
Par la plume de Rita Skeeter
En milieu de semaine, trois jours après le début des filatures, Harry et Andersen furent convoqués dans le bureau du Commandant. A leur grande surprise, les trois autres binômes en charge des suspects étaient là également. Des chaises supplémentaires avaient été amenées face au bureau du chef des aurors. Six d'entre elles étaient occupées et les visages étaient sombres. L'ambiance était délétère. Tobias Summer, qui filait Denis Addison, leur jeta un regard inquiet et Harry mit quelques secondes à comprendre pourquoi. Le visage écarlate et les poings serrés, ses sourcils broussailleux froncés de colère et l'aura brûlante de rage, le Commandant était furieux.
-Potter, Andersen, asseyez-vous.
Le ton était sec et ordonnait le silence. En prenant son siège, Harry essaya de deviner ce qui mettait le chef de la brigade dans un tel état.
-Je n'irai pas par quatre chemins, reprit-il. Qui, à part Potter, connaît Rita Skeeter ?
Harry remarqua enfin le journal froissé serré dans le poing du Commandant. Quand trois personnes levèrent la main, il défroissa d'un coup sec le journal pour que tout le monde puisse le lire.
La magie menacée ?
Hier, notre pétillante reporter a surprit un jeune auror dissimulé derrière un
bosquet, des multiplettes en main. Surprit, le garçon s'est montré tout à fait
réceptif à la journaliste, et n'a pas hésité à révéler l'affaire sur laquelle il
enquêtait.
« Quelque chose s'est passé au Ministère, quelque chose qui menace la Magie
elle-même. J'étais là au moment de l'explosion, et depuis j'ai du mal à lancer mes
sorts ! »
Chacun a pu remarquer des difficultés grandissantes dans sa magie (suite page 4)
Harry cessa de lire et sentit son ventre se tordre alors qu'il réalisait les conséquences qu'allait avoir cet article.
Fichue Rita.
-Qui, reprit le Commandant, les traits déformés par la rage, qui a été assez stupide pour parler à Rita Skeeter ?!
Personne ne répondit. Harry observa la petite troupe et remarqua qu'un des binômes était très pâle.
-Grover, Jackson ?
-Pas du tout, répondit Jackson en sursautant, blanc comme un linge. Personne n'a vu cette femme. Personne ne lui a parlé. Mais nous étions prêts d'un bosquet, derrière un restaurant. Avec des multiplettes.
Un tour de table rapide confirma qu'aucun autre binôme n'était passé près d'un bosquet. Harry se sentit mal pour Grover et Jackson en voyant le regard noir que leur envoyait le Commandant.
-Elle était peut-être cachée.
-Nous avons fouillé les environs avant de poser notre filature, protesta Grover, et on ne s'est pas éloignés. Cet article est faux !
-Vrai ou faux, c'est trop tard, marmonna le Commandant. La Gazette s'est fait une joie de l'imprimer dès ce matin.
-Mais pourquoi avoir mentit, alors ? demanda l'auror Jamie Jayden, connue dans la brigade pour réfléchir à haute voix. Pourquoi prétendre avoir parlé à un auror seul-à-seule alors que c'est faux ?
Harry joua avec l'idée d'intervenir, mais il n'en eu pas besoin.
-Pour saper notre réputation, répondit le commandant, et limiter les vocations. C'est un mouvement politique.
-Propagande, marmonna un auror né-moldu.
-Mais si personne ne l'a vue, comment a-t-elle apprit pour la bombe ?
-Elle devait être cachée...
-J'ai déjà dit qu'il n'y avait personne !
-Elle peut se transformer en scarabée, intervint Harry.
Tout d'un coup, la brigade se tut et tous les regards convergèrent vers lui. Le Commandant reprit :
-En scarabée ?
-Oui, confirma Harry qui devait se retenir de rétrécir sous tous ces regards incrédules. C'est un animagus non-déclaré. Hermione l'a faite chanter et ça fait des années qu'elle nous laisse tranquille.
-Faut croire qu'elle s'est lassée, grogna un des aurors.
-Ça, où l'occasion était trop belle. Si Potter dit vrai, ça explique beaucoup de choses. Avec toutes ces décombres qu'on a évacuées, un scarabée aurait pu se glisser dans la brigade sans problème.
-Dans ce cas, pourquoi attendre ? Ça fait une semaine !
-Potter ?
-Je... Je ne sais pas, répondit-il avec l'impression d'échouer, c'est Hermione qui a toujours su contrer Skeeter...
-Bon, peu importe, grogna le Commandant, le fait est là. Nous n'avons plus de temps. Pour accuser cette Skeeter, nous avons besoin de preuve. Ce qui implique révéler à tout le monde pourquoi Potter et Granger n'ont pas jugé utile de mentionner ce... détail. Nous devons prioriser l’enquête.
En sortant du Ministère ce soir-là, après une journée perdue à essayer de réparer les pots cassés de Rita Skeeter, Harry vérifia trois fois son déguisement pour ne pas être reconnu. C'était un sort que son mentor lui avait apprit quelques jours après son intégration en tant qu’apprenti auror et il l'avait tant pratiqué qu'il lui était presque aussi facile qu'"Experliarmus".
Il était tard mais le soleil n'était pas encore couché. Ses derniers rayons illuminaient la ville désertée comme dans un film et l'air devenait plus froid. Ca faisait désormais vingt-quatre heures que la bombe avait explosé. Les oiseaux s'étaient tus et la voix de Ginny résonna dans l'air comme un coup de canon.
-Harry !
La jeune fille se tenait sur le pas de la porte, un journal roulé dans la main. Harry pressa le pas. En arrivant dans le salon, il découvrit Hermione, le visage fermé, lisant son exemplaire. Le papier était froissé à plusieurs endroits et quelques pages étaient même déchirées.
-Harry, c'est quoi cette histoire ?!
Le jeune auror lâcha ses affaires et s'écroula dans un fauteuil. Sachant qu'il était inutile de mentir, il répondit :
-Rita a surprit un binôme de la brigade en pleine filature...
-Je m'en doutais, mais l'explosion ? intervint Ginny.
Sa voix était aussi frêle que son ton inquiet et Harry eut envie de la prendre dans ses bras. Dans leur couple, l'une volait à des hauteurs et des vitesses élevées, l'autre enquêtait sur des affaires de magie noire. Les effets de la bombe risquaient de détruire bien plus que leur magie. Hermione les laissa à leur câlin quelques minutes, puis toussota discrètement.
Harry prit le temps de lancer des sorts pour dissimuler la conversation – et repérer de potentiels espions - et quand ils parurent tenir le coup, entreprit d'expliquer la situation aux deux jeunes filles. Avant de quitter la brigade, le Commandant avait expliqué à demi-mots que même si le secret de l'explosion était éventé, il fallait éviter d'en parler à n'importe qui.
Après son explication, il y eu quelques minutes de silence. Ginny fixait un point sur le tapis en manipulant un porte-clé que Harry lui avait offert et Hermione se frottait les tempes, le nez quasiment collé sur le journal. A travers sa fatigue, Harry réalisa que son meilleur ami était absent.
-Hermione, où est Ron ?
-Chez George, répondit-elle. Angelina est en vacances avec sa famille et il ne veut pas le laisser seul. Cette Rita, j'aurais du la laisser dans son bocal... Harry, le composant de la bombe, c'est bien du sodium ?
Harry cilla, puis acquiesça.
-Cette idiote a écrit « sadiom » !
-Attend, il y a même les ingrédients ?
-Oui, répondit Hermione. Sodium, verre, et eau. Pas compliqué. Le sodium explose dans l'eau. Tu n'a pas tout lu ?
-Heu...
Mais Hermione réfléchissait déjà à autre chose.
-« Sadiom », franchement... Elle ne comprend même pas ce qu'elle écrit...
Ginny n'avait pas l'air de vouloir participer à la conversation, blottie dans son fauteuil avec son porte-clé dans les mains, alors Harry continua :
-C'est facile de trouver du sodium ?
-Moins que de l'eau ou du verre, répondit la jeune fille, mais oui. On en trouve dans les écoles, pour faire des expériences avec les élèves. N'importe qui peut s'en procurer.
-Et pour l'apporter au Ministère ?
-Facile, grogna-t-elle, les sourcils froncés de concentration : il suffit de les dissimuler avec un sort ou de passer par l'étage de contrôle des objets moldus. Même un gros bloc passerait inaperçu dans ces conditions.
Des composants faciles à obtenir et à introduire au Ministère, la majorité des indices pulvérisée par l'explosion, un coupable aux motivations inconnues disparu dans la nature : à nouveau, Harry se sentit découragé face à l'ampleur de la tâche. Une petite voix agaçante dans sa tête lui murmurait que ça ressemblait au crime parfait.
Les jours suivant l'apparition du journal furent certains des plus frustrants que Harry ait vécu. La confiance que partageaient avant les membres de la brigade semblait avoir disparu, chacun soupçonnant son prochain d'avoir parlé à Rita Skeeter. Seul le Commandant faisait des efforts pour traiter ses hommes de la même façon qu'avant. Il avait même communiqué avec l'imprimeur en chef de la Gazette pour réclamer qu'il retire la Une, mais en vain. Une longue discussion avec Harry et Hermione, expressément invitée, avait clôt le débat. Ils ne pouvaient pas revenir en arrière et fermer de force les bureaux de la Gazette risquait de conforter le public dans l'opinion que Rita Skeeter avait dit vrai. Harry avait du se rendre à l'évidence : dans cette situation, ne pas réagir était la meilleure des choses à faire.
-Bienvenue en politique, grinça Hermione.
Quelques jours plus tard, Harry venait de rentrer quand il reçu un appel. Grognon et fatigué de sa journée, il répondit vertement :
-Quoi ?!
-Oooh, notre auror préféré est de mauvais poil ?
-George ?
-En personne. Comment ça va au bureau ?
Harry se laissa tomber dans un fauteuil. Un début de migraine lui enserrait les tempes.
-T'as lu la Gazette, tu sais ce qu'il se passe.
-Ouaip, tout le monde en parle. J'ai des clients qui se demandent quand le grrrrand Harry Potter va mettre un terme à cette histoire.
Harry ne releva pas le ton ironique.
-Si tu m'appelle pour me narguer...
Une exclamation exagérée retentit de l'autre côté du miroir.
-Harry ! On dirait que tu ne me connaît pas ! Je suis blessé, tu sais !
-George...
-Peut-être devrai-je écouter de l'autre oreille...
-George.
-Ah, mais c'est vrai, je n'en n'ai plus.
-George... L'humour noir, c'est pour Angelina...
-Et elle en profite, crois-moi !
-George, l'affaire est compliquée et je suis crevé, alors...
-D'accord, d'accord. En fait, j'ai peut-être quelque chose pour toi. Une piste.
Le fauteuil craqua quand Harry sursauta.
-Une piste ?!
-T'emballe pas, ça ne veut peut-être rien dire, mais... Avec Ron on a utilisé du sodium moldu pour certains de nos Fuseboum, il y a quelques mois.
Harry écarquilla les yeux en comprenant où George voulait en venir.
-Quoi ! Pourquoi tu n'as rien dit ?!
-Parce que je ne savais pas ! La Gazette a publié une liste des composants de la bombe. Ça fait un moment qu'on utilise plus cette formule, ça revenait trop cher, mais j'ai gardé le nom et l'adresse de nos fournisseurs. La plupart des clients les ont déjà utilisés.
-... Et ?
-L'un d'eux vit au Japon. Ça te dit, un voyage culturel ?