Et si...

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
Gen
G
Et si...
Summary
La nuit du 31 octobre 1981, Lord Voldemort épargne la vie de Lily Potter, mais échoue à tuer le jeune Harry. Devenue veuve, Lily est contrainte de se cacher avec son fils chez le responsable de la mort de son époux, Severus Rogue. Pour se racheter, le mangemort repenti fait la promesse à Lily de protéger le jeune Harry Potter, en dépit des rancunes passées.******Tous les personnages et l'univers décrit appartiennent à J. K. Rowling. Tous Droits Réservés.
Note
WARNING: This fanfiction is available in English on my profile under the name of If...A new chapter every TuesdayATTENTION: Cette fanfiction est disponible en anglais sur mon profil sous le nom de If...Un nouveau chapitre tous les mardis.
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Les regrets du Prince

Severus quitta des yeux son livre quand il eut la nette sensation qu'on l'observait. C'était Lily. Elle avait passé l'après-midi, prostrée dans un coin avec son chat sur les genoux. Seuls les ronronnements de la bestiole poilue avaient perturbé le quasi-silence qui régnait dans le salon. Severus n'avait jamais aimé les chats, ni même les chiens d'ailleurs. Il ne comprenait pas qu'on puisse s'attacher à ces petites bêtes. Il ne possédait d'ailleurs aucun animal de compagnie, pas même un hibou pour son courrier. Il ne détestait pas les animaux en règle générale, et ne s'amuserait jamais à leur faire du mal, mais donner de l'affection à un stupide félin le dépassait complètement. Il ne savait pas pourquoi il avait attrapé par la peau du cou le chat dans la cuisine des Potter. Il avait pensé que cela ferait peut-être plaisir à Lily de retrouver son chat, à défaut d'avoir son mari vivant. Au moins, l'animal ne l'embêtait pas trop. Il fallait quand même admettre que les chats étaient beaucoup plus indépendants que les chiens, et légèrement plus futés. Celui-ci avait peut-être deviné qu'il n'avait pas intérêt de trop l'asticoter.

Depuis quatre jours, il hébergeait en secret Lily Potter, son fils et accessoirement le chat. Il avait fait la promesse à Lily qu'il protégerait son fils, malheureuse cible d'une prophétie que Severus avait eu la sottise de répéter à son Seigneur des Ténèbres. L'enfant était destiné à vaincre le mage noir, et le Seigneur des Ténèbres avait trouvé judicieux d'éliminer son grand rival dès le berceau. Le nouvel espion aurait menti s'il avait dit qu'il avait éprouvé des scrupules en apprenant que le fils de cet arrogant James Potter, l'un de ses ennemis intimes, avait été désigné pour mourir par son maître. Il avait toujours haï James Potter, dès leur première rencontre dans le Poudlard Express.

A l'époque, il n'était qu'un gamin de onze ans, comme lui, qui transpirait de tous ses pores de suffisance et de fierté. Il avait tout de suite vu qu'il avait grandi dans une famille privilégiée, et très certainement aimante. Le gamin de onze ans était propre sur lui, et avait tout de l'enfant choyé, gâté jusqu'à la moelle. Cela avait été l'une des premières raisons qui l'avait poussé à le détester. Ensuite parce que cet abruti s'était hasardé à critiquer Serpentard devant Lily, puis à faire la publicité de Gryffondor – cette stupide maison. Severus, qui avait la langue aussi bien pendue qu'un serpent, avait mordu à l'hameçon. A l'école de St Melchior, il avait souvent été pris pour cible par des gros bras, des garçons issus du même milieu que lui, des fils d'ouvriers, de travailleurs.

A Carbone-les-Mines, Severus avait toujours enduré les coups, ceux de son père, puis ceux des garçons de son âge. Il avait toujours connu la violence, mais lui n'avait jamais été très doué pour se défendre avec ses bras tout fins et ses genoux anguleux. Il avait compris que les mots pouvaient le sauver. Les mots étaient puissants et ils pouvaient infliger de terribles souffrances, d'autant plus qu'il était un sorcier. La magie accidentelle l'avait quelquefois sauvé de mauvais pas dans la cour de récréation. Il avait été heureux de voir que le ballon de football, que Steeve Miller avait lancé pour lui écraser le nez, l'avait manqué. Il était revenu, sans même le toucher, à l'envoyeur, tel un boomerang. Steeve Miller avait alors eu son propre nez cassé, et Severus s'en était sorti sans la moindre égratignure. Bien évidemment, Steeve Miller et sa bande s'étaient empressé de courir chez le directeur, et Severus avait été puni, alors que le ballon ne l'avait même pas effleuré.

Les mots à St Melchior ne l'avaient pas beaucoup sauvé. Là-bas, la racaille ne comprenait pas la subtilité, et elle détestait par-dessus tout qu'un minus, comme Severus, s'amuse à la tourner en ridicule. Il avait cru, à tort, qu'à Poudlard il y aurait des enfants intelligents comme lui. Il savait grâce à sa mère quelles étaient les autres maisons. Elle avait été répartie à Serpentard et lui avait dit qu'il s'agissait de la meilleure maison sans s'appesantir sur les détails. Gryffondor était selon elle une tanière de fonceurs-tête-baissée, Serdaigle un nid de pseudo-intellectuels et Poufsouffle un terrier de benêts.

Lily, la seule amie qu'il n'avait jamais eue, était intelligente comme lui. Mais la petite rousse, à qui il avait parlé pour la première fois sur le terrain de jeux, était meilleure que lui humainement, bien plus gentille. Elle avait commencé à le fasciner bien avant qu'il lui adresse la parole. Il avait compris qu'elle était une sorcière en la voyant participer au jeu des pommes dans une bassine d'eau pendant la fête d'Halloween de St Melchior. Severus ne participait pas, et il aurait très bien pu profiter de l'après-midi banalisé pour faire l'école buissonnière, mais ce jour-là il y avait un sale temps dehors. Il avait neuf ans, et il avait vu Lily gagner le jeu en un temps record. A peine s'était-elle penchée au-dessus de la bassine que la pomme, qu'elle avait regardée, avait été attirée par sa bouche et Lily avait gagné, sans être éclaboussée par l'eau glacée. Durant des mois, il l'avait espionnée, suivie, et il avait été témoin de ses manifestations de magie accidentelle. Il avait découvert que Lily avait une sœur aînée, Pétunia. Une grande blonde qui prenait des airs de pimbêche et qui était désagréable au possible. Chez elle, il n'avait rien décelé de magique, et il en avait été de même pour leurs parents, des Moldus vivant de l'autre côté du ruisseau. Lily était donc une née-moldue, et cela n'avait aucune importance à ses yeux. A Carbone-les-Mines, il y avait une enfant de son âge qui était comme lui. Il rêvait de devenir son ami. Il n'en avait jamais eu.

Leur première rencontre ne s'était pas déroulée comme il l'avait espérée. Lily n'avait pas vraiment apprécié d'entendre dire qu'elle était une sorcière. Elle avait considéré cela comme une insulte, et sa sœur Pétunia n'avait pas arrangé la situation. Elle s'était moquée de ses vêtements – que lui-même détestait – et avait souligné qu'il vivait dans l'impasse du Tisseur, le quartier le plus pauvre de la ville. Pour la grande blonde à la mâchoire chevaline, il n'était qu'une sale mauvaise graine, avec laquelle Lily ne devait surtout pas se lier. Mais quelques jours plus tard, il avait pu retrouver Lily. En vérité, c'était elle qui l'avait retrouvé. Il lui avait alors tout expliqué en prenant bien soin de ne pas la vexer.

Pendant des semaines, Lily avait certainement pensé que les histoires sur le monde des sorciers racontées par Severus n'était qu'un jeu, une façon de s'évader, de quitter la réalité de Carbone-les-Mines. La magie de la petite fille devenait, tout comme la sienne, de plus en plus puissante et elle craignait d'être envoyée à Azkaban, la prison des sorciers. Il lui avait parlé une fois des Détraqueurs, et elle avait pris peur. Elle ne pensait pas qu'une telle créature démoniaque puisse exister. Il l'avait rassurée. À leur âge, on n'allait pas en en prison. À leur âge, c'était normal de provoquer des petits phénomènes accidentels. Et puis Lily était certainement la dernière personne qu'on penserait à jeter derrière les barreaux. Elle était si gentille, bien plus que lui. Elle était la seule personne à lui témoigner de l'intérêt, et surtout de la bonté. Elle était un miracle, la meilleure chose qui lui était arrivée.

Les premières années de sa vie avaient été si ternes, si sombres, si malheureuses. Il était l'unique enfant malaimé d'un couple qui se déchirait, qui ne se comprenait plus. Il n'avait aucun souvenir du temps où ses parents s'entendaient bien, s'aimaient. Il se demandait même si cette époque très fugace avait réellement existé, et il n'expliquait pas pourquoi ils s'étaient mariés et l'avaient eu. Sa mère était une sorcière issue d'une vieille famille de sorciers de sang-pur, et son père n'était qu'un Moldu pauvre, sans la moindre éducation et sans aucun talent. Comment une femme, aussi exceptionnelle que sa mère, avait-elle pu tomber amoureuse de Tobias Rogue, et se laisser emmener à Carbone-les-Mines ? Dans le Pays noir, elle n'avait fait que dépérir, et sa magie avait fini par en souffrir. Tobias, comprenant que la magie ne le rendrait pas plus riche, avait fini par la détester. Il avait réservé à sa femme et à son fils les mêmes sentiments.

Severus était la plupart du temps ignoré par son père, quand il ne lui tapait pas dessus pour le simple fait d'exister. Tobias considérait son fils comme un inutile, un anormal et un embarra. Eileen Rogue, née Prince, était dépressive, effacée. Elle se laissait malmener par son mari, et laissait ce dernier faire la même chose à leur enfant. Elle négligeait Severus, lui parlait peu. Severus avait donc appris à se comporter comme un animal agile et discret – toujours à l'affut du danger – et à faire comme s'il n'existait pas. Quand il avait dit à Lily que son père n'aimait pas grand-chose, cela n'avait pas été totalement vrai, et pas totalement faux non plus. Tobias détestait la magie, mais il aimait certaines choses : fumer ses cigarettes, boire ses bières et son whisky bon marché, porter son vieux marcel, lire son journal, crier, insulter son épouse et son fils, et taper. A cette époque, les violences domestiques étaient considérées comme normales dans leur milieu. Chez les voisins aussi on entendait des cris. Il n'était pas rare de croiser une femme du quartier avec un œil au beurre noir, ou bien un enfant avec des ecchymoses. Les mœurs des habitants de l'impasse du Tisseur étaient tout aussi sales, puantes et sombres que les trottoirs du quartier et que les façades de leurs maisons.

Oui, il s'était accroché à Lily. C'était une enfant lumineuse, un rayon de lune qui illuminait son triste quotidien. Sans le savoir, elle lui était devenue indispensable, nécessaire à sa survie. Et il avait fallu que le choixpeau l'envoie à Gryffondor, loin de lui qui était dans les cachots. Pourquoi le choixpeau n'avait-il pas fait une exception ? Elle s'était retrouvée avec ce Potter et ce Black qui l'avaient surnommé Servilus, puis Servilo. Potter était aimé de tous, presque adulé. On l'admirait pour ses prouesses en vol sur balai, alors que Severus se débrouillait comme un manche sur cet engin. Potter et Black avaient continué à lui mener la vie dure après leur rencontre dans le train. Severus était la victime idéale de leurs petits jeux malsains. Puis au fil des mois, Potter et Black avaient inclus dans leur groupe Lupin et Pettigrow.

Severus devait se montrer honnête. Il n'avait au départ rien contre Lupin, seulement qu'il était un peu trop proche de Lily. A son sens, ce gosse n'avait rien à faire à Gryffondor. Il était maigrelet comme lui et portait des cicatrices sur le visage, et même sur ses mains. A tort, Severus avait cru que Lupin était aussi victime des coups de l'un de ses deux parents, ou peut-être des deux. Le garçon était assez gentil, et plutôt intelligent, mais Severus craignait qu'il l'éloigne de Lily, que la petite rousse préfère Lupin à lui. Quant à Pettigrow, il était pitoyable. Le Serpentard pensait qu'il n'avait rien à faire à Poudlard. Il collectionnait les mauvaises notes et passait son temps à idolâtrer Potter et Black. La face de rat rêvait de leur ressembler. Il avait été honoré d'être choisi par eux pour devenir leur ami. A la rigueur, Lupin, il pouvait le comprendre. Il était intelligent, subtil, mais un peu niais. Mais Pettigrow ? Severus pensait que Potter et Black, qui adoraient se pavaner, avaient simplement besoin d'une groupie, d'un faire-valoir, et Pettigrow était parfait pour ce rôle.

A Serpentard, Severus avait d'abord été traité avec condescendance. Il n'était qu'un sang-mêlé pauvre. La famille de sa mère avait perdu son aura depuis quelques années, et avait bien évidemment coupé les ponts avec Eileen. Lucius Malefoy, qui était préfet à l'époque de sa répartition, le regardait avec une certaine hauteur. Il était un élève de sixième année très respecté, et Severus rêvait secrètement d'obtenir son approbation.

Peu à peu, Severus avait démontré à ses camarades qu'il n'était pas qu'un pauvre gamin issu de l'Angleterre ouvrière et industrielle. Il travaillait sérieusement dans chacune des matières, et faisait gagner des points à leur maison. La matière où il se surpassait était celle des potions. Severus était déjà à l'époque très minutieux et précis dans les mouvements qu'il exécutait. L'art des potions requérait beaucoup de sang-froid, et d'attention. On avait fini – d'une certaine façon – par l'admirer pour son talent. Lily aussi était très douée dans ce domaine. Par chance, ils pouvaient travailler en binôme durant ce cours. La présence de Lily dans ce cours expliquait sûrement ses excellents résultats.

Il avait fini par écouter les conseils de Lily, c'était-à-dire sympathiser avec d'autres élèves comme elle le faisait. Elle prétendait que cela lui ferait du bien d'avoir plusieurs amis, mais il ne voulait que son amitié. Il n'avait pas besoin de celle des autres. Pourquoi n'arrivait-elle pas à comprendre ça ? Ce n'était pourtant pas bien compliqué. A l'époque, il n'avait pas encore conscience que ses sentiments à son égard étaient peut-être un peu plus forts que de l'amitié. Alors, il s'était lié à des garçons de sa maison. Lily aurait aimé qu'il sympathise avec Lupin, mais c'était un Gryffondor !

Il avait préféré la compagnie de Mulciber, Rosier ou encore Avery. Pour s'intégrer à leur groupe, il avait fermé les yeux sur leurs mauvaises blagues, avait acquiescé quand ils parlaient en mal des nés-moldus. Il avait même fini par les qualifier de Sang-de-bourbe comme eux, mais jamais Lily. Quant aux Moldus, il n'avait pas eu besoin d'eux pour les détester. A Carbone-les-Mines, excepté Lily, il n'appréciait personne, et les gens le lui rendaient bien, notamment son père, un Moldu. Oui, il avait joué avec sa baguette pour lancer des maléfices à ceux qu'il n'aimait vraiment pas, et qui lui menaient la vie dure.

Black prétendait que Severus connaissait, en arrivant à Poudlard, bien plus de maléfices que les élèves de septième année répartis à Serpentard. C'était presque un compliment venant de la bouche de Black. Severus aurait sincèrement aimé connaître d'affreux maléfices avant de monter dans le train. Si tel avait été le cas, il se serait arrangé pour faire disparaître Potter et Black avant l'arrêt de la locomotive à la gare de Pré-Au-Lard. Non, avec une mère devenue pratiquement une cracmolle, Severus n'en savait pas plus que les autres, et sûrement encore moins que Potter et Black en matière de maléfices cuisants. A Carbone-les-Mines, il n'y avait que les vieux manuels de sa mère, et quelques livres sans aucune importance.

C'était à Poudlard qu'il avait véritablement appris à répliquer avec des maléfices. Il avait d'abord appris de ses camarades, puis il avait décidé d'innover un peu. Secrètement, à l'insu de Lily, il avait inventé des sortilèges, dont le Levicorpus. Cet abruti de Potter s'en était servi contre lui devant Lily, après leur épreuve de défense contre les forces du mal. Au cours de leur cinquième année, Severus avait commis l'erreur de prononcer la formule, et elle s'était répandue comme une trainée de poudre de cheminette parmi les élèves.

Le jour de cette épreuve avait été sans doute le plus horrible de toute sa vie. Il était habitué aux coups bas de Potter, Black et Pettigrow, et à la passivité de Lupin. Il leur rendait bien de toute façon, c'était presque un petit jeu entre eux, un passe-temps malsain qui l'avait traumatisé pour dire vrai. Mais ce jour-là, Lily avait été la seule à le défendre, à tenir tête aux deux Maraudeurs qui l'humiliaient devant tout le monde. Aucun de ses camarades de Serpentard n'avait pris fait et cause pour lui, contrairement à Lily, une Gryffondor et surtout une née-moldue. Tout le monde se moquait de lui, le raillait, et Lily, la personne qui comptait le plus à ses yeux, assistait au spectacle et remuait le ciel et la terre pour l'aider. Il lui avait reproché un nombre de fois incalculables de ne pas prendre parti, alors qu'elle méprisait Potter, Black et Pettigrow. Il était presque un homme et il était incapable de se défendre. Pire, la fille, dont il était secrètement amoureux, l'avait fait à sa place. Il avait enragé, et en guise de remerciement il l'avait traitée de sale petite Sang-de-Bourbe. Il avait aussitôt regretté ses paroles, mais c'était trop tard. Lily s'était moquée de son caleçon – hérité de son père – et l'avait appelé Servilus. Il ne méritait pas mieux, et James Potter lui avait retiré son caleçon.

Le soir, il avait attendu devant la tour des Gryffondor, espérant la voir. Il avait même alpagué Mary Macdonald, une amie de Lily, qui ne l'appréciait pas du tout. Elle avait d'ailleurs de bonnes raisons, puisque son ami Mulciber avait tenté de la manipuler avec un sortilège impardonnable. Et Mulciber avait l'intention de lui faire faire des choses pas très propres... Il avait supplié Mary Macdonald de transmettre à Lily qu'il était là, juste devant le portrait de la Grosse dame. Il avait même dit à la Gryffondor que si Lily ne venait pas, il dormirait ici jusqu'à nouvel ordre. Tant pis, si on lui retirait des points, ou si on l'envoyait en retenue pour avoir enfreint le couvre-feu. Il voulait voir Lily, s'excuser, lui dire à quel point il était désolé. Mary Macdonald lui avait pratiquement ri au nez, mais elle avait quand même fait passer le mot.

Lily était arrivée quelques minutes plus tard. Elle portait sa robe de chambre, les bras croisés sur sa poitrine. Elle le regardait en fronçant les sourcils, ce qui était vraiment mauvais signe. Alors il lui avait dit qu'il était désolé, mais Lily n'avait que faire de ses excuses. Sa colère était froide. Et puis comme à Potter, elle lui avait dit ses quatre vérités. Il avait pu voir son mépris, sa rage et même de la haine dans ses yeux. Et elle avait eu ses mots qu'il n'a jamais pu oublier : «Mais tu traites de Sang-de-Bourbe tous les gens qui sont de même naissance que moi, Severus. Pourquoi serais-je différente ?» Il avait été incapable de lui répondre, et pourtant les mots se percutaient dans sa tête. Elle lui avait ensuite tourné le dos pour toujours en retournant dans sa tour. S'il avait pu avoir un retourneur de temps, il aurait recommencé cette journée et aurait tout changé.

Souvent, il avait repensé à cette terrible scène dans son esprit et imaginé ce qu'il aurait dû répondre à Lily : « Parce que je suis un crétin, bête et méchant qui ne vaut pas mieux que les autres. Mais surtout parce que je t'aime et que je ferai n'importe quoi pour toi. Demande n'importe quoi et je jure que je le ferai. »

Il avait espéré qu'elle reviendrait auprès de lui, mais c'était mal la connaître. Durant les vacances d'été, il avait passé des journées entières à l'attendre sur le terrain de jeux, ou encore dans leur petit bosquet. Mais elle n'était jamais venue. Alors il avait choisi la pire voie possible, celle des Ténèbres, celle que ses amis de Serpentard le poussaient à choisir. Et comme un pyromane, il avait jeté le feu sur sa maison, et l'avait regardée brûler, sans rien faire. Si Lily ne voulait pas du petit Rogue mal fagoté, peut-être qu'elle voudrait du Prince de sang-mêlé, un sorcier puissant.

Au cours de ses sixième et septième années, il avait entrepris d'améliorer son manuel de potions. Il était suffisamment doué en potions pour innover, perfectionner les recettes. Il s'était même surpris à faire de l'humour, à employer un ton piquant dans son vieux manuel. Lui aussi avait appartenu à sa mère. Elle l'avait acheté dans une boutique d'occasion, car les Prince n'avaient plus une mornille chez Gringotts. Il avait noté aussi dans son livre d'école des sortilèges et maléfices de son invention. Le plus terrible d'entre eux était un maléfice presque mortel, qui infligeait de profondes blessures. On pouvait même efficacement démembrer quelqu'un avec. C'était un sort effroyable, mais à l'époque Severus trouvait qu'il avait du génie.

Ce n'était d'ailleurs pas pour rien qu'il avait été approché par le Seigneur des Ténèbres. Le mage noir ne démarchait pas des abrutis comme Pettigrow. Enfin, on lui portait de l'intérêt, de la considération. Son futur maître avait été très habile avec lui. Il l'avait flatté, avait décelé ses atouts et ses faiblesses et lui avait fait tout un tas de promesses. Et Severus avait fini par céder en le rejoignant de son plein gré. Il avait pris la marque et partagé ses connaissances et ses inventions avec le Seigneur des Ténèbres. Et lui l'avait initié aux arts sombres, lui avait enseigné des aspects de la magie qu'il n'aurait jamais cru possibles.

Le Seigneur des Ténèbres avait profité de sa jeunesse et de sa discrétion pour l'envoyer espionner Dumbledore. Il voulait qu'il se fasse embaucher à Poudlard en tant que professeur de défense contre les forces du mal. Severus était jeune, mais incroyablement talentueux. Il avait obtenu toutes ses Aspic avec des mentions très honorables. Alors il avait glané des informations un peu partout et les avait transmises à son maître.

Et il y avait eu ce jour. Il avait entendu dire que Dumbledore comptait rencontrer une femme à la Tête de Sanglier, une auberge malfamée de Pré-Au-Lard. On lui avait rapporté qu'il s'agissait d'un entretien pour un poste de professeur. C'était aussi l'occasion pour Severus de tenter sa chance. Après tout, les professeurs de défense contre les forces du mal ne faisaient jamais long feu à Poudlard, et le directeur serait sans doute ravi d'avoir un candidat parfaitement qualifié d'ici moins d'un an. Severus ne pensait pas non plus attirer vers lui les soupçons. Il avait été un élève relativement discret, en dépit de ses fréquentations et de ses altercations avec les Maraudeurs.

Il s'était posté derrière la porte d'une chambre et avait écouté. Le métier d'espion était vraiment ingrat, d'autant plus que la femme n'avait aucun talent pour la divination. Il avait même hésité à partir, et à attendre Dumbledore au bar pour lui signifier qu'il était intéressé par un poste s'il voulait bien de lui. Mais la femme était soudainement entrée en transe et avait fait une étrange prédiction. Elle parlait d'un enfant qui devait naître à la fin du mois de juillet, que ses parents avaient défié à trois reprises son maître, et qu'il était destiné à vaincre le Seigneur des Ténèbres. Il n'avait pas pu entendre la suite, car le tenancier l'avait surpris. La porte s'était alors ouverte et Dumbledore l'avait vu. Le tenancier, qui était aussi le frère de Dumbledore, l'avait jeté dehors et lui avait dit de ne plus jamais remettre les pieds chez lui.

Il n'avait pas tardé à retrouver le Seigneur des Ténèbres, et il lui avait répété tout ce qu'il avait entendu. Severus ne savait pas si c'était important, il avait même souligné qu'on ne pouvait pas vraiment apporter de crédit à ce que racontait cette bonne femme. Mais son maître avait été, contre toute attente, extrêmement intéressé par ce qu'il lui avait confié. Et plusieurs semaines plus tard, le couperet était tombé. Le Seigneur des Ténèbres avait longuement étudié cette prophétie, et déterminé que deux enfants à naître pouvaient correspondre. On lui avait appris que deux couples, qui l'avaient défié à trois reprises, attendaient pour la fin du mois de juillet un heureux événement. Il s'agissait des Londubat, des Aurors au sang-pur, et des Potter. Ils faisaient également partie de l'Ordre, une société secrète luttant contre eux. Le sang de Severus s'était glacé en entendant le nom de son vieil ennemi, car Lily l'avait choisi et l'avait épousé. Pire, elle attendait son enfant.

Severus n'avait jamais songé à devenir père. Pour lui, un père était un tyran, et il n'avait pas vraiment envie de s'embêter avec un marmot. Mais Lily, il ne l'avait pas oubliée. Il n'avait pas cessé de l'aimer. Il s'était alors surpris à penser : « Tout sauf les Potter, tout sauf les Potter. » Mais son maître avait justement jeté son dévolu sur l'enfant à naître des Potter, un sang-mêlé. Severus s'était un peu ressaisi durant quelques secondes. Son maître se débarrasserait peut-être seulement que de l'enfant, et Lily vivrait. Mais il comptait exterminer la famille entièrement. Severus l'avait alors supplié de laisser la femme en vie, parce qu'il la désirait. Il se fichait éperdument de James et du marmot braillard qui viendrait au monde. Tout ce qui lui importait était Lily. Le Seigneur des Ténèbres avait alors ri, s'était moqué de lui : « Toi, Severus ? Désirer une Sang-de-Bourbe ? Tu sais qu'il y a des sorcières bien plus dignes que toi. Je veux bien t'accorder cette faveur. Considère cela comme une récompense pour ta loyauté à mon service. Tu feras ce que tu voudras de la Sang-de-Bourbe une fois que tu l'auras. » On aurait dit d'un père promettant à son fils obéissant un jouet.

Mais pouvait-il vraiment lui faire confiance ? Aurait-il vraiment l'assurance que Lily survivrait ? Il avait longuement hésité avant de le faire, mais il avait fini par rencontrer Dumbledore, au sommet d'une colline, au cours d'une nuit froide et venteuse. Le directeur l'avait reconnu et avait compris qu'il était là pour une bonne raison. Il avait aussi deviné que Severus était un espion à la botte de Voldemort, et qu'il avait rapporté la prophétie qu'il avait entendue plusieurs mois en amont. Severus était rongé par l'angoisse, et cela semblait amuser Dumbledore qui était incroyablement décontracté. Severus lui avait alors parlé de Lily, qu'elle courrait un grave danger. Et Dumbledore lui avait judicieusement fait remarquer qu'il s'agissait de son fils qui était visé par la prophétie. Sur un ton léger, le grand sorcier lui avait demandé s'il avait imploré son maître afin que Lily soit épargnée en échange de la vie de son garçon. Honteux, Severus avait confirmé. La sentence de Dumbledore avait été aussi tranchante qu'une lame : «Vous me dégoûtez ! Vous ne vous souciez donc pas de la mort de son mari et de son enfant ? Ils peuvent bien disparaître, du moment que vous obtenez ce que vous voulez ?» Severus ne s'était jamais senti aussi immonde que le jour où il avait traité Lily desale petite Sang-de-Bourbe.

Comment pouvait-il être aussi égoïste ? Croyait-il vraiment que Lily lui tomberait dans les bras après avoir perdu son fils et son mari, alors qu'il la dégoûtait très certainement ? Il y avait bien des moyens pour forcer quelqu'un à aimer. Il existait des philtres d'amour, le sortilège de l'Imperium, la transplantation de faux souvenirs... Avait-il vraiment envie de ça pour Lily ? Non, il n'était pas un monstre. Alors il avait demandé à Dumbledore, bien qu'à contre-cœur, de les protéger tous les trois : Lily, son mari et l'enfant. Et il était devenu l'homme de Dumbledore.

Il lui avait tout raconté, et dès la rentrée 1981, il lui avait donné un poste de professeur de potions. Horace Slughorn se faisait vieux, et partager les classes avec lui le soulagerait. En faisant cela, il contentait également le Seigneur des Ténèbres, qui avait besoin d'un espion à Poudlard. Dumbledore et Severus s'accordaient sur ce que le nouveau professeur devait transmettre et ne pas répéter. C'était un jeu très dangereux, mais il avait promis de faire ce que souhaitait Dumbledore en échange de la protection de Lily.

Le soir d'Halloween, le Seigneur des Ténèbres l'avait contacté. Il savait à présent comment éradiquer pour de bon les Potter, et il était juste devant chez eux. Il avait même rétorqué à Severus que sa récompense l'attendrait. Horrifié, Severus s'était rendu à Godric's Hollow. Tant pis pour son rôle d'espion ! Au diable le Seigneur des Ténèbres ! Au diable Dumbledore ! Il se sacrifierait et permettrait aux Potter de prendre la fuite, de se cacher ailleurs. C'était complètement suicidaire, et il le savait. Une vie sans Lily ne l'intéressait pas, et il préférait être mort plutôt que de vivre sans elle. Mais il était arrivé trop tard. Il n'avait trouvé que des ruines, ou presque. On aurait dit que le cottage avait été soufflé par une explosion au gaz, ou par une bombe. Il était entré et avait découvert le corps sans vie de son vieil ennemi, James Potter. Dieu seul savait à quel point il le détestait, et pourtant il n'avait éprouvé aucune joie en le voyant mort. A l'étage, un bébé pleurait, le fils de Lily. Elle, il ne l'entendait pas, et pour la première fois, il avait éprouvé la plus grande frayeur de son existence : un monde sans Lily.

Il avait monté les marches de l'escalier quasiment détruit, et il était entré dans une chambre d'enfant mise sens dessus dessous. Le bébé hurlait dans son berceau. Comment était-ce possible ? Le Seigneur des Ténèbres était introuvable, alors que l'ennemi qu'il avait choisi était en vie. Au sol, il avait vu le corps de sa Lily. Elle était recroquevillée et elle saignait à la tête. Délicatement, il l'avait prise contre lui, s'attendant à voir le visage de la mort et à sentir une peau glaciale sous ses doigts. Mais sa peau était chaude, et elle respirait. Elle était en vie, c'était un miracle. Le maître qu'il avait trahi avait donc honoré sa promesse, mais Severus ne voulait plus le servir. Il avait prononcé son nom, et elle avait fini par ouvrir ses beaux yeux verts. Elle avait été étonnée de le voir ici, peut-être même déçue. Elle voulait son fils et son mari. Le premier était en vie, cela la soulagea. Le second était mort, et Severus était désolé pour elle.

Lui, il ne pensait qu'à une chose, quitter au plus vite les lieux. Il ignorait si le Seigneur des Ténèbres avait parlé de ses plans à d'autres de ses adeptes, ou même s'il se trouvait ailleurs, tout près d'ici, prêt à revenir, à les attaquer. Lily lui avait demandé de lui amener son fils. C'était la première fois qu'il prenait dans ses bras un bébé. Avant cela, il n'avait jamais approché de sa vie un bébé. L'enfant geignait dans son berceau, hurlait. Et quand Severus l'avait pris contre lui, il avait cessé. Il s'était même blotti contre lui. Severus avait néanmoins eu le temps de voir que le petit, bien que brun comme son père, avait hérité des yeux d'absinthe de Lily.

Et après moult péripéties, Lily Potter et son fils se trouvaient à présent chez lui, dans la maison de son enfance. Et il avait fini par lui avouer qu'il l'aimait, mais lui, il le savait, elle ne l'aimerait jamais. Tant pis, il consacrerait sa vie à protéger son fils, il lui en avait fait la promesse. A lui, il s'était fait une autre promesse, il protégerait aussi la vie de Lily, quitte à en payer le prix de la sienne, car une existence sans elle ne valait rien.

Lily le regardait toujours, le chat de gouttière ronronnant sur ses genoux.

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