
La fuite des partisans du Seigneur des Ténèbres
Le son d'une conversation, qui provenait du rez-de-chaussée, réveilla Lily. Harry était toujours endormi, et Lily ignorait depuis quand elle dormait. Elle avait fait un si joli rêve. Elle avait rêvé de James. Il lui souriait et lui disait qu'il l'aimait. Ses yeux s'embuèrent de larmes. Elle aurait tellement souhaité que ce rêve soit réel. Mais les bruits de la conversation la ramenèrent à la réalité, aussi brutale qu'elle pouvait l'être. Elle embrassa son fils sur son front et descendit les escaliers. Severus avait vraisemblablement de la visite, mais une étrange lueur argentée brillait dans le salon, celle d'un patronus. Lily entra dans le salon et découvrit que seul le phénix parlait, le patronus de Dumbledore.
- Ne laissez sous aucun prétexte Lily Potter et son fils quitter votre maison, Severus. Les Londubat ont été enlevés il y a quelques heures.
Lily se figea sur place en apprenant la nouvelle. Elle connaissait bien les Londubat, Frank et Alice. Ils étaient des membres de l'Ordre et étaient de brillants Aurors. Tout comme elle, ils avaient eu un fils, né un jour avant Harry. La sorcière se souvint brutalement que la prophétie parlait d'un enfant né à la fin du mois de juillet. Voldemort avait choisi de s'attaquer à Harry, mais le fils Londubat n'était pas moins en danger.
- Que se passe-t-il ? demanda Lily, angoissée, à Severus.
- Ne laissez sous aucun prétexte Lily Potter et son fils quitter votre maison, Severus. Les Londubat ont été enlevés il y a quelques heures, répéta la voix de Dumbledore. Je vous tiendrai informé, Severus. Restez chez vous.
Et le patronus s'évapora.
- Le couple Londubat a été enlevé par des mangemorts, répondit Severus.
- Quoi ? s'étrangla Lily. Je... je croyais que seuls nous étions visés. Etais-tu au courant ?
Son ton se fit plus accusateur.
- Non, avoua Severus. Dumbledore savait que la prophétie ciblait éventuellement leur garçon, mais le Seigneur des Ténèbres avait choisi ton fils, à cause de son sang...
- Un sang-mêlé... souffla Lily. Mais pourquoi ?
- Je l'ignore... Tout ce que je sais, c'est que le Seigneur des Ténèbres n'a jamais inclus le fils Londubat dans ses plans. C'est pourtant un sang-pur... Je sais que certains mangemorts avaient une dent envers les Londubat, qui étaient redoutables durant les affrontements. Ils pensaient aussi que leur fils était plus... plus digne, à cause de son sang.
- Et leur fils ? s'enquit Lily. Lui aussi ?
Elle ne souhaitait pas qu'une autre famille connaisse les tragiques événements qu'elle avait elle-même vécus. Ou même pire, qu'une famille soit complètement détruite.
- Non, il n'était pas avec eux, répondit Severus.
- Que vont-ils leur faire ? Les tuer ?
Severus baissa les yeux. Il ne lui disait pas tout.
- Réponds-moi, insista Lily.
- Certains partisans du Seigneur des Ténèbres pensaient qu'il valait mieux en finir avec les deux garçons, révéla Severus. J'en avais informé Dumbledore, et j'imagine que les Londubat avaient pris des dispositions... Parmi ces mangemorts, il y avait Bellatrix Lestrange. Il s'agit peut-être aussi d'une vengeance, car le Seigneur des Ténèbres a disparu.
- Je connais cette garce, cracha Lily, acerbe.
La sorcière ressentit à nouveau la colère pulser dans ses veines. Bellatrix Lestrange était une femme particulièrement sadique et cruelle. Et il se trouvait qu'elle était la cousine germaine de Sirius. Cette mangemort aimait par-dessus tout faire endurer à ses victimes mille supplices avant de les tuer, ou de les laisser expier seules, dans d'atroces souffrances.
- Ils vont les torturer, pas vrai ? haleta-t-elle, horrifiée.
Severus baissa à nouveau les yeux, l'air coupable. Comment avait-il pu se lier avec des détritus de leur genre ? Si elle n'avait pas promis de ne plus lui faire aucun reproche sur son passé, elle ne se serait pas gênée de lui dire le fond de sa pensée.
- Je sais ce que tu penses, dit-il. Et tu as le droit.
Elle lui adressa un regard furieux.
- J'aimerais savoir ce que tu faisais avant de retourner ta cape, lui rétorqua-t-elle. Tu t'amusais à torturer et à tuer ? dit-elle avec mépris.
- Non, je n'ai jamais fait ça. Je peux te le jurer. Le Seigneur des Ténèbres me confiait d'autres missions, et il me formait dans les arts sombres.
Cet aveu la fit frissonner. Lily n'avait aucun mal à imaginer ce que Severus avait pu apprendre auprès de son maître.
- Quelles missions te confiait-il ?
- J'espionnais la plupart du temps. J'écoutais des conversations dans des tavernes, dans des lieux de passage. Je savais me montrer discret.
- Excepté la fois où tu as entendu une partie de la prophétie qui concernait mon enfant, lui rétorqua Lily.
Severus hocha la tête. La lumière du jour baissait progressivement, mais la rue, à l'extérieur, n'était pas éclairée.
- As-tu une idée de l'identité du traitre qui a infiltré l'Ordre ? demanda-t-elle.
- Dumbledore m'a déjà posé cette question, dit-il, laconique. Je n'ai jamais su... Le Seigneur des Ténèbres ne m'en a jamais parlé, car je devais espionner Dumbledore, qui est un grand legilimens. J'imagine qu'il craignait que mon esprit soit fouillé. Il veillait aussi à ce que nous ne nous rencontrions pas tous.
- Es-tu certain que Voldemort n'a jamais soupçonné que tu allais le trahir ? Même après avoir supplié pour ma vie ? Hier soir, tu aurais pu être démasqué... Il aurait pu être accompagné de certains de ses partisans.
Severus fit léviter deux verres et versa dedans du whisky Pur-Feu.
- Avec les années, j'ai appris à fermer mon esprit, admit-il en tendant à Lily son verre. Tu préfères peut-être autre chose ?
- Ça ira, dit-elle en buvant une première gorgée.
- Tout ce que je sais, c'est que j'ai eu la chance d'être mis dans la confidence, car je lui avais répété la prophétie. J'ignore si les autres savaient. Votre village était très calme quand je suis arrivé. Même les Moldus n'ont pas été alertés par le désastre causé.
- Tout est allé très vite, se remémora Lily. James est mort très rapidement. Nous n'avions même pas nos baguettes sur nous... Quelle bêtise. Nous ne pouvions même pas transplaner à cause des sortilèges de protection.
Il s'approcha d'elle et lui caressa le bras en signe de réconfort.
- Je vais aller voir Harry, dit-elle plus froidement. Il s'est peut-être réveillé.
Elle posa le verre sur la table et se réfugia dans la chambre que lui avait donnée Severus. Son bébé avait les yeux ouverts et gazouillait. Lily le berça dans ses bras et recouvra sa tête de petits baisers. En bas, elle entendit Severus s'activer dans la cuisine.
Harry avait dîné et Lily l'avait couché. Elle et Severus étaient tous les deux assis sur le canapé, leurs verres de whisky - qu'ils n'avaient pas terminé en début de soirée - à la main. Ils attendaient fébrilement des nouvelles de l'Ordre, sans être certains d'en recevoir. Vingt-quatre heures plus tôt, la vie de Lily avait basculé. Vingt-quatre heures plus tôt, elle regardait son époux et son fils s'amuser ensemble dans leur salon. James faisait jaillir des nuages de fumée colorée et Harry cherchait à les attraper. Elle avait pris son fils dans ses bras pour le coucher, et en quelques secondes leur bonheur familial s'était envolé, avait été réduit à néant.
Severus et Lily ne parlaient pas. Leurs yeux fixaient la cheminée. Lily espérait recevoir de bonnes nouvelles sur les Londubat. Elle espérait entendre qu'ils avaient été retrouvés sains et saufs et que leurs ravisseurs avaient été arrêtés. Mais la cheminée demeura sombre et froide, et aucun patronus ne s'invita dans le salon de la maison de Severus.
- Veux-tu discuter ? demanda Severus. Tu n'as pas dit un mot depuis tout à l'heure...
- Discuter de quoi ? répondit Lily sur un ton cassant. De ce qui s'est passé hier ? Des Londubat qui sont dieu sait où et avec dieu sait qui ? De tous ceux qui ont été tués et torturés de la main de tes amis et de ton maître ?
Severus se renfrogna.
- Pardonne-moi, se reprit Lily. Je suis sur les nerfs.
Elle prit une gorgée du breuvage brûlant et Severus l'imita.
- Moi, je pensais à notre enfance. A l'époque où nous étions heureux, dit-il, mélancolique.
- C'était il y a longtemps, souffla Lily. Que sont devenus tes parents ?
Lily avait été surprise quand Severus les avait faits transplaner à Carbone-les-Mines.
- Ils ne sont pas à la cave, répondit Severus. Mon père a fini par mourir de ces excès il y a quelques mois. Ma mère l'avait quitté peu après la fin de notre scolarité.
- Je suis désolée, répondit par automatisme Lily.
- Tu n'as pas à l'être, je ne le suis pas.
- Mais ta mère... où est-elle ?
Severus haussa les épaules.
- Partie, dit-il. Tu sais, il n'était pas tendre avec elle.
Lily hocha tristement la tête. Severus avait toujours été un enfant négligé par ses parents. Son père était un homme violent qui avait peu à peu sombré dans l'alcool durant l'enfance de Severus. Lui et son épouse se disputaient constamment, pour tout et pour rien.
- Elle ne t'a pas donné de nouvelles ?
- Non, avoua son ami, toujours impassible. Elle est partie, sans laisser d'adresse. Sans rien dire d'ailleurs. Elle est peut-être morte.
Severus ne semblait pas avoir cherché à savoir ce qu'était devenue sa mère. Contrairement à lui, Lily avait grandi dans un foyer aimant, bien que ses rapports avec sa sœur aînée, Pétunia, fussent devenus compliqués au fil des ans.
- J'ai appris pour tes parents, reprit Severus. Je suis désolé. On dirait que les gens d'ici ne vivent pas vieux.
- Maman est tombée très malade pendant ma septième année... Elle est morte quelques temps après mon mariage... C'était un cancer. Papa n'a pas tenu le coup. Il est mort en mars... Je n'ai même pas pu me rendre à ses funérailles. Pétunia m'a écrit qu'il avait fait une crise cardiaque.
Sa sœur avait-elle était prévenue que James était mort ? Sûrement pas. Elle espérait qu'elle se trouvait en sécurité avec sa famille.
- Que devient Pétunia ?
- Elle a quitté la région. Après le lycée, elle a trouvé un emploi de secrétaire à Londres et a rencontré son mari. Ils se sont mariés et vivent quelque-part dans le Surrey. Je crois qu'il dirige une entreprise qui vend des tronçonneuses ou des perceuses. Ils ont eu un fils, je ne l'ai jamais vu. Il est né un mois avant Harry. Il s'appelle Dudley.
- Tu as beaucoup de contacts avec elle ?
Lily étouffa un rire sardonique.
- Non, je ne l'ai pas revue depuis l'enterrement de ma mère. Nous échangeons quelques cartes et lettres à l'occasion. Vernon ne nous aimait pas beaucoup, surtout James. Lors de leur mariage, il a qualifié James de magicien amateur devant tous les convives. Ce n'est pas un monsieur très agréable, il déteste tout ce qui sort de l'ordinaire, y compris la magie. Ils n'ont même pas répondu à l'invitation que nous leur avions envoyée pour notre mariage. Cela valait peut-être mieux pour eux.
Lily songea à la tête qu'aurait fait Vernon Dursley en entendant des fleurs chanter, ou en voyant des sorciers agiter des baguettes pour faire apparaître des confettis, si lui et Pétunia avaient daigné les honorer de leur présence.
- Quand je pense qu'elle voulait aller à Poudlard comme toi, avant, se souvint Severus.
- Oui, se rappela Lily. Elle n'avait vraiment pas apprécié que nous entrions dans sa chambre, Sev. Tunie m'en a beaucoup voulu.
- Tunie, répéta Severus, un sourire aux lèvres. J'avais presque oublié que tu l'appelais comme ça. Admets quand même que nous avions bien ri en lisant son journal intime.
Lily lui lança un regard outré, mais ne tarda pas à pouffer de rire. A cette époque, la sorcière ne pensait pas à mal quand elle et Severus avaient eu l'idée de s'introduire dans la chambre de Pétunia. Severus avait été très curieux de savoir à quoi pouvait ressembler la chambre d'une petite fille moldue de treize ans. Il avait été déçu en voyant à quel point la chambre de Pétunia n'avait rien d'exceptionnel.
- Elle craquait pour un garçon qui était dans sa classe, se rappela Lily en riant.
- Mais oui ! s'exclama Severus. Nous l'avions même aperçu jouer les gros bras sur le terrain vague, derrière la voie de chemin de fer.
- Harvey Kilkenny ! compléta Lily, amusée. Je ne vois vraiment pas ce qu'elle lui trouvait.
Parler de leur enfance lui faisait du bien. Elle et Severus étaient insouciants et complices avant d'entrer à Poudlard. Ils passaient la majeure partie de leur temps libre ensemble, à vadrouiller dans leur petite ville, à chercher un petit coin de nature où ils pouvaient parler du monde magique, sans être surpris par qui-que-ce-soit. Une fois, Pétunia – qui n'appréciait pas le jeune sorcier – les avait discrètement suivis dans un bosquet et les avait épiés pendant qu'ils discutaient.
Au même instant, la cheminée crépita et Severus bondit du canapé pour savoir qui était en train d'entreprendre un contact avec eux.
- Severus ? Vous êtes là ?
Lily reconnut la voix du directeur.
- Oui, je suis là, directeur. Avez-vous reçu des nouvelles ?
- J'ai bien reçu des nouvelles. Les Aurors Londubat ont été enlevés par quatre mangemorts.
Lily ressentit une vague de terreur la submerger.
- Ont-ils été retrouvés ? s'enquit-elle après s'être accroupie à côté de Severus.
- Je vois que Lily est avec vous, Severus, devina Dumbledore. Malheureusement, non.
La sorcière adressa un regard angoissé à son voisin.
- Est-ce que les mangemorts ont été identifiés, professeur ? l'interrogea Lily.
- Pas vraiment, Lily, répondit le fondateur de l'Ordre. On m'a rapporté qu'une femme et trois hommes ont été aperçus, fuyant les lieux, au moment où les renforts arrivaient. On dit qu'il s'agit des Lestrange, les époux et le frère. En revanche, nous ne savons rien sur le troisième homme. Mes sources se contredisent.
Si les Londubat avaient été enlevés par les Lestrange, leurs chances de s'en sortir étaient très faibles.
- Pour l'heure, vous resterez tous les trois ici. Si la situation l'exige, nous vous déplacerons ailleurs. Lily, je sais que vous êtes très raisonnable, et que vous ne serez pas tentée de sortir. Lord Voldemort a bel et bien disparu la nuit dernière, mais bons nombres de ses partisans courent toujours. Certains n'oseraient pas vous approcher, car j'imagine qu'ils ressentent une forme de soulagement. La nouvelle de votre survie se diffuse petit à petit dans le pays, et ces partisans les plus zélés sont certainement à votre recherche.
- Etes-vous certain que Harry et moi ne courrons aucun danger ici ? demanda Lily, préoccupée.
Elle avait cru à tort que sa petite maison de Godric's Hollow était une forteresse que jamais Voldemort ne pourrait franchir, et pourtant il avait réussi. Le mage noir s'était évaporé peu après avoir lancé le sortilège de la mort sur Harry, qui avait rebondi sur lui. Elle faisait confiance à Severus, et ne doutait nullement de sa sincérité. Mais son ami était un mangemort, qui entretenait des liens avec des partisans de Voldemort. Ces derniers pourraient très bien tenter de le rechercher, de lui demander de l'aide.
- Personne ne viendra vous chercher ici, affirma Dumbledore. Il serait aussi judicieux – pendant quelques temps – de réduire vos échanges avec vos amis. L'Ordre a été trahi par l'un d'entre nous et...
- Si vous insinuez que Remus ou encore Sirius, qu'ils aient pu...
- Je n'insinue rien, Lily, trancha Dumbledore. Mais il vaut mieux rester sur nos gardes. Très peu de personnes savent où vous demeurez actuellement, et il faut que cela perdure. N'envoyez pas de hibou, sous aucun prétexte. N'en recevez aucun d'ailleurs. Pour ma part, je continuerai à communiquer avec vous par le réseau des cheminées – celle de Severus est sécurisée -, ou par patronus. Quant à vous Severus, Horace assurera dès lundi vos cours, et il en sera ainsi tant que la situation l'exigera. Pour vos élèves, et pour vos collègues, vous êtes actuellement souffrant, car vous avez contracté l'éclabouille pendant le week-end, une maladie extrêmement contagieuse, comme vous le savez.
Lily vit le visage de Severus se raidir.
- Vous êtes d'ailleurs confiné dans vos appartements, au château, et ne recevez aucune visite, seulement celle d'un elfe de maison qui vous soigne. Je vous mentirais, si je disais que votre soudaine disparition alimente les cancans. Ce n'est pas le cas. Les élèves et professeurs ne parlent que de la chute de Voldemort, et nous enchainons les banquets depuis ce matin.
Les gens festoyaient, alors que Lily avait perdu son mari et Harry son père, alors que les Londubat étaient entre les mains de monstres.
- Bien, bien, conclut Dumbledore. Il est temps pour moi de vous laisser. Je ne tarderai pas à me manifester à nouveau quand j'aurai des informations à vous communiquer.
La cheminée s'éteignit et Lily soupira.
- L'éclabouille ? ça dure une semaine, n'est-ce pas ? demanda Lily à Severus.
Sept ou dix jours de captivité n'étaient pas déraisonnables avant de retrouver la liberté.
- Crois-moi, il fera durer le plaisir et il dira qu'on m'aura diagnostiqué une forme sévère, répondit Severus, amer.
De toute évidence, Severus s'attendait à ce que leur cohabitation soit bien plus longue, et Lily ne savait pas comment interpréter plaisir dans la bouche de Severus.