
Premiers indices
-Alors ?
-Connor Asher ou William Alter, répondit Andersen, assit à son bureau, presque noyé sous les papiers.
Les aurors qui étaient parvenus à sauver leurs dossiers devaient bien les mettre quelque part. Le bureau de Harry étant par terre, il partageait celui de son collègue et ils avaient très vite été ensevelis sous les dossiers. Andersen agita sa baguette pour ranger les papiers inutiles et mit quelques secondes à réaliser que le sort ne lui avait pas répondu. Désolé, Harry le regarda ronchonner et recommencer. A la quatrième tentative, les papiers volèrent maladroitement vers leur casier. Andersen n'en garda que deux dans les mains. Pendant que le Commandant discutait avec un auror et que le reste des débris dans la brigade était évacué, Harry et Andersen examinèrent les papiers.
-Ils sont les seuls à avoir eu des liens avec le service de Désinformation, expliqua Andersen. Le problème, c'est que le premier est porté disparu depuis l'explosion et le second n'est plus en poste depuis quelques années.
-On part sur le premier alors.
-J'en sais rien, marmonna Andersen. Alter est un sang-pur et sa famille est connue pour être traditionaliste.
-Ça pourrait être une raison de se fritter avec un sorcier démissionnaire, conclut Harry. Je vais chercher des infos sur lui. Mais s'il n'est plus en poste ?
-En fait, intervint Andersen, je l'ai déjà croisé, il vaut mieux que je m'occupe de lui. Tu n'as qu'à regarder pour Asher, d'accord ?
Harry jeta un coup d’œil sceptique à son collègue et comprit vite ce qu'il voulait. La haine entre Potter et Malfoy était un secret de Polichinelle dans la brigade. Harry comprit ce qu'Andersen craignait : qu'il ne soit pas capable d'interroger le passif d'une famille de sang-pur aux valeurs semblables à celles de Malfoy sans être biaisé.
-... D'accord.
Ils s'échangèrent donc leurs missions. Harry, orphelin de bureau, emprunta celui d'un collègue blessé par l'explosion et passa un moment à chercher les documents en question. Il n'avait pas l'habitude de ce bureau et Andersen termina sa mission avant lui.
-Rien, soupira-t-il. Alter est à la retraite depuis les Années Noires. Il n'a plus de contact avec le service de Désinformation.
Quelques minutes plus tard, Harry releva la tête des placards du bureau et ajouta :
-Ça pourrait être Asher, mais il est porté disparu.. La dernière fois qu'on l'a vu, c'était juste avant l'explosion. Il était juste en dessous de la bombe, à l'étage inférieur.
Ils se regardèrent, désolés. Il y avait très peu de chances qu'Asher ait survécu s'il était si proche. Un coup de miroir à Saint-Mangouste confirma leurs craintes : Connor Asher avait bien été évacué des décombres mais avait succombé à ses blessures. Leur piste partait en fumée.
Le Commandant des aurors sentait la migraine poindre. Dès qu'il avait vu Potter entrer dans son bureau pour son rapport journalier, la mine défaite, il avait su que cette affaire risquait de lui coûter bien plus que sa carrière.
-Alors ?
-Un début de piste a disparu avec l'explosion, expliqua Harry. Mais on a récupéré les morceaux de verre et le sodium restant. Notre indic moldu pense qu'il y avait un gros bloc.
-Quelque chose sur la motivation du coupable ? Pourquoi utiliser des composants moldus ?
-A priori pour faire accuser les moldus, mais ça ne tient pas debout...
-Commandant ! Auror Potter !
La porte s'ouvrit à la volée et sa fenêtre de verre, déjà fissurée, vibra, menaçant de se briser. Comme une petite tornade blanche, le jeune indic qui les avait aidé à récupérer le sodium déboula dans le bureau. Il tenait dans la main droite une pochette contenant des bouts de métal et dans la gauche, une pince qui tenait un morceau de corde.
-Regardez ! On vient de trouver ça, je suis sûr d'avoir comprit ! Le coupable a du utiliser un système de poulie pour soulever le bloc de sodium. Il reste du métal, et... puis...
Sa voix mourut quand il remarqua enfin le regard noir du Commandant qui n'appréciait pas qu'on débarque à l'improviste dans son bureau, son aura magique pleine de colère. Mal à l'aise, Harry se souvint de sa première affaire : quand il avait découvert un indice important, il avait réagit de la même manière. Heureusement que le jeune homme n'était pas de la brigade, ou il aurait eu un blâme.
Sans ménagement, le Commandant renvoya le jeune indic et Harry, professionnel, termina son rapport.
-Bon, conclut-il. Avant de partir, vois avec lui ce qu'il voulait. Et ramène-le toi-même à la gare.
Le Commandant était connu pour son caractère ombrageux. Au début, Harry n'avait pas apprécié, persuadé que c'était un signe d’orgueil et qu'il ne s'entendrait jamais avec son Commandant. Mais au fil des mois, force lui fut de constater que si son chef menait ses hommes avec une poigne de fer, il était efficace et respecté. Harry avait plus apprit sur la discipline avec lui qu'avec tous ses professeurs.
Quand il y avait réfléchit, Harry s'était rendu compte que son commandant avait peut-être été professeur dans une autre vie. Après sa bourde lors de sa première affaire, Harry avait été consigné au travail de bureau pendant une semaine entière. Ce travail répétitif et fastidieux lui avait porté sur les nerfs et lui avait fait comprendre deux choses : un, il préférait largement le terrain, et deux, le commandant l'avait comprit avant lui.
Un blâme n'aurait pas eu cet effet sur lui.
Son rapport terminé, il rejoignit l'indic qui se faisait tout petit dans un coin, sous les regards goguenards de la brigade.
-Alors ?
-Heu, murmura le jeune homme en lança un regard inquiet à un collègue de Harry.
Quand personne ne le reprit pour avoir parlé, il s'enhardit et leva la pince qu'il tenait toujours comme un trésor. Ses jointures étaient blanches à force de maintenir la pince fermée.
-On a retrouvé un bout de la corde. Elle devait être coincée dans la poulie, c'est pourquoi seuls les extrémités sont brûlées. Aussi, le métal doit provenir de la boucle qui a servit à soulever le bloc de sodium.
Harry examina ces nouvelles preuves et arriva à la même conclusion.
-Ce serait donc bien une machine moldue.
Andersen, qui venait de clore un autre dossier, les vit parler et les rejoignit.
-Aucun moldu ne peut entrer au Ministère sans aide, donc c'est forcément un sorcier qui a amené cette... machine.
Son visage était fermé. A nouveau, Harry pensa à Malfoy.
-Quelqu'un qui a des compétences en chimie moldue, ajouta l'indic. Peut-être plusieurs personnes ?
-Non, un gros groupe risquerait d'attirer l'attention. Nous devons chercher dans les employés ayant de la famille ou des amis moldus.
Harry allait rejoindre son bureau de fortune quand Andersen le retint.
-Attend, Potter. Monsieur Sting, nous aimerions vous interroger, vous aussi.
Outré, Harry allait protester, mais Andersen continua :
-Vous êtes un moldu marié à une sorcière, votre femme aurait pu vous dire comment entrer au Ministère.
L'indic cligna des yeux une fois, deux fois, fronça les sourcils comme s'il réfléchissait, puis son visage se détendit.
-Si vous soupçonnez les sorciers issus de moldus, vous soupçonnez aussi les moldus en contact avec des sorciers. Je comprend. Heu, pourrais-je passer en premier ? Ma femme doit s'impatienter, et je ne lui ai rien dit.
-Bien sûr, accepta Harry en jetant un coup d’œil vers son collègue. Nous allons organiser les interrogatoires.
Comme ils s'en doutaient, l'interrogatoire d'Allen Sting ne donna rien. Il avait plusieurs fois aidé la police moldue et sa femme lui ayant répété l'importance du Secret, il n'avait jamais rien révélé sur la communauté sorcière. Il ne savait rien de l'agencement du Ministère. Une brève enquête sur sa femme leur confirma que le couple était au-dessus de tout soupçon. Soulagé, Harry libéra leur jeune indic en lui demandant de ne rien révéler de l'affaire.
Andersen et un autre collègue sortirent de leurs propres interrogatoires à midi et rejoignirent Harry à son bureau. Ensemble, ils partirent chercher un repas frugal en discutant de l'affaire.
-Rien de concluant, marmonna Andersen. On les as testés pour le sodium : la plupart ne savent pas ce que c'est, le reste ne sait pas qu'il explose dans l'eau.
A côté de lui, Tobias Summer écrivait frénétiquement sur son carnet. L'homme, d'une trentaine d'années, était aussi auburn que Hermione et venait d'une famille de moldus. Il avait complètement rompu avec sa famille et ne l'avait pas vue depuis ses années à Poudlard. La rumeur voulait qu'il n'ait rien perdu de son enthousiasme depuis : Tobias Summer aimait la magie et il avait été le meilleur de sa classe. A trente ans, il agissait parfois comme un adolescent. Harry n'osait pas imaginer sa réaction quand il apprendrait l'affaire.
-Okay les gars, qui cherche-t-on ? s’exclama-t-il soudain en refermant son calepin d'un coup sec.
-Un sorcier qui a des compétences en chimie moldue, résuma Harry.
Il espérait que Summer ne chercherait pas à en savoir plus, mais l'homme était aussi enthousiaste qu'il était bon auror.
-En chimie moldue ? Pourquoi, l'explosion a été causée par une bombe moldue ?
Il avait baissé le ton de sa voix et Harry en fut incroyablement reconnaissant. Le reste de la brigade, disséminé entre les débris qu'il fallait évacuer, les nouvelles de Sainte-Mangouste et certaines affaires qui ne toléraient aucun retard, ne réagit pas.
Il était inutile de cacher la vérité à Summer.
-C'est ça, soupira Andersen.
-Oh. Et les interrogatoires ?
-Rien, répéta le blond.
Summer réfléchit un instant en prenant un plateau repas, puis ajouta :
-Dites, j'ai entendu le Commandant grogner tout à l'heure. Vous savez ce qui le chiffonne ?
-Non, mais j'ai dans l'idée qu'on va bientôt le savoir.