
Début de l'appocalypse
Harry,
Ça fait des semaines que je me voile la face. Je ne veux pas y croire. Mais je ne peux plus le cacher. Pendant une de ses rondes, Neville a trouvé les traces d'un obscurial naissant à Poudlard, dans la grande salle. Je l'ai vu, Luna et Ginny aussi. Ton commandant a fait une visite éclair dans le bureau de Mcgonagal et elle a l'air d'avoir vieillit de trente ans. Déjà qu'elle n'est pas jeune à la base. Je ne sais pas qui est l'hôte, mais il faut que la magie revienne sinon personne ne pourra arrêter cette chose. J'ai demandé à Hedwige d'être le plus rapide possible, mais je ne sais pas combien de temps il mettra à te retrouver. On a environ vingt-quatre heures avant que l'obscurial ait assez de consistance pour attaquer les sorciers.
Harry, qu'est ce que tu fous ? George est de plus en plus malade et 'Mione pleure vingt-trois heures sur vingt-quatre. Quelque-chose coince ici !
Harry, t'inquiètes, on va se battre. Je suis en train de rassembler les anciens membres de l'AD. On va chercher qui est l'hôte et ce qui lui est arrivé.
Harry, j'ai appris pour l'obscurial. Je vais m'arranger pour éloigner maman et papa de Poudlard, mais je vais peut-être devoir leur dire pourquoi. Je ne sais pas si tu recevra cette lettre à temps ni si tu pourra faire quelque chose, mais si jamais on ne se voit plus, je t'aime et je t'attends, même si c'est de l'autre côté.
Les mots tremblants d'Hermione, Ron, Neville et Ginny semblèrent tourner et s'emmêler dans l'esprit de Harry. Affalé dans son fauteuil, il laissa Andersen lui prendre la feuille et lire la lettre.
-Ah, fit-il.
Pendant que Summers et Koizumi lisaient à leur tour, il se mit à faire les cent pas.
-D'accord, c'est une urgence, dit-il. On n'a plus le temps de discuter. On doit trouver le moyen de faire revenir la magie, et fissa.
-Et... le coupable ? demanda Summers.
-Plus tard, répliqua l'autre.
Dans la panique qui lui faisait tourner la tête, Harry nota que ce n'était pas des mots souvent prononcés par un auror.
-On n'a pas de preuve contre lui, reprit Andersen.
-Et on ne sait pas combien de temps à mit Hedwige à revenir ! On ne peut rien faire d'ici, il faut qu'on rentre en Angleterre, peut-être que quelqu'un saura quoi faire !
-Quelques... heures, ânonna Harry.
Peut-être était-ce son esprit qui, sous le choc de la nouvelle, rendait ses pensées moins performantes, mais il n'avait entendu que la première remarque. Peut-être était-ce l'effet du petit mot de Ginny, à la fin de la lettre, qui ressemblait à un adieu triste et résigné, qui rendirent ses deux collègues attentifs à ses mots, comme on écoute un malade en phase terminale.
-Hedwige me retrouve toujours en quelques heures... Peu importe la distance. Donc on a environ vingt heures.
-D'accord, fit Andersen, mais ce n'est pas suffisant. On ne peut pas utiliser des balais et le trajet en avion prends plus de dix heures !
-Douze heures trente, précisa Summers, un éclat de panique dans le regard. Il faut essayer, on n'a pas d'autre choix !
Tout se mélangeait dans la tête de Harry au point de lui donner la migraine. Il reconnaissait les signes de la panique et il essaya de se souvenir des conseils de Luna. La jeune fille était toujours restée très calme face au danger et il avait fini par lui demander son secret.
« Le souffle, avait-elle dit avec un sourire distant, voilà le secret. Si tu penses à ton souffle, tu ne penses plus aux nargoles. »
Alors il se concentra sur son souffle et repoussa la nouvelle catastrophique. Pendant que ses collègues se disputaient et qu'Akako marmottait pour elle-même, les paumes sur les paupières, il plaqua les siennes contre ses tempes et prit le temps d'inspirer et d'expirer en comptant les secondes. Enfin, il sentit son cœur ralentir et le tremblement de ses membres s'apaiser. En ouvrant les yeux, il fit le tour de la pièce : Andersen, Summers, Koizumi, son majordome, et... Où était Kid ?
Le voleur s'était déplacé, discret comme une ombre. Il était maintenant accoudé sur le bord de la fenêtre, d'où on voyait la lune, et il jouait avec une carte, en la faisant glisser et reglisser entre ses doigts. Il n'avait pas l'air de vouloir participer à la conversation et se contentait de les observer.
« Il faut que la magie revienne », avait écrit Hermione.
« Il faut que la magie revienne. »
« Il faut que- »
Harry sentit ses pensées s'arrêter dans un crissement de pneus, parce que la magie était toujours là-
Il cligna des yeux. D'un coup, ça lui semblait évident. Focalisé sur Kid qui semblait apprécier l'attention, il marmonna à voix haute :
-La magie est toujours là, c'est notre accès à la magie qu'on a perdu...
Andersen eut l'air agacé.
-Potter, qu'est-ce que tu racontes ? Tu peux pas nous aider au lieu de dire des bêtises ?
-Non, il a raison, marmonna Koizumi en jouant avec une de ses bagues, son regard concentré sur un motif de son fauteuil. Ça pourrait être une explication... Il doit y avoir un blocage dans les flux d'énergie... Je dois vérifier !
Vive comme une loutre, elle bondit de son siège en en quelques enjambées, atteint la porte. Sa longue chevelure disparu derrière le chambranle et ils l'entendirent descendre quatre à quatre les marches vers sa crypte.
-Les flux d'énergie ? répéta Summers. C'est quoi ça ?
Andersen haussa les épaules.
-Sais pas. Peut-être un truc de magie rouge. En tout cas Potter, dit-il en se retournant vers lui, ça n'a aucun sens cette histoire d'accès bloqué. Regarde.
-Il sortit sa baguette et prononça :
-Lumos.
Sa baguette ne réagit pas.
-Tu vois ? Plus de magie.
-Je sais tout ça, grogna Harry.
-Alors quoi ? Tu as une autre idée ?
-Non, grinça-t-il.
Son idée lui semblait maintenant ridicule. Ils ne pouvaient pas sans perdre du temps envoyer Hedwige en Angleterre pour demander à Hermione si la magie des elfes de maison, réputée différente, avait aussi disparu. Il lorgna vers Kid, qui lui avait donné cette idée, et remarqua qu'il souriait, le regard fixé sur l'auror. Ça faisait plusieurs fois que Harry remarquait ce regard calculateur. Il ressentit à nouveau ce frisson désagréable dans le dos, celui qui lui disait que l'homme face à lui avait déjà trois coups d'avance et qu'il était sa proie.
Remarquant que l'auror lui rendait son regard, Kid se fit un jeu de fouiller dans sa manche, lentement. Il en sortit une petite colombe, toute blanche, qui vint se poser d'elle-même sur son bras. L'oiseau était petit, délicat, avec des plumes d'une blancheur qui tranchait dans l'ambiance sombre du manoir d'Akako, un petit bec noir et un cercle rouge autour des yeux. Kid siffla et Hedwige qui, jusque là, se nettoyait tranquillement les ailes, s'envola et vint se poser sur l'autre bras du voleur. En voyant son prédateur si près d'elle, la colombe émit un son strident qui attira l'attention des autres aurors et fila se cacher dans le cou de son maître. La chouette, par contre, ignora superbement le petit oiseau et reprit son nettoyage.
Harry était bien placé pour savoir que la chouette était un oiseau de proie. Il lui avait souvent ramené des souris ou même des petits oiseaux de la taille de la colombe après ses chasses nocturnes. A son grand désespoir (parce qu'il devait nettoyer les morceaux après), il n'hésitait pas à picorer sa proie sur son perchoir, bien en vue de son maître.
Alors pourquoi Hedwige ne touchait pas à cette colombe ?
Kid l'observait, à nouveau, comme s'il attendait une réaction. Son petit sourire commençait vraiment à l’agacer. Harry ne comprenait pas ce qu'il cherchait à lui dire : sans doute la colombe était-elle dressée à se cacher dès qu'elle voyait un prédateur, réfléchit-il. Après tout, elle appartenait à un voleur.
Ou alors...
-Oh.
Ou alors Hedwige était tellement imprégné de magie que son comportement en avait été modifié.
-Summers, appela Harry d'une voix blanche, tout en fixant Kid.
L'auror, interrompu dans ses pensées, répliqua :
-Quoi ?
-Tu as déjà vu des chouettes moldues ?
-Des chouettes... moldues ? Heu, oui, dans des zoos, pourquoi ?
-Est-ce qu'elles vivent avec d'autres types d'oiseaux ?
-Quoi ? Bien sur que non, elles iraient les attaquer ! Ce sont... des... rapaces, et...
La voix de Summers mourut dans un borborygme incompréhensible tandis qu'il comprenait où voulait en venir Harry. Ils avaient là leur preuve : si Hedwige avait été privé de magie, comme eux, il aurait attaqué la colombe. Ce qui voulait dire que c'était bel et bien leur accès à la magie qui était bloqué. Et Kid l'avait comprit avant eux.
Andersen, perdu, dut se faire expliquer les cinq dernières minutes, et admit que c'était logique. A cet instant, Akako reparu, le visage défait.
-C'est bien ça, dit-elle d'une voix mourante, les flux de la terre sont complètement emmêlés. Ils bloquent la magie. C'est fichu.
Elle avait l'air tellement pâle et triste que Harry voulu écorcher vif Samuel Ants.
-C'est tellement brouillon que je n'en vois pas le bout, continua-t-elle. On dirait des pelotes de laine. C'est trop tard.
-Heu, pourquoi ? osa Andersen. Si c'est emmêlé, y a qu'à les démêler, pas vrai ? Vous avez encore votre magie !
Akako leva des yeux terrifiés vers eux. Ses mains tremblaient et elle serra les poings devant elle.
-Ça ne sera pas suffisant ! Non seulement les flux sont emmêlés, mais les nœuds sont aux quatre coins de la terre ! Le plus proche est en Angleterre ! Je n'arriverai jamais à les atteindre tous en vingt heures ! Et... et...
Elle prit une grande inspiration pour essayer de se calmer.
-Même si j'arrive à les atteindre, on parle des flux énergétiques parcourant la planète. Vous avez une idée de la puissance ? C'est colossal, astronomique ! Vous en avez eu un aperçu avec votre accident dans mon salon ! Ça a faillit détruire ma maison et la forêt !
Harry repoussa le souvenir de la brûlure dans ces bras.
-Ce jour là, reprit-elle, je vous ais sauvé en annulant l'effet de votre magie grâce à la mienne. Je... Je ne peux plus, maintenant.
Elle s'écroula dans un fauteuil et quand elle reprit la parole, sa voix tressauta.
-L'un des nœuds est à Poudlard... Ça explique l'Obscurial.
Avec un frisson, Harry comprit le drame qui se jouait à cet instant même en Angleterre. Poudlard, épicentre du monde magique, créé à l'endroit où la magie était la plus forte, école où se rassemblait de jeunes élèves qui ne maîtrisaient pas leurs pouvoirs...
D'une petite voix, Summers intervint :
-Alors... On fait quoi, maintenant ?
Koizumi le regarda et ferma les yeux en détournant la tête. Son serviteur apparu de nulle part, un plateau en main, et lui proposa une coupe. Elle le renvoya d'un geste vague.
-Pour commencer, il faudrait voir les flux d'énergie de la terre, dit-elle en se massant les tempes. Ce n'est pas compliqué... Mais ensuite, il faut atteindre chacun des nœuds en moins de vingt heures. Ça, c'est impossible.
-On ne peut pas voler sur des balais, ni transplaner, ni utiliser le réseau de cheminette s'il n'y a plus de magie, résuma Andersen.
-Si on n'a plus accès à la magie, tu veux dire.
Andersen se plaça devant une fenêtre et ses épaules s'affaissèrent dans un gros soupir.
-Donc c'est fichu, dit-il comme s'il se découvrait le poids du monde sur le dos. Soit on rentre en Angleterre, soit on attend la fin ici.
Summers essaya de positiver.
-Allez, ce n'est pas la fin du monde quand même ? On vivra comme des moldus, et...
Trois paires de regards noirs l'interrompirent. Il baissa le nez, penaud. Un silence pesant recouvrit la pièce comme un manteau et Harry se sentit rapidement étouffer. Il se dirigea vers l'une des fenêtres et l'ouvrit d'un coup sec. L'air froid de la nuit s'engouffra dans la pièce et le fit frissonner. Sur une branche d'arbre, une chouette continuait de se nettoyer les ailes.
-Hedwige ?
Harry se retourna vers Kid, qui tenait encore Hedwige quelques minutes plus tôt. Il avait sans doute confondu son oiseau avec un autre. Le plumage d'Hedwige deuxième du nom n'était pas aussi blanc que sa prédécesseure, pas aussi caractéristique. Sauf que Kid avait déjà mit les voiles et que la chouette avait disparu. A leur place, une petite poupée à l'effigie du voleur les regardait tranquillement, affalée contre un mur.