
Le carnet
Lily ronflait. Severus songea que lorsqu’il le lui dirait, elle serait indignée. Cette pensée fit sourire Severus dans son sommeil. Il pouvait caresser ses cheveux, emmêler ses doigts dans ses mèches auburn, car sa tête était posée sur son… Ventre ?! Mais que faisait Lily sur son ventre ? Incertain, Severus ouvrit un œil et découvrit avec un certain soulagement que c’était le chat, et non Lily, qui avait déserté le lit. Elle n’était même pas dans la chambre, tout comme Harry. Le chat s’étira et ne manqua pas de planter ses griffes. Severus grimaça, mais ne chassa pas l’animal. Il n’éprouvait aucune affection pour la bestiole. Il n’avait aucune envie de voir le tissu de son pyjama être lacéré par les petites extrémités acérées, ni même d’avoir des griffures sur son torse. Heureusement pour lui, le chat sauta du lit, et Severus s’assit au bord du matelas.
Il avait eu raison de supposer que la photo sur la table de nuit représentait James Potter, mais il ne s’agissait pas vraiment de son portrait, mais d’un moment qui avait été immortalisé : le mariage de Lily. La belle rousse portait une magnifique robe blanche qui la faisait ressembler à un ange. Potter, lui, souriait comme un crétin qui venait d’empocher le gros lot à la grande loterie annuelle organisée par la Gazette. Ils formaient un couple heureux, qui ne semblait pas se préoccuper des horreurs de la guerre.
Severus détourna le regard et se leva. Il faisait jour. Les maigres rayons de soleil du mois de novembre inondaient la chambre à travers les vieux rideaux en dentelles. Severus avait certainement dormi pendant plusieurs heures, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Il n’était pas un gros dormeur et ne faisait jamais la grasse matinée. Il descendit les escaliers et vit que Lily et Harry jouaient ensemble sur le tapis du salon.
- Tiens, Harry. Prends le cube et pose-le sur ta pile… Oui ! C’est bien mon chéri !
Lily releva la tête et adressa un sourire à Severus.
- Bien dormi, Sev ? Tu as meilleure mine.
- J’avais l’air si minable ?
- Un zombie, dit-elle en gloussant. Ou presque. Café ?
Severus se rapprocha d’eux. Harry était très concentré par son jeu.
- Midi… Bon sang ! soupira-t-il en s’avachissant sur le canapé.
- Tu avais quelques heures de sommeil à rattraper, lui rétorqua Lily avant de partir dans la cuisine.
- Papa ! s’exclama Harry.
- Chut ! répondit Severus en plaçant un doigt sur ses lèvres.
- Papa !
- Severus. Moi c’est Severus.
- Papa !
- Severus.
Si Black découvrait que son filleul adoré appelait le vil Servilus papa, il en paierait le prix. Lily revint avec une tasse remplie de café.
- J’ai entendu, dit-elle en lui donnant sa boisson.
Il n’y avait aucune colère dans sa voix, pas même de la tristesse.
- Je suis un homme mort, répondit Severus.
- Comment ça ? demanda-t-elle en esquissant un sourire.
- Black.
Un petit rire s’échappa de la bouche de Lily. C’était curieux de la part de la personne qui l’avait ignoré pendant plusieurs heures, la veille.
- Quitte le pays, barricade ta maison… suggéra-t-elle sur un ton moqueur.
- Très drôle, ironisa Severus.
- Avec un peu de chance, Harry ne le dira pas devant lui.
Compter sur un Potter pour ne pas attirer d’ennui à Severus Rogue relevait du mirage. Comment allait-il s’y prendre pour faire entrer dans la caboche d’Harry qu’il n’était pas son papa, mais seulement Severus ?
- Détends-toi, le rassura Lily. Je ne dis pas que ça ne me dérange pas, mais Harry est encore petit et il finira par comprendre, dit-elle en passant son bras autour de ses épaules. Et si ce n’est pas le cas… Eh bien…
Elle s’interrompit. Les mots semblaient lui manquer.
- Et si ce n’est pas le cas ?
- Je crains de devoir te demander le versement d’une pension alimentaire, répondit Lily avec le plus grand sérieux.
Les yeux de Severus s’écarquillèrent. Avait-il bien entendu ?
- Tu verrais ta tête ! s’esclaffa Lily. Je plaisante, Sev. Jamais je ne te demanderai une chose pareille.
Il se mit à rire à son tour. Quand ils étaient plus jeunes, Lily lui faisait souvent des farces de ce genre, car Severus prenait tout au premier degré. Il croyait qu’il n’était plus naïf, mais Lily parvenait encore à le surprendre.
- Je suis bête, dit-il.
- Non, tu es très intelligent, soutint Lily. J’espère que tu ne m’en voudras pas, mais…
Elle saisit sous l’un des cousins son carnet. Severus l’avait pris avec lui cette nuit, mais il ne l’avait finalement pas ouvert et l’avait oublié sur le canapé.
- J’ai été un peu trop curieuse, poursuivit-elle. Tu ne m’en veux pas ?
Severus n’aimait pas quand on fouinait dans ses affaires, et encore moins dans son carnet. Mais là, il s’agissait de Lily, la seule personne qu’il avait toujours voulu impressionner.
- Non… Tu sais, ce sont simplement des gribouillis…
- Tu plaisantes ? Je savais que tu travaillais sur le perfectionnement de certaines potions… J’ignorais complètement que tu avais retravaillé toutes les recettes depuis notre première année, Sev… Tu es un véritable génie ! Sans parler de tes recherches consignées là-dedans…
Severus, mal à l’aise, baissa les yeux et sentit cette horrible rougeur parcourir centimètre par centimètre la peau de son cou.
- Tu exagères, marmonna-t-il.
- Non, Sev. Tu es vraiment talentueux.
Elle se rapprocha de lui et posa sur les genoux de Severus le carnet ouvert.
- Je comprends mieux maintenant pourquoi tu as gagné la fiole de Felix Felicis en sixième année… Tu as simplifié le protocole du philtre de Mort Vivante !
Lily était complètement extatique.
- Pour être honnête, je l’ai arrangé après… avoua Severus. J’admets avoir agi par instinct pendant le cours.
- Qu’as-tu fait de la fiole ? demanda Lily. Tu n’es pas obligé de me le dire…
Severus avait été extrêmement heureux de remporter ce prix, mais malheureusement il n’avait jamais eu l’occasion de l’utiliser…
- Je l’ai égarée après l’avoir gagnée.
- Quoi ? Mais… mais… comment as-tu fait ?
- Je ne sais pas… Quand Slughorn a annoncé qu’il récompenserait le meilleur brasseur de la classe, j’ai tout de suite su quel usage j’en ferai…
- Lequel ?
- J’aurais bu cette fiole pour trouver un peu de courage et te présenter mes excuses… révéla Severus, les yeux baissés. De vraies excuses…
Severus n’avait pas vraiment perdu la fiole de Felix Felicis. Quelqu’un la lui avait dérobée à peine une heure après qu’il l’eut reçue. Qui ? Severus ne pouvait pas porter d’accusation sans preuve. Son animosité pour Potter le poussait à penser qu’il avait peut-être commis ce vol. Mais Severus songeait davantage à ses camarades de Serpentard. Certains étaient jaloux de son talent pour les potions, et ils auraient pu penser qu’un vulgaire sang-mêlé n’était pas digne d’une telle récompense.
- Oh… Tu sais, j’ai vraiment espéré que tu reviendrais… J’étais vraiment en colère contre toi, et déçue… Mais tu me manquais, avoua avec émotion Lily. Si tu m’avais simplement dit je regrette et ne le referai plus, je t’aurais accueilli à bras ouverts. Bien sûr, j’aurais exigé de toi quelques garanties… plus de magie noire, plus de mauvaises fréquentations, plus de coups bas…
Severus aurait accepté sans la moindre hésitation toutes les conditions de Lily, il en était persuadé. Néanmoins, à cette époque, il était trop lâche et pensait qu’une réconciliation avec la Gryffondor relevait du miracle. C’était pour cette raison qu’il avait tout misé sur Felix Felicis.
- Tu n’avais pas besoin de cette potion, continua Lily. Tunie dirait que c’est psychologique, ou un truc dans le genre.
Et elle se mit à rire, tout comme Severus.
- Psychologique ? demanda-t-il entre deux ricanements. Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Hum… de ce que j’ai compris, c’est ce qui se passe dans la tête. Elle a dû lire ça dans un magazine… Depuis quand tiens-tu ce carnet ?
- Ce n’est pas le premier, répondit Severus. J’ai commencé à consigner mes idées pendant notre première année. Au début, c’était sur des petits morceaux de parchemin, souvent dans mes manuels… À mes quatorze ans, j’ai pu m’acheter un petit cahier à la papeterie du centre-ville. J’ai écrit dedans toutes mes idées… Certaines étaient infructueuses, d’autres fonctionnaient. Puis j’ai pu m’offrir d’autres carnets. Celui-ci est un vieux qui date de la sixième année, mais que je n’ai pas entièrement rempli…
Lily reprit le carnet et le feuilleta. Severus n’avait pas vu son amie être autant absorbée par une lecture depuis longtemps.
- Sectumsempra ? Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Lily avec intérêt.
C’était bien la seule page que Severus ne voulait pas que Lily lise. Il avait terriblement honte de ce sortilège. Il lui en avait déjà parlé, mais il n’avait jamais mentionné son nom.
- Tu n’as pas envie de savoir…
- Plus la conviction sera grande, plus les dégâts infligés à l’ennemi seront importants… déchiffra Lily. Oh… je vois.
Il semblait à Severus que Lily avait pâli. Elle referma doucement le carnet et le posa sur la table basse.
- C’est ma plus horrible création, soupira Severus. À l’origine, je voulais inventer un sortilège pour couper mes ingrédients… Tu connais la suite.
- Quand tu as failli te faire tuer dans le tunnel, compléta Lily. Tu ne voulais plus être vulnérable après cette nuit. Je me rappelle notre conversation.
- Je l’ai détourné après cette nuit de pleine lune… Et ton mari a été ma première victime, ajouta Severus.
Lors de cet après-midi au bord du lac, il avait commis deux abominations : entailler la joue de Potter avec un maléfice et insulter Lily de Sang-de-bourbe. Il regrettait surtout la deuxième.
Lily se leva et annonça qu’elle devait préparer le déjeuner. Elle ne semblait pas bouleversée, ce qui rassura Severus.
Ce dernier passa un peu de temps avec Harry. Severus mit debout le bambin et l’entraîna à faire quelques pas tout en le tenant sous les bras. Ces petits exercices amusèrent Harry qui riait joyeusement. De temps en temps, Lily jetait un œil dans le salon et encourageait son fils à persévérer.
- Ce n’est plus qu’une question de temps, assura Severus. Ce matin, je l’ai vu se tenir debout dans son lit.
- Il grandit tellement vite, répondit Lily, nostalgique.
Ils déjeunèrent tous les trois dans la cuisine et passèrent un bon moment à table. Lily avait raison. Severus peinait à reconnaître le petit garçon qui était arrivé dans sa maison deux semaines plus tôt. Harry était de plus en plus rieur et affectueux, et chaque jour Severus remarquait les progrès que faisait l’enfant. Dans son babillage, on pouvait parfois décerner certains mots très mal prononcés. Harry se fortifiait petit à petit. Bientôt, Lily devrait certainement lui courir après pour le rattraper.
Harry n’échappa pas à sa sieste, malgré quelques protestations. Lily monta avec lui à l’étage, tandis que Severus rangea la cuisine.
- Son caractère commence à s’affirmer, déclara Lily en entrant dans la cuisine.
- C’est jusqu’à quel âge la sieste ? demanda Severus.
- En théorie jusqu’à trois ans, voire plus… Dans les faits, jusqu’à ce que ton enfant décrète qu’il n’est pas fatigué et fasse du trampoline sur son lit, répondit Lily en riant.
- Harry a sauté dans son lit ?
- Non, il ne sait même pas marcher... En revanche, il connaît très bien le mot non. Il s’est mis debout au moins deux fois avant de bien vouloir s’endormir et n’arrêtait pas de dire non… Je me demande si je n’ai pas été trop dure avec Sirius, vendredi.
- L’étape du trampoline ne saurait tarder dans ce cas, répondit Severus en versant du café dans deux tasses.
Lily prit sa tasse et s’adossa contre l’un des comptoirs de la cuisine.
- Il a appris deux nouveaux mots aujourd’hui, maman et non, dit en souriant Lily.
- Oui, ton fils a dit maman, ce matin.
- Comment le sais-tu ? Tu dormais…
Lily ressemblait à une carpe en-dehors de l’eau. C’était assez amusant.
- Tu ne te rappelles pas ? Ce matin, Harry nous a réveillés et il a crié maman dans son berceau.
- Grand dieu ! J’ai loupé ça !
- Et tu lui as dit que tu étais fatiguée… Il est resté un peu avec nous dans le lit et je l’ai recouché quand il s’est endormi.
Severus était lui-même trop exténué pour remarquer qu’un nouveau mot était sorti de la bouche du petit garçon.
- Quelle idiote ! se lamenta Lily. Ce matin, quand je me suis occupée de lui, j’ai presque pleuré en l’entendant m’appeler maman.
- Ça revient au même, tu sais, la rassura Severus.
Lily admit que Severus n’avait pas tort et celui-ci ajouta qu’Harry dirait certainement tout un tas de mots sans que Lily – ou quelqu’un d’autre – en soit témoin. Puis ils parlèrent de la nuit précédente qui s’était conclue d’une façon très surprenante : Lily et Severus avaient dormi ensemble.
- Je me sentais mal de te laisser dormir sur le canapé, alors que tu dors si mal dans ton lit. J’espère que ma proposition ne t’a pas choqué…
- Non, pas du tout… mentit Severus.
Il avait été très surpris quand Lily l’avait enjoint à dormir avec elle. Il avait au moins passé une agréable nuit en partageant le même lit que sa meilleure amie. Il ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait aussi bien dormi.
- On pourrait profiter de la sieste d’Harry pour monter dans ta chambre. Ainsi je pourrais améliorer ton matelas grâce à quelques sortilèges.
Il était hors de question que Lily voie sa chambre !
- Tu pourrais me montrer, suggéra Severus. C’est sûrement à ma portée.
- Il y a plusieurs sortilèges, et ça dépend du matelas, répondit Lily qui ne voyait pas le trouble qu’elle avait provoqué chez son ami.
- Lily… Je ne suis pas à l’aise avec l’idée que tu ailles dans ma chambre… avoua Severus, au pied du mur.
- Je te promets de ne pas juger, assura Lily. James, une fois, m’a raconté que Sirius avait accroché aux murs de sa chambre des photos de femmes en bikini. Peux-tu le croire, Sev ?
Les choix décoratifs de Black n’étonnèrent guère Severus. Lui n’avait jamais rien accroché sur les murs vétustes de sa chambre.
- Il n’y a rien sur mes murs, pas même une banderole de Serpentard, répondit-il à la femme rousse.
- Tu es d’accord ?
- À tes risques et périls…
Ils se rendirent à l’étage et Severus hésita un peu avant d’ouvrir la porte qui cachait sa chambre. Lily le trouverait certainement pathétique en voyant l’état de la pièce où il dormait.
- Allez, je te promets que je ne te jugerai pas, l’encouragea la jeune femme.
Il tourna la poignée et poussa la porte. Sa chambre était réellement l’endroit le plus désolant de la maison. Les murs décrépis, couverts de moisissure, donnaient à la pièce une atmosphère humide et oppressante. Des toiles d'araignée, épaissies par la poussière, pendaient du plafond. Quant au lit, c’était une couche rudimentaire, digne d’une cellule de prison, avec un matelas fin et dur.
Lily entra derrière lui, jetant un regard d’ensemble. Elle ne dit rien pendant un moment, observant chaque recoin de la pièce avec attention.
- Je m’y attendais un peu, dit-elle finalement.
Elle sortit sa baguette et lança plusieurs sortilèges pour nettoyer l'endroit. Les toiles d'araignée disparurent, la moisissure s’effaça, et la poussière fut balayée en un instant. Severus l'observait en silence. Il aurait pu le faire lui-même, bien sûr. Il connaissait ces sorts sur le bout des doigts, mais il n'avait jamais ressenti l'envie de rendre cette maison plus habitable. Trop de mauvais souvenirs y étaient ancrés, trop de douleurs à chaque coin de mur.
- C'est déjà mieux, non ? fit Lily en se retournant vers lui avec un sourire satisfait.
Severus hocha la tête. La chambre était nettement plus propre, mais la morosité des lieux persistait malgré tout.
- Passons à ton lit, dit-elle.
Elle s’approcha du lit et put constater que le matelas était à la fois fin et dur.
- C’est un lit d’enfant, dit-elle doucement. Il te faut quelque chose de plus grand.
Elle inspecta chaque recoin du lit en métal forgé. À certains endroits, le fer avait rouillé.
- Il va falloir que je me plonge dans les vieux livres de ta mère. Je n’ai jamais agrandi un lit. Ton matelas ne sera pas très difficile à transfigurer. En attendant, tu peux toujours dormir avec moi.
- Lily, ce n’est pas nécessaire. Je suis habitué à ce lit. Et puis, hier soir, c'était juste une insomnie… Rien de grave.
Lily secoua la tête, refusant son objection.
- Non, Severus, j’insiste. Tu travailles dur, et tu as besoin de dormir dans un lit confortable. Et je sais que ça te coûte, mais tu ne me déranges pas.
Severus pinça les lèvres. Elle ne comprenait pas. Elle ne pouvait pas comprendre. Dormir avec elle, c’était une forme de torture douce. Chaque nuit passée à ses côtés ferait naître en lui des désirs qu’il savait irréalisables. Il l'aimait. Elle le savait. Il lui avait dit, dans un élan de vulnérabilité qu’il regrettait presque maintenant. Ils en avaient parlé, et Lily avait été compréhensive, mais ses sentiments pour lui n’avaient jamais dépassé ceux d’une amie. Il le savait, et elle le savait aussi.
- Je ne veux pas que ça devienne… compliqué, murmura-t-il.
Lily s’assit sur son lit, l’invitant à faire de même. Elle le regarda avec cette douceur qui lui était propre, une douceur qui, paradoxalement, déchirait le cœur de Severus à chaque instant.
- Je me sens idiote de ne pas avoir deviné que c’était vraiment terrible ici, dit-elle.
- J’étais un petit cachotier et j’ai tout fait pour que tu ne viennes jamais ici. À présent, tu connais aussi bien la maison que moi.
- Pourtant, je suis déjà venue une fois. Tu te souviens ? Le jour qui a suivi la réception de ma lettre. J’avais vu ton père et le vestibule… C’est tout.
- C’était un peu moins pourri que la nuit où je t’ai ramenée ici avec Harry. La maison s’est vraiment dégradée quand ma mère a disparu, même si ça n’a jamais été un palace ici.
Lily gloussa.
- C’est quand même un peu mieux depuis que je me suis approprié les lieux, non ?
- Grandement !
Il était vraiment reconnaissant que Lily ait redécoré sa maison. Tout n’était pas encore terminé, mais le rez-de-chaussée était vraiment plaisant depuis que la jeune veuve s’était lancée dans ce projet.
- Tu te rappelles quand on faisait la même chose dans ma chambre ? On se posait sur mon lit et on discutait.
Cette époque était lointaine, mais Severus s’en souvenait parfaitement. Il avait toujours été bien accueilli par les parents de Lily. Pétunia l’ignorait la plupart du temps, ou lui adressait une moue dédaigneuse. Au moins, deux Moldus s’étaient montrés gentils avec lui.
- Ta chambre était très jolie.
La chambre de Lily n’avait rien d’une chambre clichée de petite fille. Il y avait un peu de rose, mais pas à outrance. Il se rappelait qu’elle avait une poupée posée sur son lit, mais aussi un ours en peluche.
- Comment s’appelait ta poupée ?
- Emily, comme celle de Sarah dans La Petite Princesse. Mais la mienne était brune et non blonde.
- C’était ton roman préféré quand on était gosses.
- Avec Le Jardin secret… et Emily de New Moon. J’ai toujours aimé les héroïnes impertinentes, affirma-t-elle, un rictus narquois planté sur ses lèvres roses.
Elle replia ses genoux sur sa poitrine et réfléchit pendant quelques instants, du moins c’était ce que Severus supposait.
- Quand je suis tombée enceinte, j’avais deux prénoms en tête. Harry pour un garçon, et Emily pour une fille.
- Pourquoi Harry ? demanda Severus.
- Je ne sais pas, j’aimais juste ce prénom. Et il se trouvait que le grand-père de James s’appelait Henry… Mais je trouvais que ça faisait un peu vieillot… Alors nous avons choisi Harry. James ne l’a pas connu. Il est mort bien avant sa naissance. Ses parents l’ont eu sur le tard…
Pour Severus, James avait toujours été un enfant outrageusement gâté. Il savait qu’il était né au sein d’une famille de sorciers au sang-pur, mais il n’avait jamais porté le moindre intérêt à la famille Potter.
- Tu sais… J’ai un peu honte de le dire, mais… Harry n’était pas prévu. James et moi désirions avoir un enfant, mais pas aussi vite. Nous n’avions que dix-neuf ans quand je suis tombée enceinte, et nous venions de nous marier. Nous avions encore beaucoup de choses à vivre, à découvrir… Et puis, il y avait cette guerre dans laquelle nous nous sommes engagés. Beaucoup ont dû nous juger idiots… Avoir un bébé si jeune, en temps de guerre… Deux membres de l’Ordre qui plus est. Mais quand j’ai découvert ma grossesse, j’ai été vraiment heureuse, et James aussi. Il a toujours été très optimiste, pas le genre à s’appesantir sur le négatif.
Oui, James Potter avait toujours démontré son immaturité à Poudlard. Il était l’exact opposé de Severus. Cependant, Lily et son époux n’étaient pas les seuls à s’être mariés rapidement et à avoir fondé une famille sur un coup de tête. Beaucoup de couples avaient perdu la tête pendant la guerre, aussi bien chez défenseurs de la lumière que chez les soutiens de Voldemort.
- Tu dois me trouver bien irresponsable…
- Non, je ne me permettrai jamais de te juger, la rassura Severus. Et finalement, tu es heureuse d’avoir eu Harry. Pas vrai ?
- Oui, répondit-elle en souriant. Il est ma raison de vivre. Je ferai n’importe quoi pour lui.
- Alors tu n’es pas irresponsable, loin de là.