti-transplanage ne sont pas l'apanage des gentils sorciers, Denise, lança-t-elle à la vieille femme tandis que l'Avada Kedavra s'échappait de sa baguette pour frapper le garde du corps .
Madame Bones releva le menton avec fierté et poussa ses trois petites-filles derrière elle pour les protéger.
- Que veux-tu, Bellatrix ?
- Oh, je suis sûre que tu as une petite idée.
Denise ne répondit pas tout de suite et Bellatrix la vit détailler les alentours à la recherche d'une issue ou de quelqu'un qui pourrait lui venir en aide. Seulement, rien n'avait été laissé au hasard dans la préparation de cette attaque. Bellatrix tenait par-dessus tout à mener à bien chaque mission qui lui était confiée.
Elle aurait pu l'expliquer à sa victime, mais elle savait Denise Bones assez intelligente pour s'en rendre compte par elle-même. Qui plus est, elle aimait voir l'espoir mourir dans les yeux d'une victime, avant que ne s'allume le brasier de la peur au fond de son cœur.
Denise Bones lui offrit ce plaisir, et bien plus encore quand elle commença à trembler.
- Jamais nous ne rejoindrons les rangs de Lord Voldemort, souffla la vieille sorcière.
Bellatrix retint un Doloris pourtant mérité et réussit même à afficher son meilleur sourire mielleux :
- Le Seigneur des Ténèbres l'a bien compris. Mais ce manque de lucidité de la part d'une famille aussi déviante que la tienne ne l'a pas étonné. Cependant, les exploits de ton mari et de ton fils aîné commencent à être particulièrement agaçants. Il est grand temps qu'ils revoient leurs opinions.
- Oswald et Edgar font ce qui leur semble juste et tu n'y changeras rien, Bellatrix !
- Je suis pourtant convaincue du contraire. Messieurs, je vous en prie. Vous savez ce que vous avez à faire.
D'un même élan, Avery, Rodolphus, Rabastan, Mulciber, Dolohov s'avancèrent. Les deux premiers saisirent la jeune Antigone Bones fermement et la réduisirent au silence d'un simple Silencio. L'adolescente tenta de se débattre mais ses cinquante kilos tous mouillés étaient loin de faire le poids. Les deux sœurs et la grand-mère essayèrent de venir au secours de la cadette. En quelques sorts, elles se retrouvèrent bâillonnées et ligotées ensemble par une corde ensorcelée en Portoloin.
Bellatrix resta en retrait tout au long de l'opération et ne se mit à la hauteur de Denise Bones qu'une fois qu'elle fut immobilisée.
- Quand on vous aura retrouvées, tu diras à ton cher mari qu'il a exactement une semaine pour donner sa démission au Ministère et qu'il vaudrait mieux pour ton fils qu'il se fasse oublier. Si jamais ces conditions ne sont pas remplies, je prendrais personnellement soin de ta petite-fille. Et j'y prendrais beaucoup, beaucoup de plaisir… Après tout, ce n'est pas tous les jours que ma route croise celle d'une Cracmol, n'est-ce pas ?
La vieille sorcière fit mine de vouloir lui cracher au visage et Bellatrix lui asséna une gifle retentissante qui laissa quatre griffures sur son visage.
- Lors de notre prochaine rencontre, tu ne t'en sortiras pas aussi bien, promit-elle.
Denise Bones lui lança un regard chargé de haine.
Le Portoloin se déclencha alors, emportant la femme et les deux adolescentes vers une petite île écossaise complètement inhabitée.
Bellatrix et ses complices ne perdirent pas de temps pour disparaître à leur tour, sachant pertinemment que le Ministère ne tarderait pas à s'apercevoir que leur Portoloin n'était pas tout à fait autorisé.
Quand les premiers Aurors arrivèrent sur place, ils étaient déjà loin.
…
Dimanche 31 Août, Londres Est.
Sirius ralentit en arrivant dans la rue où habitait Peter. Le quartier avait longtemps été l'un des plus populaires de la banlieue est de Londres, mais ces derniers temps, un vent de renouveau soufflait dans le coin, comme en témoignait les immeubles au look futuriste qui accueillaient de nombreux appartements. En se garant devant la maison que son meilleur ami louait depuis sa sortie de Poudlard, Sirius ne put retenir un sourire, tant la petite habitation faisait figure de résistante au milieu de tout ce changement. Sa propriétaire - une vieille sorcière qui réussissait à faire passer Walburga Black pour aimable - était toutefois décidée à ne pas vendre. Et Peter restait tant que la situation perdurait.
Sirius lança plusieurs sorts pour que personne ne puisse voler sa précieuse moto, puis alla frapper à la porte :
- Qui est-ce ?
- C'est moi mon petit canard en sucre. J'ai trouvé ton gâteau préféré.
Peter grogna derrière le panneau de bois, de toute évidence peu amusé par son cinéma.
- Lors de la dernière Pleine Lune, qui a gagné ?
- Moi. Et de loin en plus ! Tu sais que j'ai encore une marque ? On pourrait presque compter le nombre de crocs d'un…
La porte s'ouvrit en grand sur un Peter Pettigrow blasé par son blabla du dimanche midi.
- Tu es le dernier, Black.
- Y'avait la queue chez le marchand de gâteaux moldu, répondit-il tout en entrant.
Il traversa l'entrée, déposa son casque sur la petite table, puis entra dans la cuisine où la mère de Peter s'activait derrière les fourneaux.
- Quelle est cette délicieuse odeur ? demanda-t-il après avoir mis son paquet dans le placard à froid.
Ronalda lui adressa un regard faussement noir :
- Tu es encore en retard Black ! Gronda-t-elle, tout en le menaçant de sa cuillère en bois. Je te préviens que si c'est trop cuit, il ne faudra pas venir te plaindre !
Sirius accepta la remontrance de bonne grâce.
- Ce sera parfait, comme d'habitude. Je vous ai trouvé de la tarte aux fraises.
- Française ?
- Évidemment !
Un large sourire éclaira le visage de la femme, la faisant paraître plus jeune, puis elle l'attira dans une de ses embrassades maternelles dont Walburga n'avait jamais été capable.
Sirius y répondit volontiers, ravi de lui avoir fait plaisir : après tout, Ronalda n'était-elle pas la seule mère de Mauraudeurs encore là pour témoigner à quel point James, Remus, Peter et lui avaient mis Poudlard sens dessus dessous ?
- Va donc rejoindre les autres, dit-elle finalement en le relâchant. Je viens dès que c'est prêt.
Comme on le lui avait si bien fait comprendre, Remus, Lily - Harry, lové dans ses bras - et James étaient déjà installés dans le salon autour d'un verre de vin rouge. Sirius ignora les « enfin » qui accompagnaient toujours ses retards, et se ménagea une place en face de son filleul, impatient de constater les nouveaux changements.
A son avis, les bébés grandissaient trop vite.
- Vous avez vu ça ? s'exclama James. Dès qu'Harry est dans les parages, on devient carrément transparents.
- Serais-tu jaloux de ton propre fils, Cornedrue ?
- C'est mon portrait craché, espèce de Troll !
- Il a les yeux de Lily. Selon tes propres critères, il te surpasse !
Il cessa de fixer son adorable filleul - qui dormait, de toute façon - et attrapa son verre.
- Bien ! Puissions-nous connaître un autre dimanche tous ensemble !
Ronalda le sauva d'une interminable séance de moqueries en venant s'asseoir avec eux, puis anima leur apéritif des dernières nouvelles qui avaient secoué la communauté sorcière (Ronalda tenait une petite boutique de vêtements sur le Chemin de Traverse). Ils passèrent ensuite à table, dégustèrent un délicieux rôti de porc à la moutarde et au miel, puis les pâtisseries qu'il avait acheté.
Sirius apprécia le repas, comme chaque semaine, parfaitement conscient que sa famille était autour de lui et qu'il avait de la chance d'avoir pu les retrouver cette fois-ci. Il n'arrivait pas à imaginer qu'un jour, la guerre puisse prendre l'un d'entre eux à jamais. Aussi faisait-il de son mieux pour accumuler les bons souvenirs en grands nombres.
Les autres viendraient bien assez vite.
Ils ne tardèrent pas à débarrasser la table et Sirius tenta une nouvelle fois de comprendre comment Ronalda arrivait à ensorceler divers instruments de cuisine pour qu'ils nettoient tout seul.
Il aidait à ranger la pile d'assiettes quand Harry se réveilla à l'étage, réclamant sa mère à grand renfort de pleurs déchirants.
- Sirius, tu veux bien aller le chercher ? Je vais préparer son biberon.
Sirius se figea :
- Moi ?
- Oui, toi. A moins que Peter garde enfermé un autre Sirius dans sa cave et que personne n'ait jugé utile de m'en parler.
- Merlin tout puissant Lily ! Je n'ai pas de cave ! Et un seul Sirius suffit largement à l'humanité toute entière.
Les pleurs de Harry redoublèrent et Sirius se décida à aller rejoindre son filleul.
Lily l'avait installé au milieu du grand lit de Peter, avant de jeter plusieurs sorts afin de s'assurer que son fils ne pourrait pas tomber. Seulement, du haut de ses quatre semaines, le petit garçon semblait encore plus minuscule que d'habitude et déraisonnablement fragile au milieu de ce grand lit.
- Hey mini-Cornedrue. On t'a entendu. Pas la peine de te mettre dans des états pareils… souffla Sirius tout attrapant le nourrisson avec le plus de précautions possibles, se répétant les conseils de Lily afin de ne pas faire de bêtises.
Harry se calma dès qu'il fut dans ses bras et Sirius s'appliqua à le caler contre lui, plaçant sa petite tête dans le creux de son coude.
- On va aller voir ta maman. Il paraît qu'elle a quelque chose pour toi.
Il redescendit lentement, craignant plus que tout de tomber dans les escaliers, quand bien même il avait du mal à détacher son regard de son filleul.
Lily l'attendait dans la cuisine, une drôle d'expression sur le visage, comme si elle était au moins autant attendrie qu'amusée.
- Mission accomplie, Madame Potter.
- Je vois ça. Tu veux lui donner le biberon ?
- Tu ne veux pas le faire ?
- Je le fais plusieurs fois par jour depuis qu'il est né… Je ne suis pas à une fois près.
- Et James ?
- James non plus. Mais je ne veux pas te forcer si tu ne veux pas le faire.
- Je n'ai jamais vraiment essayé…
- Et bien il faut un début à tout ! Va t'installer dans le salon ! Et détends-toi un peu ! C'est le fils de James, d'accord, mais il n'est pas en porcelaine pour autant.
Sirius s'exécuta en silence, ravi de pouvoir passer un moment privilégié avec son filleul. Une fois qu'il fut assis sur le canapé à côté de Ronalda, Lily l'aida à mettre un bavoir à Harry qui commençait à s'agiter à nouveau - visiblement, il savait ce qui l'attendait et il était impatient - puis lui donna le biberon.
Sirius se surprit à fixer bêtement l'objet.
- Ne le nargue pas, Sirius. Je t'assure qu'un Potter qui a faim n'est pas une mince affaire.
Il se reprit et présenta la tétine à Harry.
Le reste de l'opération fut un jeu d'enfant puisque son filleul semblait être très au point sur la technique. Pendant qu'il observait Harry sous toutes ses coutures, s'émerveillant qu'une si petite chose puisse receler un nombre infini de possibilités, il eut bien l'impression que l'air se parfumait des effluves d'un mauvais coup auquel il n'était pas convié, mais quand il voulut essayer d'en savoir plus, Harry le rappela à l'ordre. Il mit toute ses capacités de concentration au service de sa mission et oublia bien vite le reste…
…
Dimanche 31 Août, Manoir Lestrange.
- LAISSEZ-MOI PARTIR !
Le cri suraigu lui arracha un soupir et Bellatrix augmenta le volume du gramophone qui diffusait une sonate du XVIIIème siècle. La voix de la gamine Bones, pourtant enfermée dans une pièce à l'autre bout du Manoir s'éleva encore, mais lui sembla désormais assez lointaine pour qu'elle ne la dérange plus.
Au contraire, Bellatrix aimait l'écho tragique que son désespoir donnait au morceau qu'elle écoutait.
Elle s'autorisa un léger sourire puis reprit la lecture du grimoire de Magie Noire que le Seigneur des Ténèbres lui avait conseillé de lire en vue d'une de ses leçons particulières.
A cette pensée, son cœur se serra d'excitation : de tels rendez-vous privilégiés étaient de plus en plus rares à cause de la montée en puissance de leur mouvement, aussi les chérissait-t-elle d'autant plus.
Elle se souvenait encore de la leçon de duel qu'il lui avait donné quatre mois plus tôt : il l'avait poussée dans ses derniers retranchements, plus exigeant que tous les professeurs qu'elle avait eu à Poudlard, et elle avait bien cru qu'elle allait défaillir.
Mais elle avait tenu bon. Et elle avait pu lire dans les yeux de son Maître qu'il était satisfait par sa détermination et ses efforts.
Elle espérait pouvoir renouveler le même exploit la semaine prochaine.
- Bella, pourquoi n'as-tu pas insonorisé la chambre de notre invitée ?
Elle releva la tête vers son mari : Rodolphus s'était installé à la petite table où ils déjeunaient souvent et à la quantité de parchemins et de dossiers de toutes les couleurs autour de lui, elle pouvait supposer sans risque de se tromper qu'il s'était décidé à s'occuper de leurs comptes.
Ce qui avait en général le don de le mettre de mauvaise humeur.
- Je trouvais plus intéressant que cette petite dégénérée se sache entendue mais complètement ignorée.
Il la dévisagea, soudainement surpris :
- Je croyais que tu n'appréciais pas les méthodes de tortures psychologiques ?
- Le Maître a ordonné qu'on ne la touche pas tant que le délai ne serait pas passé. Je tiens tout de même à lui rappeler la place d'une Cracmol dans notre monde.
Rodolphus lui sourit avant de redevenir sérieux :
- Dans ce cas, insonorise le salon, afin que je puisse travailler, veux-tu ?
Bellatrix reposa son grimoire avec douceur, faillit exhausser son mari, avant de se raviser.
- Non, je crois que je vais aller lui rendre une petite visite, dit-elle en se levant. L'as-tu nourrie depuis son arrivée ?
- Oui. Mais seulement avec du vieux pain et de l'eau courante.
- Qu'elle s'en estime heureuse.
- Je le crois aussi.
- Numéro 1 ?
L'Elfe apparut aussitôt dans un pop caractéristique.
- Lady Lestrange désire quelque chose ?
- Apporte-moi l'une de ces pâtisseries du déjeuner. Je la veux bien tiède.
- Il en sera fait ainsi, Lady Lestrange, Madame.
Rodolphus inclina la tête pour saluer son initiative et la lueur dans son regard lui donna envie de le traîner dans leur chambre. Elle se retint toutefois et se contenta d'un baiser au goût de promesse, avant de quitter la pièce.
Les cris résonnaient plus forts encore dans le reste du manoir : la petite Bones était résistante pour une gamine de treize ans. Après tout, cela faisait déjà deux jours qu'elle était ici et depuis deux jours, elle n'avait que très rarement cessé son cirque.
Numéro 1 lui apporta la part de cake au rhum alors qu'elle arrivait devant la porte de ce qui avait été la pièce réservée aux Elfes de Maison du temps où les parents de Rodolphus vivaient ici. Bellatrix leur avait attribué une pièce moitié moins grande dans les greniers dès le premier jour où elle avait emménagé avec son mari.
Un Elfe de Maison trop bien traité oublie sa place.
Bellatrix ouvrit la porte mais ne fit qu'un pas à l'intérieur tant l'odeur était repoussante : à l'exception d'un matelas hors d'âge, il n'y avait aucun meuble, une petite fenêtre constituait la seule source de lumière et les commodités se résumaient à un pot de chambre qu'elle interdisait de vider.
Antigone Bones cessa de crier en la voyant et elle releva le menton avec fierté quand leurs regards se croisèrent.
- Comme c'est touchant, ironisa-t-elle avant de savourer à dessin une bouchée de son gâteau. Si tu n'avais pas été dépourvue de pouvoirs magiques, tu aurais sans doute fait une parfaite petite Gryffondor.
- Relâchez-moi.
- Certainement pas. Seul ton grand-père a le pouvoir de changer quelque chose à ta condition. Je ne fais qu'appliquer les ordres du Seigneur des Ténèbres.
La gamine eut un rictus méprisant.
- Lord Voldemort n'est un seigneur en rien et il est servi par…
Bellatrix laissa sa pâtisserie tomber au sol dès que la fille eut prononcé le nom de son Maître. En trois enjambées, elle était à son niveau et l'empoignait violemment par ses longues mèches blondes.
- Ne prononce pas son nom, Cracmol !
- Sinon quoi ? la provoqua Bones, malgré ses yeux brillants de douleur. Je vous ai entendu. Vous n'avez pas le droit de me toucher.
Bellatrix maintint sa prise, autant pour montrer à sa prisonnière qu'elle pouvait tout de même lui faire mal, que pour garder assez de sang froid afin de trouver une façon de contourner ce problème.
Je croyais que tu n'appréciais pas les méthodes de tortures psychologiques ?
Un sourire dur étira ses lèvres à cette pensée et elle sut aussitôt comment briser la gamine qui la défiait toujours du regard.
- Oh, il y a des dizaines de façon de faire souffrir une personne sans laisser une seule trace physique, ma douce.
Elle raffermit sa prise sur les cheveux sales de sa victime et tout en pointant sa baguette sur sa gorge, la conduisit dans les sous-sols du manoir. La gamine tenta de se débattre et Bellatrix se fit un plaisir de planter sa baguette sur des points nerveux qui lui tirèrent des cris de douleur.
Arrivée devant le cachot le plus froid, elle conjura une chaise, força sa prisonnière à s'asseoir dessus, la ligota soigneusement, banda ses yeux et la contraint au silence d'un sort.
- Malgré tous les efforts de mes Elfes de Maison, ce cachot est constamment infesté par les rats, les cafards et tout un tas d'autres bestioles… Je te laisse en leur compagnie. Ils le laisseront peut-être tranquille étant donné que tu es de la vermine comme eux, mais j'en doute… Bonne nuit ma douce.
…
Dimanche 31 Août, Londres.
Sirius n'était plus qu'à un kilomètre de chez lui quand le moteur de sa moto émit un drôle de bruit.
Un bruit métallique .
Un bruit métallique qui lui fit l'effet d'un coup au cœur, surtout quand il fut suivi par une absence de bruit total.
Tandis que sa moto roulait encore, emportée par l'élan de ses soixante-dix kilomètres heure, il ne put que tenter de relancer le moteur de sa bécane avec l'énergie du désespoir, tout en se doutant qu'il n'y parviendrait pas.
Parce qu'un bruit métallique, ce n'est jamais bon signe.
Il s'arrêta finalement sur une place réservée aux taxis et se fit copieusement klaxonner par la même occasion. Il prit sur lui pour ne pas jeter un sort aux importuns et fit le tour de sa moto pour essayer de trouver d'où venait le problème, sans résultat notable. Au bout de plusieurs minutes, il se résigna à pousser sa moto jusqu'à chez lui, maudissant sa malchance durant tout le trajet et se torturant les méninges pour trouver une solution : Max n'accepterait jamais de se déplacer pour une panne mécanique et il n'avait pas assez confiance dans les motards du coin pour demander un coup de main.
Bien sûr, il pouvait appeler Judy à la rescousse.
Il eut une moue pensive à cette idée puis un léger sourire étira ses lèvres.
Peut-être…
…
Dimanche 31 Août, Manoir Lestrange.
Le soleil était déjà haut dans le ciel quand Bellatrix fut tirée du sommeil par les savantes caresses de son mari. Blottie dans les draps de soie noire qui avait vu leur nuit de noce, elle garda les yeux fermés, autant pour que Roldolphus ne s'arrête pas que pour savourer le désir qui s'éveillait en elle.
Elle sentit sa main redessiner la courbe de ses reins, de ses hanche et de son ventre avec assurance, tandis qu'il s'appliquait à embrasser - mordiller même parfois - chaque centimètre carré de son cou, remontant lentement vers ses lèvres.
Elle resta parfaitement lascive et silencieuse jusqu'à ce qu'il commence à tracer des cercles délicats sur la peau sensible de ses cuisses, lui arrachant un gémissement comme lui seul savait le faire.
- Je savais bien que tu étais réveillée, souffla-t-il dans son oreille d'une voix plus grave que d'ordinaire.
Pour toute réponse, elle tourna la tête et l'embrassa fiévreusement. Alors qu'elle commençait à défaire sa ceinture, il la stoppa et mit fin au baiser.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle en le dévisageant.
Elle connaissait suffisamment Rodolphus pour ne pas lire le désir dans ses yeux, et quand bien même, la bosse qui déformait son pantalon ne laissait aucun doute possible.
Il s'assit sur le bord de leur lit et lui tendit l'exemplaire de La Gazette.
Bellatrix sourit largement quand elle découvrit les gros titres :
Démission d'Oswald Bones
- Le Maître veut que nous libérions la Cracmol au plus vite, lui annonça Rodolphus avec détachement.
Bellatrix planta son regard dans le sien, y vit toujours ce même appétit dévorant qui la fit frémir d'avance puis se redressa avec une lenteur délibérée.
Elle attrapa vivement son mari par un pan de sa robe et l'attira contre elle.
- La Cracmol n'est pas à une heure près, grogna-t-elle entre deux baisers. Elle adore la compagnie des rats.
…
Lundi 1er Aoûr, Chemin de Traverse, Londres.
Sirius fixait l'agence du courrier international sans réussir à se décider : devait-il ou non appeler Judy à l'aide ?
Il avait essayé de trouver ce qui n'allait pas sur sa moto durant toute la journée sans aucun résultat et Max avait refusé catégoriquement de venir jeter un œil. Seulement, sa fidèle Bonnie refusait de démarrer malgré toutes ses tentatives et aux bruits métalliques qui s'étaient élevés après qu'il ait tenté un maigre Reparo, il craignait d'avoir empiré la situation.
D'un autre côté, Judy ne lui avait pas donné signe de vie depuis deux semaines. Peut-être ne voulait-elle plus entendre parler de lui ? A cette pensée, une étrange sensation lui serra le ventre et il grogna.
- Hé Patmol ! Qu'est-ce que tu fais dans le coin ?
La voix de Remus le fit sursauter. Le loup-garou éclata de rire face à sa réaction et Sirius l'en remercia en levant les yeux au ciel :
- Tu ferais moins le malin si j'avais fait une attaque cardiaque ! marmonna-t-il.
- Aucun risque Pat' ! Tu es un jeune homme en pleine santé, tes vaccins sont à jour… Et jusqu'ici, seul un nourrisson d'à peine une heure a réussi à te faire tourner la tête.
- Très spirituel, Lunard.
- Je sais. Mais tu n'as toujours pas répondu à ma question : que fais-tu dans cette partie du Chemin de Traverse ?
- Je cherche du travail.
Le visage de Remus retrouva son masque de Parfait Petit Préfet l'espace d'une poignée de seconde qu'il employa à le dévisager, puis il secoua la tête et rit à nouveau :
- J'ai presque failli y croire ! Sérieusement Sirius ?
Sirius chercha une autre issue : il n'était pas sûr d'être d'humeur à soutenir une nouvelle session de moqueries à propos de Judy et lui. Toutefois, Remus était loin d'être idiot et Sirius soupçonnait depuis des années que sa lycanthropie avait développé son intuition.
- Je tente ma chance : cette lettre est pour Judy, non ?
Il ne répondit pas mais son expression suffit à son meilleur ami.
- Elle t'a donné de ses nouvelles ou tu ne supportes plus son absence ?
- Ma moto est en panne ! se défendit-il.
- Encore ?!
- Oui, encore.
- Et Max ?
- Max ne quitte son atelier que pour des questions de vie ou de mort… Et j'entends par là la sienne.
- Ah… Et donc tu attends au milieu de la rue parce que… ?
- Parce que j'en ai envie.
- Tu es au courant que c'est une réponse convaincante uniquement quand elle est donnée par une femme enceinte ?
- Je t'emmerde Lupin. Et de tout mon cœur.
- Me voilà rassuré. Je tiens quand même à te faire remarquer que je pourrais me poser des questions sur ce soudain manque d'assurance qui ne te ressemble pas.
- Je n'avais jamais remarqué que James et moi t'avions perverti à ce point.
- Vous n'avez que ce que vous avez toujours voulu. Cela étant, ça ne suffira pas à détourner notre conversation, Black. Pourquoi ta lettre est dans ta main et non sur la pile des courriers qui seront envoyés par Cheminée aux Etats-Unis ?
Sirius fut tenté de lancer une réplique mordante qui dissuaderait son meilleur ami de continuer à se payer sa tête, mais Remus lui sembla décidé à ne pas le lâcher de si tôt.
- Bonne journée, Lupin. Tâche de croiser la route d'un Mangemort d'ici dimanche et de mourir dans d'atroces souffrances !
Il s'éloigna avec humeur et la réplique de Remusse perdit dans le brouhaha relatif de l'avenue commerçante.
Il entra dans l'agence et se dirigea vers le seul guichet encore libre. Une jeune femme brune aux yeux bleus trop grands pour son visage lui adressa un sourire charmant :
- Jessica Day pour vous servir.
- Je souhaiterais envoyer un courrier aux Etats-Unis.
- Bien sûr. Par hiboux, chemiboux ou voie moldue ?
- Chemiboux. S'il vous plaît.
La fille le détailla et eut un drôle de sourire.
- Où aux Etats-Unis, Monsieur ?
- Rowlfer, Idaho.
Elle sortit une carte du pays et passa une petite minutes à noter des renseignements sur un morceau de parchemin.
- Cela vous fera quatre Gallions. Votre courrier arrivera demain au plus tard. Souhaitez-vous offrir la réponse à votre correspondant ?
- Je…
Jessica Day se pencha vers lui, une expression à la fois concernée et curieuse sur le visage.
- Cette lettre… C'est pour une amie. Elle habite aux Etats-Unis et elle est venue ici et… Bref. Je n'ai pas eu de nouvelles depuis un moment et…
- Et vous vous demandez si ce n'était pas à vous de prendre de ses nouvelles plus tôt ?
Il hocha la tête, à peine surpris par l'étrange perspicacité de son interlocutrice.
- Payez-lui la réponse. Elle répondra plus volontiers. Et dans le pire des cas, elle renverra une Beuglante et on sait tous qu'il vaut mieux les recevoir le plus vite possible.
- Marché conclu, dit-il en sortant sa bourse.
La fille lui fit un grand sourire, comme s'il venait de lui annoncer que Noël serait fêté en avance cette année, et récupéra soigneusement les huit pièces qu'il venait de poser sur le comptoir.
…
Mardi 2 Août, Résidence de Sirius Black, Londres.
Sirius s'ennuyait.
Installé dans son propre salon en compagnie de James, Remus et Peter, cela n'aurait pas dû être le cas, et pourtant il s'ennuyait ferme.
Suite à l'affaire des Bones et à ses désastreuses conséquences sur l'opinion publique, ses trois meilleurs-amis avaient débarqué dans l'idée de mettre au point l'une de leur première action de publicité en faveur de l'Ordre du Phénix. La Gazette s'était contentée d'annoncer la démission d'Oswald Bones et était restée très floue sur les raisons de sa décision, passant évidemment l'enlèvement de la jeune Antigone sous silence. D'ordinaire, Sirius aurait été ravi d'apporter sa pierre à l'édifice mais son enthousiasme avait fondu comme neige au soleil quand Remus avait déclaré que leur meilleure option était de terminer la première édition de leur petit journal.
Seulement, Sirius ne s'était pas engagé dans l'Ordre dans l'espoir de faire carrière dans le journalisme. Et il y avait une raison à ça : il était une véritable catastrophe en rédaction.
Il se contentait donc de donner son avis quand ses amis le lui demandait… Ce qui restait d'un intérêt très limité.
Aussi s'ennuyait-il.
Bercé par les conversations feutrées des trois autres Maraudeurs, le cerveau un peu engourdi par les trois Bièraubeurres qu'il avait avalé, il commença à somnoler.
Ses yeux se fermèrent sans qu'il n'y prenne garde…
…
-… presque charmant quand il dort comme ça.
La phrase chuchotée le tira immédiatement du sommeil et il se redressa aussitôt pour donner le change.
- Je dormais pas, marmonna-t-il.
James, Peter et Remus eurent une même expression sceptique mais s'abstinrent étonnamment de commentaires. Encore à moitié groggy, il mit un peu de temps à remarquer leurs regards insistants.
Des regards insistants qui, s'ils convergeaient dans sa direction, ne lui étaient pas spécifiquement décernés.
Il jeta un coup d'oeil autour de lui pour essayer de comprendre ce qu'il se passait.
- Judy ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Elle se tenait accroupie à côté de lui, une expression moqueuse sur le visage :
- J'ai reçu ta lettre, dit-elle simplement en se relevant.
Sirius fit de son mieux pour ne pas montrer à quel point il était content qu'elle soit venue aussi vite.
- Tu sais que je t'avais offert la réponse ?
- Très galant de ta part. Tu continueras sur ta lancée en m'aidant à payer le Portoloin que je viens de prendre.
Sirius hocha vaguement la tête même s'il savait déjà que cela allait lui coûter un bras.
- Tu es un amour, Black. Je peux aller poser mes affaires à l'étage ou une autre fille m'a remplacée dans la chambre d'ami ?
- Aucune n'a voulu s'installer à cause de l'odeur.
Elle ne prit même pas la peine de commenter, réajusta son sac sur son épaule et se dirigea vers l'escalier. Sirius découvrit alors que ses trois amis n'avaient pas perdu une miette de leur échange… Et qu'ils n'avaient même pas la décence de s'en sentir coupable ! Il voulut le leur faire remarquer quand Judy revint dans son champ de vision avant de se pencher vers lui.
- J'oubliais…
Son visage se stoppa tout près du sien. Sirius sentait ses boucles blondes lui chatouiller la joue et il retrouva avec plaisir son parfum. Il soutint son regard malicieux et esquissa un sourire en coin quand elle haussa un sourcil, comme pour lui demander son accord. Il n'avait pas besoin d'être Légimens pour deviner ce qu'elle avait en tête et il devait reconnaître que sa façon de lui dire bonjour lui avait manqué.
Elle l'embrassa alors, aussi chastement que bien d'autres fois, et Sirius se surprit à regretter que sa moto n'ait pas lâché plus tôt.
- Bonjour quand même, Black.
Elle se redressa vivement et s'éloigna en faisant claquer ses talons sur le parquet.
Sirius se retrouva donc seul face à trois visages ahuris.
- Quoi ?! grogna-t-il, tout en sachant très bien pourquoi ses trois meilleurs amis le fixaient ainsi.
Peter échangea un regard avec James et Remus, comme pour être sûr de quelque chose avant de lui faire face à nouveau :
- Tu sors avec elle ?
Sirius ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel.
On prend les mêmes et on recommence.
- Non. On est juste amis.
Peter resta quelques secondes à le dévisager :
- De deux choses l'une, Sirius : soit tu rêves que l'on te salut de la même façon depuis qu'on se connaît et tu n'as jamais osé nous le dire, soit vous sortez ensemble.
- Elle est américaine. Ils sont un peu plus effusifs là-bas, c'est tout. Et arrêtez de me fixer comme ça, je vous dis qu'on ne sort pas ensemble. C'est une amie.
Peter ricana, bien vite imité par Remus et James.
- C'est une amie ? répéta finalement l'Animagus rat après avoir repris son souffle. Sirius, tu n'as jamais eu d'amie fille.
Sirius se rencogna dans son fauteuil avec un grognement et préféra boire sa bièraubeurre plutôt que de répondre. Peter avait raison, bien sûr : Lily, Andy et Tonks exceptées, les seules filles qui partageaient sa vie étaient ses conquêtes d'un soir. Cela étant, il n'était jamais trop tard pour changer et ses amis pourraient au moins comprendre ça.
- Arrête de l'embêter, Queudver, ils sont juste amis, commenta finalement Remus, un drôle d'air sur le visage. Ils s'embrassent juste pour le fun.
- Ouais… enchaîna James. Ils sont juste amis. Il n'arrête pas de parler d'elle mais ils sont juste amis.
- N'en rajoute pas non plus, Potter, gronda-t-il, je ne fais pas que parler d'elle !
James eut un éclat de rire :
- Il ne se rend même pas compte qu'il parle tout le temps d'elle mais ils sont juste amis.
- Et puis je suppose qu'ils couchent aussi ensemble en toute amitié, lança Remus, même si je ne tiens pas trop à avoir de détails…
Pour la première fois depuis des années, Sirius sentit une horrible chaleur venir lui brûler les joues, ce qui ne manqua pas de déclencher un fou rire chez Peter, James et Remus, lesquels laissaient échapper des juste amis à intervalles réguliers.
Comme souvent, Remus fut le premier à se calmer :
- Comment ? marmonna-t-il.
Il n'en avait même pas parlé à James. Déjà parce qu'il était sûr que son meilleur ami en ferait toute une histoire - et ce qui était en train de se passer lui donnait raison - et surtout parce qu'il aimait bien cette idée de ne partager ça qu'avec Judy.
- Il faut bien que mon petit problème de fourrure ait quelques avantages, Sirius. Même si te concernant, ça a plus été un inconvénient jusque-là.
Sirius détourna les yeux et fixa la cheminée pour éviter que Remus n'enchaîne sur un de ses sermons à propos de ses aventures d'un soir. Le loup-garou n'avait jamais cautionné le fait qu'il n'envisage aucune relation sérieuse et qu'il sorte avec des filles uniquement pour leurs corps.
Le fou rire de James et Peter finit par s'éteindre et Sirius maudit aussitôt le silence qui le suivit, trop enclin à la réflexion. Au fond, peut-être qu'ils avaient raison… S'il s'obligeait à analyser sa relation avec Judy, il ne pouvait pas dire qu'il n'y avait aucune ambiguïté. Mais de là à dire qu'ils sortaient ensemble, rien n'était moins sûr. C'était un jeu. Leur baisers, les nuits passées ensembles… Quant à leur complicité, elle lui semblait bien proche de celle entre Cornedrue et lui.
- Pat', juste entre nous, commença James, ta dernière conquête remonte à quand ?
Sirius grimaça quand il réalisa qu'il ne savait pas quoi répondre.
- C'est bien ce qu'il me semblait, se réjouit son frère de cœur.
Sirius aurait bien aimé répliquer quelque chose d'inspiré - comme par exemple que ce n'était pas parce qu'il n'avait aucune date à donner que cela voulait dire quelque chose : l'alcool avait tendance à lui faire perdre le fil du temps - mais les talons de Judy revenaient vers eux, accompagnés d'un bruit métallique.
Sirius la vit déposer une imposante boîte en métal au pied de la porte conduisant au sous-sol, avant qu'elle ne se tourne vers lui :
- Comme tu es en excellente compagnie, je reviendrai plus tard - elle sortit une enveloppe rouge de l'intérieur de sa veste et eut un sourire qu'il qualifia de sadique - j'ai un petit quelque chose à déposer au mec qui m'a logée à mon arrivée.
- Arrange-toi pour ne pas finir dans un commissariat.
- Aucun risque.
La porte d'entrée s'ouvrit puis se referma. Sirius décida de couper court à toute autre discussion en attrapant la pile de parchemins noircis par l'écriture soignée de Remus.
- J'espère que c'est plus intéressant que l'affreuse dissertation que tu m'avais obligé à lire en sixième année.