Black Sunset

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
G
Black Sunset
Summary
"La dernière fois que Voldemort a eu du pouvoir, il a failli détruire tout ce à quoi nous tenions le plus…"Cette histoire est celle de Bellatrix, fidèle lieutenant de Voldemort ; et de Sirius Black, le plus rebelle des membres de l'Ordre. Deux Black, deux camps, une seule guerre… Et une gamine précipitée au milieu de la tourmente.
Note
Un immense merci à Petit Saumon pour m'avoir permis d'imaginer cette histoire, pour ses impressions et son soutien. Un sincère merci à Sun Dae V pour sa relecture attentive, sa correction méticuleuse et ses retours plus que motivants. Un dernier merci à Coco , parce qu'elle me prête gentiment son oreille à chaque fois que je parle de cette histoire.
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Chapter 2

«… This is it, boys, this is war - what are we waiting for?

Why don't we break the rules already?… »

(Some Nights - F.U.N.)

 


 

Mardi 13 Mai 1980, Londres.

Sirius marchait près de Remus dans les rues de Londres. Ils suivaient à bonne distance un homme du Ministère que l'Ordre soupçonnait depuis longtemps déjà d'être allié à Voldemort. D'ordinaire, ce genre de filature était d'un ennui mortel puisque les Mangemorts avaient leur propre moyen de communication, mais cette fois, Dumbledore leur avait confié le soin de récupérer les documents que leur cible devait fournir au camp adverse… Tout cela promettait donc un peu de bagarre et Sirius avait hâte de pouvoir en découdre.

Ils finirent par déboucher dans une rue animée du centre de Londres, dans un quartier moldu assez largement fréquenté par des sorciers. Sirius se demanda vaguement jusqu'où leur promenade allait les mener quand l'homme entra dans un hôtel chic. Remus se stoppa alors :

- Je crois que ça se corse, Patmol… marmonna-t-il.

Sirius ne se laissa pas gagner par le découragement : ils avaient une mission à accomplir et il ne tenait pas à rentrer bredouille. Il prit donc la direction d'une ruelle attenante au bâtiment et retrouva sa forme humaine après s'être dissimulé derrière une pile de cartons.

- Il faut qu'on rentre sans se faire remarquer, déclara-t-il.

Remus se tendit et afficha sa mine de préfet :

- Même si on y arrivait, on ne sait pas combien de Mangemorts sont à l'intérieur et tu sais très bien qu'il est de notoriété publique qu'on est tous les deux membres de l'Ordre. Si on entre là-dedans, on est morts.

- C'est pour ça qu'il ne faut pas qu'on se fasse repérer. Ce genre d'hôtel a toujours une entrée secondaire.

- Qu'est-ce qui te le prouve ?

- C'est le genre d'hôtels que fréquentaient mes géniteurs. Suis-moi.

Sirius s'enfonça dans la ruelle, tout en laissant courir ses doigts sur la pierre. Remus se résigna à l'imiter, sûrement par crainte de le voir se jeter dans la gueule du loup seul. Au bout de vingt mètres, la texture rugueuse du mur devint parfaitement lisse et froide. Il n'eut qu'à tâtonner un peu pour découvrir une poignée.

- A toi de jouer, Remus.

Il lui jeta un regard réprobateur tout en sortant sa baguette magique mais Sirius savait qu'il avait autant envie que lui de mener cette opération à bien. L'équilibre entre leur camp et celui de Voldemort tenait à peu de choses. La moindre information glanée par les Mangemorts pouvait compromettre leurs chances de gagner un jour la guerre… Leur cible, Robert Hills, n'était qu'un fonctionnaire de bas étage, mais il avait accès à beaucoup de documents concernant les Aurors, les Tireurs de Baguettes d'Elites et les Oubliators. Ces trois groupes étant la seule force de frappe du Ministère, il ne fallait pas que Voldemort en sache trop sur eux.

La porte finit par s'ouvrir sans un bruit et ius se glissa à l'intérieur après s'être assuré qu'il n'y avait personne. Il s'agissait d'une pièce sans fenêtre qui servait à la fois de vestiaire pour le personnel et d'entrepôt où l'on stockait le linge sale et les produits d'entretiens.

Sachant que Hills était entré dans l'hôtel presque cinq minutes avant eux, ils se dépêchèrent de continuer. La seule autre porte de la pièce donnait sur un couloir étroit aux murs jaunis.

- La cuisine doit être derrière cette porte, lui indiqua Remus à voix basse tout en montrant la porte à l'autre bout du couloir.

Sirius faillit lui proposer qu'ils passent par là mais le loup-garou ouvrit la porte sur leur gauche et dévoila un escalier. Sans un mot de plus, ils s'engagèrent vers les étages au pas de course et Sirius retrouva sa forme Animagus. A chaque pallier, ils faisaient un arrêt et parcouraient le couloir desservant les chambres dans l'espoir de retrouver l'odeur de Hills.

Une chance que celui-ci soit un amateur des après-rasages bon marché et particulièrement forts… Au troisième étage, Sirius ne manqua pas de retrouver sa trace et la suivit jusqu'à la chambre 305.

- Bien, et on fait quoi maintenant ? souffla Remus.

- On entre, on récupère les papiers et on transplane ?

- Tu n'es pas sérieux ! On ne peut déjà pas transplaner depuis le Chaudron Baveur, alors depuis un endroit pareil…

- Si tu insistes : on entre, on récupère les papiers et on s'enfuit ?

- C'est ça que tu appelles un plan ?

Sirius soupira : il avait envie de passer à l'action mais Remus avait raison. Ils n'avaient pas la moindre idée du nombre de Mangemorts à l'intérieur. Même en comptant sur un effet de surprise, ils n'étaient que deux…

- On ferait mieux d'abandonner, Pat'.

- Hors de question ! On…

Des bruits de pas les firent sursauter : un homme en livret apparût au bout du couloir. L'homme poussait un chariot et en voyant le saut à champagne et la cloche, un plan se forma aussitôt dans l'esprit de Sirius. Saisissant sa chance, il lança un stupéfix qui toucha l'homme de plein fouet sous le regard ahuri de Remus. De crainte que quelqu'un n'ait entendu quelque chose, il se précipita vers sa victime et le délesta de sa veste rouge et noire pour l'enfiler. Elle était un peu juste pour lui mais ça ferait l'affaire. Ensuite, il se grima rapidement en rendant ses cheveux blonds et son nez plus gros.

- Tu ne comptes quand même pas faire ce que je crois que tu vas faire, Sirius ?

- Si. Planque le corps et surveille mes arrières, tu veux bien ? Je vais faire en sorte d'être rapide.

Sans laisser le temps à son meilleur-ami de répondre, il se saisit du chariot et poussa la porte de la chambre 305, le cœur battant à tout rompre. Elle n'était pas fermée à clé ce qui lui laissa supposer que les Mangemorts à l'intérieur étaient des débutants.

En découvrant l'identité de ces derniers, Sirius eut l'impression qu'on venait de lui lancer un saut d'eau glacée et dût déployer des trésors de maîtrise pour ne rien en laisser paraître.

Severus Rogue et Evan Rosier le dévisageaient et Sirius avisa leur baguette avec méfiance tout en serrant la sienne.

- Service d'étage. C'est bien vous qui avez commandé ?

Il eut beau faire de son mieux pour modifier sa voix, ses deux anciens camarades de classe tiquèrent. Sirius espéra que c'était juste à cause de son entrée, et non pas parce qu'ils l'avaient déjà reconnu. Aussi discrètement que possible, il chercha les documents de Hills des yeux et les trouva sur la table basse en face de laquelle sa cible était assise.

- Nous n'avons rien commandé, dit Rogue sèchement.

Sirius reporta son attention sur lui : il n'avait pas cessé de le dévisager. Il finirait par le reconnaître…

L'ancien Serpentard se plaça soudainement entre lui et les papiers, la méfiance dans son regard laissant place à la haine.

Sirius raffermit sa prise sur sa baguette magique.

- Tu n'aurais pas dû venir ici, Black, cracha-t-il.

Une alarme assourdissante résonna alors dans la pièce et Sirius saisit sa chance aussitôt, tout en espérant sincèrement que Remus était à l'origine de ça. Il poussa le chariot de toutes ses forces vers les deux Mangemorts. Rogue se jeta sur le côté pour l'éviter et Sirius lança un Incendio sur les documents.

Il eut juste le temps de voir qu'il avait atteint sa cible avant que Rogue ne lui lance un premier sort. Il l'évita de justesse, répliqua…

- Patmol !

Il réalisa que Remus avait ouvert la porte de la chambre pour lui. Il se précipita dans le couloir, Rogue sur les talons, et bouscula les rares personnes qui étaient sorties de leur chambre pour voir ce qu'il se passait. Leur courte avance leur permit de gagner les escaliers et ils les descendirent à toute vitesse. L'étroitesse de la cage d'escalier n'empêcha pas Rogue de leur lancer des sortilèges et Sirius répondit à l'aveuglette tout en regrettant de ne pas pouvoir transplaner.

Ils débouchèrent à l'extérieur à la manière de deux boulets de canons et coururent un long moment avant de s'arrêter à bout de souffle, une fois qu'ils furent dans une des rues animées des quartiers touristiques. Rogue avait arrêté de les suivre depuis très longtemps et les lois interdisant l'usage de la magie en public étaient suffisamment sévères pour que personne n'ait l'idée de les attaquer en plein jour.

- C'était chaud ! s'exclama-t-il après avoir repris son souffle.

Remus lui dédia un regard particulièrement noir et Sirius n'aurait pas été surpris si ses yeux avaient été jaunes.

- Tu crois ? grogna son loup-garou d'ami. On aurait pu y rester !

- N'exagère pas Lunard ! On est tombé sur Snivellus et Rosier !

- Et qu'est-ce que tu aurais fait si Voldemort aurait été derrière cette porte ?!

- Voldemort ne se déplace pas pour des gars comme Hills. Tu seras en revanche ravi d'apprendre que j'ai réussi à mettre le feu aux papiers qu'il avait apporté. On n'aura pas couru pour rien.

Remus ne répondit rien mais Sirius pouvait deviner à son expression fermée qu'il continuait de désapprouver la tournure qu'avait pris leur mission. Il regretta que James n'ait pas été là : lui aurait certainement aimé sa prise d'initiative…

Alors que l'adrénaline se tarissait dans son sang, il sortit son paquet de cigarettes et en alluma une, sans essayer d'en proposer une à Remus, connaissant déjà la réponse de son ami. L'effet de la nicotine noya à nouveau son cerveau sous une vague de produits chimiques et il oublia définitivement l'importance des risques qu'il avait pris.

- Allez, laisse-moi te payer un verre pour te remettre de tes émotions, Lupin. Je connais un bar pas loin.

Remus accepta de mauvaise grâce mais deux cocktails plus tard, ils riaient tous les deux de leur mésaventure et avaient hâte de la raconter à James et Peter.

Mardi 13 Mai 1980, Manoir Lestrange.

Bellatrix étudiait à nouveau le plan d'attaque qu'elle avait mis au point avec son beau père, Ranatus Lestrange, tout en songeant à l'honneur que lui avait fait le Seigneur des Ténèbres en lui confiant le commandement des opérations. Cette nuit, elle serait à la tête d'un groupe de cinq Mangemorts, à l'image de Lucius et Dolohov. Ils avaient ordre d'attaquer un complexe moldu où se déroulait une compétition sportive dont Bellatrix ne connaissait presque rien, si ce n'était qu'il s'agissait du sport préféré des moldus anglais et que de tels événements rassemblaient en même temps des milliers de personnes. En attaquant cet endroit, le Seigneur des Ténèbres était assuré de provoquer un mouvement de panique et de porter un coup au moral de ces sous-hommes, ce qui servirait deux de ses objectifs : opérer une diversion afin de vider le Ministère de la Magie de ses forces, et rappeler aux habitants de ce pays qu'aucun d'entre eux ne se trouvait en sécurité.

- Ma chère Bellatrix… Je ne sais si un homme aurait pu rêver plus parfaite belle-fille que vous.

Elle abandonna ses réflexions pour sourire au père de Rodolphus. Ranatus Lestrange était un Mangemort de la première heure et Bellatrix lui enviait souvent la chance qu'il avait eu de pouvoir côtoyer leur Maître depuis ses débuts, mais elle le respectait trop pour lui en vouloir. Ranatus lui-même l'avait présentée au Seigneur des Ténèbres et il avait insisté pour qu'Il lui laisse une chance de faire ses preuves.

- Vous êtes un père pour moi, Ranatus. Nous savons tous les deux à quel point je vous suis redevable.

Ranatus reposa sa tasse de thé sur la table autour de laquelle ils étaient installé et se pencha vers elle. Son expression de conspirateur le rajeunissait.

- J'ai juste fait en sorte de vous procurer une opportunité. Vous seule L 'avait ébloui par votre art.

Bellatrix savoura le compliment tout en se remémorant le premier raid auquel elle avait participé. Ils avaient attaqué une rue passante au cœur d'Edinburgh et elle avait tué plus de moldus à elle seule que ses quatre coéquipiers réunis. Le Maître avait aussitôt reconnu qu'elle ferait une recrue de choix et lui avait fait l'honneur de l'initier à la Magie Noire. Il lui avait semblé qu'elle avait plus appris à chacun de ces cours qu'en sept ans à Poudlard.

- Combien de temps avant que le Ministère ne devienne Sien selon-vous ?

Ranatus lissa son élégante moustache et elle reconnût la manie qui accompagnait ses réflexions.

- Je dirais qu'il faudra patienter encore une année, si ce n'est plus. Le Ministère n'est pas encore entièrement sous notre contrôle, notamment en ce qui concerne les proches collaborateurs de Millicent Bagnold. Qui plus est, cet Ordre du Phénix est particulièrement gênant et Dumbledore ne cesse d'interférer. Je suppose qu' Il lui faudra affronter ce vieux fou à un moment ou à un autre. Une fois débarrassé de ces soit-disants résistants, plus rien ne pourra nous empêcher d'accéder au pouvoir.

Bellatrix retint son soupir impatient : elle se savait trop pressée d'obtenir ce qu'elle voulait et il n'y avait rien de moins convenable pour une jeune femme de son rang. Le Maître avait tant accompli au cours de ces dernières années pour faire avancer leur Cause qu'une année de plus ne représentait que peu de choses.

- Dites-moi ma chère, comment se passent vos séances avec le Médicomage Ludendorff ?

Le changement de conversation la surprit dans ses pensées et elle se tendit par réflexe. Elle détestait parler de son incapacité à avoir un enfant et le fait que son beau-père se montre de plus en plus inquiet quant à la continuité de sa lignée ne l'incitait pas aux confidences.

- Tout se passe très bien… Rodolphus et moi vous sommes très reconnaissants de nous avoir obtenu ses services. Je sais à quel point il est demandé.

- Bien… Très bien. J'ai hâte d'apprendre la bonne nouvelle dans ce cas. Quand est prévu la naissance de votre neveu ?

La jalousie lui fit serrer les poings mais Ranatus ne sembla pas le remarquer. Narcissa s'était mariée avec Lucius Malefoy l'été qui avait suivi sa sortie à Poudlard, tout comme elle l'avait fait. Elle n'avait décidé que l'année dernière d'avoir un enfant et était tombée enceinte aussitôt. Bellatrix avait beau savoir que sa sœur n'y était pour rien, elle lui en voulait tout de même, d'autant plus que cette grossesse la faisait passer pour une épouse indigne aux yeux de la haute société. Quelle femme digne de ce nom ne pouvait pas assurer une descendance à son époux ? En d'autres circonstances, elle aurait affronté n'importe quelle rumeur, seulement le Maître comptait sur les femmes Sang-Purs pour donner ses lettres de noblesse à son règne. Il fallait une nouvelle génération aussi nombreuse que possible. Bellatrix était intimement persuadée que le Seigneur des Ténèbres ne lui accorderait jamais l'honneur de siéger à sa droite tant que la famille Lestrange demeurerait sans héritiers, quand bien même Rolf et elle étaient des Mangemorts des plus dévoués.

- Tout va bien, Bellatrix ?

Elle se secoua mentalement et sourit à Ranatus pour le rassurer, afin qu'il ne soupçonne rien.

- L'enfant est prévu pour le milieu du mois de juin. Narcissa se porte comme un charme.

En réalité, elle n'avait pas parlé à sa jeune sœur depuis les fêtes de Pâques, durant lesquelles Lucius avait organisé un somptueux repas. Rodolphus et elle n'avaient pas pu ignorer l'invitation, mais elle s'était contentée d'échanger des banalités avec Narcissa.

Ranatus sembla vouloir en savoir plus mais la porte de la pièce s'ouvrit sur Rodolphus. Bellatrix bénit son arrivée en silence et lui adressa un discret sourire.

- Père ! Je ne pensais pas vous trouver encore ici !

- La compagnie de Bellatrix est l'un de mes rares plaisirs et il ne se fait pas d'abandonner une Lady si tôt dans l'après-midi.

Rodolphus eut un bref éclat de rire puis serra la main de son père avant de s'asseoir à ses côtés.

- Qu'avez-vous prévu pour cette nuit ?

Son visage avait retrouvé ses traits sérieux mais Bellatrix savait reconnaître la flamme qui brûlait dans ses yeux noirs : Rodolphus avait hâte de faire subir mille tourments aux moldus qui croiseraient son chemin et sa soif de sang fit écho à la sienne. Laissant le soin à son beau-père de répondre, elle parcourut son visage du regard, apprécia ses traits taillés à la serpe et son nez droit. Elle s'attarda sur ses lèvres plus rouges que d'habitude qui ressortaient sur son teint mat. Parfois, il lui arrivait de comparer le Maître avec son mari, mais aujourd'hui, le charme de Rodolphus lui suffisait amplement et elle regretta d'avoir proposé à atus de prendre le thé avec elle.

-… les autres devront s'arranger pour ralentir l'arrivée des secours moldus. Nos sortilèges de Désillusion rendront la tâche plus difficile aux Aurors mais les Tireurs de Baguette d'Elite ont reçu un entraînement spécial pour cela. Selon mes estimations, le Maître devrait disposer d'une confortable demi-heure, ce qui est largement suffisant pour ce qu'il prévoit de faire.

Rodolphus demanda encore quelques détails et sembla particulièrement satisfait par leur stratégie.

- Mes enfants, je vais vous laisser. Le vieil homme que je suis doit prendre un peu de repos avant de s'attaquer au Ministère de la Magie. Amusez-vous bien ce soir.

- Vous aussi, père, répondit Rodolphus tout en se levant pour raccompagner Ranatus jusqu'à la cheminée de l'entrée.

Bellatrix vérifia l'heure en se levant à son tour et fut ravie de découvrir qu'il était encore très tôt. Le Maître avait exigé qu'ils se réunissent avant l'attaque à vingt-deux heures afin de mettre au point les derniers détails.

Cela nous laisse un peu de liberté…

Elle commença à déboutonner sa robe de soie verte. La porte se rouvrit - Rodolphus avait congédié son père plus vite que d'ordinaire - et deux mains puissantes se posèrent sur les siennes au moment où elle allait se débarrasser de sa tenue. Bellatrix frémit quand les lèvres de son mari se posèrent sur son cou tandis qu'il l'attirait contre son torse.

- Ne crois-tu pas que ma robe risque de devenir encombrante ? souffla-t-elle tout en basculant la tête en arrière pour libérer un chemin jusqu'à ses lèvres.

Il s'attarda sur la veine qui battait follement sur sa gorge et un gémissement lui échappa. Rodolphus était un amant très doué.

- Je préfère te l'ôter moi-même, chuchota-t-il contre ses lèvres.

Il l'embrassa enfin et Bellatrix transforma la frustration que sa conversation avec Ranatus avait suscité en elle en un fabuleux besoin de l'oublier.

Finalement, sa petite robe d'été ne tarda pas à la quitter.

Vendredi 16 Mai 1980, Résidence de Sirius Black, Londres.

- Tire vers toi ! Plus à gauche. Encore un peu. Bouge plus ! Je l'ai.

Sirius raffermit sa prise sur sa pince et laissa Judy dévisser une pièce du moteur de sa moto.

- Tu y arrives ? demanda-t-il en la voyant forcer sur son outils.

- C'est un peu grippé, grogna-t-elle.

Il lui fallut une dizaine de minutes en tout pour arriver à bout des cinq vis. Elle posa la pompe à essence sur le sol et se redressa en faisant craquer plusieurs os sinistrement.

- La pompe est bouffée par la rouille. Il en faudra une neuve.

Sirius ne chercha pas à retenir sa grimace : il avait récupéré sa moto chez Max trois semaines plus tôt et avait enchaîné les problèmes mécaniques. Judy lui avait proposé un coup de main pour la première réparation puis pour la deuxième… Avant qu'il ne devienne évident que sa Bonnie était gravement malade et qu'il valait mieux se résoudre à la démonter pour changer tout ce qu'il y avait à changer. Il aurait aimé qu'il y ait juste un peu moins de pièces abîmées…

- Bienvenue dans le monde des motards, Black, se moqua la jeune femme en avisant sa mine sombre. Je te promets de tout faire pour la sauver. Attrapes !

Sirius saisit la bière moldue qu'elle lui lançait et fut ravie de pouvoir se rafraîchir. Il avait reconverti le sous sol de la maison de l'Oncle Alphard en un atelier de fortune et la chaleur avait tendance à y être étouffante.

- C'est vraiment sympa de passer ton temps de repos à m'aider.

- La mécanique est mon passe-temps préféré après faire les boutiques.

- Tu es une fille finalement !

- Tu en doutais, Black ?

Sirius soutint son regard provoquant avant de la détailler : elle portait un mini-short élimé et tâché - qui devait en savoir plus en mécanique que lui - et un débardeur rouge qui moulait parfaitement ses formes, mettant en valeur son ventre plat et sa taille fine. Il avait parfaitement conscience que Judy était une femme - très belle en plus - mais il aimait trop sa répartie pour se priver de la taquiner dès qu'il en avait l'occasion.

- Excuse-moi… Tes mains pleines de cambouis m'ont trompé.

- Ne sois pas ingrat. Je ruine ma manucure à chaque fois que je viens ici.

- Je n'ose pas imaginer à quel point cela doit être horrible.

- Continue comme ça et je me charge de te recoiffer avec ce même cambouis. On verra bien si tu feras autant le malin quand tu auras été obligé de te raser la tête.

Sirius se retint de passer une main à travers ses mèches brunes pour vérifier qu'elles étaient toujours là et choisit de ne plus insister. Il connaissait suffisamment Judy pour savoir qu'elle ne plaisantait qu'à moitié quand elle menaçait. En le voyant abandonner, ses lèvres s'étirèrent en un sourire tordu qui lui donnait un air narquois particulièrement bien assorti à son regard moqueur.

- Je crois qu'on va en rester là pour aujourd'hui. Je ne bosse pas demain. On pourra terminer de démonter le reste normalement.

- C'est ce que tu as dit la semaine dernière.

- Oui. Mais je ne savais pas que tout était grippé à ce point. Un vrai motard huile sa moto, jeune homme.

- Mon père a oublié de m'en parler.

- Ça doit être ça. Je peux emprunter ta douche ?

- Fais comme chez toi. Appelle-moi si tu as besoin d'aide.

Elle se stoppa dans les escaliers et se tourna vers lui pour le détailler de haut en bas comme il l'avait fait un peu plus tôt. Finalement, elle grimaça :

- Non, sans façon Black. Je suis une grande fille, je vais réussir à me débrouiller toute seule. Ne touche à rien pendant mon absence.

Sirius termina sa bière tout en parcourant la pièce encombrée du regard : sa moto gisait devant lui, débarrassée de ses roues et de son guidon. Une grande partie des pièces du moteur étaient disposées avec soin sur une table à laquelle il manquait un pied et des outils traînaient à même le sol. Judy savait ce qu'elle faisait et tenait particulièrement à ce qu'il ne déplace rien, au risque de perdre quelque chose.

Il se décida à remonter à son tour et dût lancer plusieurs Récurvite pour venir à bout du noir sur ses mains. Il se laissa tomber dans le canapé qui faisait face à sa cheminée et alluma la radio sorcière. Le dernier morceau à la mode remplaça aussitôt le silence et il laissa ses pensées divaguer. Il restait inquiet pour sa moto, même si Judy semblait optimiste. D'un autre côté, il pourrait se vanter de l'avoir remis en état lui-même et de la façon moldue. La tête qu'aurait fait sa génitrice en le découvrant une clé mécanique à la main lui tira un sourire satisfait. Parfois, il regrettait presque qu'elle ne débarque pas à l'improviste chez lui pour tenter de le ramener dans le droit chemin.

Malgré lui, le visage de son frère s'imposa à sa mémoire et le regret le fit soupirer. Il ne l'avait pas revu depuis sa sortie de Poudlard deux ans plus tôt. Il savait que son jeune frère avait pris la marque l'année de ses seize ans, mais pour le moment, Regulus était encore à Poudlard, ce qui le tenait éloigné de la guerre qui faisait rage (1) .

Sirius en était soulagé : s'il venait à croiser son petit-frère au cours d'une bataille, serait-il capable de lui jeter un sort ? De le tuer ?

La voix de Judy lui ôta la possibilité de trouver une réponse :

- La place est libre !

Sirius se leva aussitôt, ravi de pouvoir faire peau neuve.

- Tu commences dans combien de temps ? demanda-t-il en montant les escaliers menant au premier étage.

- Trois-quart d'heure.

- Tu veux que je t'accompagne ?

- Pourquoi tu ferais ça ? Tu as peur que je me fasse agresser en chemin ?

- Je pourrais arguer que Londres n'est pas très sûre en ce moment, mais pour être tout à fait honnête, j'ai plus peur pour ceux qui essayeront de s'en prendre à toi…

Judy éclata de rire et finit par ouvrir la porte de la chambre d'ami qu'elle utilisait toujours pour se changer.

- Tu as enfin compris que je n'étais pas du genre demoiselle en détresse ! Ce n'est pas trop tôt.

- J'ai encore un bleu là où tu m'as frappé pour me le prouver, je te rappelle.

- Pauvre petit chaton…

Sa fausse compassion lui fit lever les yeux au ciel : trois jours plus tôt, Judy lui avait expliqué que son Oncle l'avait inscrite à un club de boxe dès qu'elle avait eu sept ans. N'ayant pas la moindre idée de ce qu'était la boxe, elle le lui avait expliqué. Il s'était moqué d'elle : donner des coups de poings à un adversaire n'était pas du tout un sport de fille. Elle l'avait alors frappé à l'épaule…

- Alors, pourquoi tu veux jouer au chevalier servant ?

- Parce que tu n'arrêtes pas de te vanter que le bar où tu travailles est le meilleur de Londres et qu'on est vendredi soir.

- Oh… Monsieur veut draguer ? Il fallait le dire plus tôt ! Je t'attends en bas.

Il ne lui fallut qu'un quart d'heure pour être prêt et Judy jugea qu'ils pouvaient très bien marcher plutôt que de transplaner.

- Je n'aime pas arriver trop en avance… expliqua-t-elle quand il s'en étonna. Et puis, je n'ai pas tellement l'occasion de visiter.

- Dès que ma moto est réparée, je te ferais voir tous les coins sympas.

- Je me fiche un peu du folklore sorcier.

- Je passe plus de temps chez les moldus. C'est plus pratique avec la moto.

- Je verrais bien.

Vendredi 16 Mai 1980, Londres.

Bellatrix vérifia l'heure et fit signe à ses coéquipiers de se tenir près. D'après les informations qu'ils avaient récoltées, le match moldu se terminerait dans moins de cinq minutes. Il leur faudrait attendre encore un peu pour que les premiers spectateurs sortent. Bellatrix avait prévu de lancer l'attaque au moment où un bon quart des moldus seraient sortis. Cela provoquerait un mouvement de panique et si tout se passait comme prévu, le mouvement de la foule devrait en tuer quelques uns… les moldus étaient des animaux, elle l'avait déjà expérimenté, et ceux qui se trouveraient à l'extérieur essaieraient de retourner à l'abri dans leur stade. Ils ne se douteraient pas qu'une vingtaine de Détraqueurs les y accueilleraient, ni que le groupe mené par Dolohov avait prévu de transformer les tribunes en un champ de ruine en les faisant exploser. Bellatrix espérait sincèrement que le moins de moldus possible en réchapperait. De son côté, elle devait tuer le maximum de moldus qui se trouveraient dans les rues entourant le stade, puis tenir les Aurors, les Tireurs de Baguette d'Elite et les membres de l'Ordre du Phénix occupés, afin que le Maître ait le temps d'accomplir sa tâche au Ministère de la Magie.

En espérant que son traître de cousin ne les ait pas privé d'informations capitales…

Les larges portes commencèrent à s'ouvrir et elle sentit l'excitation monter en elle. Le Seigneur des Ténèbres avait approuvé leur plan et leur avait rappelé qu'ils devaient marquer les esprits aussi fort que possible. Bellatrix espérait que Dolohov trouverait les sportifs moldus - des célébrités très appréciées avait-elle compris - et leur ferait subir les pires tourments.

La clameur d'une foule commença à monter vers elle et bientôt, les premiers moldus sortirent. Certains semblaient vêtus étrangement, même pour des moldus, et elle grimaça en avisant leur maquillage barbare.

Décidément, le pays ne s'en portera que mieux quand nous nous serons débarrassés de cette engeance.

Soudain, la première explosion déchira la nuit, faisait voler des projectiles au-dessus de l'imposant bâtiment. Après une folle seconde de battement, des cris retentirent.

Bellatrix commença son œuvre. Sa première victime fut un homme d'une cinquantaine d'année au visage bariolé et au ventre bedonnant, coiffé d'un chapeau ridicule. Elle refusa d'utiliser l' Avada et choisit de le démembrer. Le sort que lui avait appris le Maître jaillit de sa baguette et le moldu quitta cette terre dans la douleur.

Parfait.

Elle continua sa moisson en faisant honneur à son enseignement. La Magie Noire offrait de multiples façons de tuer un homme et au fil des années, Bellatrix était devenue une grande spécialiste de cet art. Elle fendait la foule avec grâce, savourait chaque meurtre, s'enivrant un peu plus à chaque seconde.

Les cris de douleurs, les bruits de courses, les visages effrayés de ses victimes, la brume et le froid des Détraqueurs… Elle ne connaissait pas de plus belle façon de servir la Cause.

Autour d'elle, les membres de son groupe n'était pas en reste et de nombreux corps les entouraient. Les moldus tentaient de les éviter en essayant de fuir par les rares rues perpendiculaires à la leur, mais Bellatrix avait placé un Mangemort à chaque issue, autant pour empêcher leurs victimes de leur échapper, que pour ralentir les secours. Des sirènes se faisaient d'ailleurs entendre au loin, mais elle n'avait pas encore vu ces moldus aux vêtements noirs, rouges ou verts qui s'opposaient en général à eux. L'expérience lui avait appris à les viser en premier : ces moldus-là étaient armés et pouvaient se révéler dangereux.

- AURORS !

L'alerte la stoppa alors que le corps d'une jeune femme s'écroulait à ses pieds. Elle regarda autour d'elle et ne manqua pas les capes rouges des chasseurs de mages noirs.

Ils ont fait vite. Trop vite.

Sans s'appesantir plus longtemps sur ce détail, elle se porta à leur contact.

Tuer des moldus était un plaisir qu'elle appréciait toujours, mais le Maître n'était jamais plus satisfait que lorsqu'elle lui ramenait la tête d'un des chiens de garde du Ministère.

Vendredi 16 Mai 1980, Londres.

Sirius, une cigarette entre les lèvres et un verre à la main, était installé au comptoir du bar où Judy travaillait et ne pouvait que donner raison à ses paroles. Le Hells Angels était un établissement on ne peut plus atypique : d'un côté, se trouvait un atelier de mécanique où le patron était toujours rendu, et de l'autre, le bar à proprement parler, principalement fréquenté par des bikers chevronnés que Sirius avait déjà croisé dans Londres. Une magnifique Harley trônait au fond de la pièce et la décoration était entièrement consacrée aux motos. Sirius se demandait comment il avait pu passer à côté d'un tel endroit ces dernières années. Comme il ne connaissait personne - et que la majorité des clients étaient des hommes plus âgés que lui, bardés de tatouages, de piercings et de cuir - il se tenait sagement en retrait et observait les mécaniciens travailler à travers la baie vitrée qui séparait l'espace. Judy passa près de lui, un impressionnant plateau chargé de pintes à la main. Pour le moment, elle faisait le service mais Sirius se doutait qu'elle devait bien passer dans la pièce voisine de temps en temps.

- Tu t'amuses bien, Black ? lui lança-t-elle alors qu'elle nettoyait une table.

- Plutôt.

- Plutôt ?

- Ça manque de filles ici.

- Je suis une perle rare dans ce monde de brutes.

Sirius aurait aimé répliquer mais elle s'éloignait déjà vers les cuisines et il retourna à son spectacle. Pour être tout à fait honnête, il se fichait bien de ne pas pouvoir draguer ce soir. Il ne se sentait pas d'humeur sans savoir vraiment pourquoi. Bien sûr, James et Remus lui avaient fait une énième leçon de morale la semaine passée : ses deux meilleurs-amis avaient débarqué chez lui et étaient tombés nez-à-nez avec une de ses conquêtes. Il avait eu le droit au refrain sur le respect des femmes - ce avec quoi il n'était pas d'accord : elles savaient en général à quoi s'en tenir avec des gars comme lui et il ne forçait personne - puis James avait essayé de lui faire peur avec des histoires de maladies et d'enfants non désirés - il faisait attention, merci bien. Et aux dernières nouvelles, ce n'était pas lui qui allait être père dans moins de trois mois - et Remus avait conclu qu'il devrait se méfier par les temps qui courraient, que sa famille devait bien savoir qu'il avait un faible pour les jolies jeunes femmes, et pourrait bien utiliser ce moyen pour l'atteindre - il devait avouer que le loup-garou avait marqué un point -. Seulement, James et Remus lui avaient servi un nombre incalculable de discours de ce genre et il avait arrêté d'y prêter attention dès le tout premier - être élevée par Walburga Black avait développé son talent à faire semblant d'écouter les remontrances -. Il était étonné d'y repenser aujourd'hui. Son manque d'entrain à l'idée de séduire une nouvelle conquête devait être lié au stress de la guerre. Après tout, il avait failli mourir le matin-même. Et puis, il devait avouer qu'il était un peu inquiet à l'idée de devenir le parrain du bébé de James et Lily.

Il avait parfois du mal à s'occuper convenablement de lui-même, et l'idée qu'un être totalement dépendant des adultes l'entourant serait bientôt sous sa responsabilité le terrifiait légèrement.

Soudain, l'ambiance dans le bar changea, l'interrompant dans ses réflexions, et il prit conscience du silence qui l'entourait, tout juste troublé par la rumeur lointaine provenant de l'extérieur.

Sirius se tendit : son instinct lui soufflait que quelque chose d'anormal était en train de se passer.

La porte du bar s'ouvrit alors violemment et une femme couverte de sang entra :

- Un attentat, articula-t-elle difficilement, le souffle court. Ils ont attaqué le stade.

Elle se laissa glisser sur le sol, visiblement à bout de force. Il y eut un moment de flottement dans le bar, puis une des serveuses se porta au secours de la jeune femme. Son geste réveilla l'assemblée et toutes les personnes présentes se mirent à parler en même temps, chacun voulant donner son avis sur la marche à suivre sans écouter son voisin.

Sirius ne leur prêta pas attention et sortit discrètement sa baguette magique. Il avait une très bonne idée de qui étaient ces « ils » à l'origine de l'attentat et il devait prévenir l'Ordre au plus vite pour qu'ils puissent limiter les dégâts.

Quelqu'un l'attrapa par le bras au moment où il se levait.

- Où vas-tu ? lui demanda Judy après avoir jeté un coup d'oeil à sa baguette.

- Prévenir les secours.

Elle le dévisagea, puis pâlit.

- Ce sont eux ?

La peur dans sa voix lui donna envie de la prendre dans ses bras pour la rassurer. Il se retint toutefois - ce n'était pas le moment d'être sentimental - et se contenta de poser sa main libre sur la sienne et de plonger son regard dans le sien.

- Oui.

Elle inspira bruyamment, comme si elle était restée en apnée le temps qu'il lui réponde, et son regard devint hagard l'espace d'une seconde.

- Judy, ça va ? demanda-t-il en pressant sa main.

Elle hocha la tête sans qu'il n'arrive à se rassurer, puis elle releva le menton et rejeta ses épaules en arrière.

- Je peux faire quelque chose ? souffla-t-elle.

- Préviens les secours moldus. Assure-toi que cette fille survive. Barricade discrètement les ouvertures de sortilèges protecteurs. Et ne sors sous aucun prétexte, d'accord ?

- J'étais assez douée en Défense Contre les Forces du Mal…

Il sourit : une part de lui était fière de sa réponse, mais il savait aussi qu'il y avait un monde entre ce qu'on apprenait à l'école et les combats contre les Mangemorts.

- J'en doute pas Adler mais tu risques d'être tentée de régler cette histoire à coup de poings. Je ne veux pas que tu ruines ta manucure.

Elle émit une sorte de bruit étrange, entre le gloussement de rire et le gémissement de peur.

- Ne sors sous aucun prétexte, d'accord ?

Il fut soulagé de la voir acquiescer et il l'obligea à le lâcher en douceur sans pour autant réussir à s'en aller. Pour la première fois, Judy lui semblait vulnérable. Ses beaux discours sur ses capacités à se défendre toute seule étaient bien loin. Si les circonstances avaient été différentes, il ne se serait pas gêné pour le lui faire remarquer mais il savait qu'il était difficile d'accepter la réalité d'une guerre… Alors il se contenta de l'embrasser sur la joue pour la rassurer.

- A plus tard, murmura-t-il à son oreille.

Le spectacle qui l'attendait à l'extérieur du bar lui donnait une forte impression de déjà vu : des éclairs de couleurs déchiraient la nuit et sculptaient la brume des Détraqueurs en des formes menaçantes. Un feu s'était déclaré à plus d'un kilomètre au sud. Des cris de toutes sortes - panique, peur, douleur, horreur - lui parvenaient malgré la distance et il devina des dizaines de corps sur le sol. Il ne lui fut pas si simple de se laisser envahir sur un souvenir heureux - le mariage de James et Lily, son frère de cœur défiguré par le bonheur et une Lily absolument magnifique - et son Patronus resta à l'état de nuage informe une bonne dizaine de secondes avant de prendre la forme d'un magnifique cerf.

Comme le lui avait appris Fol-Oeil, il fit venir l'image de Dumbledore à son esprit et imagina que son Patronus se trouvait avec lui.

Les bruits de combats semblaient se rapprocher, les cris étaient plus nombreux, l'odeur de l'incendie entêtant…

C'est la même chose que le transplanage, Black ! Concentre-toi !

La petite voix qui l'invectivait ressemblait étrangement à celle de Maugrey et Sirius se concentra plus fort encore, de peur que l'Auror ne débarque pour l'insulter en personne.

Finalement, Sirius entendit un léger grésillement dans son esprit et il se retrouva seul dans la rue : son Patronus avait disparu.

Tout en espérant avoir réussi son sort, il partit en direction des affrontements en courant.

A mesure qu'il s'approchait, les cris de panique étaient de plus en plus oppressants et donnaient un contrepoint sinistre aux sirènes des secours moldus. A chaque fois qu'un camion rouge ou qu'une voiture surmonté de lumière le dépassait en trombe, il ne pouvait s'empêcher d'accélérer encore sa foulée. Aussi courageux soient-ils, les secours moldus ne feraient pas le poids face aux Mangemorts de Voldemort et à ses créatures.

Signe qu'il se rapprochait des lieux de l'attaque, il croisait de plus en plus de moldus qui couraient dans le sens opposé au sien. Certains étaient légèrement blessés, d'autres parfaitement indemnes, mais tous portait le même masque de terreur pure, comme s'ils avaient croisé le diable en personne.

Le diable, ou la mort.

Bientôt, le nombre de moldus devint tel qu'il eut du mal à avancer. Autour de lui, les secours peinaient à s'organiser. Leurs voitures étaient arrêtées au milieu de la chaussée et le bruit des klaxons s'ajouta au chaos général.

Mais d'où sortent tous ces gens ?!

Londres était une ville vivante mais le nombre croissant d'attentats avait poussé les autorités moldues à interdire les événements dans les rues de la capitale.

Et de mémoire, Sirius n'avait jamais vu autant de personnes en même temps.

Il comprit ce qu'il se passait quand il déboucha enfin sur une avenue. Il reconnut l'immense bâtiment où il s'était rendu avec James, Remus et Peter afin d'assister à un match de football durant l'été de leur sixième année. De hautes flammes dépassaient du toit du stade, et des moldus tentaient de s'échapper du piège mortel que les Mangemorts avaient imaginé à leur attention. La bousculade semblait faire autant de victimes que les sbires de Voldemort, et autour du stade, la panique était à son comble.

Des gens couraient en tout sens, des dizaines de corps gisaient sur le pavé, le ciel était surmonté de la Marque des Ténèbres, des éclairs de couleurs fusaient de tous les coins, les hurlements stridents ne laissaient aucun répit au silence et la fumée alentour ajoutait une note lugubre au tableau déjà catastrophique.

Il fallut qu'une femme le bouscule pour que Sirius réalise qu'il se tenait immobile depuis un moment, peut-être plusieurs minutes.

Il chercha les membres de l'Ordre du regard mais ne trouva aucun visage familier parmi tous ceux qui se succédaient sous ses yeux. Il finit par abandonner et se jeta dans la bataille sans savoir s'il arriverait à faire une différence.

Samedi 17 Mai 1980, Londres.

- Patmol ?! Merlin, Black, je commençais à être inquiet !

Sirius répondit maladroitement à l'étreinte de son frère de cœur mais ne put retenir son soupir de soulagement en le retrouvant vivant. Il ne savait pas vraiment quand l'Ordre du Phénix s'était déployé pour contrer les Mangemorts aux côtés des Aurors et des tireurs d'Elite, mais il lui semblait qu'il s'était battu pendant une éternité avant de trouver ses camarades de résistance.

Ou plus vraisemblablement, avant que ses camarades de résistance ne le retrouve. Alors qu'il était encerclé par trois Inféris particulièrement coriaces, Benjy Fenwick avait surgi de part et les avait réduit en poussière avec sa précision redoutable. Sirius n'avait pas eu le temps de le remercier que déjà, un Mangemort avait commencé à leur lancer des sortilèges.

De ce qui s'était succédé ensuite, il n'en était pas vraiment sûr.

- Tu n'es pas blessé ? lui demanda James tout en lui tournant autour.

- Non, ça va, marmonna-t-il. Quelques égratignures.

- Oui, et au moins un doigt de cassé. Arrête de distribuer des coups de poings à chaque bataille, Pat'.

Sirius leva sa main droite et grimaça en découvrant la peau de ses phalanges à vif. Son index était anormalement enflé et son majeur particulièrement bleu. Il n'essaya même pas de les bouger et se contenta d'un episkey qui le fit grogner de douleur.

- Tu as vu Lunard et Queudver? demanda-t-il avant que son meilleur-ami ne suggère qu'il fallait qu'il voie un médicomage pour ses blessures.

- Oui. Ils sont en train d'aider les moldus à rassembler les victimes.

Les morts, traduisit Sirius en silence.

- Allons les rejoindre alors, soupira-t-il avant de s'éloigner pour soutenir ses paroles.

Ils retrouvèrent leurs amis aux côtés de deux pompiers et d'une jeune femme qui devait être infirmière. Le pull que portait Remus était déchiré en plusieurs endroits et la cape en lambeaux de Peter pendait tristement sur ses épaules, mais ils semblaient globalement indemnes, malgré le sang sur leurs vêtements et la crasse sur leur visage.

Les heures qui s'écoulèrent ensuite semblèrent sans fin. Sirius s'interdit de compter le nombre de moldus qu'il aida à glisser dans ces longs sacs noirs, non plus qu'il détailla les blessures des victimes des Mangemorts - certains avaient été tué d'un simple Avada mais d'autres portaient à coup sûr la marque de sa psychopathe de cousine -. Comme à chaque fois, le plus dur était de s'occuper des enfants. Sirius ne comprenait définitivement pas comment un être humain pouvait ôter la vie à un gamin de dix ans. Où était la pureté du sang après cela ?

Des volontaires moldus, ainsi que ces hommes toujours vêtus de tenues kaki, vinrent aider à prendre soin des morts. Le ballet des véhicules de secours se ralentit peu avant le lever du soleil, signe que tous ceux qui pouvaient encore être sauvés avaient été emmenés dans les hôpitaux. Quand les forces de l'ordre moldues commencèrent à faire le tour des volontaires en posant des questions et en demandant un exemplaire de ces cartes d'identités, Sirius comprit qu'il était temps pour les Maraudeurs et lui de s'en aller. Ils avaient fait tout ce qu'ils pouvaient pour aider mais leur présence allait rapidement devenir indésirable.

Ils s'éclipsèrent discrètement en direction d'une rue moins passante et trouvèrent un recoin à l'abri des regards. Peter et Remus transplanèrent directement chez eux : ils devaient se changer avant de rejoindre leur travail, mais James insista pour le raccompagner chez lui.

D'ordinaire, Sirius l'envoyait au diable en lui rappelant qu'il avait une femme enceinte et certainement morte d'inquiétude à aller voir, mais il était définitivement trop fatigué pour discuter.

Le quartier moldu où son Oncle s'était installé près de quarante ans auparavant était encore endormi, et Sirius savait que la vie ne revenait qu'avec les premiers écoliers se rendant à l'école publique quelques rues plus loin.

Les sortilèges qu'il avait laissé sur sa porte avant de partir lui semblèrent plus compliqués à défaire que d'ordinaire et il mit cela sur le compte de la fatigue.

Il avait à peine tourné la poignée qu'un concert de pas précipités s'élevèrent de l'intérieur.

- Judy ? marmonna-t-il en découvrant la jeune femme dans son couloir, la baguette au clair et l'inquiétude marquée sur chacun de ses traits.

Elle combla la distance entre eux en deux enjambées et se jeta dans ses bras, le serrant contre elle avec force.

- Bon Dieu, Black, j'étais morte d'inquiétude, souffla-t-elle.

Sirius répondit à son étreinte et enfouit son visage dans le creux de son cou à la recherche d'un réconfort dont il ignorait avoir besoin jusqu'à quelques secondes plus tôt.

Le raclement de gorge de James derrière lui le ramena à la réalité et Judy s'écarta de lui, non sans déposer un baiser sur sa joue.

- Tu dois être James Black, lança-t-elle à l'intention du jeune Potter tout en tendant sa main vers lui. Je suis Judy Adler.

James tourna vers lui un regard perdu mais Sirius n'eut pas le temps de corriger Judy.

- Je me suis trompée ? s'étonna Judy. Tu es son frère, non ?

James resta de marbre et Sirius fronça les sourcils en le voyant si sérieux.

- C'est ce que mes parents ont raconté à tout le monde, répondit-il finalement.

Toutefois, il ne serra pas la main toujours tendue de Judy, malgré le regard surpris que Sirius et elle braquaient sur lui.

- Je sais que la nuit a été longue pour nous trois mais les temps étant ce qu'ils sont, j'aimerais voir ton avant bras gauche, Adler.

Le ton de James était aimable mais l'ordre immanquable. Sirius ne put s'empêcher de noter la ressemblance effrayante entre James et sa mère, Euphémia Potter, du temps où celle-ci leur faisait une leçon de morale après une énième bêtise. Judy détailla James une poignée de secondes avant de hocher la tête.

- Je comprends, souffla-t-elle en rangeant sa baguette dans la poche arrière de son jean.

Elle remonta la manche du pull beige qu'elle portait et dévoila un pan de peau parfaitement vierge de tout tatouage en forme de serpent.

James se radoucit légèrement.

Trop légèrement au goût de Sirius.

Le jeune Potter tendit sa baguette vers le bras de Judy.

- Je me permets. Lily est convaincue qu'on peut la maquiller si on est assez doué en charme.

Il lança un Revelio qui ne donna aucun résultat, puis un Reparifarge qui laissa le bras de Judy immaculé. Sirius était certain que James testa deux ou trois autres charmes sans les prononcer mais se garda bien d'en faire la remarque devant Judy.

- Tu as fini, Potter ? demanda-t-il tout de même.

James lui lança un regard en coin :

- Ma mère a été très claire : je suis responsable de ton intégrité physique jusqu'à nouvel ordre et ce n'est pas moi qui ait une famille de psychopathes tous à la solde de Voldemort.

Sirius leva les yeux au ciel.

- Là, je suis un peu perdue, intervint Judy en les dévisageant un à un. Vous êtes frères ou vous n'êtes pas frères ?!

James passa une main à travers sa collection d'épis et se fendit d'un sourire malicieux.

- La dernière version officielle est que mes parents l'ont adopté. C'est une longue histoire alors elle attendra une autre fois. J'ai une femme très enceinte et très inquiète à aller rejoindre, au risque de retrouver ma maison complètement intoxiquée par les vapeurs de potions qu'elle aura préparé en mon absence. Content de t'avoir rencontrée, Judy !

Il serra brièvement la jeune femme dans ses bras, oublia de s'offusquer quand elle ne répondit pas et s'éloigna vers la cheminée qui trônait en bonne place dans le salon.

- Dix-sept ! lança Sirius tandis qu'il prenait une pincée de poudre de Cheminette.

- Tu la sous-estimes. Elle arrive à lancer plusieurs préparations en même temps et je suis parti un sacré moment. Je mise sur vingt-trois. Je te tiens au courant.

Il disparut dans les flammes vertes.

- Dix-sept ? releva Judy en se tournant vers lui.

- Lily fait des potions quand elle est inquiète. Je ne suis pas bien sûr que ce soit très sain pour le bébé…

Judy eut un sourire avant de retrouver un visage grave quand elle le détailla des pieds à la tête.

- Tu as une tête affreuse, Sirius. Tu devrais aller prendre une douche et te reposer.

Il acquiesça et commença à gravir les escaliers, le pas lourd de fatigue. Il avait presque atteint le premier étage quand elle le héla.

- Et Sirius ? Appelle-moi si tu as besoin d'aide !

Un sourire lui échappa :

- Je suis un grand garçon, Adler. Je vais pouvoir me débrouiller.


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