
Comme avant
Avec le temps, Sirius avait fini par oublier ce que cela signifiait de faire la fête. Il avait oublié comment l’alcool pouvait altérer ses sens, comment la lumière l’aveuglait et comment la musique résonnait de ses oreilles jusqu’à ses pieds. La guerre n’était pas tendre avec eux alors qu’ils restaient juste des jeunes d’une vingtaine d’années dont le loisir préféré était de s’amuser. Sirius ne regrettait pas. Il visualisait cette guerre comme le combat de sa vie, lui qui avait toujours été en désaccord avec les idées rétrogrades et réductrices de ses parents et plus largement de sa famille. Il n’avait pas peur de mourir pour une telle cause, il n’avait pas peur de la mort quoiqu’on puisse dire de lui. Mais il n’aimerait pas laisser certaines personnes derrière.
Léwina était également là à sauter et danser comme si elle ne le pourrait plus jamais. Elle voulait que cette soirée ne se termine jamais car ici sous l’influence du liquide ambré, elle avait réussi à oublier ses problèmes pour quelques heures et la réalité lui faisait plus peur que jamais. Voldemort gagnait toujours plus en pouvoirs et de nouveaux adorateurs le rejoignaient chaque jour. Mais surtout, cela faisait un mois qu’Arthur Lei était mort.
Sirius s'était souvent dit que le temps apaisait tous les maux. Il avait vécu la perte d'Euphemia et Fleamont Potter comme s'ils étaient ses propres parents. Il se rappelait encore que trop bien des heures passées à conforter son meilleur ami alors que lui-même pleurait à chaudes larmes. La douleur avait comme transpercé son cœur et il ne pensait jamais s'en remettre. Cependant, les jours puis les semaines étaient passés et même si la vue des photos de famille des Potter agrandissait le trou de sa poitrine, il avait fini par faire son deuil.
Mais, contrairement à lui, la douleur de Léwina ne s'estomperait pas. Sirius en était certain. Il savait qu'elle voyait son visage dès qu'elle fermait les yeux. Son souvenir hantait ses nuits et ses journées sans répit. Il était partout où elle allait, tel un fantôme se cachant dans son ombre. D’ailleurs, Sirius avait déjà entendu Léwina parler seule comme si elle s'adressait encore à lui. Chaque jour, il s'inquiétait un peu plus pour sa santé mentale mais il ne lui pas encore fait part. Léwina n'aimerait pas une remarque de ce type.
Malgré tout, elle était une bonne menteuse, tant que personne ne remarquait la douleur qui l'animait. Mais la nuit, le masque tombait. Souvent, Sirius s'endormait avant elle et il ignorait combien de temps elle passait à fixer le plafond avant de tomber de sommeil. Celui-ci était souvent de courte durée. Chaque nuit, dans ses cauchemars, Léwina revenait dans l'enfer de la forêt. Elle se débattait, elle suppliait les Mangemorts de la tuer elle, elle essayait de combattre l'Imperio mais elle échouait, à chaque fois. Alors, elle se réveillait en criant et en pleurant. Cela ne manquait jamais de réveiller également Sirius. Elle pleurait alors dans ses bras jusque n'en plus pouvoir en répétant qu'elle avait tué son meilleur ami. Sirius avait peur pour elle, non peur n’était pas assez fort, il était effrayé car l’état de Léwina ne semblait pas s’améliorer. Pire, il semblait se dégrader davantage car maintenant son refrain avait changé, laissant place à une mélodie plus horrible encore. Au-delà de répéter qu’elle avait tué son meilleur ami, elle suppliait maintenant Sirius de trouver un moyen d’éteindre la douleur. Elle le suppliait d’effacer ses souvenirs car elle ne pouvait plus supporter de revoir son corps dans ses cauchemars. Elle le suppliait de la laisser dormir, juste une nuit, car elle ne pouvait plus supporter de rêver de cette maudite forêt chaque fois qu’elle fermait les yeux. Dans ces moments, Sirius ne savait quoi faire. La détresse de Léwina était si grande qu’elle l’avait englouti en un instant sans rien laisser derrière. Il n’était pas dans la capacité de lui répondre quand elle lui disait que c’était elle qui aurait dû mourir cette nuit-là.
C’était cette réalité que Sirius craignait maintenant plus que tout, alors il voulait profiter encore quelques heures dans l’odeur de transpiration de cette boîte de nuit moldue pour y échapper. Beaucoup dans l’Ordre désapprouverait leur petite sortie mais ils n’en n’avaient que faire. D’ailleurs, depuis quand Sirius se souciait-il des règles ? Alors, ils buvaient, dansaient et criaient. Sirius semblait connaître toutes les chansons et il passait la plupart de son temps à gueuler les paroles tout en dansant étrangement. Léwina était à ses côtés. Elle ne connaissait aucune de ces chansons moldues alors elle se contentait de mettre tout son cœur dans la danse. Même son copain ne l’avait jamais vu comme ça.
L’idée de sortir en boîte moldue avait été très spontanée. Sirius avait tout d’abord mentionné son désir de quitter le temps de quelques heures leur maison, pour changer d’air. Puis, il avait été dit qu’il souhaitait trouver quelque chose pour s’amuser. C’était Léwina qui avait proposé cette sortie ce qui l’avait surpris. En effet, lui adorait se balader dans le monde des moldus et faire des soirées, ce qui était habituellement moins le cas de Léwina. Il n’avait pas bien compris si elle avait cherché à lui faire plaisir ou si elle en avait eu envie pour essayer d’échapper au quotidien. Quoiqu’il en soit Sirius passait l’une des meilleures soirées depuis plus d’un an.
-Commande moi un autre de ses petites verres rouges !
Léwina se tenait à son épaule et Sirius ne l’avait jamais vu aussi joyeuse ces dernières semaines. Elle criait à son oreille pour pouvoir passer au-dessus de la musique mais il n’en avait que faire. Il était bien trop heureux pour s’en soucier. Il finit par s’exécuter en commandant deux shots à la barmaid. Puis, ils avalèrent cul-sec leur boisson.
Plus les heures avançaient, plus l’esprit de Sirius s’embrumait. Mais il se sentait bien, tellement bien. Ses mains étaient posées sur les hanches de Léwina et il sentait son corps bouger sous ses doigts. Ses mains à elle se baladaient dans ses cheveux les emmêlant probablement davantage. Il sentait parfois ses doigts courir sur le haut de sa nuque. Il sentait la chaleur qui émanait de son corps et son regard ne quittait jamais le sien. Ses yeux noirs semblaient plus pétillants qu’habituellement. Il se sentait plus désirable que jamais sous ce regard brûlant. Il était hypotonisé par toutes les nuances de couleur qui apparaissaient dans ses yeux à mesure que les projecteurs tournaient.
La mort d’Arthur et la guerre avaient presque eu raison de leur relation. Mais les voilà, de nouveau proches après plus d’un mois en s’approchant à peine. Sirius en avait envie, il le sentait. Léwina était là, devant lui, et elle était tout ce qu’il désirait. Beaucoup de gens avaient douté de leur relation. La plupart comprenait assez mal pourquoi il était tombé amoureux de quelqu’un comme Léwina. On l’imaginait souvent avec quelqu’un de plus ouvert ou plus souriant. Mais lui savait pourquoi. C’était la seule personne dont il aimait autant le regard. Quand elle le regardait, il se sentait important. Il se sentait comme s’il pouvait gravir n’importe quelle montagne, battre n’importe quel ennemi, accepter n’importe quel fait. En devenant amis, il avait appris à la voir d’une nouvelle manière et il l’avait admiré. Il admirait sa combattivité, cette façon dont elle serait toujours prête à se battre pour le protéger. Il aimait parler avec elle et voir le monde à travers ses yeux. Rien ne semblait impossible lorsqu’elle était à ses côtés car l’échec ne serait qu’un court moment de détresse qu’elle lui ferait oublier.
Le mot « amoureux » n’était plus assez fort pour décrire ce qu’il ressentait. Et dire qu’il avait fallu qu’il la perde presque pour s’en rendre compte. Maintenant, il viendrait là trouver peu importe où elle se trouve sur cette putain de planète car il était convaincu que sa place était à ses côtés et nulle part autre. Il l’aimait tant et son corps ne cessait de le lui crier. Ses mains sur sa nuque lui faisaient l’effet d’un courant électrique et il ne pensait à rien d’autre qu’elle. Elle qui était devant lui et qu’il trouvait magnifique. Ses cils battaient au rythme de la musique, ses longs cheveux blonds virevoltaient dans les airs et elle ne quittait plus ses lèvres du regard. Ceci fit d’ailleurs apparaitre un large sourire sur ses dernières.
-Est-ce qu’on rentre, crie-t-il pour qu’elle l’entende correctement ?
Ses mains glissèrent sur ses épaules découvertes par le débardeur qu’il portait et Sirius ne put réprimer le frisson qui le traversa. Il l’attira un peu plus à lui, désireux de sentir son corps contre le sien. Elle le regarda, lui sourit et sans rien répondre l’entraîna vers la sortie. Sirius crut bien que son cœur allait exploser. Il n’en avait pas espéré autant.
Le chemin pour rentrer chez eux fut court et ils ne parlèrent pas vraiment malgré que leurs mains restèrent liées. Mais cela changea à l’instant où ils entendirent le cliquetis de la porte d’entrée qui se fermait. Sirius vint encadrer le visage de Léwina sans douceur. Il avait l’impression qu’il ne pouvait plus tenir dans un tel état. Il voulait la retrouver et continuer d’oublier tout ce qu’il s’est passé auparavant. Le métal froid de ses bagues contrastait avec la peau brûlante de la Serpentard et la douce caresse de ses doigts avec l’agitation de son cœur. Sirius la dominait de quelques centimètres seulement mais cela était assez pour qu’elle se sente complètement sous son emprise.
-Ne me laisse jamais te perdre.
Léwina ne pouvait maintenant plus quitter du regard ces yeux aciers ou ces lèvres qui se mouvaient à la perfection. Elle reçut l’ordre de Sirius comme une douce demande. Elle comprenait ce qu’il lui demandait. Sirius était un homme impatient et qui avait du mal à s’occuper. Son esprit tournait toujours à des centaines de kilomètres à l’heure et il s’imaginait des dizaines de scénarios à la minute. Léwina savait qu’il avait très mal vécu sa période de mutisme et que cela leur avait presque couté leur relation.
-Et je ne te laisserai pas me perdre non plus. Léwina… J’ai cru mourir pendant ces dernières semaines.
-Je ne vis que parce que tu vis, Sirius. J’aurais abandonné sinon.
En entendant ses paroles, le Gryffondor s’approcha davantage d’elle. Ils étaient maintenant si proches que leur corps s’emboitait en tout point. Ils avaient fini par oublier les sensations que leur procurait cette boule de chaleur qui apparaissait dans leur ventre lorsque leur corps se touchait d’une telle manière. Ils étaient brûlant de désir. Mais, étonnamment, ils préféraient étendre ce moment hors du temps. Ils préféraient se perdre encore une fois dans les yeux de l’autre avant que ces derniers se closent de plaisir. Ils préféreraient voir encore ces lèvres rouges avant que ces dernières retrouvent leurs sœurs.
-Tu es tout ce que je désire, chuchote Sirius comme s’ils étaient des centaines dans cette pièce et qu’il souhaitait que seulement elle l’entende. J’ai l’impression que toute ma vie m’a mené à toi.
-Sirius, réplique Léwina sur le même ton que lui, les lèvres à quelques millimètres à peine des siennes. Je t’ai choisi, et je referai ce choix, jusqu’à la fin.
Le Gryffondor avait à peine attendu la fin de sa réplique pour enfin se jeter sur ses lèvres. Sa main gauche avait glissé sur sa nuque pour l’attirer avec force jusqu’à lui. Les mains de Léwina n’avaient pas non plus attendues bien longtemps avant d’attraper le débardeur de Sirius et de lui retirer. Il n’en fallu pas plus pour que le corps du Gryffondor s’embrase. La boule de feu qui existait dans son ventre venait d’exploser et il se sentait brûlé de l’intérieur. Il attrapa alors Léwina et vint la déposer sur la table du salon. Cette dernière n’avait pas abandonné ses lèvres et ses mains se baladaient sur ce torse que la guerre avait musclé. Tous leurs gestes étaient désordonnés et imprécis. Recevoir le contact de l’autre était presque devenu un besoin vital et il cherchait à l’obtenir le plus rapidement possible. Leurs lèvres se cherchaient sans relâche lorsqu’elle n’était pas occupée à embrasser le corps de l’autre.
En cet instant, la guerre ne les importait que peu, la peur et la mort aussi. Leur maison pourrait être en feu qu’il ne l’aurait qu’à peine remarqué. Leurs retrouvailles passaient au-dessus de tout cela. La vue de leur corps nu leur faisait oublier tout ce qui les entourait. Il n’existait plus qu’eux ici, il n’y avait plus que la fusion de leur corps qui les intéressait. Ils penseraient au reste plus tard.
*****
Ce fut les premiers rayons du soleil qui réveillèrent Sirius ce matin-là. Ses yeux papillonnèrent pour s’adapter à la lumière. Il poussa alors un soupir en se rendant compte qu’ils avaient oublié de fermer les volets en allant se coucher tôt ce matin. En pensant à cela, un sourire vint immédiatement étirer ses lèvres en repensant à ce qu’il s’était passé. Il avait l’impression de sentir encore le plaisir envouter son corps.
Il était d’ailleurs toujours nu, caché sous les draps. Léwina dormait toujours sur son épaule et il prit quelques instants pour la détailler. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas eu l’occasion de la voir dormir aussi paisiblement. Il la voyait souvent se débattre dans son sommeil, crier et pleurer. Autant dire que la sensation qui tordit ses entrailles était bien différente qu’habituellement. On aurait dit qu’ils étaient revenus avant la mort d’Arthur mais Sirius savait que cela n’était pas vrai et que surtout que ce ne serait jamais vrai. Leur relation avait définitivement changé, pour le meilleur ou pour le pire. Mais Sirius avait désormais appris de ses erreurs et il se battrait jusqu’à ses dernières forces pour que chaque matin Léwina se réveille à nouveau dans ses bras. Voir les Potter attendre un enfant et se marier lui avait donné quelques idées mais il trouvait que c’était encore trop tôt, ils n’avaient que vingt ans. De plus, il savait que c’était également l’avis de Léwina. Ils ne voulaient pas essayer de vivre toute une vie en un an. Ils voulaient prendre leur temps pour être sûr de ne faire aucune erreur. Bien sûr, dehors, la guerre les guettait et leur avenir était plus qu’incertain. Mais c’était leur choix quelles qu’en soient les conséquences.
Reportant son regard vers celle qu’il l’aimait, Sirius découvrit que Léwina était maintenant réveillée. En se perdant dans ces deux yeux noirs, Sirius comprit tout de suite qu’elle était dans un bon jour et un sourire apparut sur son visage. Elle lui sourit également avant de faire une grimace et de se cacher dans le creux de l’épaule de Sirius dans l’espoir d’échapper à la lumière et de pouvoir se rendormir. Cela fit rire le Gryffondor. Ces petits moments au lit lui avaient terriblement manqué.
-Bien dormi, demande-t-il lorsqu’elle réapparut enfin ?
Sirius ne pouvait la trouver que mignonne à cet instant précis. Surtout lorsqu’elle posa sa tête sur son torse en enserrant son corps.
-Je n’ai fait aucun cauchemar.
Son murmure rendit le Gryffondor plus heureux que jamais. Il la serra davantage contre lui.
Certaines personnes n’avaient pas compris leur relation et à l’époque de Poudlard nombreux sont ceux qui avaient pris un plaisir malsain à lancer des rumeurs sur leur couple. Même s’ils n’y avaient jamais vraiment porté attention, ce serait mentir que de dire qu’ils ne s’étaient pas posés quelques questions sur le pourquoi du comment. Maintenant, ils pensaient surtout que c’était la jalousie qui avait poussé les gens à dire de telles choses. Aussi, qui aurait pu prédire que lui, Sirius Black, un Gryffondor finisse dans les bras de Léwina Malfoy, une Serpentard, surtout connaissant leur passé respectif. Mais ni Sirius ni Léwina n’avait envie de se soucier du regard des autres. Maintenant, ils étaient complètement certains de leurs sentiments et ils n’avaient pas besoin de quelqu’un d’extérieur pour donner son avis. Non, ils n'avaient besoin que d’un « je t’aime » chuchoté, ou d’un « tiens je t’ai fait ton café » en apportant la tasse fumante ou encore d’un « fais attention » supplié du bout des lèvres avant de partir en mission pour savoir que peu importe ce qu’en pensait les autres, ils resteraient ensemble. Car leur amour était unique et fort et ils ne comptaient pas le perdre.