Classroom Of The Elite - La Tour Impénétrable
« Suzune...
— Ryûen ? s'exclama-t-elle, tournant vivement la tête et s'apercevant d'une présence derrière elle, bien plus proche qu'escomptée. La clé de la porte de l'appartement qu'elle avait occupé cette année vacillait encore dans la serrure, pas tournée jusqu'au point de verrouillage. Qu'est-ce que tu fais ici ? »
Le mouvement soudain d'une main se plaquant contre le cadre de la porte l'aurait fait sursauter si elle ne s'y était pas préparée depuis longtemps. La configuration semblait mauvaise. Elle seule et l'imprévisible Ryûen Kakeru.
Il était loin de l'impressionner avec ses airs de brute de la classe. Pourtant, nombreux étaient ceux qui s'étaient brisés entre ses coups.
Elle ne désirait pas en faire partie.
« Je cherchais Kiyotaka. J'étais sûr qu'il serait avec toi. Mais on dirait qu'il t'a laissée, Suzune. Quelle négligence de sa part. Il joue avec ses nouveaux petits pions et il délaisse celui qui l'a accompagné depuis le début… tu ne trouves pas cela révoltant, …Suzune ? »
Ce n'est que de l'intimidation. Ce n'est que de l'intimidation. Ce n'est que de l'intimidation...
La façon dont il prononçait son nom n'aurait pas dû être aussi irritante. Son mépris des conventions sociales le poussait jusqu'à l'insolence envers elle, refusant tout suffixe honorifique, s'autorisant à l'appeler, sans aucune manière, par son prénom.
Il fait cela à tous ceux qu’il pourchasse. Cela n'a rien de personnel. Reprends-toi. Mais malgré sa façade de marbre, elle peinait à réprimer les frissons s'agitant à l'intérieur de son corps. Il la faisait bouillir intérieurement et son sourire avait tout de celui qui se délectait des sentiments qu'il inspirait, qu'ils aient pour origine la terreur, le désespoir ou bien la rage. Sans compter l'insinuation.
Elle refusait de plier. De lui céder ce petit pouvoir malsain, ou même le moindre bout de terrain qu'il cherchait à conquérir chez elle.
« Il n'est pas ici. Et tu devrais savoir que ce genre d'attaques psychologiques ne m'atteint pas. Tu perds ton temps.
Il prit une mèche de ses cheveux dans sa main, l'inspecta.
Elle était calleuse, ne put-elle s'empêcher de remarquer.
— Je ne crois pas, Suzune. …Oh, mais c'est une jolie coupe que tu as là. Petite sœur deviendra grande, c'est ça ? Moins... domestiquée. Ça me plaît. »
Il avait beau mesurer deux têtes de plus, sa carrure athlétique et ses insinuations à peine masquées, à mi-chemin entre l'intimidation et la séduction, ne l'emporteraient en rien sur l'empire froid et distant de la logique. La forteresse ne vacillerait pas pour si peu. Ayanokôji pouvait bien se servir d'elle, tant que leur objectif coïncidait et qu'il respectait sa promesse de les faire monter en classe A, il n'y avait pas d'inconvénient majeur.
Elle dévia sa main d'un geste sec, puis répondit calmement, le regard assénant fermement ses idéaux.
« La question n'est pas de savoir si ma coiffure est à ton goût, mais pourquoi tu cherchais Ayanokôji. J'en déduis que tu as décidé de revenir dans la partie après que la classe B t'ait sauvé. Ou plutôt, après que sa manœuvre t'ait sauvé. »
Il resta silencieux. L'éclat dans ses yeux, derrière le rideau de ses cheveux sombres, gagna en intensité. Le début d'un sourire suffisant se frayait un chemin sur son visage, l'éclairant d'un air sinistre. La résolution de Suzune s'effrita quelque peu à cette vue, sous l'effet d'une faiblesse passagère. Mentionner son ami dans cette attaque n’était peut-être pas une si bonne idée. Elle parvint cependant à tenir sa position.
« Tu n'es pas en mesure de te mesurer à notre classe, Ryûen. Ayanokôji...
— Ayanokôji par-ci, Ayanokôji par-là... tu te défiles, Suzune, lui répondit-il d'un ton grondant. Mais, après lui, c'est toi que j'écraserai. On verra si tu es assez intelligente pour me résister, une fois qu'il n'y aura plus que toi et moi.
Cela n'aurait pas dû sonner comme un défi attrayant.
— Je n'ai ni peur de toi, ni de tes fidèles, Ryûen.
— Tu devrais. »
Son sourire dévoilait ses dents.
Il se tenait toujours là, au bas de la tour. Il attendait. Quelque chose, un signe, une fêlure qui l'aide à grimper jusqu'au sommet, là où lui pourrait l'atteindre.
Qu'il attende encore longtemps s'il souhaite pouvoir me parler.
Le sourire en coin s'élargit sur ses lèvres. Tordu, gouailleur. Dangereux. Mais pourquoi se trouvait-elle encore là à lui parler ?... Son frère allait s'impatienter. Elle n'avait pas le temps de le faire attendre. Plus maintenant.
« Suzune... Tu m'amuses. J'ai hâte de te retrouver l'année prochaine. Sans le président du BDE pour te materner… et sans Kiyotaka. Je trouverai bien un moyen de passer outre le chien de garde derrière qui tu te caches si habilement, Suzune. »
Ses poings se serrèrent malgré sa volonté. Ne le laisse pas gagner. Le temps qu'elle prenne une inspiration pour les détendre, il avait tourné les talons. Elle ne voyait plus de lui que le manteau noir qu'il revêtait désormais, sur lequel ses cheveux sombres glissaient, sa posture confiante, les mains dans les poches indiquant qu'il n'avait pas besoin de rester pour constater la réussite de cette petite entrevue.
Travailler sur cette faille avant la rentrée. Renforcer la forteresse afin qu’elle devienne lisse et impénétrable. C'est la meilleure stratégie de défense.