
Chapter 14
Salut à tous !
Musique d'inspiration pour la fin du chapitre : "Vision of Gideon" de Sufjan Stevens.
Je ne suis pas bavarde pour cette fois-ci.
Bonne lecture et à la prochaine...
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La gorge du journaliste se serre tandis qu’il pressent sa dernière heure arrivée…
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Deux minutes plus tôt…
Tandis que les armes des braconniers se tournent dans une autre direction, Remus comprend qu’il n’est plus tout seul. Lui qui d’habitude n’intervient jamais, cette fois-ci, muni de son arme, Remus avait estimé qu’il ne pouvait pas se contenter d’être spectateur du massacre. Il s’était cru en relative sécurité, caché par la végétation dense. Cependant, une balle perdue avait transpercée l’arrière-train de Sirius.
Le visage déformé par l’inquiétude et le remord, Remus applique une compresse sur la plaie saignante de son chien. Le canidé jappe de douleur et gesticule frénétiquement.
- Pas bouger, Sirius. Pas Bouger, ordonne son maître à voix basse.
Sirius essaye de se remettre sur ses pattes, mais rien n’y fait. A chaque tentative, il s’effondre lamentablement.
- Ne bouge pas, insiste Remus.
Sirius finit par abdiquer. Il s’allonge sur le sol, la respiration erratique.
- C’est bien, Sirius, murmure son maître d’une voix tremblante, le récompensant d’une caresse appuyée sur la tête.
L’homme se presse de réaliser un bandage autour de la plaie de son animal.
Des échanges de tirs se font soudain entendre, à quelques mètres de sa position.
- Pas bouger, rappelle Remus en dissimulant son chien sous un tas de petites branches et de feuilles. Tu es un bon chien.
La gorge serrée, il ramasse son arme et s’éloigne de Sirius à pas de loup en direction de la zone de combat. Il n’y a pas de retour en arrière. Remus sait qu’il va tirer pour protéger ceux qui lui ont probablement sauvé la vie.
Lorsqu’il entrevoit la silhouette imposante d’un braconnier à travers la végétation, il n’hésite pas et appuie sur la détente, une seule fois. La balle traverse son épaule droite, Remus ayant repéré l’instant d’avant que le criminel tient son arme du côté droit. Le braconnier étouffe un cri de douleur et se jette à terre.
Les tirs s’arrêtent instantanément et laisse place à un silence électrique.
Accroupi, Remus retient sa respiration et ne bouge pas, ses oreilles à l’affût du moindre signe de vie. Son regard perçant balaye l’espace vert devant lui.
Des voix agitées dans une langue étrangère s’élèvent non loin de là. Les portes d’un véhicule claquent. Remus comprend que les braconniers sont sur le point de partir. Soudain, une rafale de balles s’abat dans sa direction, puis dans la direction opposée. Remus roule sur le côté et se blottit derrière le tronc d’un arbre.
Deux braconniers, dont l’un blessé à l’épaule, saisissent cette opportunité pour quitter leur position à toute vitesse, en direction du camion. Remus se redresse totalement, oubliant qu’il est maintenant à découvert, et s’apprête à tirer sur les jambes des deux braconniers lorsqu’il voit, plus loin, un homme descendre de l’arrière du camion et jeter dans l’air un petit objet de forme ovale.
- Grenade ! s’écrie une voix, tout près.
Remus n’a pas le temps de réagir. Un homme vient le tacler au sol et le recouvrir de son corps lorsque la grenade explose. La détonation est si violente que Remus n’entend plus qu’un sifflement sourd dans ses oreilles. Ses paupières sont recouvertes de terre, ses bras sont en sang. Lorsqu’il tente de les mouvoir, il devine de petites projections de bois enfoncées dans sa peau.
Abasourdi, Remus reste inerte sur le sol, tandis que les deux braconniers montent dans le camion. Le véhicule rugit férocement et s’élance vers la frontière Sud du parc, une roue cependant toujours à plat. Il laisse derrière eux le cadavre mutilé d’un éléphant, dépossédé de ses défenses.
Le corps au-dessus de Remus s’anime lentement et roule sur le côté dans un gémissement contrit. Remus se frotte le visage pour enlever la terre de ses paupières et prudemment, il ouvre les yeux, à la recherche de son sauveur.
Harry se trouve à côté de lui, ses cheveux noirs ébouriffés, le front, les bras et tout le côté gauche en sang.
- Harry…
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Tendus et silencieux, Drago et Hermione attendent des nouvelles. Le visage du jeune homme est livide.
Le talkie walkie de Hermione crépite avant que la voix de Remus ne se fasse entendre, étonnamment puissante.
- Un éléphant est mort. Les autres ont pu s’échapper. Les braconniers se sont enfuis et ont emporté les défenses. Harry et moi avons pris une grenade. Mes blessures sont légères mais Harry a surtout une plaie ouverte au front. Il saigne beaucoup. Il n’est pas inconscient, mais il n’est pas en état de me parler. Il reprend ses esprits, je crois. Issa vient de nous rejoindre. Il a pris une balle dans le bras. Elle n’a pas touché l’os d’après lui. Et Sirius a pris une balle dans l’arrière-train. Il n’arrive plus à se mettre sur ses pattes. Il faut nous aider rapidement.
Drago s’anime tout d’un coup et fait comprendre à Kimya qu’il va descendre de son dos. Hermione hausse les sourcils en l’observant agir avec une telle frénésie.
- Wamba devrait arriver dans un instant, répond la jeune femme.
- Comment ? ! Parle plus fort, je n’entends pas grand-chose depuis l’explosion !
- Wamba va arriver ! Il vous emmènera à l’hôpital de Kisangani si besoin. Suivant la blessure de Sirius, on pourra le soigner directement au complexe.
- C’est d’accord ! Je vous laisse. Issa me dit entendre l’hélicoptère.
Drago atterrit lourdement sur le sol, n’ayant pas attendu que Kimya soit pleinement penchée en avant. Il se précipite vers le véhicule de Hermione à quelques mètres de là.
- Où vas-tu ?! demande la jeune femme, décontenancée.
- Je retourne au complexe. Comme toi, j’imagine. Les gars, ouvrez l’œil ! Je reviens dès que possible, ajoute Drago à ses hommes qui se contentent d’un hochement de tête avant de détourner leur regard au loin, dans des directions opposées.
Hermione n’insiste pas et transmet les dernières nouvelles à Wamba, tout en se mettant en chemin pour rejoindre sa jeep.
- Presse-toi ! grogne Drago avec mauvaise humeur.
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Tandis que l’hélicoptère apparaît soudain dans les airs, accompagné d’un bruit assourdissant d’hélices en rotation, Issa quitte de la végétation et fait signe à Wamba de se poser.
- Mon appareil… marmonne Harry.
- Il revient à lui ! s’écrie Remus.
Ce dernier est en train d’appliquer une compresse sur le front du journaliste, essayant d’arrêter le saignement qui se fait là.
- Ma caméra, précise Harry. J’étais en train de filmer les braconniers quand ils ont lancé la grenade. Elle ne doit pas être loin. Je dirais par là, précise le jeune homme en pointant un index tremblant en direction d’un arbuste déchiqueté.
- Ne t’inquiète pas. Je vais la chercher.
Joignant l’acte à la parole, Issa se met à explorer le périmètre. Il avance prudemment, trainant les pieds pour ne pas risquer de marcher dessus, écartant chaque branche méticuleusement.
- Tu vois normalement ? demande Remus à Harry, qui peine encore à garder les yeux ouverts.
- Je dirais que oui, informe le journaliste en redressant prudemment son dos, la langue pincée entre ses lèvres.
- Et tu peux remuer chaque orteil et chaque doigt ?
Harry hoche la tête après avoir vérifié que son corps se soumet toujours à sa volonté. Il remarque néanmoins que tout son côté gauche est en sang, ayant des échardes de bois enfoncées dans l’épiderme. Le journaliste grimace de douleur en retirant l’une d’elle de sa cuisse.
- Ne t’inquiète pas. Il me semble que tes blessures ne sont que superficielles. Il faudra quand même s’assurer que tu n’aies pas de traumatisme crânien. En tout cas, je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait pour moi, ajoute Remus, tout en continuant à soigner le journaliste.
- On serait mort avant, sans ton intervention. Alors, on te doit aussi un grand merci, raisonne Harry avec un léger sourire qui flétrit aussitôt. Au fait, comment va Sirius ?
- Il est blessé, explique Remus, une ride de lion se dessinant instantanément entre ses sourcils. D’ailleurs, il va bientôt falloir que je retourne le chercher.
Harry pose immédiatement une main sur le poignet de Remus, l’œil plus vif.
- Vas-y maintenant. Ça va aller pour moi. Et Issa n’est pas loin…
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Arrivés au complexe, Hermione et Drago attendent silencieusement l’arrivée de l’hélicoptère. Tous les muscles du jeune homme sont tenaillés par une tension des jours les plus sombres. Son estomac, rempli d’acide gastrique, semble vouloir remonter dans sa gorge avec un peu plus de force à chaque instant. Son visage, étonnamment pâle, ruisselle d’une sueur saturée en cortisol et en adrénaline. Drago se tient droit, les bras fermement croisés sur le buste, ses mâchoires se serrant convulsivement toutes les minutes.
A côté de lui se tient Hermione, mal à l’aise. La jeune femme connaît suffisamment Drago pour savoir que quelque chose est en train de tourmenter son esprit. Tentant d’engager le dialogue, Hermione tourne la tête vers le jeune homme, cherchant à accrocher son regard. Rien n’y fait. Drago a les yeux rivés au loin dans le ciel.
- Drago…
- Ne dis rien, rembarre sèchement le jeune homme, devinant au ton de sa voix que la conversation allait être d’ordre personnel. Il n’y a rien à dire…
Cette ébauche de conversation est immédiatement balayée par le bruit caractéristique d’hélices fouettant l’air. L’hélicoptère noire apparaît soudain au-dessus des arbres et vient se poser à quelques mètres d’eux, soulevant feuilles mortes et poussière rouge dans l’air. Plissant les paupières et courbant le dos, Hermione et Drago s’approchent de l’hélicoptère au pas de course. La porte coulissante s’ouvre et Remus descend le premier. Il se retourne et en sort une civière avec l’aide de Harry, dont le front est enroulé d’un bandage gorgé de sang frais.
Sur la civière blanche, tâchée de sang, se trouve Sirius. Le canidé se montre docile, restant attentif aux paroles réconfortantes et rassurantes de son maître. Ses yeux, grand ouverts, restent fixés sur Remus, qui n’a également d’yeux que pour son chien.
En voyant Harry descendre de l’hélicoptère en tenant l’autre extrémité de la civière, le visage de Drago se décompose une fraction de seconde avant de prendre une teinte pivoine.
- Bordel, qu’est-ce que tu fais, Harry ?! Tu ne crois pas que tu en as assez fait pour aujourd’hui ?! éclate le responsable de la lutte anti-braconnage, sous le regard médusé de Remus.
- Je vais bien, répond Harry, l’air désolé.
- Ah vraiment ?! Et toi, Issa, descends un peu, que je puisse te mettre mon poing dans la figure ! Tu étais censé le protéger et non l’envoyer à la mort !
- Drago, intervient Hermione avec fermeté, ça suffit. Issa et Harry, on ne prend aucun risque. Vous allez à l’hôpital. Donne-moi la civière, Harry. Notre vétérinaire de garde est en route pour s’occuper de Sirius.
Portant l’animal avec l’aide de son maître, la jeune femme s’éloigne en direction du bâtiment de soin. Tandis que le journaliste remontre dans l’hélicoptère, Drago ne peut s’empêcher de le retenir par le bras. Les deux hommes se font face. Le responsable de la lutte anti-braconnage tente de formuler des mots, en vain. Un léger sourire adoucit les traits du journaliste.
- Ne t’inquiète pas, je vais vraiment bien maintenant. Je suis content de te voir là en tout cas. Très content.
Drago baisse la tête et recule d’un pas. Le sourire du journaliste disparaît, remplacé par un froncement de sourcils.
- Tant mieux, si tu vas bien alors. Je te dis à plus tard.
- D’accord… A plus tard, Drago.
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Le tonnerre commence à gronder et les premières gouttes de pluie à tomber du ciel lorsque le journaliste passe le seuil de la porte d’entrée. La pièce de vie est plongée dans la pénombre en cette fin de soirée. Le jeune homme allume la lampe au plafond et sursaute en découvrant Drago assis dans un coin de la pièce. Maya dort paisiblement sur le flanc, la tête posée sur les cuisses de son maître. Drago la caresse d’une main, mais toute son attention est focalisée sur Harry. L’expression de son visage est indéchiffrable.
Harry déglutit bruyamment. D’abord, immobile, le jeune homme finit par approcher et par s’asseoir à côté de Drago, non sans une grimace.
- Tu as mal ? demande Drago, doucement.
- Je suis un peu mâché, mais ça va. Apparemment, je n’ai pas de traumatisme crânien, mais ils préfèrent que je reste éveillé les prochaines heures pour s’en assurer. Je vais avoir une vilaine cicatrice au front. C’est tout.
Les deux hommes se regardent. Drago tend la main vers son visage et vient frôler de ses doigts le pansement qui recouvre les points de suture sur son front. Harry sourit et Drago soupire. Le journaliste approche son visage du sien et l’embrasse lentement, les lèvres légèrement entrouvertes. Puis, bien trop tôt, Drago tourne la tête de l’autre côté de la pièce. Décontenancé, inquiet, le journaliste retient son souffle.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- La police a retrouvé le camion à la frontière, mais il était vide. Il paraît que tu as pu les filmer. La police aura besoin de ton enregistrement pour pouvoir identifier ces hommes. On pense que ce sont des mercenaires, peut-être récidivistes. Il est possible qu’on les ait déjà arrêtés et fichés. Si c’est le cas, on pourra lancer des mandats d’arrêt.
- C’est une bonne nouvelle. Oui, je les ai filmés et ma caméra n’a pas été endommagée par l’explosion de la grenade. Tu vois, on a beaucoup de chance.
- Je regrette que tu aies pris de tels risques.
- Tu te rappelles que j’ai pris le même engagement que toi pour la sauvegarde des éléphants.
- Je n’aurais pas dû te parler d’engagement. En fait, je crois que je souhaite simplement que tu sois heureux et loin d’ici…
- Mais je suis heureux ici, à tes côtés…
Drago laisse flotter un long silence entre eux. Sa tête est toujours tournée à l’extrême opposé du journaliste, empêchant ce dernier de pouvoir décrypter les émotions qui sculptent son visage.
- Ce qui se passe entre nous s’arrête ce soir. Je ne veux pas avoir à choisir entre toi et Kimya. Et j’ai l’impression d’avoir fait ça cet après-midi. J’ai tout lâché pour toi, tout en sachant que j’étais totalement impuissant et inutile en étant aussi loin de toi. Je ne veux pas que ça se reproduise. Et c’est faux, je ne te rends pas heureux, parce qu’on a aucun avenir ensemble.
- S’il te plaît, Drago. Ne fais pas ça. Regarde-moi…
Cette fois-ci, c’est le journaliste qui tend le bras, mais Drago l’esquive et se redresse, poussant Maya sur le côté. Harry se lève aussi et attrape le jeune homme par les épaules. Il l’enlace alors fermement, bien que ce dernier, toujours de dos, tente de s’extraire de ses bras.
- Laisse-moi partir…
- Tu as peur, Drago. Tu crois que je n’ai pas peur pour toi quand tu pars chaque matin ?
- Je t’en prie. Ne rends pas la situation plus difficile qu’elle ne l’est déjà.
- Nalingi yo, Drago.
- Ne dis pas ça…
- Je te le dis, parce que c’est ce que je ressens… Et ça ne change rien à ce qu’on vit ensemble pour moi. Je ne te demande rien de plus que ce qu’on a en ce moment. Je suis heureux de vivre au jour le jour avec toi.
- Je suis désolé, Harry, mais je ne peux pas continuer comme ça. Et surtout avec la décision que je viens de prendre avec mes hommes. (Drago se retourne finalement, le regard empreint d’une immense tristesse. Le jeune homme ne peut s’empêcher de prendre le visage du journaliste entre ses mains.) Tu as peut-être remarqué, les environs du complexe commencent à manquer de nourriture pour Kimya et sa harde. Il va falloir qu’ils s’éloignent, mais je pense que Kimya s’y refuse parce qu’elle sait qu’on vit dans le complexe et qu’on est sa meilleure chance de protection.
- Vous allez suivre leur déplacement en permanence. C’est ça ? devine Harry, les yeux écarquillés d’inquiétude.
- Ce ne sera que pour quelques semaines, le temps de décourager les braconniers de s’attaquer à cette harde.
- Qu’en pense Hermione ?
- Je ne lui laisse pas vraiment le choix, mais je dirais qu’elle soutient ma décision. Nous aurons avec nous trois militaires de plus et nous allons recruter dans les prochains jours un médecin de terrain qui a l’habitude des blessures de guerre.
- Et c’est toi qui a peur pour moi ? ironise le journaliste dans une grimace.
- C’est bien pour toutes ces raisons qu’on doit séparer nos chemins…
Drago ferme les yeux et pose son front sur celui de Harry. Les deux hommes restent silencieux et immobiles pendant une longue minute. Leurs souffles s’entremêlent doucement avant que leurs lèvres ne se rencontrent avec la même évidence. Bien qu’aveugles, leurs pieds retrouvent sans la moindre hésitation le chemin de leur chambre à coucher. Leurs vêtements tombent un à un.
Ainsi, leurs mains et leurs corps s’entrelacent pour une dernière danse, au son chaotique de la pluie battante…