
Le réveil
Quand Sirius ouvrit les yeux le lendemain matin, le jour l’aveugla d’abord. Il n’avait pas pris le temps de fermer les volets la nuit précédente et en payait désormais le prix. La deuxième sensation qui l’envahit était une sensation de chaleur et celle-ci provenait précisément de sa main droite. C’était une chaleur douce qui le remplissait d’une joie immense malgré l’heure matinale. Alors, il laissa son regard glisser sur son bras pour enfin finir sa course sur sa main. Mais cette dernière ne se trouvait pas seule. Celles de Léwina y étaient fermement accrochées, tel un étau dont il ne pouvait s’extraire. Mais il n’avait pas envie de partir, peut-être pour la première fois depuis des jours, il n’avait pas la moindre envie de partir. Léwina s’accrochait enfin à lui.
Son regard resta bloqué sur les longues et noires cernes de Léwina. Dans quel état allait-elle être à son réveil ? Il était déjà étonné qu’elle ait dormi. Lui-même avait lutté contre le sommeil pendant de longues minutes avant de finir par s’endormir sans s’en rendre compte.
Mais Sirius ne put s’abandonner à davantage de réflexions plus longtemps puisque Léwina battit doucement des paupières avant de froncer les sourcils pour se cacher quelque peu de la lumière. Quelques instants plus tard, les yeux gris de Sirius étaient plongés dans ceux noirs de Léwina. Le Gryffondor se retrouva renvoyé plus de deux ans en arrière alors qu’ils commençaient à peine à sortir ensemble et qu’ils passaient le plus clair de leur temps à se regarder et à s’embrasser. Comme lors de ces moments heureux, le temps s’était une nouvelle fois arrêté alors qu’il observait avec attention toutes les nuances des yeux de Léwina.
Bien que les derniers jours aient été les plus compliqués de leur histoire, Sirius était certain de ne jamais avoir arrêté de l’aimer. Peut-être l’avait-il fait de la mauvaise façon ? Peut-être avait-il été trop égoïste ? Mais ses sentiments n’avaient jamais vraiment disparu. Ils étaient restés fermement accrochés à lui.
Léwina ne le lâcha pas du regard et Sirius sut que maintenant tout serait différent. Il hésita quelque peu avant de faire ce à quoi il pensait mais il en mourait d’envie depuis plusieurs jours alors son hésitation fut de courte durée. D’abord, il se rapprocha de Léwina. Cette dernière ne le repoussa nullement alors il continua. De sa main libre, il vint entourer sa taille. Son regard était d’une intensité rare et il ne souhaitait nullement briser cet échange visuel. Contractant ses muscles un à un, il réussit à la tirer vers lui. Léwina se laissa faire. Tant que bientôt leurs corps se rencontrèrent pour la première fois depuis bien trop longtemps. Les mains de Léwina finirent par se détacher de celle de Sirius pour venir se déposer sur sa nuque dans un mouvement si lent que Sirius crut en mourir d’anticipation. Une douce chaleur se répandit dans son corps. C’était une sensation qu’il avait oubliée et une nouvelle fois, il se revoyait adolescent vivant ses premiers émois. En effet, il crut que son cœur allait exploser lorsque Léwina se rapprocha encore plus que lui. Sa tête était maintenant nichée dans son cou et Sirius en profita pour passer une main dans ses cheveux blonds.
Léwina pleura alors, tant que Sirius crut que plusieurs heures étaient passées entre la première et la dernière larme. Le Gryffondor ne sut quoi faire d’autre que la serrer contre lui en lui caressant le dos.
Lorsque Sirius n’entendit plus aucun bruit, il s’autorisa à s’éloigner légèrement de Léwina pour la regarder et remarqua qu’elle s’était endormie. Le Gryffondor ne savait combien d’heures elle dormait chaque nuit ou même si ça lui arrivait de dormir. Sirius essaya ainsi de ne pas la réveiller alors qu’il se détacha doucement d’elle. Il quitta le lit et en fit le tour pour sortir de la chambre. Avant de fermer la porte derrière lui, il utilisa sa baguette pour clore silencieusement les volets.
Connaissant que trop bien ses compétences désastreuses en cuisine, il décida de faire des pâtes. Or, une heure plus tard, Léwina ne s’était toujours pas réveillée, il les plaça donc au réfrigérateur.
Ce fut une trentaine de minutes plus tard alors que Sirius fumait une cigarette à la fenêtre que Léwina descendit les escaliers qui menait au salon. Elle avait fini par quitter ses habits de la vielle et portait désormais un pantalon de pyjama et un tee-shirt qui appartenait à Sirius. Ce dernier ne la lâcha pas une seule seconde du regard tandis qu’elle le rejoignait.
-Encore tes trucs moldus, demande-t-elle en fixant la cigarette coincée entre ses doigts ?
-T’en as déjà fumé pourtant, répond Sirius en sortant le paquet de sa poche arrière avant de le proposer à Léwina. T’en veux une ?
Léwina n’hésita pas bien longtemps avant de prendre le batônnets et de le placer entre ses lèvres. Sirius l’alluma alors avec la sienne et ils fumèrent en silence en regardant l’horizon.
-Ca me fait penser à toutes ces nuits qu’on a passé à deux à Poudlard.
Sirius se retourna soudainement vers Léwina, surpris qu’elle décide de parler de cela. Or, elle lui lança un regard doux et Sirius se permit de sourire. Lui non plus n’avait oublié aucune de ces nuits. Il empruntait la cape d’invisibilité de James et se glissait hors de la tour de Gryffondor. Il descendait ensuite jusqu’aux cachots où il retrouvait Léwina. Une fois à l’extérieur, ils pouvaient enlever la cape et profitaient de la fraicheur de la nuit pour parcourir les environs du château. Parfois aussi, ils leur arrivaient de s’asseoir, de s’allumer une clope et de parler de tout et rien. Ils avaient commencé à faire cela avant même de sortir ensemble mais ces sorties nocturnes étaient devenues plus fréquentes après qu’ils se soient avoués leurs sentiments.
Alors, que leur cigarette avait depuis bien longtemps rejoint le cendrier, Sirius quitta ses pensées et jeta de un regard vers Léwina. Celle-ci avait les yeux visés sur l’horizon.
-A quoi tu penses ?
Léwina regarda ses mains qu’elle tritura quelques instants avec de répondre d’une faible voix :
-Je ne sais pas.
Elle marqua une longue pause pendant laquelle Sirius ouvrit et ferma la bouche, tentant désespérément de trouver les bons mots.
-Depuis la mort de… Depuis sa mort, je n’ai voulu que me venger. Maintenant je ne sais plus quoi faire. Je suis complétement perdue et il y a…Ce vide dans mon cœur et je ne sais pas avec quoi le combler, finit-elle, la voix cassante.
Sirius l’attira dans ses bras mais Léwina ne pleura pas.
-Je ne sais juste plus quoi faire, plus comment agir, avoue-t-elle à demie-voix, en voulant disparaitre derrière ses mains.
Mais, Sirius l’en empêcha et la força à le regarder. Il fixa ses yeux noirs gorgés d’eau dont aucune larme ne coulait. Le cœur du Gryffondor se serra davantage devant l’état de Léwina : elle était complètement perdue et elle souffrait. Il ne quitta pas une seule seconde des yeux alors qu’il tenta de la rassurer :
-Ca va s’arranger et je serais là, à tes côtés, à chaque instant de la journée. Je ne te quitterai pas. Même si le monde n’est pas toujours rose, je n’arrêterai jamais de t’aimer. Léwina, je serais là dans toutes les épreuves de ta vie. Tu pourras toujours venir me voir pour chercher du réconfort. Je serais avec toi car c’est le seul endroit où je désire être.
Une larme solitaire roula sur la joue de la Serpentard. Sirius l’essuya à l’aide de son pouce.
-Mais j’ai tué Arthur…
-Tu n’as pas tué Arthur, Léwina. C’est Trin Barnes qui l’a tué.
Il vit que Léwina semblait vouloir contester ce qu’il avançait alors il parla avant qu’elle ne puisse le faire :
-Peut-être que c’est ta baguette qui a jeté le sortilège, mais ça ne venait pas de ton cœur. Tu aimais Arthur. Tu n’étais pas toi-même.
-Mais c’est moi qui aie jeté le sort, défend-t-elle en criant !
-C’est peut-être tes lèvres qui ont énoncé le sort, mais tu étais sous imperium.
Léwina ne semblait pas vouloir le croire. Elle tourna la tête et tenta de s’échapper à la prise de Sirius sur son visage. Mais ce dernier la raffermit davantage.
-Léwina… Regarde-moi !
Sa voix avait été plus dure qu’il n’avait souhaité. Il eut soudainement peur, qu’avait-il fait ? Mais le visage de Léwina qui lui fit face à nouveau ne laissa aucune place à la colère tant la tristesse y était marquée.
-Léwina, reprit-il plus doucement. Tu n’as pas tué, Arthur. Tu as été manipulée, tu as lutté et lutté pour combattre Barnes mais il était trop fort. C’était son âme et son cœur qui ont pris possession de toi. Tu n’aurais jamais fait ça.
Cette dernière réplique sembla calmer Léwina et Sirius put de nouveau l’attirer dans ses bras. Elle s’accrocha à lui plus fermement qu’elle ne l’avait jamais fait. Son visage était plongé dans son cou et ses mains tiraient sur son tee-shirt, désespérément.
-Je voulais juste me venger, répète-t-elle, juste lui faire comprendre la souffrance que j’ai ressenti.
Sirius caressait distraitement son dos.
-Je voulais qu’il soit le premier que je…
-On n’a pas besoin d’en parler si tu ne veux pas.
Léwina fut surprise de la réponse rapide et ferme de Sirius. Elle observa son visage quelques secondes espérant comprendre ce qui n’allait pas avant de répliquer doucement : « tu as raison, on ne devrait pas en parler maintenant ». Mais en vérité, c’était Sirius qui ne voulait pas en parler. En effet, il n’était pas prêt à accepter le fait que sa copine ait utilisé de la magie noire juste devant lui. Il voulait oublier ce détail, faire comme s’il n’avait jamais existé.
Mais malheureusement, il n’arrivait pas à l’oublier. Les images du dragon de flammes qui s’envoilait dans les airs ne quittaient jamais vraiment son esprit. Léwina n’avait pas hésité au moment de tuer, elle n’avait pas hésité à utiliser de la magie noire. Jusqu’à où était-elle encore capable d’aller ?
-Qu’est-ce que je dois faire maintenant, demande Léwina, serrant toujours Sirius dans ses bras ?
Le Gryffondor ne put répondre tout de suite : que fallait-il mieux faire en premier ? Tenter de faire son deuil, aller voir la famille Lei, envoyer une lettre à Anna, mettre au courant tous les membres de l’Ordre du Phénix de la mort de Trin Barnes, avertir Dumbledore ? Mais Sirius réussit à garder la face devant Léwina, alors il lui demanda simplement :
-Que veux-tu faire en premier ?
-Aller voir Arthur.
Léwina avait seulement murmuré pourtant Sirius l’avait entendu aussi fort que si elle avait crié. Léwina acceptait enfin de se mettre face à la réalité et cela était la première étape pour qu’elle réussisse à faire son deuil.
*****
C’était la première fois que Sirius revoyait la tombe d’Arthur Lei depuis l’enterrement. Elle se trouvait à, à peine quelques centaines de mètres de la maison de sa famille. Elle était surplombée par trois grands arbres qui la gardait à l’ombre et à l’abris de la pluie. La tombe en elle-même était plutôt simple même si Sirius appréciait particulièrement la douce couleur du marbre.
-A notre frère, notre ami, notre amour.
Léwina se tenait à environ deux mètres de la sépulture, comme si elle n’osait s’approcher trop prêt. Or, Sirius était déterminé. Alors, il alla à sa rencontre et lui présenta sa main. Léwina eut l’air surprise en regardant cette main tendue vers elle. « Peut-être que c’est trop tôt », pensa Sirius. En effet, Léwina venait à peine d’accepter le fait que son meilleur ami était mort, il ne fallait pas la brusquer. Pourtant, elle finit par l’attraper de la sienne et lia leurs doigts. Sirius les approcha alors tous les deux de la tombe malgré qu’il ressentît une légère résistance dans son bras.
Ils se tinrent dans le silence pendant plusieurs minutes à fixer la tombe d’un ami mort. Sirius ne pouvait imaginer ce qui était en train de se passer dans la tête de Léwina. Il tenta de se mettre à sa place un instant et chercha à définir ce qu’il ressentirait si James venait à mourir pour essayer de comprendre les sentiments de la Serpentard. Or, il effaça cette image le plus rapidement possible de son cerveau tant elle le faisait souffrir. Sirius avait vécu des deuils mais jamais de tels deuils. En effet, il avait perdu son oncle Alphard qu’il avait toujours apprécié mais qu’il ne voyait rarement. Il avait perdu Euphemia et Fleamont Potter qui étaient devenus pour lui presque des parents durant ces dernières années mais il ne s’était pas autorisé à être triste pour soutenir au mieux James. Enfin, il avait aussi perdu Arthur Lei, un ami, mais une fois de plus, il avait tenté d’être fort pour soutenir aux mieux ses proches. Ce n’était pas ce qu’avait fait Léwina. Elle s’était laissé noyer dans les eaux de la peine et de la haine, tant qu’elle avait oublié de remonter à la surface. Elle tentait de le faire maintenant mais il était peut-être déjà trop tard.
-Tu veux que je te laisse quelques minutes seule, demande d’une voix douce Sirius ?
Léwina ne répondit rien mais hocha la tête alors Sirius s’éloigna. Or, il ne la quitta nullement des yeux.
-Désolé.
Léwina se sentait incapable de prononcer le moindre autre mot. Elle avait la gorge si sèche que les syllabes de son excuse étaient étouffées et difficilement compréhensible. Elle avait mal. Elle souffrait. Elle réalisait seulement qu’elle ne reverrait jamais Arthur, qu’elle ne pourrait plus jamais l’entendre faire une blague et qu’elle ne pourrait plus jamais écouter ces conseils. Arthur ne reviendra jamais.
Léwina avait envie de crier et de pleurer mais elle n’y arrivait même pas. Elle n’en pouvait plus. La pensée même que c’était sa baguette qui avait lancé le sort la terrorisait. Elle se haïssait d’avoir été si faible dans un moment aussi crucial. Si seulement elle avait réussi à combattre l’Imperio, elle ne serait pas ici aujourd’hui. Elle ne serait pas en train de se morfondre sur la tombe de l’homme qu’elle avait tué.
Elle se laissa tomber au sol, ses jambes ne supportant plus de maintenir son propre poids. Les Mangemorts auraient dû la tuer elle. Elle aurait dû mourir à la place d’Arthur. Il n’était pas juste qu’elle puisse encore fouler la surface de la Terre alors que le corps d’Arthur ne serait plus que poussières. Ce n’était pas juste.
Elle aurait voulu lui dire tant de choses. Lui expliquer à quel point il lui manquait, à quel point elle se sentait perdue sans lui, à quel point elle avait peur. En effet, Arthur était celui qui lui avait permis de devenir meilleure et sans lui elle ne savait plus ce qu’elle allait devenir. Pendant de longues années, Arthur avait été son pilier. Sans lui, elle ne savait plus comment se soutenir, tant qu’elle avait l’impression de tomber continuellement depuis sa mort. Elle l’avait longtemps considéré comme étant sa seule famille et elle haïssait la vie de lui avoir retirer. Elle haïssait cette guerre, elle haïssait les Mangemorts, et surtout, elle haïssait sa faiblesse.
-Ne soit pas si énervé.
Léwina rouvrit soudainement les yeux. Elle avait entendu sa voix aussi clairement que s’il était juste devant elle. Pourtant, elle ne vit que la tombe sans aucune trace de son habitant. Là voilà, elle était en train de devenir folle. Elle entendait maintenant la voix de son ami mort.
Pourrait-elle seulement vivre un jour sans être hantée par son souvenir ? Elle sentait son corps débordé de haine. Tuer Trin Barnes avait d’abord été une obsession puis un soulagement momentané, mais maintenant toute la colère était revenue et elle ne savait plus quoi faire pour la faire taire. Elle se sentait prête à mettre le feu à des forêts entières ou à aller se battre seule contre des centaines de Mangemorts, elle voulait juste que cette voix qui lui criait qu’elle avait tué Arthur se taise.
-Je ne t’en veux pas, Léwina. Je ne te reprochais jamais une telle chose et tu le sais bien.
Arthur avait toujours été la voix de la raison de Léwina. Elle se laissait souvent emporter par ses sentiments et le Serpentard avait toujours su se montrer plus sage et raisonné dans ses décisions.
-Va voir ma famille, ils seront heureux de te voir.
Jamais, elle n’avait imaginé que c’était lui qui mourrait en premier. D’ailleurs, jamais elle n’avait imaginé qu’il mourait tout court. Elle se sentait comme un enfant qui venait de découvrir que ses parents n’étaient pas immortels.
Mais, écoutant le conseil d’Arthur, elle se leva et se retourna. Au loin, on pouvait apercevoir le haut de la maison des Lei.
-Il te faut maintenant te battre pour toi et moi en même temps. Mais n’oublie pas que je resterai à jamais à tes côtés.
Car « Ceux que nous aimons ne nous quittent jamais vraiment, nous pouvons toujours les trouver, dans nos cœurs. ». Léwina releva le regard et tomba sur Sirius. Elle partit alors le rejoindre, le cœur un peu plus léger de savoir qu’elle n’abandonnait pas Arthur dans le froid du marbre car il continuait à vivre, en elle.