
Répèt'
Drago avait à peine vu Harry le jour de son anniversaire. Ce dernier s'était levé aux aurores pour se rendre à son bureau au Ministère. Le musicien émergeait à peine du sommeil, sur le ventre et nu dans le lit, que le brun était déjà habillé et prêt à partir. Il s'était approché de lui pour lui prodiguer une dernière caresse et quelques derniers baisers sur son épaule d'albâtre et les lèvres. Drago avait eu l'impression que Harry essayait de se convaincre que le blond était vraiment dans son lit, comme si ce qu'ils avaient vécu cette nuit n'avait pas été qu'un rêve. Ou peut-être regrettait-il de devoir quitter la chaleur des draps pour travailler toute la journée loin du mec le plus merveilleux avec qui il était jamais sorti. Le plus merveilleux tout court, en fait, se corrigea-t-il mentalement. Depuis qu'il s'était excusé auprès du brun, il se sentait plus léger. Sa confiance en lui – et l'arrogance qui allait avec – refaisait surface avec plus de facilité.
— Tu as prévu quelque chose ce soir ? avait-il demandé en le fixant d'une prunelle grise, l'autre étant enfouie entre son bras et l'oreiller.
Harry avait grimacé, gêné.
— Hermione et Ron m'ont invité. Je leur ai fait faux bon deux fois en quelque sorte. Je ne voudrais pas en ajouter une troisième. Tu veux venir ?
— Je passe mon tour, avait-il répondu en riant. C'est un peu trop pour moi. Une prochaine fois ?
Il avait acquiescé.
— Pas de souci. Je ne sais même pas encore comment leur dire pour nous, avait-il avoué en riant. Ron a du mal à faire table rase du passé. Je leur en parlerai si l'occasion se présente. Ça te convient ?
Drago avait haussé les épaules.
— Fais comme tu le sens, Harry, avait déclaré le musicien, ayant remarqué à quel point prononcer son prénom leur plaisait à tous les deux. J'ai des répèt' les prochains jours avec le groupe. Tu n'auras qu'à venir demain... Si tu veux, bien sûr.
— J'en serai ravi, avait-il approuvé avec son sourire qui remontait jusqu'aux oreilles. Tu le prendras mal si je te dis que tu vas me manquer ?
— Si tu es sage, je baisserai mes protections anti-transplanage pour que tu me rejoignes cette nuit, avait-il dit sur un ton aguicheur.
Harry avait éclaté de rire.
— Tu as de la chance que je doive partir, sinon je t'aurais montré à quel point je ne suis pas sage ! Reste te prélasser dans mon lit autant que tu voudras, ton altesse. À très vite.
Il l'avait vraiment embrassé ensuite, l'envahissant brutalement de sa langue enflammée. Et Drago avait adoré, bien qu'il ne lui aurait jamais avoué. Puis il avait quitté la chambre dans un grognement frustré. Le musicien ne s'était levé qu'une heure plus tard, transplanant chez lui pour se préparer, récupérer sa vibrenote et rejoindre ses amis au Repère, où ils avaient passé la journée à essayer quelques nouveaux morceaux composés par Théo.
— Je suis avec Harry, avait tout à coup déclaré Drago alors qu'ils rangeaient leurs instruments.
Ils l'avaient tous regardé, incertains. Ils n'étaient pas sûrs de savoir ce que racontait le blond, s'il était sérieux ou plaisantait. Le silence avait duré plusieurs secondes. Puis, Blaise lui avait donné une bonne tape dans le dos, agrémentée d'un « félicitations, mec », ce qui avait débloqué la situation.
— Je me disais aussi que tu avais mieux joué aujourd'hui, l'avait taquiné Pansy.
— Tu sous-entends que je suis mauvais d'habitude ? avait grogné Drago. Je suis extrêmement talentueux.
— Je n'en doute pas ! Tu as raflé le meilleur parti du pays en quelques jours à peine. Je n'imaginais pas toute l'étendue de tes talents, avait-elle continuée d'un ton suggestif.
— Hey ! C'est moi le plus beau parti du pays, avait rétorqué Blaise tandis que tous avaient ri.
— Vous trouvez ça un peu rapide ? avait demandé Drago, hésitant.
— Chaque histoire est différente, avait expliqué Théo. Parfois, il faut des mois, voire des années, pour la construire. Parfois, quelques jours suffisent. Et puis, vous vous connaissez depuis presque quatorze ans, maintenant. C'est tout sauf rapide, de ce point de vue là.
— Alors ça ne vous dérangera pas que je l'ai invité à notre répèt', demain.
Et effectivement, ils n'en avaient pas été dérangés. Ce fut ainsi qu'Harry, après l'avoir rejoint très tard dans son lit et serré contre lui jusqu'à s'endormir (Drago n'avait pas cherché plus car l'Auror semblait avoir bien arrosé son anniversaire), l'avait accompagné dans leur lieu de répétition au cours de la matinée du lendemain, ayant des difficultés à sortir des brumes du sommeil et des restes d'alcool malgré les trois cafés qu'il avait avalés.
***
Ils pénétrèrent dans le Repère par le réseau de cheminée et remarquèrent aussitôt qu'ils étaient les derniers arrivés. Drago se tenait sur ses gardes, un peu crispé, s'attendant presque à subir remarques et moqueries. Il n'était pas encore très à l'aise avec la notion d'être officiellement avec quelqu'un depuis Astoria. Encore moins que ce soit Harry. Il avait été son total opposé durant toute leur enfance, son rival et son ennemi. Il avait fait la paix avec tout ça à présent, mais il ne réalisait tout simplement pas. Et il préférait ne pas trop y réfléchir, de crainte d'angoisser sur le sujet. Drago n'avait jamais été le plus courageux. Bien au contraire.
Une main caressa le bas de son dos et s'y installa tandis que Harry venait se positionner près de lui. Il y avait quelque chose de rassurant dans ce geste, mais il se contenta de hausser un sourcil interrogateur à son compagnon. Il remarqua que l'Auror n'en menait pas large. La situation était aussi inédite pour lui et il était probablement anxieux lui aussi. Mais il restait un Gryffondor dans le fond, courageux et aimant relever les défis. Drago ne l'avait jamais vu céder à la peur, pas même le jour où il avait été amené au manoir et que son avenir, sa vie, reposait entre les mains du vibrenotiste. Ou du moins, à ses mots. Le musicien avait fait de nombreuses erreurs par peur, avait commis des actes plus que répréhensibles sous le coup de la terreur, regrettait bon nombre d'évènements qui n'auraient pas eu lieu s'il ne s'était pas soumis à des monstres. Mais il s'accrochait à ce qu'il avait réussi, même les plus infimes victoires, comme ne pas avoir vendu Harry au Seigneur des Ténèbres.
Finalement, ses rébellions lui avaient apporté ce qu'il avait de plus précieux dans sa vie actuellement : un fils qu'il aimait plus que tout, des amis auxquels il se sentait lié pour toujours et maintenant un homme qu'il voulait garder avec lui à jamais. Bien sûr, il ne comptait pas le lui avouer. Tout se passait tellement vite, même pour lui. Mais il était si bien en sa compagnie, presque désinhibé. Il ne serait laissé aller dans l'intimité comme il l'avait fait avec personne d'autre. Il en était certain, même si la gêne était encore présente entre eux par moment. Surtout pour lui, semblait-il. Il lui fallait toujours un temps avant de s'ouvrir complètement, d'accorder aux autres l'accès à ses faiblesses. Il avait changé, mais il restait en partie le fruit de son éducation.
Inspirant profondément, sous le regard amusé et pétillant de Harry – qui se détendit après seulement quelques secondes – ainsi que sa main protectrice dans son dos, il avança vers ses amis après lui avoir refilé un petit coup de coude, vexé qu'il semble percer à jour son stress.
— Je n'ai pas besoin qu'on me couve, grommela Drago.
Harry ne se départit pas de son sourire, que le vibrenotiste trouvait toujours aussi niais qu'attachant.
— Je m'assure juste de pouvoir te pousser devant moi et me servir de toi comme bouclier face à tes amis, plaisanta Harry.
— Ce n'est pas d'eux dont tu devrais te méfier, menaça Drago avant d'arriver à leur hauteur.
Il s'écarta pour poser Luxmea sur un coussin, comme elle appréciait stagner au Repère quand il ne l'utilisait pas. Les quatre anciens serpentards fixèrent l'Auror d'un regard curieux, chacun préparant son instrument. Ce dernier leur adressa un grand sourire et s'installa dans l'un des fauteuils, comme s'il avait l'habitude de venir et que leur présence ne le gênait pas le moins du monde. Drago secoua la tête en levant les yeux au ciel devant cette comédie, mais ne dit rien.
— Salut vous tous, déclara Harry avec un geste de la tête pour accompagner ses civilités.
Ils répondirent dans une harmonie discordante, plus amusés que le vibrenotiste ne s'y attendait.
— Alors c'est ici que vous vous entraînez ? C'est plutôt grand. J'aime beaucoup.
— On dit « répéter », pas entraîner. Nous ne sommes pas au quidditch, le taquina Drago, ne pouvant se retenir de le titiller.
Il se positionna près de Harry.
— C'est une bâtisse qui est dans ma famille depuis des générations, expliqua tranquillement Greg. Le son est mortel ici. Je me suis dit que ce serait bien d'en profiter plutôt que la laisser à l'abandon.
— Et ça fait des années que je lui dis qu'il pourrait la transformer en salle de concert, intervint Blaise en approchant de leur invité. Nous pourrions très bien répéter (il prononça le mot en regardant Drago d'un air moqueur) ailleurs. Tu n'es pas de mon avis, Harry ?
— Ne le mêle pas à tes magouilles pour convaincre Greg, intervint le vibrenotiste. Tu sais qu'il ne veut pas.
— Je suis d'accord avec Blaise, dit Pansy. Emmerdons le passé.
— Greg n'est pas toi, répliqua Drago un peu plus durement qu'il ne l'aurait voulu. Il affronte son passé à sa façon.
L'Auror suivait l'échange, un peu perdu, et le blond lui fut reconnaissant de ne pas avoir pris parti. Pansy remarqua le coup d'œil qu'avait adressé Drago à son nouveau petit ami et ne manqua pas l'occasion de le chambrer.
— Tu ne voudrais pas que je te présente Sullivan Fawley, Harry ? lui demanda alors la jeune femme. C'est un adorable Poufsouffle avec de jolies faussettes, histoire de remplacer le connard qui te sert de petit copain.
Drago grogna et leva les poings, majeurs en l'air, en direction de Pansy. Cette dernière lui tira la langue avec un regard assassin. Harry parut un peu surpris, autant par la vulgarité soudaine du vibrenotiste que par la virulence de la joueuse d'echolumen. C'était habituel pour eux et ils ne s'en portaient pas rigueur une seule seconde. Ils se permettaient toutes sortes de libertés entre eux. Le blond, lui, fut amusé de voir à quel point l'Auror était lisible. Comment faisait-il pour infiltrer des mages noirs – comme il le lui avait raconté – avec un visage aussi expressif ?
— Je comprends ton envie de te débarrasser de Fawley, Pansy, glissa Théo, mais il est tout sauf adorable...
— Je ne comptais pas remplacer Drago de toute façon, annonça Harry en riant. C'est mon connard à moi maintenant.
— Je ne te remercie pas, Pansy, grommela le blond, vexé que son copain reprenne le surnom.
— Mon plaisir est de te gâcher le tien, répondit-elle avec un large sourire moqueur.
Drago sentit qu'on l'attrapait par le bras et tirait. Surpris, il perdit l'équilibre et atterrit sur les genoux de Harry, qui lui entoura la taille de ses bras. Le vibrenotiste ne fit même pas attention à la réaction de ses amis, ne remarquant que la chaleur du corps de l'Auror, son parfum de cannelle et de pomme, et ses yeux verts derrière ses lunettes hyper sexy, qui le fixaient de manière intense. Drago baissa les yeux sur la bouche du brun et ne put que se mordiller la lèvre d'envie. Il était toujours affamé quand il était avec lui et se demanda si ce serait toujours ainsi ou si c'était la passion du début. Il n'avait pas vraiment d'expérience sur le sujet. Sa seule relation durable avait été plus amicale qu'amoureuse.
— Pourquoi j'ai l'impression qu'ils pourraient baiser devant nous dans la seconde ? se moqua Pansy, le ramenant à la réalité.
— Beurk, pitié, non ! Je ne vais pas pouvoir retirer cette image de ma tête, Pans' ! s'exclama Blaise.
— Bah il y a pire quand même. Ils sont plutôt beaux tous les deux, se défendit-elle.
— Drago est comme un frère pour moi, répliqua le chanteur. C'est vomitif.
Greg se contenta de grimacer.
— Oui et Drago est présent, donc inutile de parler comme s'il n'était pas là, grogna ce dernier en essayant de se relever.
Harry le retint avant de poser une main sur la mâchoire du blond pour tourner son visage vers lui et l'embrasser. Drago entendit vaguement quelques protestations avant de se laisser aller contre ses lèvres. Leurs langues se trouvèrent rapidement et se mêlèrent, dansant ensemble, sensuelles et impudiques, avant qu'ils ne se séparent en réalisant de nouveau qu'ils n'étaient pas seuls. L'échange avait été intense et laissa le vibrenotiste un peu sonné pendant quelques secondes. Harry aussi, probablement, parce qu'il ne dit rien.
— Vraiment, il y a des chambres pour ça, râla Blaise. Et si on travaillait ? Nous sommes là pour ça.
Drago parvint finalement à se relever et se dirigea vers Luxmea, qu'il prit avec délicatesse. Il lui prodigua quelques caresses et lui murmura autant de mots tendres, à voix basse.
— Tu sais ce qui serait mieux qu'ici comme salle de concert pour vous produire, Blaise ? demanda Harry pendant que tous se positionnaient.
— Un truc moldu, je suppose, répondit le chanteur.
— Non, Poudlard, déclara l'Auror. Vous atteindriez toute la jeunesse sorcière du Royaume-Uni, encore plus qu'à l'heure actuelle, et le château a certainement ce qu'il faut pour que le son soit parfait. À moins que vous ayez déjà joué là-bas ?
Ils s'entre-regardèrent avant que Théo prenne la parole pour eux tous.
— Nous y avons songé une fois, mais nous avons relevé trop de problèmes pour que ce soit faisable.
— Des problèmes de quelle nature ?
— Nous sommes tous des enfants de mangemorts, voire d'anciens mangemorts. Cela pourrait provoquer la colère d'une bonne partie des parents d'élèves. Sans compter que la directrice était Gryffondor et que nous sommes tous Serpentards. On sait l'inimitié qui existe entre ces deux maisons. Elle ne nous écouterait même pas.
— McGonagall est quelqu'un d'ouvert et plutôt impartial, les assura Harry. Et si ça ne vous dérange pas que j'interfère, je peux vous servir d'intermédiaire.
— Ton nom pourrait aussi rassurer les parents récalcitrants, s'enthousiasma Gregory.
— Je ne sais pas... Je n'aime pas l'idée qu'on se serve de Harry, intervint Drago. Et nous avons un autre projet en cours.
— C'est du long terme, rétorqua Blaise. Et nous commençons tout juste.
— Ça ne me dérange pas d'utiliser mon nom dans ce cas-là. J'aime ce que vous faites et je crois que ça pourrait apporter de bonnes choses.
— Tu vois ? Potter veut nous soutenir, le nargua Pansy. Arrête de faire ton rabat-joie.
Drago arracha une baguette des mains de Greg et la lui balança en pleine figure. Elle esquiva de justesse et lui adressa un doigt d'honneur bien senti.
— Hey ! souffla le joueur de percuféroce en se levant pour récupérer la baguette qu'il lui manquait pour jouer de son instrument.
— Alors vous en dites quoi ? Un petit concert à Poudlard... disons pour Halloween, ça vous tenterait ? demanda Harry. Évidemment, je n'insisterai pas si l'un de vous n'est pas d'accord.
Il ajouta ses derniers mots en regardant Drago, comme si son avis comptait bien plus que celui des autres. Le blond en fut touché, tandis que ses amis s'enthousiasmaient sur ce nouveau projet. Tous avaient l'air presque euphoriques et le vibrenotiste devait avouer que l'idée lui plaisait aussi. Harry ne paraissait pas se forcer et c'était surtout ça qu'il redoutait. Mais après tout, ces derniers jours avec lui lui avaient prouvé que c'était dans sa nature d'agir ainsi. Il ne pouvait s'empêcher de tout bouleverser, mais toujours pour le mieux. Drago souffla et acquiesça d'un signe de tête.
— Va pour Poudlard.