
La visite
Quand Lily ouvrit les yeux, elle comprit qu'elle s'était une nouvelle fois endormie sur le canapé de Severus. Son ami ne l'avait pas réveillée. Il l'avait recouverte d'une couverture pendant son sommeil. Le babillage d'un bébé, son fils, l'avait extirpée de sa torpeur. Au sol, Harry jouait justement avec ses cubes en bois. Il ne portait plus son pyjama, mais un petit ensemble généreusement donné par Mrs Weasley. Combien de temps avait-elle dormi ? Ses yeux parcoururent la pièce, et elle vit Severus, l'air sérieux, confortablement assis dans son fauteuil, un livre entre les mains. Il était absorbé par sa lecture.
- As-tu bien dormi ? demanda-t-il sans quitter des yeux son livre.
- Plutôt bien, répondit Lily. Je ne comptais pas m'endormir sur ton canapé...
Quelques heures plus tôt, elle avait bu un mug de café avec Severus. Cette boisson aurait dû la maintenir éveillée, et non la faire sombrer dans un sommeil sans rêve.
- Sev... Aurais-tu ajouté une substance dans mon café ?
- Tout à fait, répondit le sorcier. J'ai ajouté quelques gouttes de Sommeil sans rêves dans ta tasse, l'équivalent d'un bouchon.
Il avait répondu avec désinvolture, comme s'il avait simplement annoncé qu'il avait mis deux carrés de sucre dans le breuvage bu par la jeune femme.
- Comment... comment as-tu pu ?! s'indigna Lily.
- Il fallait que tu dormes. J'ai donc employé les grands moyens, et cela a plutôt bien fonctionné.
Lily se sentit dupée. C'était bien la première fois qu'elle prenait une potion à son insu. Elle ne s'était même pas méfiée quand Severus lui avait donné sa tasse. Elle avait bu son café sans déceler le moindre arrière-goût.
- Ce n'est pas bien d'abuser de ma confiance pour me droguer, lui rétorqua Lily, en fronçant les sourcils.
- Tout de suite les grands mots, se moqua Severus, qui tournait une page. Tu t'es endormie et tu n'as pas fait le moindre cauchemar. Tu devrais plutôt me remercier.
Elle savait qu'il avait raison. Depuis la nuit d'Halloween, les nuits de Lily étaient agitées. Chaque soir, elle reculait l'heure de son coucher, passait des heures à fixer le plafond dans sa chambre et se réveillait souvent en nage, terrifiée et attristée. Pour la première fois depuis des jours, Lili se sentait reposée, et sereine. Mais cela ne durerait pas, elle le savait.
- Pendant que tu dormais, reprit Severus, j'ai nourri, lavé et habillé le petit.
- Merci, dit Lily qui regardait son fils jouer avec ses cubes. Il semble adorer ce jeu.
- C'est consternant, déplora le sorcier.
A quoi s'attendait-il ? Que le petit Harry sache déjà lire ?
- Il n'a que quinze mois, répondit Lily en rejoignant son fils au sol. Je crois qu'il y a une logique avec ces cubes, dit-elle en inspectant les pièces en bois.
La sorcière rousse observa son fils empiler les cubes. Il ne les choisissait pas au hasard pour construire sa petite tour.
- Il y a des dessins dessus, remarqua Lily. Sev ? Viens voir.
- Suis-je vraiment obligé ? marmonna-t-il. Ce ne sont que des cubes pour bambins...
Severus quitta à contre-cœur son vieux fauteuil et s'agenouilla à côté de Lily. Harry lui tendit un cube.
- Que veut-il que je fasse de ça ? demanda avec dédain le sorcier.
- Que tu le poses sur sa pile, soupira Lily. Regarde ! C'est un hibou !
Severus lui adressa un regard consterné. Il ne semblait pas comprendre l'intérêt du jeu du petit garçon.
- Regarde les cubes qu'il a déjà empilés, l'enjoignit Lily.
- Une enveloppe, une chouette, une cheminée, un miroir... Oh !
- Mon fils est un petit génie ! s'exclama joyeusement la jeune maman.
Harry avait choisi uniquement des cubes sur lesquels avaient été peints des moyens de communication utilisés dans le monde de la magie.
- Je n'irais pas jusqu'à dire ça, mais... mais en effet, c'est assez impressionnant pour un bébé... concéda Severus.
L'enfant babilla quelques mots inaudibles en guise de réponse.
- Je crois qu'il aimerait que tu joues avec lui, suggéra Lily. Quant à moi, je dois contacter Dumbledore.
- Moi ? Jouer avec un bébé ? répondit sur un ton alarmiste le sorcier. Tu n'y penses pas sérieusement, Lily... Tu ne veux pas plutôt que je m'occupe de Dumbledore, et toi tu...
- Non, coupa sèchement Lily. Il s'agit de mon mari, je préfère m'en charger. Toi, tu n'as qu'à empiler des cubes avec Harry. On a vu plus difficile comme mission. Et puis, dit-elle sur un ton taquin, c'est ma petite vengeance pour m'avoir donné une potion sans mon autorisation.
Elle n'éprouvait aucune rancune envers Severus. Elle savait qu'il avait été guidé par un bon sentiment, celui de vouloir bien faire, et qu'il se souciait énormément de son bien-être et de sa santé. Severus accepta à contre-cœur de jouer quelques instants avec l'enfant.
- Bureau du Professeur Dumbledore à Poudlard, dit-elle distinctement après avoir passé sa tête dans la cheminée.
- Lily ? Bonjour ! s'exclama le directeur de l'école. Est-ce que tout va bien ? Avez-vous besoin de quelque chose ? Je n'ai peut-être pas été...
- Non, tout va bien, répondit Lily. En vérité, non, tout ne va pas bien, monsieur le directeur. J'aimerais vous parler de mon époux, James, qui est mort il y a cinq jours.
- Oui... James... Nous le pleurons tous...
Le ton embarrassé employé par Dumbledore ne la rassurait absolument pas.
- Je veux pouvoir enterrer dignement mon époux, déclara Lily.
- Eh bien... Lily, voyez-vous...
- Vous allez encore me parler de ces mesures de sécurité, je sais. Mais je suis certaine que...
- Nous avons enterré James il y a deux jours, l'interrompit Dumbledore.
Lily fut submergée par une vague d'effroi qui la paralysa complètement. Comment avait-il osé organiser les funérailles de son époux sans même l'avertir ?
- Vous... vous... avez... fait quoi ? bégaya Lily, qui était bien trop choquée pour hurler.
- James a été enterré il y a deux jours au cimetière de Godric's Hollow, Lily, répéta Dumbledore.
La rage s'insinua petit à petit dans les veines de Lily, et Severus jugea qu'il était préférable d'éloigner Harry du salon. Il se doutait certainement que la pièce serait bientôt chargée d'éclats de voix et que le fils de Lily n'avait pas besoin d'entendre cette dispute entre sa mère et le directeur de Poudlard.
- Vous m'avez donc sciemment privée des derniers adieux avec mon époux ! rugit Lily. Vous avez dirigé son enterrement sans même tenir compte de ses dernières volontés ! Comment avez-vous pu, Dumbledore ?! Comment avez-vous pu ?!
Lily ne ressentait plus que de la haine et de la colère. Elle se maudissait aussi de ne pas avoir soulevé cette question plus tôt, mais le fondateur de l'Ordre l'avait volontairement laissée dans l'ignorance.
- Et vous ne m'en avez même pas parlé ! cracha Lily.
- Lily, calmez-vous s'il vous plait. Je n'ai agi que dans votre intérêt... J'aurais dû vous en informer, mais je craignais que vous preniez une décision irréfléchie qui aurait nui à votre sécurité et à celle du petit Harry.
- Notre sécurité ?! Notre sécurité ?! hurla Lily. Je vous parle des obsèques de mon époux ! Vous auriez pu trouver un moyen pour qu'elles soient sans risque !
- Lily, des mangemorts sont toujours en fuite. James n'aurait pas souhaité que son épouse et son fils se retrouvent en danger lors de ses funérailles.
- Comment osez-vous invoquer la mémoire de mon époux ?! Comment osez-vous justifier vos actes en vous cachant derrière sa mémoire ?! Comment osez-vous parler de ce qu'il aurait voulu alors que vous n'avez même pas cherché à savoir quelles étaient ses dernières volontés ?!
Lily aurait volontiers détruit le salon de Severus, si cela avait pu apaiser l'immense colère qu'elle ressentait.
- Lily, je vous assure que mes intentions n'ont été guidées que par le désir de bien faire et de vous protéger. Je suis sincèrement désolé... Sachez que vos amis, Sirius et Remus, étaient présents et qu'ils...
- Taisez-vous... coupa Lily froidement. Je ne veux plus vous entendre...
A présent c'était la douleur qui l'envahissait. Elle savait que Dumbledore avait agi raisonnablement, dans son intérêt et dans celui de Harry. Elle savait aussi que James n'aurait pas supporté l'idée que sa veuve et son fils se retrouvent en danger à cause de lui. Cette situation était tellement cruelle... Elle avait perdu son époux, et on lui avait refusé un droit élémentaire, celui de lui dire adieu, d'honorer ses dernières volontés.
- Lily, reprit doucement Dumbledore. Sachez que Sirius et Remus ont respecté les dernières volontés de votre époux... Il a été inhumé dignement. Bientôt, vous et Harry pourrez vous recueillir sur sa tombe...
- Je comprends, répondit Lily en reniflant. Je comprends... Merci... Je vais vous laisser... vous avez sûrement des choses plus importantes à faire... à moins que vous ayez autre chose à me dire...
Dumbledore lui assura que c'était toujours un plaisir pour lui de discuter avec elle et qu'il n'avait malheureusement pas d'autres nouvelles à lui annoncer. Lily mit donc un terme à leur échange et pleura silencieusement durant de longues minutes.
Une main se posa sur son épaule, alors qu'elle avait enfoui sa tête entre ses genoux et son ventre. Severus s'accroupit à côté d'elle et lui caressa le dos, tendrement.
- Où est Harry ? demanda Lily en reniflant.
- Il avait un peu sommeil... Il s'est réveillé tôt ce matin.
- Ils ont enterré James... sans moi, sans notre fils... Godric's Hollow...
Sa voix était entrecoupée de sanglots, et les larmes continuaient à perler sur ses joues. Elle était incapable de les arrêter. Elle sentit les bras de Severus s'enrouler autour de ses épaules et son menton se poser sur sa tête.
- Est-ce que tu savais ? demanda Lily.
- Non, et je n'approuve pas... mais je comprends pourquoi Dumbledore a pris cette décision.
- Il n'y avait que Dumbledore, Sirius et Remus pour lui dire adieu...
Lily imaginait un enterrement à la sauvette, expédié à la hâte durant la nuit. Le directeur de Poudlard lui avait assuré que Sirius et Remus avaient respecté les dernières volontés de son époux, mais James n'avait jamais souhaité être enterré à Godric's Hollow. Ses parents, décédés quelques mois après leur mariage, avaient été placés dans le caveau de la famille Potter dans le Gloucestershire. James, au moment de leurs funérailles, avait laissé entendre à Lily que lorsque leur heure viendrait, tous les deux les rejoindraient. Elle et James n'avaient jamais prévu de rester dans ce village. Dumbledore leur avait soumis ce lieu pour se cacher. Il n'était qu'un endroit provisoire, qu'une étape, avant de reprendre une vie normale, rien de plus.
- Tu détestais James, murmura Lily.
Ce n'était pas réellement un reproche, ni même une accusation. Seulement le constat que Severus ne se réjouissait pas de la mort de son ennemi de Poudlard, celui que Lily avait aimé, choisi et épousé.
- Je suis triste pour toi, répondit-il. Je vois à quel point tu es malheureuse à cause... à cause de...
Moi, le pronom resta bloqué dans sa gorge. Lily n'avait pas la force de lui détailler tous les griefs qu'elle avait contre lui. La mort de James incombait en partie à Severus, mais elle était surtout l'œuvre de Voldemort.
Lily se trouvait à l'étage avec Harry, pendant que Severus préparait le déjeuner dans la cuisine. Son fils jouait dans son berceau avec son doudou, une chouette blanche, reçu à sa naissance. Il avait fait une petite sieste, peu après avoir été éloigné du salon.
La jeune mère était abattue et se sentait misérable. Elle avait l'impression que tout lui échappait, qu'elle ne contrôlait plus rien depuis que Voldemort avait assassiné son époux, cinq jours plus tôt. En vérité, elle avait perdu l'emprise sur son existence depuis des mois, quand Dumbledore avait informé les Potter que leur famille courrait un danger mortel. Lily et James n'avaient eu d'autre choix que de suivre à la lettre les recommandations du chef de l'Ordre. Ils s'étaient cachés, avaient réduit leurs déplacements, jusqu'à ne plus sortir et ne plus recevoir qui que ce soit, quelques semaines avant le drame.
Au rez-de-chaussée, le son strident d'une sonnette interrompit les pensées mortifères de Lily. Elle se figea de surprise, mais aussi d'horreur. Severus vivait dans une maison moldue, la présence d'une sonnette était tout à fait normale. Mais qui pouvait bien lui rendre visite ? Un voisin ? Le facteur ? Un mangemort ? Elle imaginait mal Bellatrix Lestrange en fuite appuyer sur le bouton et attendre que le propriétaire lui ouvre la porte.
Les visites à l'Impasse du Tisseur étaient interdites. Dumbledore avait insisté sur ce point. Lily ne pouvait même plus recevoir Remus et Sirius.
On sonna à nouveau, et encore une fois. Puis Lily entendit un certain tumulte, mais aussi les pas et les marmonnements agacés de Severus. La porte grinça et claqua dans le vestibule.
- OÙ EST LILY ? OÙ EST LILY ? hurla une femme au bout de quelques secondes.
Cette voix, un peu haut perchée, Lily la connaissait. Impossible...
- OÙ EST-ELLE ? TU VAS ME LE DIRE ROGUE !
C'était Pétunia ! Sans réfléchir, Lily quitta la chambre et descendit les escaliers précipitamment.
- Ne t'approche pas, Lily ! aboya Severus.
Il avait plaqué Pétunia contre un mur recouvert d'un papier peint crasseux qui se décollait. Il la tenait fermement par le col de son manteau en laine et sa baguette menaçait le visage apeuré de la jeune femme blonde au cou excessivement long.
- Arrête Severus ! ordonna Lily. Tu lui fais peur !
Le maître des lieux ne l'écouta pas. Les traits de son visage formaient une grimace terrifiante.
- De quoi parlions-nous Lily et moi quand tu nous espionnais dans le bosquet ?
- Je... je... ne me... rappelle plus... croassa la malheureuse.
- Réponds !
- C'était il y a longtemps... Tu lui faisais peur... Espèce de détraqué !
Severus ne relâcha pas son emprise. Une lueur de fureur brûlait dans ses yeux noirs comme du charbon.
- Tu... tu... lui... parlais des... des... créatures qui hantent... la... la... prison où on enferme les mauvaises graines comme toi !
- Severus ! Relâche-la !
Le sorcier obéit et reçut de la part de Pétunia un regard meurtrier.
- Tunie ! Que fais-tu ici ? demanda Lily en serrant sa sœur dans ses bras.
Sa sœur aînée la repoussa et épousseta avec la paume de ses mains son manteau, pensant que le contact avec Severus – un homme qu'elle détestait – et sa simple présence ici avaient suffi à souiller son pardessus d'un mauve hideux. Ses yeux perçants jaugèrent le petit vestibule, et il ne faisait aucun doute que Pétunia Dursley trouvait l'endroit déplorable et indigne de sa visite.
- Les gens de ton espèce ne sont pas très discrets, répondit-elle sur un ton coupant. Dimanche, Vernon s'est rendu au bureau – pour fignoler un juteux contrat – et il a croisé un peu partout en ville des personnes avec un drôle d'air. Ils ont même parlé au journal télévisé de nuées de hiboux et de chouettes en plein jour, et de pluies d'étoiles filantes aux quatre coins du pays !
Lily resta bouche bée. Elle savait que de nombreux banquets avaient été organisés seulement quelques heures après la chute de Voldemort, mais elle ignorait complètement que les sorciers et les sorcières avaient manqué de prudence, au point d'attirer les soupçons des Moldus.
- Mardi matin, reprit Pétunia, je me suis rendue au supermarché pour faire les courses de la semaine. Et moi aussi je suis tombée sur ces gens bizarres – comme toi – que tu affectionnes tant ! Jamais je n'aurais pensé croiser des individus de cette sorte dans le Surrey, et encore moins au Tesco de Little Whinging ! Mon pauvre petit Dudlynouchet a eu très peur en voyant toutes ces personnes vêtues étrangement...
Severus renifla en entendant le surnom idiot que Pétunia donnait à son fils. Cette dernière lui adressa un regard mauvais. Severus n'était à ses yeux qu'un ignoble cafard qu'il fallait écraser à tout prix, une vermine qui souillait son champ de vision.
- Néanmoins, j'ai entendu des murmures et des chuchotements quand je suis passée à côté d'eux avec mon caddie. Ils parlaient d'un Vous-Savez-Qui qui aurait disparu. Quel drôle de nom, pas vrai ? Puis j'ai entendu le nom de ton mari qui est très courant. Ils disaient qu'il avait été tué, mais que sa veuve – toi – et son fils avaient survécu, et que ce Vous-Savez-Qui s'était volatilisé. J'ai d'abord pensé qu'il ne s'agissait que d'une coïncidence... Potter est un patronyme très commun. Mais ces gens bizarres ont ensuite mentionné vos prénoms. Je ne savais pas comment te contacter, et je me suis souvenue de l'horrible garçon avec qui tu traînais quand nous vivions encore ici.
Pétunia parlait tout en ignorant la présence de Severus. Son ton trahissait le mépris qu'elle éprouvait pour le fils Rogue. Elle ne l'avait jamais appelé par son prénom, aussi loin que Lily pouvait s'en souvenir. L'ami de Lily avait toujours été le fils Rogue, l'horrible garçon, le cinglé ou encore le monstredans la bouche de Pétunia.
- Papa m'avait dit au téléphone - à Noël dernier - qu'il vivait encore ici, qu'il l'avait aperçu non loin du ruisseau. Ce matin, peu après le départ de Vernon pour son travail, j'ai déposé Dudley chez Mrs Figg – une dame très charmante – et j'ai fait la route jusqu'ici. C'était un coup de poker, je l'admets. Après tout, toi et lui n'étiez plus en très bons termes depuis quelques années. On se demande pourquoi d'ailleurs... Mais j'espérais au moins obtenir de sa part des renseignements pour te contacter. J'ai bien cru que cet animal, ce dégénéré allait me tuer.
Pétunia s'était donc inquiétée pour Lily, celle qu'elle considérait comme une anormale, une cinglée, celle à qui elle avait refusé le privilège d'être sa demoiselle d'honneur à son mariage, sa propre sœur.
- Peux-tu m'expliquer ce qui s'est réellement passé ? ajouta la visiteuse.
Lily hocha la tête et invita sa sœur à entrer dans le salon. Pétunia ne put réfréner une grimace de dégoût en découvrant la pièce principale de la maison. Il était certain que la vétusté des lieux dépassait ce qu'elle avait pu imaginer. Severus, poussé par la méfiance, les suivit et se posta dans un coin, non loin de la cheminée. Avant de s'asseoir, la sœur aînée de Lily inspecta le canapé recouvert d'un tissus élimé et rapiécé. Elle s'abstint néanmoins de faire la moindre remarque.
Et Lily lui raconta tout, ou presque. Elle omit volontairement quelques détails qui n'auraient rien apporté à Pétunia, tels que l'allégeance passée de leur vieille connaissance. Pétunia n'avait pas besoin de le savoir.
Quand elle eut terminé, Pétunia demanda à rencontrer son neveu et Severus fut missionné pour aller le chercher à l'étage.
- Il est un peu chétif et pas bien grand, dit-elle en regardant Harry qui était dans les bras de Lily. Mon petit Dudley pèse quinze kilos.
Dans son sac à main, elle sortit une petite photographie et la présenta à sa sœur. Lily vit un bébé grassouillet blond comme les blés avec des joues roses bien rebondies. Elle eut un peu honte de le penser, mais le petit Dudley Dursley ressemblait davantage à un porcelet avec une perruque blonde qu'à un bébé en parfaite santé.
- Il est... très mignon, assura la jeune femme rousse.
- Oui, tout le monde me le dit, répondit avec fierté Pétunia. Il est aussi incroyablement intelligent comme son père, mais aussi très fort ! Dimanche matin, il a – par exemple – lancé contre les murs de la cuisine tous ses céréales. Il y en avait partout ! J'étais un peu contrariée, mais Vernon m'a dit que c'est à ça qu'on reconnaît un futur joueur de cricket, ou de golf. Et puis, il sait parler !
Pendant près d'un quart d'heure, Lily se contenta d'écouter Pétunia Dursley disserter longuement sur les accomplissements de son fils, un bébé âgé de seize mois. Dudley était - selon sa mère - parfait en tout point. Il était capable d'ouvrir la bouche pour réclamer des bonbons, ou pour exiger certaines choses. Il avait une âme de dirigeant comme son père, et avait beaucoup de force dans ses deux petits jambes grassouillettes, car il s'en servait souvent pour donner des coups de pied.
- Vernon dit aussi qu'il pourrait aussi faire une très belle carrière dans le football et devenir le futur Kevin Keegan ! dit-elle en gloussant.
Lily était reconnaissante d'avoir un petit garçon doux qui ne faisait jamais de caprice.
Lily demanda à sa sœur si elle souhaitait se joindre à eux pour le déjeuner, mais Pétunia refusa, prétextant qu'elle avait un long trajet pour rentrer dans le Surrey et qu'elle avait hâte de retrouver son petit Diddy qui devait très certainement la réclamer. De plus, Vernon ignorait complètement qu'elle était partie à Carbone-les-Mines et elle ne désirait pas qu'il l'apprenne. Lily pensait surtout que Pétunia ne supportait pas de se trouver dans la maison de Severus, et qu'elle craignait d'être intoxiquée, voire mortellement empoisonnée, par sa cuisine.
Les deux sœurs promirent de se donner des nouvelles et Pétunia quitta définitivement les lieux sans même avoir remercié Severus.
- S'il devait m'arriver un malheur, Sev... Jure que tu ne laisseras pas Harry vivre chez Pétunia.
- Je te le promets.