Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
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Chapter 4

«… All the hate coming out from a generation

Who got everything, and nothing guided by temptation

Were we born to abuse, shoot a gun and run

Or has something deep inside of us come undone?

Is it a human trait, or is it learned behavior

Are you killing for yourself, or killing for your savior?… »

(Savages - Marina and the Diamonds)

 


 

Mercredi 16 Juillet 1980, Manoir Malefoy.

Bellatrix apparut dans le hall d'entrée du Manoir Malefoy et apprécia que la suie se détache d'elle-même de ses vêtements. Au contraire des Nott, les Malefoy avaient équipé leur cheminée de sortilèges adéquates.

- Bella, très chère, l'accueillit Narcissa avant de la prendre brièvement dans ses bras, comme si elle était venue la visiter pour boire le thé.

- Petite sœur, répondit-elle en se dégageant.

Narcissa était resplendissante dans une robe sorcière bleue nuit au tissu léger, resserrée sous sa poitrine et qui dissimulait avec finesse les dernières rondeurs de sa grossesse.

- Le Seigneur des Ténèbres est-il arrivé ? demanda-t-elle tout en se dirigeant vers la salle de réception.

- Pas encore, mais Rodolphus t'a devancée.

- Naturellement. Comment Draco se porte-t-il ?

- Comme un charme. Tu pourras aller le voir après la réunion. Tu seras surprise à quel point le mois écoulé l'a déjà métamorphosé.

Bellatrix hocha la tête d'un air distrait et refusa à ses idées noires le droit de se glisser dans son esprit. Le Maître les avait appelés pour une réunion de la plus haute importance et elle se devait d'avoir toutes ses capacités pour les heures à venir.

La salle de réception du Manoir était à moitié aussi grande que la Grande Salle de Poudlard et rivalisait en luxe avec celle des Nott. Un immense chandelier en cristal de fabrication Gobeline pendait majestueusement au plafond, et de nombreux miroirs argentés, patinés par le temps, accentuait l'impression d'espace. Une longue table occupait le centre de la pièce, surmontée en son bout d'une chaise plus imposante que les autres au dossier gravé de la Marque des Ténèbres.

Bellatrix grinça des dents et n'eut pas besoin de voir l'expression narquoise de Lucius pour deviner qui était à l'origine d'une telle idée. Le manque de finesse était pathétique, mais elle savait que le Maître serait sensible à ce cadeau.

Elle lui reconnaissait d'être trop sensible à la flatterie et le mari de sa sœur l'avait aussi bien compris qu'elle.

Rodolphus se leva à son approche puis embrassa le dessus de sa main avec douceur, avant de tirer une chaise pour elle.

Celle située à la gauche du Seigneur des Ténèbres.

Un sentiment de fierté emplit son coeur et elle se redressa de toute sa hauteur, admirant la vue qu'elle avait de ses camarades. Rodolphus siégeait toujours à sa gauche et le père de Lucius, Abraxas, occupait la place en face d'elle, celle-là même située à la droite de leur Maître. Ensuite venait Ranatus, son beau-père, qui n'était pas encore arrivé. Se succédaient ainsi les Mangemorts de la première heure, jusqu'à Lucius.

Depuis la première fois où Bellatrix avait assisté à une réunion du cercle proche, elle avait toujours vu la place à la toute gauche de leur Maître vide et s'était alors fait la promesse de la conquérir.

L'attaque qu'elle avait mené à Londres et l'ampleur médiatique qui avait suivi la lui avaient finalement offerte.

L'arrivée de ses camarades s'égrena pendant une dizaine de minutes et Ranatus salua sa nouvelle position avec un sourire appréciateur.

- Mes chers Mangemorts, les salua leur Maître quand il entra dans la pièce, suivi par le tourbillon de ses robes noires. J'ai une excellente nouvelle à vous annoncer.

Bellatrix le suivit du regard jusqu'à ce qu'il s'installe près d'elle, repoussant le trône offert par Lucius pour rester debout et les dominer de toute sa hauteur.

- Les Géants Ecossais et Irlandais ont accepté mes termes et seront désormais à nos cotés. Leurs premiers pas pour notre cause se feront à Glasgow.

Bellatrix se délecta de chacune des annonces qui suivirent : Glasgow allait être le théâtre d'un massacre qui rendrait bien pâle celui du Stade de Londres.

Elle avait hâte.

Jeudi 23 Juillet 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.

L'horloge de l'Oncle Alphard sonna trois heures trente-deux en imitant le cri d'un hyppogriffe à la saison des amours, comme tous les mercredis.

Pris par surprise comme tous les mercredis, Sirius renversa son encrier et jura copieusement avant de faire disparaître les dégâts d'un coup de baguette. Il raya ensuite l'idée qu'il venait d'écrire sur le bout de parchemin qui lui faisait face ( proposer aux membres de l'Ordre de porter une cape blanche ornée d'un Phénix rouge ) et continua à réfléchir au meilleur moyen de faire monter la côte de popularité de l'Ordre, sans risquer de saccager tout le travail de coulisse déjà entrepris depuis le début de la guerre. Comme l'avait finement remarqué Remus lors de leur première réunion, il allait falloir jouer avec tact.

Venue de nulle part, une main qu'il connaissait très bien attrapa une des plumes qui traînaient sur la table et rajouta un r qui manquait à l'un de ses mots.

Sirius allait faire remarquer à Judy qu'il ne la savait pas si pointilleuse sur la grammaire, quand il comprit avec un temps de retard que la jeune femme était derrière lui, et qu'elle avait très probablement lu tout ce qui était écrit.

Même s'il savait qu'il était trop tard, il posa sa main sur le papier et se retourna vivement, cherchant à maîtriser la panique qui montait en lui. Aucune personne extérieure à l'Ordre du Phénix ne devait avoir connaissance des projets de l'Ordre, à moins que l'on soit sûr du camp de la personne en question… Et l'on était jamais sûr de rien ces derniers temps.

Judy soutint son regard sans ciller et Sirius ne sut que penser de son expression fermée. Elle croisa les bras sur sa poitrine et pencha la tête sur le côté, attendant visiblement des explications.

- Tu m'as fait peur ! tenta-t-il tout de même, histoire de gagner un peu de temps.

Avec de la chance, il aurait une idée de génie.

- Tu avais l'air très concentré… Qu'est-ce que tu faisais ?

- Ah… euh.. Pas grand chose d'intéressant.

Elle haussa un sourcil et son regard se durcit.

- Je…

- Oui ? dit-elle froidement.

Sirius chercha une solution des yeux, évitant soigneusement de croiser le regard glacial de Judy. Il ne l'avait jamais vue ainsi et il n'aimait pas ça. Il n'aimait pas la méfiance nouvelle qu'il sentait dans son attitude, tout comme il n'aimait pas avoir à lui mentir même s'il savait qu'il n'avait pas le choix. Même s'il adorait Judy, même s'il adorait passer du temps avec elle, même quand ça ne se terminait pas au lit, il avait fait une promesse en entrant dans l'Ordre et il n'avait qu'une seule parole.

- Je… Ce sont juste des idées comme ça… Je… J'aimerais écrire un livre, histoire de m'occuper et…

Et rarement il n'avait aussi mal menti.

Judy le toisa comme si elle avait à faire à une créature particulièrement répugnante et Sirius se sentit affreusement mal. Finalement, elle eut une expression déçue et se détourna sans un mot de plus. Sirius la regarda se diriger vers la cheminée et hésita à la rattraper. Ce n'était qu'une fille après tout et elle habitait aux Etats-Unis… Et puis elle était née-Moldue. Elle n'irait pas voir Voldemort. Et puis de toute façon, elle n'avait rien vu d'important… Elle…

Elle prit une poignée de poudre de Cheminette.

Merde, songea-t-il en se levant vivement.

En trois pas, il fut à sa hauteur et l'attrapa par le poignet avant qu'elle ne lance la poudre dans le faible feu.

Elle tenta de se libérer mais il resserra sa prise, décidé à ne pas la laisser partir. Il ne saurait expliquer pourquoi, mais il ne voulait pas qu'elle parte.

Parce qu'il était évident qu'elle ne reviendrait pas.

Ils s'affrontèrent du regard pendant ce qui lui parut une éternité avant qu'il ne se décide à parler.

- Je ne peux pas t'expliquer, souffla-t-il à regret.

- Et pourquoi ? gronda-t-elle, sans se radoucir une seconde.

- Parce que j'ai donné ma parole de ne pas en parler.

Elle ferma les yeux, silencieuse, et Sirius aurait donné cher pour pouvoir lire ses pensées.

- Lâche-moi, dit-elle après un long moment.

- Seulement si tu restes.

- Je partirais si je veux.

- Alors je ne te lâche p…

La poignée de poudre de Cheminée qu'elle lui lança en plein visage l'empêcha de parler et il toussa longuement, tout en faisant de son mieux pour garder Judy prisonnière. A travers sa vue larmoyante, il devina le coup de poing qui fusait vers lui. Par réflexe, il recula vivement, se prit les pieds dans cette maudite table basse et tomba à la renverse, entraînant Judy dans sa chute.

Le retournement de situation le laissa son voix.

Quand il retrouva ses esprits, il était allongé sur le dos, le sang pulsait douloureusement sans sa tête et il toussait encore. Judy se tenait au-dessus de lui, le regard sombre.

Et elle avait plaqué sa baguette contre sa gorge en une menace équivoque.

- Tu ne veux toujours pas parler ?

- Je… Hum… Judy, crois-moi, si je pouvais, je t'expliquerais tout mais j'ai promis alors… Et puis…

- Et puis quoi ?

Sirius soupira. Il était face à un choix simple, et pourtant, il avait tout le mal du monde à se décider. S'il ne parlait pas de l'Ordre à Judy, il sentait qu'il ne la reverrait pas de si tôt et cet état de fait l'embêtait vraiment. Il avait du mal à se l'expliquer mais il ne voulait surtout pas que leur amitié se termine ainsi.

En même temps, tout indiquait que Judy n'était pas ni une Mangemort, ni une partisante de Voldemort.

A moins qu'elle lui ait menti depuis le début et ça, il n'était pas encore assez stupide pour oublier cette possibilité. La guerre poussait les gens à de drôles de choses et il fallait toujours rester sur ses gardes.

Alors qu'il tergiversait encore, ses yeux accrochèrent la photo des Maraudeurs qui était tombée pendant leur bataille. Il repensa à ses amis. Tous comptaient sur lui autant qu'il comptait sur eux pour que l'Ordre gagne face à Voldemort. Il ne pouvait pas les trahir… Surtout pas pour une fille qu'il ne connaissait que depuis quelques mois.

- Laisse tomber… dit-il finalement. Restons-en là.

Sa réponse sembla troubler Judy au plus haut point. Elle se redressa, abaissant légèrement sa baguette et le dévisagea avec attention.

De nouveau, Sirius eut l'impression de passer aux rayons X, et il préféra détourner le regard.

- Qu'est-ce que ça veut dire, « restons-en là ? », demanda-t-elle avec une voix que Sirius trouva plus aiguë que d'habitude.

- Si tu ne peux pas comprendre que je puisse te cacher des choses, je ne vais pas me battre contre ça. Et si tu ne peux pas le comprendre, c'est que tu ne me fais pas confiance… Et… Et sans confiance, on ne peut pas avancer.

Il faillit continuer mais se retint. Son cœur battait douloureusement dans sa poitrine, et il se rendait bien compte que quelque chose était en train de se passer entre Judy et lui.

En lui.

Un quelque chose sur lequel il ne voulait pas s'étendre parce que ça lui fichait un sacré malaise.

Judy l'obligea à tourner la tête avec douceur et il accepta de croiser son regard, même s'il avait un peu peur de ce qu'il y verrait.

Étrangement, elle semblait aussi perdue que lui et Sirius aperçut cette part de fragilité qu'elle prenait toujours soin de cacher.

A sa plus grande surprise, leur échange silencieux sembla la convaincre puisqu'elle se radoucit légèrement.

- Très bien, murmura-t-elle. Est-ce que j'ai quand même le droit à une question ?

- Pose toujours.

- Est-ce que tu es un Mangemort ?

Si la situation avait été différente, Sirius aurait sans doute éclaté de rire. Mais Judy avait parlé avec de la peur dans la voix et il n'aimait pas ça.

- Je te promets que non.

Elle resta silencieuse, les yeux dans le vague, puis souffla fortement. Quand elle retrouva la réalité, elle était de nouveau la Judy qu'il connaissait. Elle se pencha vers lui, un sourire espiègle sur les lèvres et Sirius prit conscience de leur position à tous les deux. Judy fit remonter une main le long de son torse avec une lenteur délibérée, haussant un sourcil suggestif comme pour lui demander son accord.

Il leva les yeux au ciel et ils rirent de concert.

Avant de s'embrasser à perdre haleine. Sirius eut l'impression que quelque chose avait changé mais il décida de ne pas s'attarder dessus.

Il avait mieux à faire.

Jeudi 23 Juillet 1980, Appartement des Potter, Londres.

Sirius se précipita hors de la cheminée de l'appartement de James. Sur le chemin, il essaya de se rhabiller correctement, tout en ôtant la suie qui maculait ses affaires, alors qu'il courait en direction de la salle à manger. Il était en retard et James allait le tuer. Lily découperait son corps en morceaux et Remus brûlerait ce qu'il resterait alors.

En arrivant devant la porte, il se passa une main à travers les cheveux, tout en sachant pertinemment qu'il avait l'air débraillé et que, s'il se souvenait bien, Judy lui avait laissé un affreux suçon à la base du cou.

Il poussa la poignée et se promit de lui faire payer son sale tour. Elle avait fait exprès de le retenir après qu'il lui ait confié qu'il avait un rendez-vous ce soir.

Tous les regards se tournèrent vers lui et Sirius regretta de ne pas posséder une cape d'invisibilité. Penaud, il rejoignit sa place entre Remus et Peter. Si Queudver étouffait avec peu de talent son rire, Lunard lui dédia son regard de préfet.

- Désolé pour le retard, marmonna-t-il à l'assemblée, évitant soigneusement de regarder vers le couple Potter. J'ai rencontré un petit imprévu.

Du coin de l'oeil, il vit Lily secouer la tête, défaitiste, et James laissa échapper une imprécation.

- Je disais donc, reprit-il d'une voix sèche, que l'idée des tracts est un bon point de départ. Il va falloir que l'on trouve un moyen pour les distribuer sans mettre quiconque en danger. Black, tu as peut-être une idée ?

Sirius se redressa et sourit de toutes ses dents. Ça, il y avait réfléchi dans l'après-midi.

- Je crois que l'on avait un enchantement qui permettait de retarder l'effet d'un sort. On a vu ça en septième année avec Flitwick. Alors si on trouve un sort qui fait exploser, sans les brûler, nos petits papiers, on pourra disposer des piles et elles se disperseront toutes seules. La personne qui fera ça aura le temps de se mettre à l'abri.

James le fusilla du regard et Sirius se demanda s'il n'allait pas lui lancer un sort d'un moment à l'autre. Alice Londubat et Benjy Fenwick eurent le même sourire amusé face à la scène, celui-là même qui précède souvent un fou rire intempestif.

- Quoi ? se défendit Sirius. D'accord, je suis en retard, et je suis désolé, mais n'empêche que mon idée elle est bonne ! Tu veux faire quoi d'autre ? Passer en balai au-dessus du Chemin de Traverse et prier pour que les Mangemorts ne nous canardent pas ?

- Ça pourrait être un excellent moyen pour se débarrasser de toi et réussir à faire passer ça pour un accident !

Sirius posa une main sur son cœur, l'air très faussement outré.

- Là, tu es cruel Jamesie !

Alice, Benjy et Peter éclatèrent de rire, et Remus et Lily se retinrent à grand peine. Sirius envoya un clin d'oeil moqueur à son meilleur ami. James et lui ne s'entendaient jamais mieux qu'après ce genre de dispute complètement infondée et bancale. Leur échange allégea l'atmosphère tendue que son arrivée avait créé et ils reprirent leur discussion d'un ton plus léger.

Les propositions fusèrent. Benjy Fenwick était le plus productif d'entre eux. Apparemment, il s'était documenté sur les méthodes utilisées par les résistants moldus durant ce qu'ils appelaient la « Seconde Guerre Mondiale » où un type un peu barjo s'était lui aussi mis en tête de détruire une catégorie d'individus qu'il considérait comme inférieure à la sienne.

Ils se mirent d'accord sur un point : il fallait montrer aux autres sorciers que des gens se rebellaient contre Voldemort. S'ils arrivaient à lever un mouvement de protestation en redonnant espoirs aux gens, les Mangemorts auraient moins de marge de main d'oeuvre.

Ils décidèrent aussi de monter leur propre journal, pour tenir la population informée des vrais problèmes. La Gazette était certes plus lue mais l'Ordre avait découvert que le rédacteur-en-Chef était un Mangemort. Fol-Oeil essayait de le coincer depuis plus de deux ans mais rien n'y faisait. Aussi, l'information était revue de telle sorte à servir le camp adverse…

Enfin, ils allaient eux aussi développer leur propre emblème, histoire de combattre l'effet lugubre de la Marque des Ténèbres. Sirius aimait bien l'idée d'une potion dégageant une fumée en forme de phénix mais l'assemblée avait opté pour peindre la marque de l'ordre sur les murs, à l'aide d'une potion résistante.

Sirius rentra chez lui à cinq heures du matin passées et trouva Judy installée au milieu de son lit, son corps emmêlé dans les draps, ses longues mèches blondes en travers de son visage. Il se déshabilla en silence, ne gardant que son boxer, et s'allongea à ses côtés. Il dégagea son visage avec douceur et se surprit à la détailler à la faveur du soleil levant. Le peu de maquillage qu'elle portait d'ordinaire avait disparu, dévoilant de légères tâches de rousseur sur les ailes de son nez. Il n'y avait jamais fait attention mais ses lèvres étaient complètement asymétriques avec une moitié plus charnue que l'autre, ce qui expliquait pourquoi son sourire semblait parfois tordu. Il ne s'attarda pas sur sa gorge offerte et résista à l'envie d'embrasser la courbure aiguë que formait sa mâchoire.

Il n'aurait aucun remord à la réveiller - surtout après qu'elle l'ait mis si en retard - mais l'avait rarement vu si paisible. La vue qu'elle lui offrait justifiait qu'il ajourne sa vengeance.

Il sursauta quand il croisa son regard endormi.

- Hey, souffla-t-elle.

- Hey… Désolé, je ne voulais pas te réveiller.

Un sourire fugace étira ses lèvres.

- J'ai le sommeil léger et tu manques cruellement de discrétion, Black, se moqua-t-elle avant de se décaler pour lui faire plus de place.

Tandis qu'elle bougeait, il reconnut le t-shirt qu'elle portait en guise de chemise de nuit : rouge et emblasoné du symbole de l'Ordre du Phénix.

Il manqua de s'étouffer avec sa propre salive.

- Joli t-shirt, marmonna-t-il.

Elle le détailla et il eut la nette impression de deviner du défi dans ses yeux.

- Je me suis servie dans ton armoire. Je suis sûre d'avoir déjà vu ce dessin quelque part. Un groupe de rock peut-être ?

Malgré tous ses efforts pour ne rien laisser paraître, il se tendit et le défi dans les yeux de Judy augmenta, assorti d'un sourire en coin.

Il aurait dû savoir qu'elle ne se contenterait pas de s'assurer qu'il n'était pas un Mangemort quelques heures plus tôt. Bien sûr, il pouvait encore esquiver sa question déguisée, mais il avait la certitude que Judy n'allait pas le lâcher de si tôt. Nier maintenant reviendrait à avouer plus tard ce qui n'était de toute de façon plus un secret.

Tous les Mangemorts du Royaume-Uni devaient savoir que Sirius Black était à la solde de Dumbledore.

- L'Ordre du Phénix, lâcha-t-il, le cœur battant à tout rompre, espérant qu'il ne faisait pas une bêtise.

Son sourire fana et le défi dans son regard fut remplacé par un sérieux qu'il ne lui connaissait pas. Elle ferma les yeux une poignée de secondes et il lui sembla que les couleurs quittaient son visage.

- Jud' ?

Elle rouvrit les yeux :

- Est-ce qu'il y a une chance pour que tu me promettes d'être prudent ?

Elle semblait vraiment inquiète à l'idée qu'il lui arrive quelque chose et Sirius ne savait pas bien si c'était une bonne chose. Bien sûr, cela prouvait qu'elle tenait vraiment à lui et il ne pouvait pas en être mécontent, mais cela signifiait surtout qu'il avait une nouvelle responsabilité à assumer.

Il avait déjà envisagé le fait qu'il pourrait mourir pour l'Ordre et jusqu'ici, il n'y aurait eu que les Maraudeurs pour le regretter. Aujourd'hui, cela ferait aussi souffrir Judy.

Et il s'en sentait terriblement coupable à l'avance.

- Prudent, je ne sais pas si je saurais faire avant longtemps. Mais je peux arranger moins téméraire.

Elle acquiesça en silence puis vint se glisser dans ses bras, sa tête retrouvant une position familière sur sa poitrine. Sirius embrassa le dessus de sa tête avec tendresse.

- Foutu Gryffondor, pesta-t-elle quand même.

- Foutue Serpentarde, répliqua-t-il.

Vendredi 24 Juillet 1980, Glasgow.

Les voitures étaient immobiles les unes derrières les autres et formaient une file qui, de là où elle se tenait, semblait interminable.

A force d'organiser des attentats ces dernières années, Bellatrix avait été obligée d'apprendre quelques rudiments à propos du mode de vie des moldus. La tâche s'était révélée ingrate et ennuyeuse au possible, mais elle ne serait pas la digne fille de Cygnus Black si elle n'avait pas retenu ses leçons : apprends à connaître les faiblesses de tes ennemis.

Etant dépourvus de pouvoirs magiques, ils avaient développé tout un éventail de solutions barbares aux problèmes de la vie quotidienne : ils utilisaient encore la roue pour se déplacer d'un endroit à un autre et ne s'écartaient jamais des voies tracées à cet effet à travers le pays - et qui défiguraient singulièrement le paysage, tout comme leur immenses tours de métal reliées entre elles par des câbles. Il s'était avéré qu'une fois ces routes bloquées, les secours moldus arrivaient au compte goutte et toujours sous-équipés.

Le Maître lui avait laissé carte blanche pour mettre le cœur de Glasgow à feu et à sang et elle avait ordonné à Rodolphus, Rabastan, Regulus et Bartémius Croupton Junior de créer des accidents sans trop de gravités à certaines intersections stratégiques, une demi-heure avant le lancement de l'attaque.

L'embouteillage qui paralysait la ville dépassait ses plus hauts espoirs.

Chaque moldu coincé dans sa voiture était un moldu mort.

Un vent froid se leva subitement et Bellatrix aperçut une première nappe de brouillard au bout de la rue, attestant que les Détraqueurs s'étaient positionnés au-dessus de la ville et attendaient le signal pour fondre dans les rues et donner le baiser à un maximum de moldus.

Un à un, ses quatre camarades revinrent à ses côtés. A dix-sept heures trente précise, la Marque des Ténèbres se déploya dans le ciel. Bellatrix enfila son masque tandis que les premiers moldus remarquaient le sinistre message au-dessus d'eux.

Le froid forcit, un hurlement se perdit au loin.

Elle sortit sa baguette et tua une femme à peine plus âgée qu'elle au moment où elle quittait sa voiture. Une gerbe de sang éclaboussa la pointe de ses chaussures et elle songea avec tristesse qu'elle devrait les brûler en arrivant au Manoir.

Elle effleura la voiture de la pointe de sa baguette. Une délicate flamme orangée apparut sur le métal, puis commença à grossir. D'une simple pensée, Bellatrix lui insuffla sa force et la flamme se transforma en brasier, avant de prendre la forme d'une serpent démesuré.

Elle eut juste le temps de lever un bouclier tandis que le premier véhicule explosait, bientôt imité par ceux qui l'entourait.

Le feu remonta la ligne de voiture, plus dévorant à mesure qu'il semait la destruction. Le concert d'explosions couvraient tous les autres bruits alentours et Bellatrix savoura son œuvre un peu plus quand un moldu couvert de flammes s'écrasa à ses pieds.

Une fumée épaisse et noire se mêla aux nappes de brouillard, rendant l'air difficile à respirer. Le Feudeymon qu'elle avait conjuré abandonna les carcasses métalliques des voitures pour les bâtiments les plus proches, jetant des dizaines de moldus dans les rues. Les hurlements s'intensifièrent encore, des personnes couraient dans tous les sens et les bousculades faisaient autant de victimes que les sorts qui fusaient des baguettes des quatre hommes à ses côtés.

Bellatrix resta en retrait pour vérifier que tout se passait selon ses plans, attendant que ses Géants apparaissent.

Le premier surgit au milieu de la large rue et se rua à la suite des moldus qui tentaient de s'échapper en remontant vers la station de train en amont, ignorant qu'une équipe de Mangemorts avait pour mission de la réduire en cendres, ainsi que tous les voyageurs qui s'y trouvaient.

Un deuxième Géant se matérialisa sur le pont qui permettait de traverser la rivière Clyde. Armé d'une massue démesurée, le Géant s'attela à détruire l'édifice en frappant le sol de son arme, créant un contrepoint inquiétant aux hurlements hystériques.

Quand un troisième Géant apparut à une dizaine de mètres et se mit en tête de détruire les bâtiments qui avaient résisté à ses flammes en lançant les carcasses des voitures sur les façades, Bellatrix se mit en marche.

Elle se dirigea en direction de la succession de petites rues qu'elle avait parcouru la veille pour repérer les lieux que le Maître lui avait assignés. Le feu qu'elle avait déclaré le long des rues principales, couplé aux Géants qui détruisaient les accès à l'autre rive, ne laissait guère d'autres choix aux moldus que de trouver refuge plus au nord de la ville. Les rues grouillaient de moldus, jeunes et moins jeunes, hommes ou femmes.

Ils se bousculaient à la manière d'animaux pris au piège. Elle faucha tous ceux qui passaient non loin d'elle, tranchant des membres, coupant les chairs grâce à des sorts noirs, projetant les corps avec violence contre les murs de pierre.

D'un revers flamboyant, elle sectionna une tête et la suivit du regard - un homme selon toute vraisemblance. - La femme qui l'accompagnait s'écroula alors à genoux et hurla à s'en déchirer les cordes vocales.

Endoloris, souffla-t-elle.

La femme tomba à la renverse et son corps s'arqua dans d'étranges positions. Ses cris couvrirent tous les autres et Bellatrix se délecta des larmes qui roulaient sur les joues de sa victime. Exaltée par son plaisir, sa magie décupla la puissance de son sortilège et les cordes vocales de la femme cédèrent dans un hoquet suraigu.

Bellatrix leva son sortilège. Sa victime se recroquevilla sur elle-même, secouée de sanglots, ses vêtements imprégnés du sang de l'homme auquel elle avait coupé la tête.

La rue dans laquelle elle se tenait s'était vidée suite à sa démonstration de force, mais les cris affolés n'étaient pas loin. Elle en prit la direction d'un pas égal - elle n'avait jamais eu besoin de courir pour tuer - et savoura la symphonie qui se jouait à ses oreilles : au loin le fracas créé par l'oeuvre de destruction des Géants, les sirènes diverses des secours moldus qui rejoignaient la fête au compte goutte, le vrombissement des avions et des hélicoptères qui devraient encore affronter les Détraqueurs avant de pouvoir se poser au sol ou déposer les hommes en tenue kakie.

Et toujours et partout, les hurlements des moldus.

Vendredi 24 Juillet 1980, Glasgow.

Sirius eut tout juste le temps de se jeter au sol.

Un large objet métallique passa en vrombissant au-dessus de lui et il resta allongé, le nez dans la poussière, bien après qu'il se soit écrasé à une dizaine de mètres sur sa gauche.

Dumbledore avait annoncé des Géants dans son message.

Il savait qu'il y aurait des Géants.

Merlin, la pratique était une autre paire de manche !

Il se redressa sur ses coudes et peina à croire ce qu'il voyait : il n'avait jamais vu un tel chaos.

La rue où il avait transplané était située au cœur de Glasgow et avait dû être longée par de nombreux bâtiments. Il ne restait désormais que des tas de gravas fumants autour de lui et deux géants s'acharnaient à faire tomber le dernier immeuble encore debout dans un rayon de cent mètres. Le corps d'une femme se tenait à moins d'un mètre de lui et il s'efforça de ne pas croiser son regard vide.

Il était arrivé trop tard pour la sauver, comme il était arrivé trop tard pour en sauver beaucoup d'autres.

Autour de lui, les cris des moldus réussissaient à percer à travers le vacarme que faisaient les géants, répondant aux sirènes des secours, signe que les moldus avait commencé à s'organiser malgré les rues bloquées par les voitures immobilisées.

Sirius avait vécu plusieurs batailles depuis sa sortie de Poudlard. Il avait cru que les Mangemorts ne pourraient pas faire pire que la tuerie du Stade un mois plus tôt. Il s'était visiblement montré très naïf.

Si naïf qu'il se demanda une fois de plus si tout cela avait encore un sens tant la folie meurtrière de Voldemort semblait sans limite.

On va faire une différence. Aussi petite soit-elle. Mais une différence tout pareil.

La voix de James le rappela à l'ordre et il se redressa en poussant un juron. A part les cadavres et les deux géants, la rue était déserte de tout Mangemort. Il choisit de prendre la forme de Patmol pour retrouver la trace des membres de l'Ordre, sachant qu'il serait téméraire de se lancer seul aux trousses des Mangemorts - et Godric il avait promis d'arrêter d'être téméraire - espérant que les Aurors trouveraient un moyen d'arrêter les géants eux-mêmes.

Il se fia à son instinct animal plus qu'à son odorat tant le sang, la fumée et la poussière saturaient l'air, couvrant les autres odeurs. Parmi tous les signaux qui lui parvenaient à travers les sens décuplés de sa forme canine, le froid surnaturel des Détraqueurs agissait comme un Pitiponk et le guidait vers le danger.

Puisque les précédentes attaques de Voldemort lui avaient appris une chose : là où il y avait des Détraqueurs, il y avait des moldus. Et là où il y avait des moldus, il y avait des Mangemorts.

Les cris devinrent plus entêtants, le bruit des pas précipités plus proches et il décida de reprendre forme humaine quand il distingua très nettement le bruit sourd d'un corps tombant au sol.

Il se précipita vers le premier duel qu'il repéra à travers les moldus courant dans tous les sens. Un Mangemort masqué était aux prises avec un jeune homme de petite stature.

- Queudver ! Gauche ! hurla-t-il.

Son meilleur-ami plongea vers la droite.

Stupéfix ! gronda Sirius.

Le Mangemort fut heurté en pleine poitrine par son sortilège et le temps qu'il rejoigne Peter, l'Animagus rat avait soigneusement ligoté son adversaire et brisé sa baguette en deux selon les consignes de Fol-Oeil.

- Ça va, Peter ? demanda-t-il en le voyant essuyer un filet de sang sur son visage.

- Ouais. Tu en as mis du temps !

- J'ai transplané du mauvais côté de la ville. On y retourne ?

L'horreur régnait en maître autour d'eux, les sols étaient jonchés de corps et il refusa de dévisager les morts, de peur d'y trouver un visage connu.

Sirius réalisa que Peter et lui avaient trouvé refuge derrière la jambe d'un Géant au moment où ils battirent en retraite face à une douzaine d'Inféris. Il se demanda vaguement comment les Aurors avaient réussi à en venir à bout - les géants étaient extrêmement difficiles à stupéfier, sans parler d'en tuer un - et comprit que les soldats moldus avaient sûrement usé de leur bombes volantes en découvrant le large trou qui ornait la poitrine du géant quand il l'escalada, cherchant autant à éviter les Inféris qu'à gagner en hauteur pour déterminer où il pourrait être le plus utile.

Des duels se déroulaient à tous les coins de rues et il était quasiment impossible de déterminer s'il s'agissait ou non de membres de l'Ordre à cause de la fumée omniprésente venant des bâtiments en flammes et de la brume des Détraqueurs.

Expecto Patronum, lança-t-il en se concentrant sur le dernier repas dominical qu'il avait passé avec les Maraudeurs et Judy.

Un cerf argenté à l'impressionnante ramure s'extirpa de la pointe de sa baguette et partit à l'assaut des Détraqueurs, ce qui leur laisserait un peu de répit.

Il sauta ensuite dans la mêlée et ce qui s'ensuivit lui donna la même impression de trop vu, tandis qu'il distribuait sortilèges et coup de poings à des Mangemorts et des Inféris, évitant les gravas que les trois Géants encore debout s'étaient mis en tête de lancer quand un humain s'approchait de trop près. Il perdit la notion du temps, l'adrénaline compensant sa fatigue grandissante et il s'étonna plusieurs fois que la bataille s'éternise aussi longtemps, tant les Mangemorts étaient réputés pour quitter rapidement les lieux des attaques.

La tumulte des duels le porta à l'opposé de l'endroit où il était arrivé pour soutenir Peter et il se donna quelques minutes pour reprendre son souffle. Les phalanges de sa main droite étaient à nouveau à vif, ce qui lui tira une grimace : James allait encore lui faire une leçon de morale sur ses tendances à distribuer des coups de poings.

Il aperçut Marlene McKinnon à une bonne centaine de mètres de l'endroit où il se tenait, ses longs cheveux blonds flottant derrière elle tandis qu'elle lançait des sortilèges en ponctuant ses attaques d'insultes qui lui arrachèrent un sourire en coin, le décidant à aller lui prêter main forte.

Des cris de douleur que seul le Doloris pouvait créer le stoppèrent en plein élan et il se précipita vers la gauche, empruntant une rue encore bordée de quelques maisons, espérant arriver à temps.

Il se figea en découvrant deux Mangemorts masqués.

Sirius remarqua aussitôt la silhouette féminine couronnée d'un chignon étudié, la robe sorcière d'un vert profond aux broderies fines, les ongles manucurés à la perfection qui tenaient une baguette courte et courbe.

Bellatrix.

- Ah, cousin… Quelle délicieuse surprise !

Merde.

Sirius ne la lâcha pas du regard, sachant pertinemment que le vrai danger venait d'elle, mais ne put s'empêcher d'essayer de deviner l'identité de celui qui l'accompagnait, notant avec dégoût que la baguette de l'inconnu était pointée sur la jeune moldue à ses pieds.

Bellatrix lui envoya un sourire qu'il jugea sadique - bien qu'il doutait qu'elle en ait un autre - et il éloigna la possibilité de s'enfuir - tourner le dos à Bellatrix était la dernière chose à faire -. A lui seul, il savait toutefois qu'il n'avait aucune chance face à deux Mangemorts.

Est-ce qu'il y a une chance pour que tu me promettes d'être prudent ?

La voix de Judy lui revint et il soupira intérieurement.

Pour la première fois, il fit la seule chose censée qu'il y avait à faire.

Il conjura un Patronus et réussit l'exploit de l'envoyer vers Fol-Oeil avant que sa baguette ne lui saute des mains.

Reggie, souffla Bellatrix, reprenons cette leçon.

Sirius tourna la tête vers le deuxième Mangemort et déglutit difficilement en le voyant lever sa baguette sans l'ombre d'une hésitation, ce qui s'avéra bien plus douloureux que le Doloris qui suivit.

Il essaya de ne pas crier et de rester debout.

Ses genoux plièrent sous son poids presque aussitôt, tant ses membres étaient secoués par de violents spasmes.

Il réussit à ne pas crier pendant une demi-éternité alors que des centaines de lames chauffées à blanc semblaient transpercer chaque centimètre carré de sa peau, mettant ses nerfs à vif et sa volonté au supplice. Il s'étonna de ne pas entendre la voix de sa mère ponctuer ses efforts pour résister face à l'inévitable.

- J'ai l'impression que tu n'apprécies pas assez l'occasion, Regulus… Je veux l'entendre supplier !

Tu peux toujours rêver !

Le sortilège s'intensifia soudainement : un spasme plus violent que les autres le fit rouler sur le dos et il heurta quelque chose de dur.

Un premier grognement de douleur lui échappa sans qu'il ne réalise tout de suite qu'il venait de sa proche gorge.

Un objet rectangulaire frottait contre le bas de son dos et un éclair de lucidité se fraya un chemin dans sa conscience embrumée par la douleur.

- Glasgow est attaqué. Mangemort, Détraqueurs, Inferis, Géants.

Sirius fixa le Phénix doré jusqu'à ce qu'il disparaisse et resta un moment hébété.

Des Géants !

- Sirius ?

La voix de Judy le ramena à la réalité et il tourna la tête dans sa direction. Il ne fut pas surpris de la trouver livide : ils n'avaient pas reparlé du fait qu'il fasse parti de l'Ordre du Phénix et à part les quelques missions de filature qu'il avait eu au cours des deux dernières semaines, c'était la première fois qu'elle allait le voir partir.

Judy était suffisamment intelligente pour comprendre qu'il ne reviendrait peut-être pas.

Il passa une main nerveuse en travers de son front. Une partie de lui était inquiet à l'idée d'affronter des Géants - si tant est que quelqu'un en soit capable -, l'autre se sentait affreusement coupable à l'idée de laisser Judy derrière lui.

- Je dois y aller, dit-il finalement en se levant.

Elle sembla déglutir difficilement, ferma les yeux une folle seconde puis attrapa sa baguette sur la table basse près d'elle. Elle l'agita d'une main tremblante et se leva. Sirius fronça les sourcils en remarquant les efforts qu'elle semblait faire pour ne pas croiser son regard.

Finalement, un petit paquet de tissu rouge flotta jusqu'à elle et elle braqua son regard bleu nuit dans le sien avant de le lui tendre.

- Je sais que tu ne seras pas prudent, Black, et ils vont avoir besoin que tu sois téméraire, expliqua-t-elle.

Il reconnut le t-shirt de l'Ordre du Phénix - un cadeau de Lily - mais il enveloppait un objet qu'il avait seulement vu dans des films moldus au cinéma. Quand il avait demandé à Lily où il pouvait s'en procurer - tirer sur des Mangemorts avec une arme à feu lui avait semblait d'une ironie bienvenue - elle lui avait expliqué qu'il était très difficile d'en obtenir.

- Mon patron au bar a des contacts, dit Judy comme si elle avait suivi ses pensées.

Elle lui prit l'arme et il n'avait pas besoin de lui demander si elle savait s'en servir tant l'objet semblait trouver sa place naturellement dans sa main droite.

- C'est le modèle le plus simple. Il faut juste pousser la sécurité comme ça - elle déplaça un loquet avec son pouce - et appuyer sur la détente.

Il récupéra l'arme avec précaution, vérifiant que la sécurité était en place, et la plaça dans la ceinture de son jean comme il l'avait vu faire dans les films.

Il cessa de retenir ses cris de douleur et appliqua sa volonté à une autre tâche : attraper ce foutu pistolet avant de perdre la raison.

La perspective de tirer une balle moldue entre les deux yeux de sa cousine éloigna la douleur juste assez longtemps pour qu'il bascule sur le ventre et porte son bras droit en arrière. Sa main se referma avec difficulté sur la crosse de l'arme et il lui fallut plusieurs essais avant de défaire le cran de sécurité.

Sa manœuvre ne passa malheureusement pas inaperçue.

Malgré sa vue brouillée par les larmes et la souffrance, il vit Bellatrix venir vers lui. Une main aux longs ongles se referma sur son poignet et sa cousine tenta de récupérer son arme.

Dès que le canon quitta la ceinture de son pantalon, il pressa la détente.

Sa main droite partie violemment en arrière et un bruit sec lui vrilla les tympans.

Le maléfice cessa de le torturer.

Il tira une deuxième fois et Bellatrix eut un cri étouffé.

Le troisième coup partit sans qu'il ne le cherche vraiment et il fut brusquement libre. Il rampa sur presque un mètre, reprenant lentement le contrôle, luttant contre les tremblements qui secouaient ses membres. Les battements de son cœur résonnaient sourdement à ses oreilles, couvrant le reste des bruits autour de lui. Sa tête lui faisait atrocement mal, pire qu'un lendemain de soirée au bout de laquelle il aurait terminé ivre mort, et la sensation de brûlure derrière les yeux lui donnait envie de s'allonger et d'attendre que l'inconscience l'emporte.

Son instinct lui assurait que s'il ne continuait pas à s'éloigner de sa cousine et de son frère, il était un homme mort.

- Sirius !

La voix féminine n'était pas celle de sa cousine et fut suivie d'une main légère sur son épaule.

- C'est Marlène, Black. Reste tranquille. Tu peux te lever ?

Il avait fermé les yeux sans en avoir eu conscience et les rouvrir lui demanda un effort surhumain. Marlène passa un bras sous le sien et l'aida à se redresser.

Il réalisa alors que les événements avaient pris une toute autre tournure.

Dorcas Meadowes affrontait Bellatrix dans un duel à l'aulne de la réputation de la jeune duelliste. Les sortilèges fusaient à une vitesse incroyable de chaque côté et si le spectacle n'avait pas accentué sa nausée, il aurait sans doute continué à admirer la maestria qui se jouait sous ses yeux.

- Il y avait un autre Mangemort, grogna-t-il.

- Ton frère ? Il a transplané. Il était salement amoché à l'épaule.

- Tant mieux.

Marlène ne répondit pas et se contenta de l'aider à avancer.

Peu à peu, il retrouva des forces et il pouvait marcher sans l'aide de Marlène quand Fol-Oeil les rejoignit.

- Bon sang, Black ! Je croyais avoir été clair quand je vous ai ordonné de ne pas partir seul à l'aventure ! Je ne veux plus te voir dans le coin !

Sirius voulut lui rappeler qu'il n'avait dit cela qu'à l'intention de James, qui avait une sale manie de partir jouer les héros en pleine bataille, mais l'Auror s'éloignait déjà pour retrouver Dorcas. Marlène le poussa en direction des rues épargnées par les combats.

- Je vais t'aider à transplaner, Sirius, tu n'es pas en état.

Il essaya de discuter : ce n'était pas la première fois qu'il recevait un Doloris - Bellatrix avait hérité son don pour l'Impardonnable de Walburga - et il lui ne lui fallait qu'une petite demi-heure de repos pour effacer les stigmates du sortilège noir. Il pouvait rester. Il pouvait encore aider.

Sa cousine était responsable d'une partie de ce carnage. Il n'allait pas la laisser gagner une fois de plus !

- Ecoute Black, Fol-Oeil n'est pas seulement un camarade de l'Ordre ! C'est mon patron ! Il m'a demandé de m'occuper de toi, alors je m'occupe de toi.

Sirius soutint le regard brun de la petite blonde caractérielle qui lui faisait face, la pointe de sa baguette pointée sur lui.

- Ne fais surtout pas l'erreur de penser que je vais hésiter à te lancer un sortilège !

Il chercha sa propre baguette dans la poche arrière de son jean et réalisa avec horreur que Bellatrix l'avait sûrement ramassée quand…

Il déglutit difficilement en repensant à son bourreau.

Son frère n'avait même pas hésité…

- Ne fais pas cette tête, Black. J'ai récupéré ta baguette. Ton pistolet aussi. On y va ?

La question était un ordre et elle saisit son bras avec autorité. Quand la sensation du Transplanage cessa, ils se trouvaient devant une petite maison perdue au milieu de la campagne. Il n'eut pas le temps de maudire sa malchance qu'une silhouette se dessinait dans l'encadrement de la porte d'entrée. Marlène rejoignit la propriétaire des lieux et lui confia sa baguette ainsi que son arme à feu avant de transplaner à nouveau.

Sirius n'eut pas d'autre choix que de rejoindre la femme qui le fixait avec insistance : Madelyn McGonagall ne ressemblait en rien à sa tante - elle avait un petit nez rond, une mâchoire carrée et des lèvres charnues - mais elle avait le même regard sévère, quand bien même un de ses deux yeux - politesse de Nott Sénior - était caché derrière un bandeau décoré - cette fois-ci - du symbole de l'Ordre.

- Allons soigner tes blessures, Sirius. James ne devrait pas tarder.

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