Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
All Chapters Forward

Chapter 5

«… Put your arms around somebody else

And don't punish yourself, punish yourself

The truth is like blood underneath your fingernails

You don't wanna hurt yourself, hurt yourself

By looking too closely… »

(Looking too closely - Fink)

 


 

Mardi 29 Juillet 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.

J'ai l'impression que tu n'apprécies pas assez l'occasion, Regulus… Je veux l'entendre supplier !

Sirius se réveilla en sursaut et grogna de douleur quand la lumière attaqua sauvagement ses yeux, réveillant un mal de crâne massif. Une part de lui aurait aimé fermer les volets et reprendre le cours de sa nuit agitée, mais il n'était pas certain que se lever soit une bonne option étant donné la nausée qui lui torturait l'estomac.

Une main aux doigts fins glissa le long de sa joue gauche et il reconnut le parfum de Judy. Des mèches de cheveux tombèrent sur son visage quand elle se pencha au-dessus de lui, déposant un baiser sur son front.

- Ne compte pas sur moi pour nettoyer si tu te vomis dessus, Black, susurra-t-elle à son oreille d'une voix suave.

Il rouvrit les yeux avec un deuxième grognement et lui fut reconnaissant de l'ombre qu'elle projetait sur lui. Accoudée sur le dossier du canapé où il s'était écroulé la veille avec la bouteille de Firewisky que James lui avait offert lors du dernier Noël, elle le dévisageait avec insistance.

- Salut, souffla-t-il avant de passer une main lasse sur son visage, laissant ses doigts s'échouer sur ses yeux.

Elle soupira avec agacement.

- Ça y est, j'en ai marre.

Surpris par sa déclaration, il rouvrit les yeux et haussa un sourcil interrogateur.

- Deux options, Black : soit ce qui te tracasses est important et tu as besoin d'en parler parce que, de toute évidence, l'alcool ne t'a pas aidé à résoudre ton problème ces derniers jours soit ce n'est pas important et tu vas bouger ton cul, prendre une douche et arrêter de te comporter comme une serpillière.

Il serra les dents et voulut l'envoyer au diable, comme il avait envoyé au diable James la veille. Il n'avait pas envie de revenir sur ce qu'il s'était passé à Glasgow avec qui que ce soit, à commencer par lui-même. L'alcool avait l'avantage de régler ces deux problèmes puisque son cerveau devenait trop embrouillé pour former des pensées cohérentes, et que le stupide code d'honneur de James l'empêchait de lui soutirer des confessions quand il était ivre.

- Sinon ? grogna-t-il tout en la fusillant du regard.

Judy eut un sourire carnassier et sortit une fiole remplie d'un liquide limpide de la poche avant de sa veste de cuir.

Veritaserum.

-J'ai trouvé ça dans le bureau de ton Oncle. J'ai horreur des personnes qui règlent leurs problèmes en se rendant ivre mort.

- Tu travailles dans un bar.

- Précisément.

Ce fut à son tour de soupirer d'agacement. Il y avait très peu de chances pour qu'elle bluffe et la dernière chose dont il avait besoin, c'était d'étaler tous ses secrets de famille. Il avait trop travaillé pour les enfouir dans un coin de sa tête et il préférait que Judy ignore les détails de son enfance.

Il se redressa avec un grognement et inspira profondément pour éloigner son envie de vomir, tandis que sa vision devenait floue l'espace de quelques secondes.

- C'est bien, tu es raisonnable, conclut-elle en déposant un baiser sur sa joue. James a laissé une potion pour ta gueule de bois sur la table.

Il lui fallut une horrible minute pour rejoindre la table : son estomac menaçait de se vider à chaque pas, son cerveau lui donnait l'impression d'être à l'étroit dans sa boîte crânienne et ses yeux le brûlaient, sans qu'il sache si cela était dû à l'alcool ou au Doloris qu'il avait reçu à Glasgow.

Il avala la potion d'une seule traite et attendit qu'elle fasse effet avant de rejoindre l'étage. La douche chaude lui fit presque autant de bien qu'une bonne nuit de sommeil, sans toutefois avoir les mêmes effets. Son visage était marqué par les trois derniers jours : des ombres avaient creusé son visage, des cernes soulignaient ses yeux gonflés et comme il n'avait pas appliqué d'onguent sur ses blessures, le bleu qu'il avait reçu en tombant était encore loin de virer au jaune.

Il s'appliqua à ne pas croiser son regard gris, craignant d'y reconnaître la folie de celui de Bellatrix ou la froideur de celui de Regulus quand il avait braqué sa baguette sur lui.

Sans même hésiter !

Il aurait dû être en colère contre son frère, ou au moins contre Bellatrix. Au lieu de ça, il ne ressentait qu'une immense tristesse, comparable à celle qu'il avait ressenti quand il s'était enfui de chez ses parents, ou quand Fleamont ou Euphémia Potter étaient décédés.

Comme s'il avait réalisé à Glasgow que son frère - Merlin, son petit-frère ! - était l'un des leurs - quand bien même il portait la marque depuis près de deux ans - et qu'il n'y avait plus rien qu'il puisse faire pour le sauver de l'influence néfaste des Black.

Il n'avait jamais imaginé que ce serait si douloureux.

Il se décida à rejoindre sa chambre et enfila un jean troué aux genoux, ainsi que son ancien t-shirt de l'équipe de Gryffondor.

Judy l'attendait en bas des escaliers, sa veste de motarde sur le dos et son casque sous le bras.

- Tu m'as promis une ballade pour étrenner ma moto, lui rappela-t-elle tout en désignant ses affaires d'un signe de tête.

- Et je n'ai qu'une parole, Adler.

Mardi 29 Juillet 1980, Manoir Lestrange.

- Lady Lestrange Madame, Lady Malefoy désire vous voir.

Bellatrix abandonna l'exemplaire de La Gazette et l'article qui dressait un bilan catastrophé de l'attaque de Glasgow. Son Elfe de Maison se tenait sur le pas de la porte et semblait fixer le bout de ses pieds avec inquiétude.

- Dans la cheminée ?

- Non, Maîtresse… Elle…

Bellatrix !

Le cri perçant venait sans doute possible du hall d'entrée du Manoir et Bellatrix soupçonna sa jeune sœur d'avoir usé d'un Sonorus pour être certaine d'être entendue. Elle fit claquer sa langue d'agacement mais se leva tout de même : Narcissa avait peut-être une bonne raison d'être en colère.

Sa sœur l'attendait d'un pied ferme devant le petit boudoir qui jouxtait le bureau de Rodolphus et Bellatrix l'y suivit, sans apprécier que Narcissa se comporte comme si elle était la propriétaire des lieux.

- Un problème, petite-sœur ?

Narcissa lui dédia un regard aussi sombre que leur nom de jeune fille et croisa les bras sur sa poitrine.

- Je suis passée voir Tante Walburga.

Regulus, songea aussitôt Bellatrix, tout en gardant un visage impassible.

- Comment se porte-t-elle ?

- Selon toi ?

- Walburga est d'une santé de fer, elle l'a toujours été.

Le visage de Narcissa se raidit dans un masque de fureur tout juste contenue qui lui rappela leur mère.

- Cesse ce jeu, Bellatrix ! Regulus a été blessé à Glasgow alors qu'il était sous ta protection !

- Je ne suis pas sa nourrice, Narcissa. Il est assez grand pour se défendre seul.

- Pour l'amour de Salazar ! Il n'a que dix-huit ans ! Il vient tout juste de quitter Poudlard !

- Il est l'héritier de la famille Black ! Il doit se montrer digne de son rang et de la Cause ! Et il est vivant que je sache ?! Cela lui servira de leçon.

- De leçon ?! On lui a tiré dessus ! Tu as laissé un moldu tirer sur notre jeune cousin !

Bellatrix se figea et frotta par réflexe la brûlure due au canon brûlant qu'elle avait tenu à main nue. Elle sentit une bouffée de haine mêlée de dégoût monter jusqu'à son cœur : Sirius Black faisait la honte de leur famille. Elle aurait dû le tuer quand elle en avait eu l'occasion. Le Maître avait exigé la tête du petit traître et elle avait poussé sa chance à Glasgow.

Une telle erreur n'était pas prête de se reproduire.

- C'est ce qu'il t'a dit ? demanda-t-elle d'une voix froide et posée.

- C'est ce que Walburga m'a dit.

- Et bien notre chère Tante se trompe : la personne qui a tiré sur Regulus n'est autre que Sirius. Je le sais, j'étais là.

Narcissa pâlit sensiblement et attrapa le dossier du fauteuil près duquel elle se tenait, comme si le choc menaçait son équilibre. Sa réaction l'agaça au plus au point : pourquoi continuait-elle à penser à Sirius en tant qu'un membre de leur famille ? Il les avait tous trahis le jour où il avait laissé le Choixpeau l'envoyer à Gryffondor.

- Oh je t'en prie Cissy ! Ce n'est pas une surprise ! C'est un traître, il est ami avec des Sang-de-Bourbe et des loup-garous, et il fait partie de cet Ordre du Phénix. Il a choisi son camp depuis des années !

Narcissa déglutit bruyamment.

- Regulus est quand même son frère…

- Non. Son frère est ce Potter maintenant. Euphémia Potter s'en est assez vantée.

Narcissa détourna les yeux, mais Bellatrix remarqua quand même son regard brillant. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre le dessus sur ses émotions.

- Je suis désolée d'avoir fait irruption chez toi de la sorte, Bella.

Bellatrix balaya son excuse d'un signe de la main.

- Veux-tu rester pour le thé ?

Narcissa lui offrit un sourire doux et s'installa sur le fauteuil avec grâce.

- Volontiers.

Il ne fallut que quelques minutes à ses Elfes de Maison pour apporter une théière fumante et un service en porcelaine anglaise qui venait de la famille de son mari. Narcissa changea tout à fait de sujet en lui annonçant qu'elle allait redécorer entièrement la Grande Salle de Réception du Manoir Malefoy en vue de la Présentation de Draco à la société sorcière le jour de ses sept mois. Bellatrix feignit de s'en enthousiasmer et n'eut pas d'autre choix que de demander des nouvelles de son neveu et futur filleul.

La raison première de sa venue revint toutefois juste avant qu'elle ne passe la porte.

- Walburga aimerait que tu prennes Regulus sous ton aile. Elle ne veut pas perdre le seul fils qui lui reste.

Mardi 29 Juillet 1980, Angleterre.

Sirius Black passa une nouvelle vitesse et ouvrit un peu plus les gaz. Le moteur de sa moto vrombit et il sortit de la courbe qu'il venait de négocier à toute vitesse. Devant lui, Judy se coucha sur son réservoir et se pencha tant et si bien dans le virage suivant qu'il se demanda l'espace d'une folle seconde si elle n'allait pas perdre son équilibre. Au lieu de ça, elle redressa son bolide avec maestria et gagna une nouvelle longueur d'avance sur lui. Sirius jura entre ses dents. Sa fierté aurait voulu plaider que la moto de Judy était de loin plus puissante que la sienne, mais il se devait de reconnaître que la jeune femme pilotait avec bien plus d'aisance que lui.

Deux virages plus loin, Sirius retrouva avec plaisir la large route rectiligne qui menait encore plus loin vers le sud-est de l'Angleterre, tandis que la mer envahissait l'horizon. Judy ralentit l'allure pour se mettre à sa hauteur et ils roulèrent encore une bonne demi-heure, emportant le vent dans leur course et savourant le chant de leurs moteurs.

- Waw ! Je ne savais pas les côtes anglaises si sauvages ! C'est magnifique !

Sirius l'observa un moment avant de la rejoindre. Sa silhouette élancée se découpait dans le ciel encore clair, alors qu'elle se tenait au sommet d'une falaise surplombant la Manche. Ainsi tournée vers l'horizon, le vent marin jouant avec ses cheveux blonds, Sirius songea qu'elle était certainement plus libre qu'il ne le serait jamais.

- Tu viens souvent ici ? lui demanda-t-elle.

- Parfois… Quand j'ai besoin de respirer, répondit-il en s'asseyant à même la roche, les pieds dans le vide.

Elle l'imita en silence et Sirius profita simplement du spectacle. Des vagues puissantes se fracassaient contre les rochers dans un bruit de tonnerre, tandis que les eaux calmes d'une petite crique reflétaient le soleil de cette fin de juillet. Le vent soufflait fort aujourd'hui, apportant avec lui le sel du large, et Sirius sentit son esprit s'apaiser.

Judy posa une main sur son genou, attirant son attention.

- J'ai été un peu directe toute à l'heure, mais si tu as besoin d'en parler, je suis là.

Il faillit se confier mais l'inquiétude dans le regard de Judy lui rappela qu'elle en savait déjà assez. Il se contenta d'attraper sa main et de la serrer avec force.

Le vent s'engouffra dans leur silence sans qu'il n'en ressente de la gène. Judy finit par déposer sa tête sur son épaule, et ce simple geste lui apporta plus de réconfort que les bouteilles de Whisky Pur Feu qu'il avait vidé.

- Tu crois que l'eau est froide ?

- Probablement entre seize et dix-huit degrés à cette période de l'année. Pourquoi ?

- Tu te sens capable de te baigner ?

Sirius lui jeta un coup d'oeil en coin et sourit en découvrant son sourire tordu. Il pouvait bien sûr décliner cette proposition et tous deux rentreraient à Londres avant la tombée de la nuit, ce qui restait une option très raisonnable.

Trop raisonnable peut-être.

Sirius n'avait jamais piqué une tête dans les eaux tumultueuses de la Manche et il n'était pas dit qu'un Gryffondor tel que lui se laisserait impressionner par un paquet de flotte.

Ce fut sans crainte aucune qu'il se débarrassa de sa veste de cuir. Judy sembla voir là un signal puisqu'elle se leva d'un bond et entreprit de se trouver un chemin sur les rochers. Sirius lui emboîta le pas, riant avec elle quand ils manquaient de tomber à cause des algues ou de l'humidité. Elle arriva la première sur un banc de sable qui était resté invisible depuis leur observatoire. Sirius la vit ôter ses affaires et elle se retrouva bientôt en sous-vêtements. Sans plus se soucier de lui, elle se jeta à l'eau. Il resta une poignée de secondes immobile à l'observer tandis qu'elle s'éloignait du bord d'une nage dynamique.

- Viens ! Elle est super bonne ! lui cria-t-elle entre deux brasses.

Sirius sortit de ses pensées et se débarrassa de ses vêtements à son tour avant de la rejoindre.

Jeudi 31 Juillet 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.

- Patmol ! Patmol ! PAT-MOL !

Sirius grogna dans son sommeil et bascula sur le côté, emprisonnant sa tête dans son oreiller pour atténuer les cris qui tentaient de l'arracher aux doux bras de Morphée.

Le concert de portes claquées à la volée, suivit de bruits de course dans l'escalier qui menait à sa chambre se fit toutefois trop pressant pour être ignoré. Une main se posa sur son épaule et commença à le secouer avec force. Il ouvrit les yeux à regret et appris avec humeur qu'il était à peine six heures du matin.

La personne qui s'était introduite chez lui pénétra dans la pièce à ce moment-là et alluma toutes les lumières sans prévenir.

Sirius se redressa sur ses coudes, tandis que Judy étouffait une série de jurons particulièrement vulgaires dans les couvertures qu'elle avait rabattues sur elle pour atténuer la soudaine luminosité.

- Patmol ! Lève-toi ! Lily est à l'hôpital !

Sirius posa sur James un regard terriblement vide. Lily, hôpital…

Une dizaine de scénarios catastrophes se mélangèrent dans sa tête en même temps que les questions déferlaient. Pourquoi Lily était-elle à l'hôpital ? Les Mangemorts n'auraient pas attaqué les Potter ? Non, James ne semblait pas blessé. Même plutôt heureux. Et le bébé ? Le bébé allait bien ?

Le bébé !

Alors que James s'impatientait au pied de sa porte, Sirius comprit enfin ce dont il était question. Le sommeil reflua d'un coup et il se leva d'un bond, s'emmêlant les pieds dans les couvertures. Il se réceptionna difficilement sur le sol et, sans plus chercher à se dépêtrer des draps qui le retenaient toujours prisonnier, il rampa sur le sol jusqu'à son armoire et attrapa les premiers vêtements à sa portée.

- Je t'attends dans ton salon, dit James avec une voix d'automate avant de sortir.

Sirius rencontra plusieurs problèmes quand il tenta de s'habiller, tant il était troublé par ce qui était en train de se passer. Le bébé arrivait. Lily était à l'hôpital parce qu'elle était sur le point d'accoucher et en tant que futur parrain, il devait soutenir James et prévenir Remus, Peter et les Evans. Tout à sa lutte pour ne pas paniquer, il lui fallut plusieurs secondes pour se libérer (sous les rires de Judy) et il s'obligea à se concentrer sur ce qu'il faisait quand il tenta d'enfiler une chaussette en guise de t-shirt.

Il quittait la pièce à son tour quand Judy le rappela.

- Sirius ! Ton pantalon !

- Par le caleçon de Merlin !

Il réussit à le mettre correctement du premier coup et se tourna vers Judy avant de partir.

- Le bébé de James arrive ! Je… A plus tard!

Sirius ne vit pas le regard à la fois tendre et amusé qu'elle posa sur lui. Elle se rallongea sans un mot, éteignit les lumières d'un coup de baguette.

Fixa le plafond sans parvenir à trouver le sommeil.

Jeudi 31 Juillet 1980, Maternité, Londres.

Sirius réalisa en grimaçant qu'il venait de relire pour la cinquième fois la même phrase du Shoot ! Football Magazine. Puisqu'il ne pouvait apparemment pas fumer - les infirmières moldues semblaient nourrir la même haine que Minerva McGonagall à l'encontre de ses cigarettes - il regarda autour de lui, à la recherche d'une distraction. Seulement, la petite pièce aux murs jaunâtres où il attendait en compagnie de Remus et Peter était vide d'intérêt. Quelques affiches, collées de travers au petit bonheur la chance, vantaient des lotions pour bébés ou un large choix de layettes. Sirius détourna les yeux à chaque fois. S'il les relisait à nouveau, il ne serait bientôt plus capable d'effacer les slogans publicitaires de sa mémoire.

Une fois n'était pas coutume, il admira le calme de Remus face à lui. Le loup-garou feuilletait consciencieusement chaque page de chaque magazine, fronçant les sourcils quand un article l'intéressait, le tout dans un silence religieux. Peter, lui, gérait l'attente en avalant paquets de bonbons sur paquets de bonbons.

Sirius se leva et recommença à faire les cent pas dans la petite salle d'attente.

Les neuf derniers mois étaient passés trop vite. Il n'était pas prêt à devenir parrain. Pas encore. Il ne savait même pas si c'était une fille ou un garçon. Et si c'était une fille ? Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire d'une filleule ? Les bébés, ce n'était pas son truc. Alors les bébés filles ! Il n'en avait pas vu souvent et avec les déboires qu'il avait essuyé avec Nymphadora, la fille d'Androméda, il ne se sentait pas de s'occuper d'un bébé-fille. Et puis, elle allait grandir et il devrait la mettre en garde contre les garçons, briser les mâchoires de ses prétendants trop assidus… Et certainement tout un tas d'autres trucs dont il n'avait même pas idée. Alors qu'un filleul… Il y aurait toujours le passage bébé-garçon qu'il se savait incapable à gérer, mais tout le reste, quand il allait grandir, il savait. Lui apprendre les règles du Quidditch, lui donner des idées pour rendre ses parents fous et jouer au mentor en ce qui concernait les filles, c'était largement dans ses capacités.

Il passa une main dans ses cheveux, terminant de les emmêler tout à fait, et jeta un énième coup d'oeil à l'horloge dans le couloir. Dix-sept heures. Cela faisait déjà plus de dix heures qu'ils étaient là et Sirius se demandait parfois si tout cela était bien normal…

- Patmol, veux-tu bien arrêter de tourner en rond comme ça, dit Remus. Tu vas finir par me donner le tournis.

Sirius grogna mais continua son manège. Les minutes étaient plus longues quand il était assis.

- Je n'ose pas imaginer l'état de James, soupira le loup-garou.

- C'est clair, renchérit Peter. Tu crois que les infirmières nous le dirait s'il faisait un malaise ?

Remus rit avec son meilleur-ami et Sirius grogna à nouveau. Comment ces deux-là pouvaient-ils plaisanter dans une telle situation ?

- Sirius, pour l'amour de Merlin, assieds-toi ! C'est James et Lily qui vont devenir parents, pas toi !

- Mais je vais devenir parrain ! s 'écria-t-il en faisant face à ses deux amis. Est-ce que tu te rends compte Lunard ? Parrain !

Remus et Peter échangèrent un regard consterné.

- Et ? demandèrent-ils d'une même voix.

Sirius les dévisagea l'un après l'autre. Ils se fichaient de lui en plus !

- C'est une énorme responsabilité ! Il va falloir.. Je ne sais même pas ce qu'est censé faire un parrain ! Et si le petit ne m'aimait pas, hein ? Vous y avez pensé à ça ? Et en plus, je…

- Si Lily apprend que tu te prends la tête comme ça, l'interrompit la voix de James, elle ne va plus vouloir que tu sois le parrain, vieux.

Sirius pivota vivement vers la porte.

- Alors ça, pas question ! On a fait un pacte ! Je suis le témoin et le pa… C'est le bébé ?

James sourit et s'approcha de lui, penchant le paquet blanc qu'il tenait dans ses bras pour qu'il puisse le voir. Remus et Peter se levèrent d'un bond derrière lui pour découvrir le premier héritier des Maraudeurs.

- Je vous présente Harry James Potter les gars.

- Il est minuscule, marmonna Sirius, ses yeux littéralement fixés sur le petit visage du nouveau-né qui, les yeux fermés et les poings serrés, semblait bien indifférent à ce qu'il se passait autour de lui.

- C'est un magnifique petit bonhomme, James. Félicitations, dit Remus. Lily va bien ?

- Fatiguée. Mais tout s'est bien passé, le… Patmol, ça va ?

Sirius voulut répondre qu'à part son cœur qui battait à mille à l'heure et ses jambes en coton, il se sentait en pleine forme, mais sa vue se brouilla d'un coup et puis tout devint noir.

Jeudi 31 Juillet 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.

- Tu t'es évanoui ?

- A peine une minute ! Ne te moque pas de moi comme ça ! C'est bon, rigole, je m'en souviendrai.

Judy tenta de retrouver un visage sérieux à plusieurs reprises mais semblait échouer à chaque fois qu'elle le regardait. Sirius se détourna, drapé dans sa fierté, et préféra ne plus lui prêter attention. Il avait passé une journée riche en émotions et la dernière chose qu'il voulait faire, c'était soutenir une nouvelle séance de moqueries. D'ailleurs, ce n'était pas à cause de l'émotion qu'il avait tourné de l'oeil. Il n'avait rien mangé depuis la veille quand James leur avait amené Harry. Il était en hypoglycémie, il en était certain. Mais ça, personne ne voulait le croire. Peter, James et Remus n'avaient pas arrêté de le mettre en boîte après qu'il soit revenu à lui et il savait d'avance que ce que ses trois amis lui avaient fait endurer ne serait rien en comparaison de ce que Lily lui préparait. Il était peu probable qu'elle arrête de faire allusion à cet épisode avant que Harry ne quitte Poudlard.

- Tu es vexé ? susurra Judy à son oreille de sa voix chaude et vibrante, celle-là même qui semblait lui ôter une partie de sa raison à chaque fois qu'elle l'utilisait.

Il réussit toutefois à se contenir et la détailla du coin de l'oeil. Elle avait retrouvé son calme et le regard qu'elle posait sur lui était incroyablement pénétrant. Sirius resta quelques secondes hypnotisé par la beauté de ses yeux bleus nuit avant de reprendre ses esprits.

- Je suis terriblement vexé, répondit-il en se détournant pour contempler la cheminée qui trônait dans son salon, face au canapé où ils étaient assis. Il va falloir que tu déploies un trésor d'imagination pour que je te pardonne.

Judy rit doucement avant de se redresser à côté de lui. Sirius s'empêcha de tourner la tête pour voir ce qu'elle comptait faire mais ne fut pas surpris quand elle s'installa à califourchon sur ses genoux. Les yeux de Sirius se retrouvèrent pour son plus grand plaisir à la hauteur du léger décolleté que laissait apparaître le débardeur noir de la jeune femme.

Elle fit claquer sa langue contre son palais et l'obligea à relever à la tête. Sans autre forme de procès, elle l'embrassa.

Il tenta de résister un peu, juste pour lui rendre la monnaie de sa pièce, mais abandonna très vite. En temps normal, c'est-à-dire quand ils gardaient une distance raisonnable entre eux, il trouvait Judy très attirante, mais quand ils s'embrassaient, il avait subitement beaucoup de mal à garder un minimum de lucidité. Les baisers de Judy étaient grisants et même le grand connaisseur qu'il était avait du mal à expliquer ce phénomène. Elle resserra ses bras autour de son cou et il attrapa ses hanches, l'attirant un peu plus contre lui. Il regretta l'espace d'une pensée que son short en jean soit si parfaitement ajusté, puis la fit basculer sur le canapé, ses mains commençant à explorer les courbes d'un corps désormais familier, tandis qu'elle entreprenait de lui enlever son t-shirt.

Judy interrompit leur baiser sans crier gare et Sirius eut juste le temps de froncer les sourcils devant son sourire mutin.

- Tu ne risques pas de faire un nouveau malaise, pas vrai ?

Il leva les yeux au ciel et effleura ses lèvres d'un baiser aussi léger que la brise.

- Je suis toujours en forme pour ça.

- Prétentieux !

- Elles disent toutes ça avant.

Elle eut une exclamation faussement outrée qu'il se fit un plaisir d'étouffer d'un nouveau baiser.

Ils oublièrent bien vite le reste.

Samedi 2 Août 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.

Sirius termina d'attacher la poignée de ballons avec soin et se recula d'un pas pour contempler son œuvre : un peu partout dans son salon, des grappes de sphères colorées flottaient au grè des courants d'air. Une large banderole où l'on pouvait lire « Bienvenue à Harry Potter, le nouveau Maraudeur !» était accrochée sur le mur de la cuisine et Peter avait disposé tous les plats des invités sur le buffet et sur la table.

A son sens, ils étaient donc fin prêts pour l'arrivée du couple Potter et de leur nouveau-né, mais ses deux meilleurs-amis continuaient de s'affairer à toute allure tandis que les invités - pour la plupart des membres de l'Ordre - étaient de plus en plus nombreux.

- Hé Lunard ! J'ai fini ! Tu veux que je fasse autre chose ?

Le loup-garou se figea et la pile d'assiettes et de serviettes en papier tangua dangereusement. Voyant qu'il le dévisageait, Sirius haussa les sourcils pour l'inciter à répondre.

- Tu as été rapide.

- Oui j'ai eu mon Aspic de Sortilège, je te rappelle.

- C'est vrai. Euh… Tu n'as qu'à… Je ne sais pas Sirius !

- Il doit bien rester un truc que je peux faire. Peter et toi avaient presque tout fait.

- C'est nous qui avons proposé. Et puis tu prêtes ta maison quand même. Ecoute, je vais ranger ça. Va jeter un coup d'oeil à la pile des cadeaux pour Harry… Voir si ça ne risque pas de tomber.

- D'accord.

Il dut esquiver plusieurs personnes pour rejoindre le coin de la pièce que Remus avait réservé pour entreposer les cadeaux de naissance et ne fut même pas surpris de les trouver parfaitement rangés. Il abandonna la partie et se mit à la recherche d'une Bièraubeurre. Remus et Peter semblaient partager le même avis sur ses capacités d'organisation et ils avaient rusé toute la semaine pour le tenir éloigné des préparatifs. Sirius se consola en se promettant de mettre une ambiance de folie plus tard et commença à discuter avec Benjy Fenwick des résultats toujours aussi médiocres des Canons de Chudley.

A mesure que l'heure d'arrivée des Potter se rapprochait, l'enthousiasme emplit la pièce et Remus et Peter vinrent le rejoindre, l'air satisfait de leur travail.

- Vous avez assuré les gars, les félicita-t-il.

Ils échangèrent un même regard complice :

- Merci, Patmol. Je pense que ça fera plaisir à James et Lily.

- On sait tous les deux que James est toujours content de se retrouver au centre des attentions.

- Harry risque de lui piquer la vedette, intervint Peter.

Sirius sourit largement avant de terminer sa bouteille.

La claque qu'il reçut dans le dos manqua pourtant de lui faire tout recracher sur Benjy.

- Sirius ! On dépose ça où ?

Il se força à avaler ce qu'il avait dans la bouche puis se tourna pour faire face à son agresseur : un jeune homme roux plus âgé que lui de quelques années souriait largement, visiblement fier de son entrée. Sirius prit le temps de le fustiger du regard avant de porter attention aux trois imposants plats en lévitation qui lui tirèrent une grimace torve :

- Si c'est toi qui les as fait, la poubelle est dans la cuisine, répondit-il finalement.

Fabian Prewett se rembrunit tandis que Remus, Peter, Benjy et Gideon éclataient de rire.

- On est passé chez notre grande sœur chérie, expliqua finalement Gideon après s'être calmé. Comme elle ne connaissait pas les goûts de chacun, elle a fait trois gâteaux.

- Dans ce cas, tu peux les mettre sur le buffet derrière, concéda Remus.

Fabian agita sa baguette avec nonchalance puis conjura deux verres pour Gideon et lui. Sirius détailla les deux frères du coin de l'oeil, à l'affût du mauvais coup qu'il sentait venir. Son instinct de Maraudeur ne le trompait jamais quand il était en présence d'autres fauteurs de troubles notoires.

- Alors Sirius, remis de tes émotions ? lança Gideon une fois qu'ils eurent échangé un paquet de banalités.

Sirius serra les dents et fixa ses deux meilleurs-amis sans oser croire que Remus et Peter essayaient de jouer aux innocents.

- Ce n'était pas sous le coup de l'émotion ! Je n'avais rien mangé depuis la veille !

Ils rirent tous, Peter et Remus compris.

Tout en se promettant de leur faire payer leur traîtrise, Sirius garda un visage impénétrable et releva le menton. Que lui restait-il à part sa fierté mise à mal par de telles histoires ?

- Ne le prends pas comme ça, Black, s'amusa Fabian en lui remettant une claque dans le dos. Gideon et moi, on comprend parfaitement ce que ça fait de devenir tonton pour la première fois. Et si tu veux tout savoir, il a fallu attendre la naissance de Ron pour que Gideon arrive à ne pas pleurer… Mais c'est quand même notre sixième neveu !

Les oreilles du concerné virèrent au rouge mais il haussa les épaules quand il croisa son regard.

- Ce n'était pas beau à voir pour Bill. Dire qu'il va avoir dix ans dans quelques mois…

- Je te préviens que je nierais tout lien de parenté si tu pleures quand il recevra sa lettre de Poudlard.

- Arrête de jouer les durs, Fabian. Tu es encore plus gaga que moi ! Les garçons lui font faire ce qu'ils veulent. L'autre jour, il a passé l'après-midi à quatre pattes pour imiter un hippogriffe et la fois d'avant, c'était une licorne.

Fabian eut une grimace coupable, avant de retrouver son immuable sourire :

- Molly et Arthur parlent d'avoir un petit dernier avant que Bill ne rentre à Poudlard. Je parie ce que vous voulez que Gideon s'évanouira si c'est une fille !

Sirius rit avec les autres, ravi que l'on se moque d'une autre personne que lui. La discussion ne tarda pas à s'orienter sur les derniers exploits des garçons Weasley : d'après leurs oncles, Bill et Charlie avaient pour habitude de mettre Loustry Sainte-Chaspoule sans dessus dessous et les jumeaux, Fred et George, avaient déjà plus de bêtises à leur actif du haut de leur deux ans et demi que leur trois aînés. A les entendre, seul le troisième était sage, même s'il était trop tôt pour se prononcer concernant le petit Ron.

A seize heures précises, la sonnerie résonna dans la maison et Sirius se précipita pour accueillir les vedettes de la journée.

- Pile à l'heure ! lança-t-il en ouvrant la porte.

James sourit largement et Lily leva les yeux au ciel.

- Tu es le seul qui ait des problèmes avec la ponctualité Black, se moqua la jeune femme tout en entrant.

D'ordinaire, Sirius aurait soutenu qu'il arrivait toujours à l'heure précise qu'il avait choisi mais il était trop occupé à fixer son filleul pour ça : emmailloté dans une couverture blanche, Harry dormait à poings fermés, ce qui le rendait encore plus fragile et adorable que d'habitude.

- Tu peux cligner des yeux Patmol, il ne va pas transplaner.

Sirius s'obligea à détourner le regard :

- S'il est aussi doué que toi en sortilège, il n'y a aucun risque, répliqua-t-il tout de même pour donner le change.

Il conduisit ses amis dans le salon et une explosion de « Félicitations » les accueillit triomphalement.

- Je croyais que tu avais parlé d'une petite fête avec Remus et Peter, marmonna James en se penchant vers lui.

- Tu sais très bien qu'il ne faut pas croire ce que je dis. Tu veux boire quelque chose ?

James sembla étudier la possibilité de l'assommer avant de s'avouer vaincu et de réclamer une Bièraubeurre.

Samedi 2 Août 1980, Appartement de Cygnus Black, Londres.

Bellatrix frappa à la porte de bois sombre qui se découpait nettement sur le mur d'une blancheur immaculée. Une fois de plus, elle se sentit immensément fière que le Maître la considère suffisamment imporrante pour l'inviter ici, dans ce magnifique appartement que Rodulphus et elle avaient mis à son entière disposition. Situé en plein cœur de Londres, à deux pas du Ministère de la Magie, il avait appartenu à la famille Black des générations durant et le père de Bellatrix, Cygnus Black, avait pour habitude de traiter ses affaires ici, loin de l'agitation du manoir familial.

La porte s'ouvrit finalement pour la laisser entrer et elle se retrouva dans une longue pièce au sol de marbre noir. Les murs étaient recouverts d'une marqueterie fine en bois rare jusqu'à mi-hauteur, puis une tapisserie verte aux broderies argentés courait jusqu'au plafond. Bellatrix s'avança jusqu'au majestueux bureau et s'agenouilla devant son Maître.

- Mes respects, mon Seigneur.

- Relève-toi Bella… Nous avons à parler.

Elle s'exécuta en silence et attendit que son Maître prenne la parole.

- J'ai réfléchi à la faveur que Rodulphus et toi m'avaient demandé, et j'ai décidé de vous l'accorder.

Il lui fallut toute sa volonté pour ne pas relever la tête vers le Seigneur des Ténèbres, afin de s'assurer que tout cela était vrai. Puis un espoir immense monta en elle, chassant le froid qui la menaçait. Un air nouveau fit gonfler ses poumons et un discret sourire s'épanouit sur ses lèvres. Elle aurait cet enfant tant désiré, c'était maintenant une certitude.

- Merci, mon Seigneur, souffla-t-elle d'une voix tremblante d'émotion. Rodolphus et moi feront tout ce qui est en notre pouvoir pour nous montrer à la hauteur de ce geste.

- Je n'en doute pas, Bella… Cependant, je ne pourrais pas effectuer le rituel avant Halloween. La Magie Noire n'est jamais plus efficace qu'entre cette nuit-là et le solstice d'Hiver. Qui plus est, j'ai besoin de toi pour une tâche très importante.

Bellatrix rangea le merveilleux cadeau fait par le Seigneur des Ténèbres dans un coin de son esprit, se promettant de lui accorder toute l'importance qu'il méritait plus tard, et se concentra sur les paroles de son Maître.

La cause passait avant tout.

- Tu n'es pas sans savoir que l'Ordre du Phénix est de plus en plus actif. Dumbledore et sa poignée d'illuminés commencent à devenir gênants… Je veux que tu arrives à trouver un moyen pour que nous ayons un espion dans le camp de Dumbledore.

- Vous voulez que je force un des membres à trahir l'Ordre ?

- Oui.

Bellatrix ne chercha pas à retenir son sourire mauvais, tant ce projet la ravissait. Dans son esprit, l'image de son jeune cousin, Sirius Black, se dessina nettement, et une vague de haine pure la traversa. De tous les membres de l'Ordre du Phénix, il était sans conteste le plus abject et elle s'était promis de lui faire payer sa défection à son nom, à son sang et à son rang.

Son Maître lui offrait la possibilité de lui montrer à quel point elle lui était dévouée, tout en lui permettant de réaliser un autre de ses souhaits les plus chers.

Sans plus chercher à réfléchir, elle plia à nouveau les genoux et salua son Maître avec la plus grande déférence.

Dimanche 3 Août 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.

Assis sur les marches de son perron, Sirius observait Judy faire les dernières vérifications sur sa moto avant son départ, sans réussir à mettre des mots sur les pensées qui se bousculaient sous son crâne. Il avait beau retourner le problème sous tous les angles, il n'arrivait pas à se faire à l'idée que la jeune femme rentrait aux Etats-Unis et pire que cela, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il se sentait si affecté.

Certes, Judy était une amie. Une très bonne amie même. Il s'entendait à merveille avec elle, il adorait se disputer avec elle pour un rien, les nombreuses nuits qu'ils avaient passé ensemble depuis cette mémorable soirée pluvieuse étaient parmi les meilleures qu'il ait connu… Mais elle restait une fille qu'il avait rencontré à peine six mois plus tôt.

Il ne devrait pas avoir l'impression de revivre ce jour où il avait aidé Lily et James à s'installer dans leur premier appartement et qu'il avait compris que son meilleur-ami risquait d'être nettement moins présent à ses côtés maintenant qu'il avait sa fiancée à chouchouter.

Cet étrange sentiment de solitude et cette horrible impression qu'il était en train de prendre un virage si courbe qu'il n'arrivait pas à deviner la route qu'il l'attendait derrière.

Sirius grimaça quand il se rendit compte de sa réflexion et se redressa.

Non, il ne pouvait décemment pas comparer neuf ans d'amitié indéfectible - ou presque - à ce qu'il y avait entre Judy et lui.

Il retrouverait ses habitudes de célibataire endurci d'ici peu. Et de toute façon, Judy lui avait promis qu'elle passerait à l'occasion.

- Bon, et bien je crois que je suis prête à partir, lança Judy en passant son sac à dos sur une épaule.

Sirius la détailla pour la énième fois de la journée, appréciant la tenue de motarde qui lui allait parfaitement, sans pouvoir s'empêcher de haïr ce qu'elle représentait.

- Tu ne vas pas pleurer, pas vrai Black ? se moqua-t-elle avant de venir se poster devant lui.

Il esquissa un sourire en coin pour se donner une contenance.

- De soulagement ? Seulement quand tu ne seras plus là pour le voir. Je ne voudrais pas te vexer.

Elle leva les yeux au ciel puis tendit sa main libre vers lui pour l'inciter à se lever. Sirius sentit les coins de ses lèvres retomber et il ne put retenir son soupir tandis qu'il attrapait sa main.

A se tenir face à elle, il ne savait définitivement plus quoi dire. Ou plutôt si… Mais elle avait pris sa décision bien avant que leurs routes ne se croisent.

Il vit toutefois dans ses yeux bleus qu'il n'était pas le seul à ne pas apprécier ces au revoir.

Je… Tu vas me manquer, Black. Parfois.

Aucun commentaire inspiré ne lui vint cette fois-ci et il préféra l'attirer contre lui pour une étreinte maladroite qui ne dura que quelques secondes. En s'écartant, Judy déposa un baiser sur sa joue, leurs regards se croisèrent à nouveau…

- Patmol ! Patmol où es…

La voix de Peter les fit sursauter dans un même ensemble.

- Je tombe à un mauvais moment ? demanda le jeune homme.

Sirius se retint pour ne pas le fusiller du regard.

- Pas du tout, j'allais y aller, répondit Judy.

Tout en évitant soigneusement de regarder dans sa direction, elle enfila son casque rouge, enjamba sa bécane puis ouvrit les gazs à fond, non sans leur faire un dernier signe de la main quand elle tourna au bout de la rue.

Sirius resta un long moment à fixer le vide.

- Tu ne vas pas nous faire une jamesite aiguë, pas vrai Patmol ?

Il assassina son meilleur-ami du regard.

Forward
Sign in to leave a review.