Et si...

Harry Potter - J. K. Rowling
F/M
Gen
G
Et si...
Summary
La nuit du 31 octobre 1981, Lord Voldemort épargne la vie de Lily Potter, mais échoue à tuer le jeune Harry. Devenue veuve, Lily est contrainte de se cacher avec son fils chez le responsable de la mort de son époux, Severus Rogue. Pour se racheter, le mangemort repenti fait la promesse à Lily de protéger le jeune Harry Potter, en dépit des rancunes passées.******Tous les personnages et l'univers décrit appartiennent à J. K. Rowling. Tous Droits Réservés.
Note
WARNING: This fanfiction is available in English on my profile under the name of If...A new chapter every TuesdayATTENTION: Cette fanfiction est disponible en anglais sur mon profil sous le nom de If...Un nouveau chapitre tous les mardis.
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Itinéraire d'une amitié brisée

Trois jours passèrent à l'impasse du Tisseur, sans que le moindre rayon de soleil ne traverse les rares fenêtres de la demeure de Severus. Quand Lily tentait de trouver une distraction en regardant le paysage, elle ne voyait qu'un perpétuel crachin, les fumées chargées de carbone de l'usine dans le ciel lourd, et quelques fois des rongeurs – de gros rats – se repaître des ordures laissées sur le trottoir. Carbone-les-Mines avait été autrefois une ville prospère, grâce à sa mine de charbon et à ses usines. L'impasse du Tisseur était un quartier ouvrier, avec ses maisons typiques en briques. La fermeture de la mine, au milieu des années 1960, avait peu à peu entraîné le déclin de Carbone-les-Mines et de ses environs. Et les différentes crises, au cours de ces dernières années, avaient provoqué la faillite de plusieurs industries de la région. L'usine de Carbone-les-Mines, dans laquelle les pères de Severus et Lily avaient travaillé, tournait toujours et crachait inlassablement des volutes de fumée noire.

Lily avait grandi dans un quartier un peu plus cossu, de l'autre côté du ruisseau. Son père, avant de mourir, avait longtemps travaillé à l'usine de métallurgie de Carbone-les-Mines en tant que comptable, tandis que sa mère restait à la maison et complétait leurs revenus en effectuant quelques travaux de couture. Chez les Evans, il y avait un petit jardin dans lequel la famille faisait pousser quelques légumes et faisait sécher le linge étendu sur une corde. Comble du luxe, Mr Evans avait pu offrir à sa femme et à ses filles un téléviseur à la fin des années 1960.

Bien que le petit lotissement derrière le ruisseau fût propret, Carbone-les-Mines n'était pas une ville agréable. Tout comme Pétunia, Lily avait fini par quitter cette cité industrielle, mais les terribles dernières circonstances l'avaient ramenée dans cette ville à l'air vicié, non pas dans la maison de son enfance, mais dans celle de son vieil ami. Severus n'aimait pas non plus Carbone-les-Mines, il détestait les murs entre lesquels il avait grandi. Pourtant, il n'avait pas de meilleur refuge à offrir à Lily et à son fils.

Lily n'avait rien à reprocher à Severus. Il n'avait jamais masqué sa haine pour James, mais il s'occupait bien de son enfant qui était son portrait craché. Chaque jour, depuis leur arrivée, il préparait les repas et veillait à ce que ses invités mangent à leur faim. Il ne faisait pas particulièrement preuve d'affection avec Harry, mais il répondait à chacun de ses besoins quand Lily était en incapacité de le faire. La sorcière n'avait – par exemple – jamais entendu Severus prononcer le prénom de son fils, ni même lui parler. Il avait néanmoins quelques attentions envers Harry. Le surlendemain de leur arrivée, Severus avait trouvé dans le grenier un vieux coussin et avait passé plusieurs heures à le métamorphoser en un couffin douillet pour le petit. Il avait aussi mis la main, dans une antique malle reléguée au grenier, sur un exemplaire des Contes de Beedle le Barde qui avait appartenu à sa mère. Severus avait dit à Lily qu'elle pourrait ainsi raconter des histoires à son fils, si elle le souhaitait.

Harry, lui, demeurait un bébé calme et adorable. Il ne pleurait que quand il avait faim ou avait besoin d'être changé. Lily se demandait si Harry s'était rendu compte qu'il n'avait plus de papa, s'il avait compris que la situation était grave. Son fils n'était qu'un bébé, après tout. Il n'était sûrement pas en âge de comprendre. Et pourtant, Lily avait le sentiment que Harry ressentait tout en plongeant son regard dans ses yeux verts, les mêmes que les siens. Elle pouvait y voir de la tristesse, mais aussi de l'amour et de l'espoir. Harry semblait aussi apprécier leur hôte. Il ne hurlait pas quand Severus le prenait dans ses bras. Il gazouillait, babillait et souriait même au sorcier. Sans doute lui avait-il accordé sa confiance.

Depuis le dernier appel de Dumbledore dans la cheminée, Lily n'avait reçu aucune nouvelle. Elle ignorait tout de la situation des Londubat, mais l'absence de nouvelles – bonnes ou mauvaises – n'augurait rien de bon. Elle ne savait pas non plus comment allaient ses amis, Remus et Sirius, depuis leur visite. Dumbledore lui avait formellement interdit d'entrer en contact avec eux, car l'Ordre avait été infiltré par une taupe. Lily était persuadée que le traitre n'était pas l'un de ses amis. En revanche, elle craignait que l'espion continue à pister, à épier les moindres faits et gestes des deux derniers Maraudeurs. C'était sans doute à cause de cet infiltré que Peter avait été enlevé, torturé et tué par Voldemort. Elle avait beau réfléchir, elle ne voyait pas qui au sein de l'Ordre aurait pu commettre le parjure suprême en informant régulièrement leurs ennemis.

Ces derniers mois et semaines, huit membres de l'Ordre avaient trouvé la mort. Les frères Prewett, deux talentueux duellistes, avaient été pris en embuscade par cinq mangemorts au début du printemps, et n'avaient malheureusement pas survécu. Leur mort avait été suivie par celle d'Edgar Bones. Il avait reçu le sort que Voldemort réservait à Lily et à sa famille. Au début de l'été, un mangemort s'était introduit chez lui et avait tué Edgar, sa femme et leurs enfants. Puis, il y avait eu les McKinnon en juillet... Lily avait hurlé de douleur en apprenant la disparition de Marlene et de ses proches. Et dire que deux semaines avant sa mort, bon nombre d'entre eux posaient pour une photographie. Les mangemorts ne s'étaient malheureusement pas arrêté là. Au mois d'août, le corps de Benjy Fenwick avait été retrouvé complètement démembré. Lily avait vomi en apprenant la nouvelle. Dorcas Meadowes avait été la dernière victime de Voldemort, quelques semaines avant la nuit tragique d'Halloween.

Voldemort avait disparu après avoir tué Peter et James. Mais ses partisans ne considéraient pas avoir perdu la guerre, puisque les Londubat avaient été enlevés. Lily espérait sincèrement qu'ils allaient bien, mais elle ne se faisait aucune illusion sur la perversité et le sadisme dont pouvaient faire preuve les partisans du mage noir. Severus disait qu'il n'avait jamais tué et torturé. Pouvait-elle réellement le croire ? Il était vrai que l'Ordre soupçonnait que certains sorciers avaient été choisis par Voldemort pour infiltrer le Ministère, Gringotts et même Poudlard. Severus était l'un d'eux, et un espion ne pouvait risquer d'être démasqué en participant à des massacres sanglants. Severus avait trahi en secret Voldemort et était devenu l'homme de Dumbledore.

Une petite voix dans la tête de Lily lui murmurait que Severus avait sans doute commis des actes effroyables avant de changer d'allégeance. Lily n'ignorait pas les talents de Severus. Il était très doué pour fabriquer des potions, et elle se rappelait son habilité à lancer des maléfices informulés, qu'elle ne connaissait pas, pendant leur scolarité. Voldemort avait sûrement voulu exploiter les dons de cette recrue. Il aurait très bien pu fournir des poisons, ou bien communiquer des sortilèges de magie noire inconnus de tous à ses collègues et à son maître. Les membres de l'Ordre n'avaient pas été les seules victimes de cette guerre. Beaucoup d'innocents avaient péri dans des conditions effroyables, et même des Moldus qui ne connaissaient rien de leur monde.

Elle avait accordé sa confiance à Severus. Parfois, elle se surprenait à éprouver pour lui de la sympathie et de l'amitié comme aux temps où ils étaient jeunes. Restait-il en Severus une part d'innocence ? Ils n'avaient que vingt-et-un ans, et Lily avait l'impression que la guerre et la mort de ses proches l'avaient fait vieillir prématurément. Elle n'avait plus l'impression d'être une jeune mère insouciante, fraichement mariée. Elle était devenue veuve après seulement deux années de mariage. Si on avait dit à Lily qu'elle fêterait en janvier prochain son quarantième ou son cinquantième anniversaire, elle n'aurait eu aucun mal à le croire. La sorcière avait vu et vécu bien plus de choses que n'importe quelle jeune femme de vingt-et-un ans le devrait. Elle n'était pas la seule, malheureusement.

Le soir, quand Harry était endormi dans la chambre, elle et Severus discutaient. Pendant quelques heures, ils tâchaient d'oublier la guerre et repensaient à leur enfance et à leur adolescence. Jusqu'à la fin de leur cinquième année à Poudlard, ils avaient été meilleurs amis. Bien sûr, leur amitié n'avait jamais été un long fleuve tranquille. Severus, enfant, avait déjà de mauvais penchants, un caractère sournois et se montrait quelquefois méchant. Une fois, alors qu'ils n'étaient pas encore élèves de l'école de sorcellerie, il avait volontairement fait chuter une branche sur l'épaule de Pétunia qui épiait leurs discussions, dissimulée derrière les branchages d'un bosquet où ils se cachaient pour bavarder. Pétunia avait eu mal, et Severus avait nié sa responsabilité. Il mentait très mal et Lily l'avait disputé avant de le quitter pour retrouver Pétunia, pleurant toutes les larmes de son corps.

Malgré ses défauts, Lily l'appréciait et lui portait une sincère affection. Il n'était pas très doué pour entretenir des rapports sociaux, pour se lier aux autres. A l'école St Melchior, Severus n'avait aucun ami, et parfois les garçons faisaient exprès de l'attaquer avec leurs ballons. Il était aussi la cible de moqueries sur son nez, sur ses cheveux gras ou encore sur son uniforme mal ajusté et élimé. A cette époque, Severus s'en moquait. Il était persuadé qu'à Poudlard il rencontrerait des enfants comme lui avec lesquels il deviendrait ami. Mais en Ecosse, rien n'avait presque changé. Sa mère lui avait certes dégoté sur le Chemin de Traverse un uniforme d'occasion, plus que correct et à sa taille, mais les brimades avaient continué. Elles avaient même commencé dans le Poudlard Express.

Severus, avant leur départ pour Poudlard, avait partiellement expliqué le fonctionnement de l'école à Lily. Il lui avait parlé d'une étrange cérémonie de répartition qui triait les nouveaux élèves dans quatre maisons. Cependant, il n'avait mentionné qu'une seule maison, et n'avait rien dit sur les autres. Il s'agissait de Serpentard. Selon lui, les enfants les plus intelligents étaient répartis là-bas, et Lily et lui y seraient forcément envoyés. Lily avait bien évidemment cherché à savoir quelles étaient les autres maisons, mais Severus esquivait toujours ses questions, ou prétendait que les autres maisons ne valaient pas grand-chose.

Dans leur compartiment, Lily et Severus avaient rencontré deux jeunes garçons de leur âge. Elle n'avait d'abord pas prêté attention aux deux garçons, car elle pleurait. Elle et Pétunia s'étaient disputées sur le quai, car Lily et Severus s'étaient introduits dans la chambre de sa sœur aînée sans son autorisation, et avaient lu – en plus de son journal intime – une lettre que Dumbledore avait en personne envoyée à Pétunia. Ils avaient découvert tous les deux que Pétunia avait écrit au directeur de l'école pour le supplier de la prendre comme élève. Mais Pétunia, étant une Moldue, n'avait malheureusement pas sa place à Poudlard. Depuis cet incident, Tunie n'avait fait que jalouser davantage sa cadette et la traitait d'anormale et de monstre. Lily en avait voulu à Severus, car c'était lui qui avait eu l'idée d'entrer dans la chambre de sa sœur. Il avait dit qu'il était curieux de voir à quoi pouvait ressembler la chambre de Tunie.

Lily s'était trahie sur le quai en rétorquant à Pétunia, qui l'avait qualifiée demonstreet decinglée, qu'elle n'avait pas toujours pensé que Poudlard était une école de marginaux, puisqu'elle avait supplié le directeur dans une lettre. Pétunia avait été profondément affligée en apprenant que son espace personnel et son courrier avaient été violés par sa propre sœur et par le garçon qu'elle détestait. Et elle l'avait encore une fois traitée demonstre. Severus l'avait rejointe dans un compartiment et l'avait découverte en train de pleurer. Lily lui avait tout raconté et dit à quel point elle pensait que leur intrusion dans la chambre avait été une mauvaise chose. A cause de lui, Tunie, sa sœur, la détestait. Maladroitement, Severus l'avait consolée. Il n'était vraiment pas doué pour cela, mais au moins elle avait cessé de pleurer.

Elle avait fini par se rendre compte de la présence des deux garçons, quand Severus avait affirmé que Serpentard était la seule maison valable de l'école. L'un des deux garçons – c'était James – s'était moqué de lui et avait rétorqué que Serpentard ne valait rien du tout. L'autre garçon, Sirius, avait d'abord été plus mesuré dans ses propos en répondant que toute sa famille y avait été envoyée, mais que lui ferait peut-être un autre choix. Et là, James avait prononcé le nom d'une autre maison, Gryffondor. Severus ne lui en avait jamais parlé. James avait dit que les plus courageux, comme son père, étaient répartis dans cette maison. Severus avait ricané et laissé entendre que Gryffondor n'accueillait que des crétins musclés, dénués d'intellect. La discussion aurait pu s'arrêter là, ou peut-être même s'apaiser, mais Sirius avait répliqué en disant que Severus n'avait ni biceps, ni intelligence. Agacée par les deux garçons et n'ayant pas la force de participer à une dispute, Lily – qui n'avait pas dit un mot aux deux nouveaux – avait annoncé sa décision de quitter le compartiment avec Severus. Les deux amis s'étaient levés pour partir, et James avait même tenté de faire un croche-pied à Severus. Et l'odieux surnom, qui n'avait jamais quitté Severus, avait fleuri entre les lèvres de l'un des deux garçons : Servilus.

Lily et Severus avaient trouvé un autre compartiment, et on ne les avait plus embêtés durant le voyage. Lors de la cérémonie de répartition, ils n'avaient pas été envoyés tous les deux à Serpentard. Severus avait en vérité commis une regrettable erreur de jugement en pensant que Lily serait tout comme lui répartie là-bas. Lily était une née-moldue et Serpentard était une maison sectaire. Severus l'ignorait-il ou pensait-il réellement que le choixpeau ferait une exception pour sa seule amie ? Il lui avait pourtant dit qu'être une née-moldue n'avait aucune importance. Lily avait été envoyée à Gryffondor et avait retrouvé avec déplaisir les deux garçons du train.

Ils avaient bien évidemment été tous les deux déçus. Severus aurait aimé avoir Lily avec lui à Serpentard, et Lily aurait voulu que Severus la rejoigne à Gryffondor. A défaut de partager la même salle commune, ils avaient quelques cours en commun, dont les potions. Et ils se voyaient durant leur temps libre.

Progressivement, Lily avait pris ses marques à Poudlard et avait lié de nouvelles amitiés. Mary Macdonald, qui était aussi une née-moldue, était devenue son amie. Lily s'était aussi rapprochée de Remus Lupin, un garçon très calme à l'air maladif. Ces nouvelles amitiés n'avaient pas vraiment plu à Severus. Lily avait parfois l'impression que Severus ne la voulait que pour lui seul, qu'il jalousait tous ceux auxquels Lily accordait sa sympathie. A l'époque, elle rassurait encore Severus, lui disait qu'il était son meilleur ami et qu'il était normal qu'elle ait d'autres amis que lui. Elle l'avait même encouragé à se lier avec d'autres élèves. Elle avait tenté de le rapprocher de Remus Lupin, mais Severus ne semblait pas l'apprécier, alors que Remus n'était que gentillesse avec lui. Naïve, elle lui avait donc suggéré de sympathiser avec les élèves de Serpentard. A cette époque, elle était loin de penser que Mulciber, Avery, Rosier, Wilkes – des enfants de leur âge – deviendraient des mangemorts. Ils n'étaient que des gamins, et en première année Lily n'avait pas vraiment conscience des conflits qui existaient entre les différentes maisons. Bien sûr, elle entendait tout un tas de rumeurs sur Serpentard, mais elle ne les prenait pas vraiment au sérieux.

Puis peu à peu, elle avait compris. Beaucoup d'élèves de Serpentard n'étaient pas sympathiques, et traitaient avec mépris les enfants issus de familles moldues, comme Lily. Quand Lily en parlait avec Severus, il faisait la sourde oreille. Il disait que ce n'était pas grave, qu'il ne s'agissait que de mauvaises plaisanteries... Parfois, elle avait même l'impression que Severus avait honte de lui parler quand un ou plusieurs autres Serpentard se trouvaient dans les parages. Quand Lily abordait le sujet, il lui disait qu'elle se faisait des idées.

Les sujets qui les divisaient devinrent légion au fil des années passées à Poudlard. Le plus important concernait les Maraudeurs, un groupe de quatre garçons répartis à Gryffondor : James Potter, Sirius Black, Remus Lupin et Peter Pettigrow. Trois d'entre eux harcelaient constamment Severus, et le Serpentard leur rendait bien. Il les poussait même à bout, les provoquait. Et puis il était obsédé par les disparitions mensuelles de Remus. Chaque mois, Remus Lupin s'absentait de l'école durant une journée ou deux. Il avait toujours une bonne excuse. Sa mère était malade, ou lui-même l'était. Mais une nuit, Severus l'avait vu sortir du château avec Madame Pomfresh, l'infirmière, et disparaître au niveau du Saule Cogneur, un arbre dont personne n'osait s'approcher. Remus n'avait jamais rien fait à Severus, mais le Serpentard s'acharnait sur lui et persistait à vouloir découvrir son secret.

Quelques semaines avant la fin de leur amitié, Severus avait fait de terribles allégations. A cette époque, ils étaient en cinquième année, et Lily n'ignorait pas que Severus avait eu des ennuis en quittant une nuit son dortoir pour s'aventurer dans le parc. Elle avait appris qu'il avait failli être gravement blessé et que James Potter – qui avait aussi enfreint le couvre-feu – l'avait sauvé d'une mort certaine dans le tunnel sous l'arbre belliqueux. Loin d'éprouver de la reconnaissance, Severus n'avait fait que détester davantage son sauveur providentiel. Severus avait bien évidemment fait part de ses théories concernant Remus Lupin. Il avait dit à Lily qu'il était presque certain que le Maraudeur était un loup-garou, car il disparaissait étrangement à chaque pleine lune. La Gryffondor n'y avait pas prêté grand cas. Les loups-garous jouissaient d'une réputation effroyable au sein de la communauté magique, et Lily n'imaginait pas qu'un être aussi doux que Remus puisse en être un.

Finalement, Severus avait vu juste, car en septième année Lily avait appris la vérité. Elle avait commencé à sortir avec James, et il avait accepté de lui dire pourquoi lui et ses amis sortaient si souvent en douce, la nuit. Remus était devenu un loup-garou durant son enfance. Il avait été infecté par un certain Greyback, qui avait voulu se venger de Mr Lupin, le père de Remus. Cet événement avait bouleversé sa vie, et jusqu'à la visite de Dumbledore chez ses parents, Remus croyait qu'il n'irait jamais à Poudlard, car aucun loup-garou n'y avait jamais été accepté. Le Saule Cogneur avait été planté juste avant l'arrivée de Remus à l'école, et dissimulait un passage secret qui menait à une sorte de cabane dans laquelle le lycanthrope se transformait à chaque pleine lune.

Sirius, lui, avait avoué à demi-mot qu'il avait fait une mauvaise farce à Severus durant leur cinquième année. Il en avait assez de le voir roder, chercher à connaître leurs activités. Alors, il lui avait dit qu'il n'avait qu'à chatouiller la racine du Saule Cogneur et qu'il verrait par lui-même ce que lui et ses amis fabriquaient. Cet idiot avait mordu à l'hameçon et avait vu Remus en pleine transformation. Le loup-garou – qui n'avait pas conscience de ce qu'il faisait – avait failli attaquer Severus, et James l'avait sauvé de justesse. Dumbledore avait ensuite glissé l'affaire sous le tapis, et envoyé en retenue Sirius, Peter, James et même Severus. Remus, qui était innocent dans cette histoire, n'avait pas été inquiété, mais le Serpentard – aveuglé par sa haine des Maraudeurs – n'avait jamais cessé de penser que le loup-garou avait participé à sa tentative d'assassinat.

C'était ce que Severus avait cherché à révéler à Lily, quelques semaines avant leurs épreuves de BUSE. Dumbledore lui avait interdit de parler de cette mésaventure à qui-que-ce-soit, car Remus – en tant que loup-garou – risquait d'être inquiété par le Ministère. James Potter, lui, s'était vanté d'avoir sauvé la peau de Servilus, mais n'était pas rentré dans les détails.

Lily repensait justement à cette conversation. A vrai dire, il s'agissait d'une dispute. Mulciber, futur disciple de Voldemort, avait, quelques jours plus tôt, tenté de lancer un sortilège impardonnable à Mary Macdonald, l'amie de Lily. Il n'avait pas voulu la tuer, ni même la torturer... Il avait tenté de la contrôler en lançant unImperosur la née-moldue, pour lui faire faire des choses très dégradantes, et humiliantes. Heureusement pour Mary, il n'avait pas réussi son coup, sans quoi il aurait été renvoyé sans aucun ménagement. Severus, loin d'être offusqué, avait jugé que ce n'était qu'une plaisanterie et avait argué que Potter et sa clique ne faisaient pas mieux. Lily, énervée, ne l'avait pas laissé s'expliquer.

Elle non plus n'aimait pas particulièrement James. Elle le trouvait à l'époque arrogant, et elle se sentait insultée en sachant que le poursuiveur avait un intérêt pour elle. Severus l'avait remarqué et cela ne lui plaisait pas. A ce moment, Lily n'envisageait même pas que Severus puisse être amoureux d'elle. Il était jaloux de tous ceux qui fréquentaient de près ou de loin la Gryffondor. La possessivité du Serpentard à son égard devenait même de plus en plus pesante. Elle l'aimait comme un ami, et persistait à lui trouver des excuses. Il avait peut-être peur de la perdre, il voulait la protéger de certains individus...

La rupture avait été consommée au bord du lac noir, quelques semaines plus tard. Severus, encore une fois, avait été pris pour cible par les Maraudeurs. Elle n'avait pas réfléchi en confrontant James Potter. Après tout, Severus se plaignait toujours qu'elle ne prenne jamais clairement son parti, car ils étaient des Gryffondor et lui un infâme petit Serpentard. Elle avait donc ordonné à James Potter et à Sirius Black de laisser tranquille Severus, qui était retenu attaché par des cordes invisibles. Severus fulminait et les insultait. James, goguenard, avait fini par accepter, non pas sans avoir monnayé cette grâce en demandant à Lily de sortir avec lui. Lily aurait préféré embrasser le calmar géant, plutôt que de l'avoir pour petit ami. Severus, qui aurait pu s'éclipser, ne s'était pas laissé faire et avait profité de la première occasion pour entailler la joue de James avec un maléfice. Puis tout avait dégénéré...

James avait répliqué en suspendant par les pieds Severus, laissant à la vue de tous un caleçon grisâtre. Lily, furieuse, avait continué de venir en aide à son ami en implorant James de le laisser tranquille une bonne fois pour toute. Moqueur, Potter l'avait pétrifié et avait menacé Lily d'en faire de même avec elle. Puis il avait rendu – momentanément – les armes en libérant Severus. Tout aurait pu s'arrêter là, une nouvelle fois. Les Maraudeurs et les badauds auraient pu retourner à leurs occupations, et Severus et Lily seraient partis loin d'eux. Lily l'aurait consolé, se serait moquée de James et de Sirius avec lui et lui aurait fait la leçon pour l'entaille – un peu méritée – de James.

Mais le Maraudeur avait en quelque sorte poussé Severus à remercier Lily, et le Serpentard avait prononcé l'insulte suprême, la plus blessante : «Je n'ai pas besoin de l'aide d'une sale petite Sang-de-Bourbe !» Ce n'était pas la première fois qu'on l'insultait avec ces mots. Elle s'en moquait quand il s'agissait de Mulciber, d'Avery et des autres, mais elle n'avait jamais pensé que Severus, son meilleur ami, oserait utiliser ces mots dégoûtants contre elle. Elle avait eu envie de partir en courant pour pleurer, mais elle n'avait fait que cligner des yeux. Severus n'avait pas été très malin. Non seulement, il avait perdu son amitié en l'insultant, mais il avait aussi donné une autre occasion aux Maraudeurs de l'humilier.

James força Severus à s'excuser, mais Lily n'en avait que faire. James Potter l'agaçait au plus au point, et elle passa ses nerfs sur lui en lui disant ses quatre vérités. Il ne valait pas mieux que Severus dans le fond. Il était aussi mauvais que lui, et peut-être même pire, car il se cachait derrière ses grands principes pour lancer des maléfices à tous ceux qu'il n'aimait pas. Puis elle les avait tous laissés, James – bouche bée – et Servilus à son sort. Tant pis pour lui, si James Potter l'humiliait en lui retirant son caleçon, il avait besoin d'être lavé de toute façon.

Le soir-même, Severus avait osé se présenter devant le portrait de la Grosse dame. Lily s'y attendait. Il avait même eu le toupet d'implorer Mary Macdonald pour qu'elle aille la chercher. Lily, toujours furieuse, portait sa robe de chambre. Elle avait un peu hésité, mais Mary lui avait dit que Severus menaçait de camper devant leur salle commune tant que Lily ne viendrait pas lui parler. Elle avait même ricané en apprenant cela. Severus dormir devant la Grosse dame. Elle avait même été tentée de faire durer le plaisir quelques jours, de le faire mariner, mais elle lui en voulait beaucoup trop pour faire ça. Elle était aussi préfète et devait veiller à ce qu'aucune échauffourée n'ait lieu. Si les Maraudeurs lui tombaient dessus, elle en entendrait parler.

Elle avait donc franchi le passage derrière le tableau, et avait trouvé un garçon nerveux qui se confondait en excuses. La Gryffondor en avait plus qu'assez de l'entendre s'excuser, de dire qu'il était désolé, alors qu'il recommençait à chaque fois. Il prétendait qu'il n'avait pas voulu l'insulter, que les mots étaient partis comme ça... Il mentait mal, il avait toujours très mal menti. Il traitait tous les nés-moldus de Sang-de-Bourbe quand il était avec ses petits camarades de Serpentard, sûrement pour se faire bien voir d'eux. Ce n'était qu'un lâche, un crétin et un gredin.

Severus l'avait vraiment mise hors d'elle, et son simulacre de repentance n'avait fait qu'aggraver les choses. Il était temps pour elle de le rayer de sa vie, ou du moins de le lui faire croire. Lily avait pensé que si Severus perdait son amitié, il ferait tout pour la regagner en changeant. C'était risqué, mais elle ne voyait pas comment faire autrement. Si Severus tenait réellement à elle, alors il cesserait ses mauvaises fréquentations, ses coups bas et toutes ses activités suspectes. S'il l'aimait vraiment, alors il emprunterait un autre chemin.

Cette rupture n'avait fait que confirmer la triste opinion de Lily envers Severus. Durant des années, jusqu'à cette triste nuit d'Halloween, ils ne s'adressèrent plus la parole, et Severus – comme elle le redoutait – avait fini par devenir un mangemort.

Dans le salon de l'impasse du Tisseur, Lily, Pelote couchée sur ses genoux, observait à la dérobée le maître des lieux qui lisait un vieux grimoire dans son fauteuil. Finalement, le résultat qu'elle avait escompté cinq ans plus tôt était peut-être en train de prendre forme. Il fallait parfois prendre quelques détours avant de trouver sa route. Perdre l'amitié de Lily en cinquième année ne l'avait pas fait dévier d'un iota, mais l'idée de la perdre complètement avait produit l'effet que la rousse recherchait depuis cinq ans.

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