![The Winter of 1981 [FR]](https://fanfictionbook.net/img/nofanfic.jpg)
Le Lac Noir
LE LAC NOIR
Musique thème : https://www.youtube.com/watch?v=pQdTu0IeVho&t
Début Hiver 1891.
– Veux-tu aller au bal avec moi ?
Sous le ciel gris et tamisé de l'hiver, la cour face à la tour de l’horloge est animée par les bavardages et rires des groupes d'étudiants, blottis dans leurs écharpes chaudes. Parmi eux, une jeune demoiselle se tenait nerveusement avec une enveloppe légèrement tordue à force d’avoir été malmenée entre ses doigts, face à un charmant sorcier répondant au nom de Sébastian. Outre un sourire qualifié de charmant, le garçon de sixième année s’était forgé en assurance à mesure que sa mâchoire s’était affirmée et que sa silhouette devenait élancée et athlétique.
– J’ai déjà quelqu’un.
Face à ce refus, la fille était repartie en tournant vite les talons pour disparaître parmi la foule de sorciers emmitouflés au chaud dans leur cape, aux couleurs emblématiques de leur maison ou de leur école d’échange. Depuis que l’annonce du bal avait été annoncée, ce n’était plus la première épreuve du tournoi de la Coupe de Feu qui était à la bouche de tout le monde mais plutôt : qui inviter pour être son ou sa partenaire de danse ? Et avec la présence des élèves d’Ilvermorny et de Beauxbâtons, le château n’avait jamais connu un semestre aussi mouvementé.
– Tu ne pourras pas mentir indéfiniment comme ça.
Cette voix sarcastique n'appartient à nul autre qu’à Ominis, adossé contre un pilier de pierre tandis que ses bras étaient croisés contre son torse, sur lequel une chemise blanche retenait sa cravate joliment nouée aux couleurs de Serpentard. Il ne cachait nullement son agacement, un air irrité accolé au visage que Sebastian connaissait (malheureusement) un peu trop bien. Il tenta de se justifier :
– Ecoutes, c’est compliqué…
Parmi les gars les plus populaires, Sebastian plaisait également pour ses talents de duelliste, sans compter qu’il avait déjà enfreint le règlement un nombre incalculable de fois ; car cette réputation de rebelle donnait tout son sel à l'attrait que le jeune sorcier charismatique exerçait sur ces demoiselles. Ces dernières ne ratèrent d’ailleurs pas une seule occasion pour aller le regarder jouer depuis les gradins du stade de Quidditch, depuis qu’il avait repris son poste de Batteur (il avait mis le sport de côté en apprenant la maladie de sa sœur). C’est pourquoi, depuis l’annonce du bal, c’était parfois impossible de partager un moment de répit avec son homologue.
– Ominis, t’es mon ami, tu devrais pouvoir me comprendre, non ?
– Non. répondit-il froidement.
Ominis était drastiquement différent de lui. En tant que descendant d’une haute famille de Sang-Pur, il avait l’impression d’être traité au mieux comme une curiosité, au pire comme un pestiféré. Comme si les autres ne le voyaient que par son nom. Ce qui était particulièrement vrai les premières années à Poudlard. Et même si le temps avait joué en sa faveur (bien qu’il ne pouvait le constater de lui-même), il restait le fils aveugle des Gaunt.
– Allons-nous en d’ici, agacé, le sorcier blond avait parlé d’une voix plus gutturale alors qu’il dévia le pas dans l’une des allées de la cour.
Au bout de six années, les deux amis avaient noué un lien étroit malgré leurs origines et leurs personnalités différentes, au travers de nombreuses aventures et… mésaventures. Sebastian avait notamment appris à connaître les paroles et gestes d’Ominis, qui avait des habitudes et tocs que lui-même soupçonnait probablement… Lorsque quelque chose l’irrite, que ce soit le bruit, les gens ou simplement l'ambiance d'un lieu qui lui tape sur les nerfs, il y a généralement ces petits signes d’expression visibles sur son visage qui signifie qu’il est temps de s’en aller ou de le laisser tranquille.
– Les désirs de Monsieur Gaunt sont des ordres !, ironisa Sebastian avec un petit sourire narquois planté sur son visage alors qu’ils traversèrent le long pont en bois qui craquait par moment sous leurs pas, pendant que deux ou trois chouettes s’envolèrent sur leur passage.
Depuis cette promesse au Sud de Feldcroft, ils n’étaient jamais retournés ensemble à la Crypte (Undercroft). Comme si, d’un sous-accord tacite, ils avaient décidé d’enterrer certains souvenirs issus de leur refuge secret. Car c’était là où ils traînaient auparavant ensemble pour parler, jouer à des jeux, étudier, s’entraîner à lancer des sorts, … Pour Anne, c’était un lieu paisible. Pour Ominis, un lieu d’isolement. Et pour Sebastian, c’était sa joyeuse découverte ! Mais depuis la rentrée, les deux sorciers préféraient se rendre sur les falaises donnant vue en contre-bas sur le lac noir, assez loin du tumulte au château, alors qu’Anne manquait davantage à Sebastian ; il avait l’impression qu’elle n’était plus qu’un fantôme, à peine présente dans sa vie.
En suivant le sentier qu’avait frayé le passage régulier des sorciers, le bruit de klaxons provenant de jonquilles klaxonnantes fit rappeler un souvenir à Ominis :
– Au fait, c’était toi pour le coup des chaises ?
– De quoi ?
– Ne fais pas l’ignorant avec moi. Je te parle de Marxus et ses amis. A chaque fois qu’ils s’asseyaient quelque part, cela provoquait de bruyants couinements… C’est forcément toi à l’origine de ce vacarme.
Marxus et ses amis étaient un groupe de Serpentards d’une année supérieure à eux. Bien qu’ils ne leur montraient jamais d’hostilité, ils étaient plutôt odieux avec leur estime du Sang-Pur inculquée de leurs parents ; un cliché des Serpentards dont ils contribuaient à perpétuer. C’est pourquoi ce tragique « accident » des « chaises péteuses » fit rire le duelliste à la chevelure ébouriffée, qui s’en souvint comme si c’était arrivé à l’instant.
– Malheureusement, ce n’est pas moi., répondit-il négativement, Même si j'aurais aimé avoir ce mérite.
– Vraiment ?, le ton employé par Ominis était suspicieux.
– Pour ce coup-là, c’était l'œuvre de Garreth. Même si je ne pense pas que c’était volontaire ! Je ne sais pas trop comment il a pu, d’une manière ou d’une autre, réussir une telle chose. Le pauvre Marxus doit avoir peur de ne plus trouver de partenaire de bal après une telle humiliation !
A ses paroles, il réussit à décrocher un fugace sourire à Ominis alors qu’ils marchaient côte à côte en s’approchant plus près du lac, où ils s’amusèrent à faire le plus de ricochet possible sur la surface de l’eau glaciale. Comme deux bons amis qui n’avaient plus rien à se cacher…
Du moins, c’est ce qu’ils pensèrent.