
Oups
Harry bondit de côté avant de réaliser et le rayon blanc passa à trois centimètres de son visage. Il eut à peine le temps de se retourner qu'Andersen lui lançait à nouveau le même sortilège. Cette fois, le rayon explosa en particules de lumière avant de toucher l'auror. Harry ne put reprendre ses esprits avant que l'autre homme ne le lance une troisième fois.
-Qu'est-ce qui te prends ?!
Andersen ne répondit pas et continua à l'attaquer, forçant Harry à esquiver à travers tout le salon. L'assaut était si soudain et rapide qu'il n'arrivait pas à trouver un instant pour sortir sa baguette.
-Sectumsempra !
Esquive. Le fauteuil derrière lui se renversa, le cuir brun déchiré en son centre. La mousse blanche qui formait sa garniture s'en échappa comme de la laine de mouton.
-Diffindo !
Esquive. Le rayon frôla le bras de Harry et atteignit un porte-manteau qui fut coupé net dans sa longueur.
-Arresto momentum !
Harry pila net dans sa fuite vers la porte et le rayon toucha le bois alors qu'il avait la main sur la poignée. La porte se figea, refusant de s'ouvrir, piégeant Harry dans la pièce.
-Impedimenta !
-Protego ! hurla Harry en se détournant de la porte.
Il n'avait pas sa baguette en main.
Il n'avait pas sa bague-
A l'extérieur, quelqu'un observait le manoir. Vêtu de noir, la seule chose qui aurait pu révéler sa présence était le sourire caractéristique qu'il arborait en regardant via ses jumelles une des fenêtres du deuxième étage. Le même sourire qui donnait des sueurs froides à ses camarades de classe et qui lui avait valu un de ses surnoms.
Une grande lumière apparut dans la pièce qu'il surveillait. Le sourire de Cheshire grandit. Vraiment, ces trois sorciers promettaient d'être amusants.
Quand Harry reprit conscience, il était couché sur le parquet. Sa tête lui faisait mal, ses oreilles tintaient comme une clochette et quelque chose lui brûlait les bras. Il essaya de bouger mais son corps refusa tout net, paralysé par une fatigue qu'il n'avait encore jamais ressentie. Il tenta d'ouvrir la bouche mais tout ce qui sortit fut un borborygme incompréhensible. Il n'arrivait pas à bouger, il n'arrivait pas à parler et ses membres étaient de plomb chauffé à blanc. Il avait l'impression que de la lave en fusion coulait dans ses bras. Quelque part derrière sa migraine, une pensée se fraya un chemin jusqu'à lui.
Danger.
Douleur.
Danger.
Il força ses paupières et parvint à ouvrir les yeux. Ce fut comme soulever des haltères à la seule force de ses cils. Il était couché par terre, la joue contre le sol et des lignes rouges l'entouraient. Il parvint à les suivre des yeux et reconnu la forme : un pentagramme. Quelqu'un marmonnait à côté de lui.
Danger.
Les pentagrammes étaient utilisés dans des rituels, se rappela-t-il. Quelqu'un avait-il profité de son inconscience pour opérer une magie interdite sur lui ? Et pourquoi était-il inconscient ? Il n'arrivait pas à se souvenir...
Danger.
-Reste tranquille, grogna la voix, j'essaie d’annuler le sort.
C'était une voix de femme, réalisa-t-il avec un peu de retard, et il l'avait déjà entendue...
Akako Koizumi-
Danger !
Il grimaça mais ne parvint pas à bouger. Il avait si mal, il était si fatigué, que penser devenait difficile. La brûlure sur ses bras ne faiblissait pas. Quelque chose le ramenait à l'inconscience, mais il devait lutter contre. La voix d'Akako s'accéléra, marmottant des formules qu'il ne connaissait pas, d'un ton de plus en plus inquiet. Puis, au moment ou lutter devint trop difficile, Akako se tut et la brûlure sur ses bras disparut d'un coup. Le soulagement fut immédiat et il perdit conscience.
Quand il se réveilla, la migraine et la brûlure avaient disparu mais il était toujours aussi fatigué. Il était au sol, mais couché sur le dos, comme si quelqu'un l'avait retourné. Le pentagramme et ses lignes rouges n'étaient plus là. Il cligna des yeux plusieurs fois pour éclaircir sa vision et prit le temps d'observer les alentours.
La première chose qu'il vit, couché ainsi sur le dos, fut le lustre pendu au plafond, qui n'avait plus de lustre que le nom. Tout ce qui en restait était un petit morceau de la grosse chaîne qui autrefois tenait suspendu le délicat ouvrage de pierres précieuses. Le haut plafond semblait intact, le haut des murs également, mais ce n'était pas le cas du reste de la pièce. Les meubles de bois fin étaient renversés, le porte-manteau coupé en deux, les tableaux arrachés de leur clou et écrasés au sol dans un amas de bois et de verre. La porte de la pièce était éventrée et ne tenait plus debout que par ses gonds. Le lourd tapis qui participait à l'ambiance feutrée de la pièce n'était plus qu'un amas de cendres et quelques franges survivantes brûlaient doucement dans un coin de la pièce, protégées par le cadavre de la porte. Andersen était inconscient, couché sur le dos à coté de Harry, le torse et les mains couverts de brûlures rouges et purulentes qu'il pouvait voir même sous les bandages. Akako s'affairait à changer ses pansements, les mains volant sur le torse de l'auror et le regard surveillant Harry. Il se demanda distraitement pourquoi elle n'utilisait pas sa magie.
-Ah, tu es réveillé, dit-elle en le voyant la regarder. J'espère que tu es fier de toi ?
Il mit quelques secondes à réaliser qu'Akako Koizumi bouillait de rage, son joli visage déformé et ses yeux rouges brûlant comme un Feudeymon. Il essaya de parler mais sa voix était toujours aux abonnés absents.
-Oui, je sais, dit-elle d'un ton impatient, tu es désolé, tu ne savais pas, bla bla bla. Ça ne va pas réparer le gros trou dans ma maison. Je croyais que le grand Harry Potter avait plus de contrôle sur sa magie ! Regarde mon salon ! Regarde ton collègue ! Si je n'étais pas intervenue, c'est l'étage entier que tu vaporisais et j'avais deux cadavres sur les bras !
Harry ne comprenait pas ce que lui reprochait Akako. La dernière chose dont il se souvenait était Andersen l'attaquant. Il s'efforça de bouger et parvint avec peine à se redresser sur un coude. La sorcière lorgna vers lui, puis décida qu'elle avait mieux à faire et reprit ses activités. Le temps que les pansements d'Andersen soient complètement changés, Harry était parvenu à s’asseoir.
-Qu-qu'est-ce... qui... s'est passé ? ânonna-t-il.
Sa voix était rauque et douloureuse, comme s'il avait hurlé sans discontinuer avant son inconscience.
-Vous avez prit mon salon pour la maternelle des sorciers, répliqua-t-elle vertement. Ton collègue t'as attaqué et comme tu n'avais pas ta baguette en main, ta magie a réagit d'elle-même.
Harry cilla. Il sortit sa baguette pour l'examiner mais une main aux doigts fins l'attrapa lestement.
-Pas de magie, tu veux aggraver les choses ?!
-Hein ?
-Tu as libéré tellement de puissance magique qu'une bonne partie est encore en l'air, autour de nous. La moindre étincelle et boum.
L'esprit de Harry commençait enfin à fonctionner correctement.
-Depuis quand... la magie est flammable ?
-En temps normal elle ne l'est pas, mais là il me faudrait des heures pour examiner les résidus. En attendant, pas de magie, c'est trop dangereux.
Un grognement du côté d'Andersen dispensa Harry de répondre. Après son attaque inexpliquée, il préféra rester en retrait. L'autre auror papillonna des yeux, essaya de parler et parvint à se redresser, les membres tremblants. Harry refusa de se sentir coupable en le voyant grimacer de douleur.
-Bon maintenant que vous êtes réveillés et à peu près stables... Qu'est-ce qui vous a prit ?!
Et tandis qu'au-dehors, armé de ses jumelles, Shechire n'en perdait pas une miette, Andersen entreprit de s'expliquer.
-On devait s'entraîner, on ne sait pas ce qui nous attends face à Kid, dit-il d'une voix où perçait la douleur.
-C'était une raison pour me lancer un Sectumsempra ?! Tu sais ce que ça fait ?
-Oui, je sais, gronda Andersen, et je savais aussi que tu te défendrais. Je t'ai acculé, comme Kid va t'acculer ce soir. Mais je ne savais pas que ta magie sans baguette était si puissante.
-Ah ! s'exclama Koizumi. C'est tout ? Vous avez détruit mon salon parce que tu ne savais pas ?
-Comment j'étais censé savoir ? se défendit Andersen.
Koizumi continuait de fulminer.
-La maternelle, grogna-t-elle. On ne vous apprends pas d'où vient la magie à Poudlard ?
Harry lorgna vers son collègue. Il ne se sentait pas assez bien pour tenter de se souvenir des cours d'Histoire de la magie. Visiblement, Andersen non plus.
-La magie vient des flux énergétiques de la Terre, expliqua Koizumi. Tous les sorciers ont accès à cette énergie à travers leur baguette, qui sert de canal. En comparaison, la magie interne inhérente à chaque sorcier est d'un niveau ridicule, mais elle sert à raffiner l'énergie terrestre pour permettre aux sorciers de l'utiliser sans problème.
Les deux aurors digérèrent un moment ces nouvelles informations.
-Mais alors, opposa Andersen, à quoi sert la baguette ? Si la... magie interne ? Est suffisante ?
-Elle n'est pas suffisante, claqua Koizumi. La magie interne sert juste à raffiner l'énergie qui passe dans la baguette, à l'accorder sur le sorcier, si vous voulez. Sans une baguette, il y a deux cas possibles pour un sorcier... Soit il devient incapable d'utiliser ses pouvoirs, soit il devient lui-même un canal pour l'énergie terrestre. Les deux options sont horribles.
Le regard carmin de la jeune femme se posa sur Harry.
-C'est ce qui s'est passé. Quand monsieur-je-savais-pas t'as attaqué, tu n'avais pas ta baguette en main. L'espace d'un instant, tu es devenu toi-même un canal pour la magie terrestre, un moyen pour elle de se libérer de son carcan, comme un volcan en éruption.
Harry sortit sa baguette. Le petit bout de bois semblait inoffensif dans sa paume, mais il comprenait lentement ce qu'il lui devait.
-J'espère que tu réalises ce qui a faillit se passer, continua Koizumi, implacable. La magie terrestre est colossale, personne ne peut la contrôler. Ça serait comme essayer de faire bouger la Terre de son orbite. Ça aurait pu te vaporiser sur place. Regarde tes bras.
Les yeux de Harry remontèrent de sa baguette à ses poignets, puis à ses avant-bras. En effet, la veste qu'il portait était brûlée jusqu'aux épaules, sa peau nue, rouge et boursouflée. Peut-être était-ce un genre de choc post-traumatique, mais soudain, il se rappela de deux choses.
La première était une douleur brûlante dans ses veines, comme de la lave en fusion, puissante et incontrôlable.
La deuxième, qui lui saisit l'estomac et le cœur comme un étau de plomb, était une pensée qui avait envahit son esprit, entêtante, obsédante.
Je vais mourir.
-Au passage, tu as probablement perdu quelques années d'espérance de vie. Ta magie interne a instinctivement protégé ton cœur et tes organes vitaux, mais tu aurais pu perdre tes bras.
-Minute, minute, protesta Andersen qui jusque là, fixait Harry avec une horreur grandissante. Et les enfants ? Ils n'ont pas de baguette ! Ma mère a perdu un bébé avant moi, est-ce que... ?
Sa voix mourut.
-Les enfants n'ont pas accès à l'énergie terrestre avant l'adolescence. Leur magie interne sert de bouclier. Ce bouclier devient insuffisant vers l'âge de douze ans, alors on leur donne une baguette pour le remplacer. Quand aux accidents magiques... si c'était bien le cas pour ta mère... Il arrive que la magie interne des enfants soit défectueuse. Auquel cas, ils disposent d'un accès limité à l'énergie terrestre et ne vivent pas très longtemps.
-Et ils ne... n'explosent pas sur place ?
Harry frissonna. Le choix des mots était maladroit. Il n'avait pas envie d'imaginer Teddy ou Victoire en danger à cause de leur propre magie.
-Les sorciers et sorcières qui sont exposés très jeunes à la magie développent une tolérance à ses effets néfastes, quel que soit leur âge. Et la magie de la mère les protège tant qu'ils sont dans le ventre. Mais une fois cette protection disparue, il peut y avoir des accidents. L'accès, même limité, à la magie terrestre draine l'espérance de vie des sorciers.
Harry songea à Ariana Dumbledore et à sa propre enfance. La jeune fille, tourmentée par des moldus, avait finit par rejeter sa propre magie et en mourir. Il aurait pu suivre son exemple, si sa magie n'avait pas été pour lui un moyen de s'échapper.
-Qu'est-ce qui se passerait, commença-t-il lentement, si un enfant sorcier rejetait sa propre magie ?
-L'un des pires scénarios qui puissent exister, répondit Koizumi d'une voix étrangement douce après sa colère, un Obscurial.