
Adieu ?
Un été caniculaire
03 – Adieu ?
oOo
o
oOo
Appuyée sur sa canne, Victoria Mallard regardait la scène avec les lèvres pincées.
Sa petite fille était en larmes, sanglotant silencieusement dans les bras d'Ulysse. Celui-ci avait les mâchoires crispées et papillonnait des paupières pour empêcher les larmes de couler. Face à eux, Gabriel A Brook, se dandinait d'un pied sur l'autre, bien mal à l'aise face à ce déferlement de sentiments qu'il n'avait visiblement pas anticipé.
Victoria allait descendre les quelques marches la séparant du trio pour dire au cornichon le fond de sa pensée lorsque Donald se mit en mouvements. Jurant à voix basse il sauta les trois marches et rejoignit Gabriel d'un pas furieux avant de faire claquer sèchement sa nouvelle casquette flambante neuve du NCIS sur le crâne lisse du Maître Nécromancien.
« Hey ! »
« Hey ? Hey ?! C'est tout ce que tu trouves à dire ?! » s'exclama Donald.
« Je… »
Le cracmoll leva un doigt menaçant et la mâchoire de Gabriel claqua sèchement. Harmony, le visage rouge et mouillé continuait de sangloter dans les bras d'Ulysse.
« Tu imagines VRAIMENT que tu vas nous abandonner maintenant ? » explosa Donald. « Après t'être incrusté dans nos vies pendant quasiment dix ans ? Après avoir élevé ma fille autant que moi ?! Tu penses que tu peux juste partir comme ça ? »
Victoria sourit, fière de son fils. Il avait hérité de son tempérament même s'il le cachait habituellement sous le vernis poli des bonnes manières.
« Harmony a réussi ses Épreuves, elle n'a plus besoin de moi. »
Donald frappa à nouveau le Maître nécromancien de sa casquette.
« Ma fille n'a plus besoin d'un maître d'Apprentissage, c'est évident, mais elle a encore besoin de son père ! »
L'incompréhension paniquée qui s'installa sur le visage du sorcier centenaire était presque comique. Il ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n'en sortit.
« Il ne s'en était pas rendu compte Donald », intervint Victoria.
« Merci Mère, je n'avais pas compris », rétorqua le médecin légiste avec sarcasme.
Victoria gloussa.
« Gabriel A Brook, tu es plus grand crétin que j'ai le malheur de connaître », annonça Donald. « Tu fais partie de nos vies depuis de très longues années. Il y a une chambre à ton nom au manoir et cela fait longtemps que c'est TA chambre et non pas une chambre d'amis. Ma fille passe en moyenne deux fois plus de temps avec toi de l'autre côté du monde avec TOI plutôt qu'avec moi. Elle avait TROIS ans quand tu es entré dans sa vie. Évidemment qu'elle te considère comme son père. C'est uniquement à cause de votre contrat d'Apprentissage qu'elle se retenait de t'appeler Dad. »
« Je suis désolé », murmura Gabriel d'une toute petite voix, son habituelle assurance disparue.
Donald jura en levant les bras avec exaspération.
« Mère, je te laisse gérer ! » cria-t-il avant d'aller récupérer Harmony qui continuait de pleurer dans les bras d'Ulysse.
Gabriel papillonna des yeux, complètement perdu. Victoria le rejoignit et lui tapota l'épaule.
« Donald est capable d'une grande éloquence mais lorsque cela touche à sa fille, il a tendance à laisser sa colère s'exprimer. »
« Je ne comprends pas. »
Victoria sourit, rassurante.
« Lorsque Donald est revenu de ce fameux voyage en Grèce avec d'Ulysse et toi dans ses bagages, j'ai su que les prochaines années allaient être mouvementées. J'avais sur les bras un pyromage traumatisé ne communiquant qu'en grec ancien et un Maître Nécromancien bien trop manipulateur pour son bien. Puis Harmony a grandi et elle vous a changé. Nous gravitons tous autour d'elle, formant une famille bien étrange, mais une famille tout de même. »
« Je suis son Maître d'Apprentissage », chuchota Gabriel.
« Tu es, au même titre que Donald, un modèle parental pour Harmony. Cela fait déjà plusieurs années que mon fils s'est résigné à co-parenter sa fille avec toi. »
« Mais. »
Victoria le coupa d'un regard noir.
« La situation aurait été différente si Harmony avait commencé son apprentissage plus tard, en étant adulte, ou même en étant une adolescente. Mais elle est devenue une Apprentie à trois ans. Elle t'a vu tous les jours ou presque depuis ses trois ans. Elle te considère comme son père, au même titre que Donald. »
Le silence répondit à Victoria. Elle avait l'impression de voir les roues tourner dans la caboche du Nécromancien.
« Oh », finit-il par dire. « Je ne savais pas… »
« On l'avait compris » se moqua la Matriarche de la famille Mallard.
« Et Ulysse ? » demanda Gabriel en fronçant les sourcils.
« Il est évidemment au courant des sentiments d'Harmony. Leurs magies sont liées. C'est d'ailleurs grâce à cela qu'il n'a pas été catégorisé comme parent. Il est magiquement incapable de discipliner ma petite fille. Il est donc pour elle un mélange entre un oncle fun et un grand-frère adoré. »
Gabriel resta songeur.
« Je ne peux pas partir », finit-il par dire, comprenant enfin le cœur du problème.
« Tu ne peux pas partir définitivement, c'est évident. Mais cela ne signifie pas que tu es bloqué à Washington avec nous. Harmony ne veut pas que tu disparaisses définitivement. Reviens à la maison pour les vacances et elle sera heureuse. Ulysse, Donald et moi serons aussi très contents de te revoir. »
« La maison… », murmura le maître Nécromancien, presque surpris de la notion.
Victoria grimaça. Depuis combien de temps cet homme errait-il sans attache pour avoir oublié le sens d'une famille et d'une maison ?
« J'ai toujours voulu avoir un autre enfant », annonça Victoria
« Je pourrai être votre trisaïeul », rétorqua G-A Brook.
« Et physiquement tu peux passer pour le petit-frère de Donald. Aller, viens, rejoignons les autres, que tu puisses t'excuser auprès de ma petite fille et de son protecteur. »