
Chapter 13
Musique d’inspiration : la B.O. de Gladiator et la « Ballade in C minor Coronation ».
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- Drago, changement de plan. J’ai reporté la réunion à demain soir, même heure. Remus vient de me contacter. Il se trouve à l’ouest, à la limite du domaine de chasse d’Azande. Il a découvert les restes de trois rhinocéros décornés et à quelques kilomètres de là, une harde de cinq éléphants a été décimée. Drago, les rhinocéros ont semble-t-il été tués avec des grenades et Remus pense que les éléphants ont été abattus du ciel…
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Depuis ce violent orage, il y a trois semaines, l’atmosphère a sensiblement changé dans le parc, à l’image de cette nappe de brouillard, dense et étouffante, qui s’étend à présent chaque matin au-dessus de la savane. Chaque homme se fait plus silencieux, plus concentré et grave.
Assis en tailleur sur le lit, faisant semblant de lire ses mails sur l’ordinateur, Harry observe Drago se préparer pour une nouvelle journée de travail. Le responsable de la lutte anti-braconnage ajuste son gilet par balle sur les côtés. Il empoigne ensuite son casque militaire et se dirige soudain vers le journaliste, les sourcils froncés par la mauvaise humeur. Se croyant pris sur le fait, Harry redresse son dos d’un coup sec, son expression ahurie lui donnant un air comique. En réalité, Drago ne le regarde pas vraiment.
- Bon sang, j’aimerais bien voir Granger porter tout ça et monter Kimya en même temps. Elle ne m’obligerait plus à m’habiller comme un cloporte, grommelle Drago en plaçant le casque sur sa tête d’un geste brusque.
- C’est pour ta sécurité, rappelle le journaliste en souriant avec compassion.
- Par pitié, Harry… Arrête les banalités ou je te fais bouffer ce casque !
- Elle a raison et tu le sais. Moi aussi, je préfère te savoir dehors avec tout ça sur le dos, même si j’entends que ça doit être encore plus inconfortable pour toi. Allez, calme-toi et embrasse-moi plutôt…
Drago se détend légèrement et l’esquisse d’un sourire se dessine sur son visage. Le jeune homme déplace l’ordinateur qui les sépare et plante un rapide baisé sur les lèvres de Harry.
- C’est tout ? interroge le journaliste, une lueur de malice pétillant dans ses yeux.
Les deux hommes se défient silencieusement pendant quelques secondes, leurs sourires respectifs trahissant leurs réels sentiments.
- Toi alors…
Drago pose des mains autoritaires sur les épaules du journaliste qui se plie sous leur pression. Harry s’allonge sur le lit, tandis que Drago s’étale intentionnellement de tout son poids sur lui, l’écrasant de son gilet par balle et de ses multiples armes cachées dans les poches de son pantalon.
Harry grimace, mais ne perd pas sa bonne humeur. Drago prend son visage en coupe avant de l’embrasser longuement et profondément. Haletant, leurs lèvres finissent par se séparer.
- Tu sais maintenant ce que Kimya et moi endurons avec tout ce matos entre nous.
- C’est effectivement très agréable…
- Oh, la ferme, Potter !
L’instant d’après, le visage de Drago s’assombrit. Une ride de lion se creuse à nouveau entre ses sourcils. Ses lèvres se pincent durement et son regard se perd au lointain. Un étau invisible semble l’enserrer depuis trois semaines et Harry ne peut s’empêcher de ressentir que Drago essaye de mettre de la distance entre eux.
Le journaliste soupire inconsciemment, tandis que le responsable de la lutte anti-braconnage se détourne de lui pour récupérer son sac à dos. Le jeune homme en vérifie rapidement le contenu : armes supplémentaires, munitions, trousse de premiers secours, nourriture, eau, fusée de détresse, talkie walkie, portable.
Maya, qui était allongée à côté du journaliste, s’approche, renifle son sac puis tourne la tête en se léchant le museau. Le guépard vient demander une caresse à Harry avant de suivre son maître qui se presse au-dehors.
- Sois prudent, articule le journaliste comme on articule une prière.
- Comme toujours. Toi, sois prudent.
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Cet après-midi, le ciel se libère enfin de sa nappe de brouillard habituelle. Le journaliste a délaissé son ordinateur pour repartir sur le terrain. Il souhaite se changer les idées et mettre en avant d’autres animaux du parc.
A plat ventre, Harry retient son souffle tandis qu’il prend son meilleur cliché d’un groupe de babouins en train de s’épouiller au soleil. La transpiration roule sur ses tempes mais le journaliste ne se laisse pas déconcentrer. Il attrape maintenant sa caméra, précise le cadrage et commence à filmer.
Au bout de quelques minutes, le babouin le plus corpulent du groupe oriente subtilement un regard en biais dans sa direction. L’instant d’après, l’animal baille longuement, dévoilant une dentition intimidante.
- Allez, partons, chuchote Issa. Nous sommes beaucoup trop près. Ils vont finir par se mettre en colère et crois-moi, tu ne voudrais pas être présent le moment venu.
- D’accord, fichons le camp.
Harry et Issa rejoignent la jeep en rampant lentement, la tête basse, sans quitter le groupe de babouins du coin de l’œil. Ils se mettent en sécurité dans l’habitacle et exhalent de soulagement.
Le journaliste examine rapidement ses photos tandis que le guide s’offre une pause bien méritée, bras croisés, les yeux fermés sous son chapeau. Le talkie walkie du journaliste crépite.
- Tu es là, Harry ?
- Salut, Remus. Tout va bien ?
- Oui, très bien. Hermione m’a dit que tu cherchais des girafes du Kordofan. Je ne suis pas un spécialiste, mais je pense en avoir vu passer deux à l’instant.
- Vraiment ?! Hermione n’en n’a pas vu depuis des mois ! Envoie-moi tes coordonnées GPS que je puisse te retrouver.
- Entendu. Je suis tout au sud, à la limite du domaine de chasse de Gangala-Na-Bodio. Je t’envoie les coordonnées, mais je te garantis pas que j’y serai encore. Sirius ne tient pas en place. Il y a beaucoup de passages par ici.
- Merci Remus. On se met tout de suite en route. Peut-être à tout à l’heure alors.
Issa redresse son chapeau, s’étire un instant, avant de se racler la gorge.
- Si on va là-bas, il vaut mieux mettre nos gilets et nos casques, raisonne le guide en sortant son arme de la poche de sa veste kaki.
Harry ne discute pas et s’exécute aussitôt en attrapant leurs affaires qui se trouvent sur les sièges à l’arrière du véhicule. Il fait le partage avec le guide, puis enfile son gilet par balles. Son esprit s’égare quelques secondes en direction du responsable de la lutte anti-braconnage, tandis qu’il ajuste la lanière de son casque autour de sa tête.
- Ton arme est chargée ? demande Issa.
- Oui.
- Parfait. Allons-y.
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Vingt minutes plus tard, les deux hommes quittent la route principale pour un chemin de terre plus étroit qui s’enfonce dans la végétation. Ils ne sont plus qu’à quelques minutes du point GPS donné par Remus.
Les deux hommes sont maintenant silencieux et alertes. Leurs yeux balayent l’espace avec une certaine frénésie, sans le moindre résultat pour l’instant. Harry est soudainement frappé par l’absence apparente de vie animale qui règne dans cette région du parc, malgré une végétation particulièrement dense. Pas un chant d’oiseau, pas de craquement de branche sous la patte d’un gros mammifère.
Ses entrailles se resserrent instinctivement, en proie à un mauvais pressentiment.
- Je n’aime pas ça, confie le journaliste à voix basse. Tout est si calme depuis un moment.
- J’ai remarqué. On ferait peut-être bien d’être plus discret et d’arrêter la jeep maintenant (Harry approuve d’un hochement de tête). Je vais aussi demander un survol de la zone en hélicoptère, au cas où.
Issa gare le véhicule en avançant le capot sous les branches d’un arbre pour le rendre moins visible. Tandis que le guide donne ses instructions au pilote de l’hélicoptère, Harry sent son portable vibrer contre sa jambe, dans la poche latérale de son pantalon.
Le message de Remus qui s’affiche sur l’écran le laisse une fraction de seconde dans un état de sidération. Il s’adresse principalement à Harry, Hermione et Drago :
« Ai éteint talkie. 3 éléphants mâles. 6 braconniers à pied en approche. Equipement militaire. Moyen de déplacement pour retour ? Coordonnées GPS : latitude 4.1757782500000005, longitude : 29.511969279909344. Vont vers le Sud. Suis à moins d’1km d’eux au Nord-Ouest. »
Le journaliste et le guide échangent un regard qui les dispense de mot pour comprendre que l’autre sait déjà.
- L’hélicoptère est déjà en route, se contente de préciser Issa en allumant le moteur. Mais nous y serons avant lui…
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Quelques minutes plus tôt…
- Serre peut-être un cran de plus ? suggère Hermione à Drago qui est en train d’ajuster une épaisse lanière en cuir autour du cou de Kimya.
Le responsable de la lutte anti-braconnage jette un regard noir à Hermione, avant de se plier à son idée. Kimya le laisse faire, mâchant tranquillement quelques feuilles d’acacia. La matriarche se tient à quelques mètres de Yamé et de sa petite Elikia qui dort, allongée de tout son long dans l’ombre de sa mère.
- Tu vas m’achever, marmonne Drago, les joues d’une teinte écarlate. Comme si le gilet par balle n’était pas déjà de trop pour être inconfortable. Il faut en plus qu’on rajoute un collier émetteur à Kimya. La caméra qu’elle porte permet déjà de la localiser.
- Elle s’est déjà décrochée par accident, lui rappelle Hermione. Un collier GPS est beaucoup plus fiable. On aurait dû le faire depuis bien longtemps.
- Avec Kimya, rien n’est plus simple. Mais ce sera une autre histoire pour les autres. Endormir un éléphant pour lui mettre un collier émetteur n’est jamais sans risque, prévient Drago, la mine sombre.
- Je sais, soupire Hermione. Mais les autres parcs s’en sortent mieux depuis qu’ils utilisent ce dispositif. Et La Garamba est tellement étendue qu’on ne pourra jamais être partout à la fois pour surveiller les espèces menacées. Priorisons le traçage pour les principales hardes d’éléphants, surtout celles qui se trouvent dans les zones les plus braconnées du territoire.
- De toute façon, nous n’avons plus le choix, reconnaît Drago, son regard se perdant à l’horizon. C’est un risque que nous devons prendre. Tant qu’on n’en est pas réduit à scier nous-mêmes les défenses des éléphants pour les protéger…, grogne-t-il pour lui-même.
Leurs portables respectifs se mettent à vibrer au même moment. Le message de Remus s’affiche. Sitôt lu, Hermione contacte Wamba, le pilote de l’hélicoptère de surveillance et une équipe de six gardes est choisie pour se rendre sur les lieux. Pendant ce temps, Drago informe la police…
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Issa envoie les coordonnées GPS dans l’ordinateur de bord de la jeep qui indique un trajet de 3 km à vol d’oiseau. Il rallume aussitôt le moteur et relance le véhicule, toujours en direction du sud. Le journaliste déglutit plusieurs fois. Il sort son pistolet de son sac à dos et baisse totalement la vitre de son côté. Le guide lui jette un rapide coup d’œil.
- Ne fais rien de stupide. Là, c’est vraiment sérieux.
- Je sais. Mais qu’est-ce qu’on va faire ?
- S’ils sont à pied, ça signifie probablement qu’une septième personne les attend avec un véhicule. Si on trouve le véhicule, on vise les roues pour les empêcher de fuir facilement. Mais la priorité, c’est de permettre aux éléphants de s’échapper. On va donc arriver par l’Ouest, entre les éléphants et les braconniers. En attendant, préviens Remus, Hermione et Drago qu’on sera là-bas dans quelques minutes…
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Le visage de Drago se décompose en lisant le SMS du journaliste. Il attrape son talkie walkie, les lèvres entrouvertes, les narines dilatées, tel un dragon prêt à cracher une langue de feu.
- Tu as perdu l’esprit, Potter ?! hurle le responsable de la lutte anti-braconnage. N’y va pas ! Vous allez vous faire tuer !
- Calme-moi, Drago…
- A six contre deux ? ! A supposer qu’ils ne sont vraiment que six ! Attends au moins le renfort au sol !
Un silence interminable s’étire avant que le responsable de la lutte anti-braconnage n’obtienne une réponse.
- Je dois te laisser ! On entend des coups de feu !
N’y va pas, Harry ! Je te le demande ! Harry ! Harry !
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- Fonce ! s’écrie le journaliste tout en se cramponnant à la poignée de la portière.
- C’est ce que je fais !
Le guide serre les dents et accélère autant qu’il le peut. Le véhicule slalome entre les arbres, les buissons et d’immenses mottes d’herbes. A deux reprises, il évite de justesse de s’enfoncer dans une zone marécageuse.
Issa bifurque vers l’Ouest et accélère encore lorsqu’ils entendent ce qui semble être un échange de tirs. Le GPS indique qu’ils ne sont plus qu’à quelques mètres de leur destination. Le guide donne un violent coup de volant et se dirige à nouveau droit vers leur destination finale. La végétation commence à s’espacer et la visibilité à distance se fait meilleure.
Des barrissements furieux se font entendre, encore des coups de feu qui semblent venir de différentes directions et puis le hurlement de douleur d’un chien.
- C’est Sirius ! éructe le journaliste, les yeux écarquillés.
Le véhicule déboule enfin dans une grande plaine d’herbes hautes. A quelques mètres sur leur gauche, deux énormes éléphants aux longues défenses qui s’enfuient en galopant vers le Sud, en face d’eux, un troisième éléphant inerte au sol, gisant dans une marre de sang, tandis que deux braconniers sont déjà en train de tronçonner ses défenses, et sur leur droite, quatre hommes munis d’armes automatiques qui cessent de tirer vers le Nord lorsqu’ils voient la jeep approcher.
Leurs armes se tournent immédiatement vers Harry et Issa.
- Couche-toi ! s’écrie Issa en écrasant la tête d’Harry de sa main puissante. Plusieurs rafales de tirs atteignent le pare-brise dans un bruit assourdissant. Des éclats de verres leur tombent dessus, tandis que le guide fait marche-arrière et qu’il recule la jeep de plusieurs mètres derrière de grands buissons.
En éteignant le moteur de la jeep, ils réalisent qu’un autre véhicule est en approche. Les deux hommes échangent un regard appuyé avant de quitter l’habitacle, les pupilles dilatées par l’adrénaline.
Le bruit de moteur se rapproche. Le journaliste et le guide rampent aussi vite que possible vers la droite, à l’abri de la végétation. Quelques tirs continuent à fuser au-dessus de leur tête. Issa fait signe au journaliste de s’arrêter là. Il approche prudemment son visage d’un buisson et observe par-delà la végétation.
- Un camion en approche. Ces pourris ont déjà scié une défense. Tu vises les deux qui s’occupent de l’ivoire, puis tu te charges des roues du camion. Je neutralise les autres. Tu es prêt ?
Le journaliste hoche la tête et se positionne à côté d’Issa. Il choisit un bon angle de vue, puis se frotte la main droite contre son pantalon afin d’enlever la sueur de sa paume et de ses doigts. Il enserre ensuite fortement son pistolet, l’index sur la détente, et stabilise sa main droite de sa main gauche.
Harry essaye de ne pas paniquer en voyant deux braconniers se précipiter soudainement vers l’Est et disparaître dans la végétation.
- Vite, Harry…
Les deux hommes retiennent leur respiration et tirent.
Issa touche un premier braconnier, son cou explosant telle une citrouille. Un cri de douleur s’échappe de sa gorge, avant qu’il ne s’effondre face contre terre.
Au même moment, Harry touche l’épaule du braconnier qui est en train de tronçonner la deuxième défense.
Une rafale de balles s’abat alors dans la direction du guide et du journaliste. Ces derniers s’aplatissent au sol et protègent instinctivement leurs têtes.
- Il faut bouger ! s’écrie Issa.
Un sifflement, suivi d’un bruit d’éraflement se produit à côté du journaliste. Le visage d’Issa s’est déformé en une grimace de douleur, tandis que son bras est en sang. Harry hoquète de stupeur.
Malgré la nausée qui monte en lui en sentant une odeur métallique envahir ses narines, le journaliste entraîne Issa sur le côté en le tirant par son gilet par balles. Les deux hommes rampent encore sur plusieurs mètres, s’éloignant un peu plus de leur véhicule, jusqu’à qu’ils ne soient plus dans le champ de tirs des braconniers.
Des jappements plaintifs, des râles humains, des voix agitées, se mêlent à présent aux bruits de moteur, de freins grinçants et de tirs nerveux. Issa jette un œil autour de lui, puis enveloppe fermement sa plaie d’une main, avant d’évaluer la situation.
Malheureusement, lorsque le guide tourne son regard vers le Sud, le camion se trouve déjà entre eux, permettant aux braconniers d’être à l’abri des balles et de charger leur butin, sans être inquiétés.
Harry s’empresse de viser les roues du camion et tire à plusieurs reprises. La riposte est comme toujours impitoyable et précise. Un braconnier contourne le véhicule et canarde sans discontinuer dans leur direction.
- Attention ! s’écrie Issa en voyant un buisson bouger au loin sur leur droite.
Les deux hommes ont juste le temps de se mettre à l’abri derrière un regroupement d’acacias avant qu’une nouvelle pluie de balles ne s’abat dans leur direction. Harry entend et sent plusieurs balles filer juste au-dessus de sa tête.
- On bat en retraite ! décide Issa en rampant en marche-arrière.
Harry recule tout en tirant aveuglément devant lui. Issa finit par lâcher son bras, recharge son arme et imite le journaliste.
Les échanges de tirs sont interminables et désespérés. Harry manque d’air. Ses muscles, douloureux, frôlent la crampe. Son cœur semble prêt à défaillir à chaque seconde un peu plus. Il ne lui reste que quelques minutions.
Ses pensées se tournent vers Drago. Son visage illuminé d’un large sourire se matérialise une fraction de seconde, au côté de la belle Kimya. Harry voudrait le serrer dans ses bras, sentir sa peau, embrasser ses lèvres écaillées par le soleil, se laisser bercer par sa voix, se perdre dans son regard, une dernière fois.
La gorge du journaliste se serre tandis qu’il pressent sa dernière heure arrivée…