
A notre frère, notre ami, notre amour
Sirius regarda une dernière fois son aspect dans la glace, pas complètement convaincu de sa tenue. Il avait tenté d’être le plus sobre possible, tant qu’il s’était probablement perdu lui-même. Arthur lui aurait probablement dit qu’il était essentiel de rester soi-même en toute occasion. Sirius eut un rire jaune, la belle blague. Néanmoins, il aurait bien aimé que Léwina lui dise qu’il était parfait comme il l’était et qu’il n’avait pas besoin de s’en faire. Mais ces mots ne sortiraient jamais de sa bouche, ça, c’était une chose sûre.
La Serpentard n’était devenue que l’ombre de celle qu’elle avait un jour été. Quoique, Sirius était sûr qu’une ombre aurait été plus bavarde.
*****
Sirius, James, Peter, Owen et Lily étaient partis récupérer le corps d’Arthur après que cette dernière eut donné une dose supplémentaire de potion à Léwina pour la faire dormir. Ils avaient été sur leur garde à l’instant où ils avaient posé le pied à la lisière du bois, des Mangemorts pouvaient se cacher derrière chaque arbre. Ils s’étaient enfoncés dans la forêt et Sirius avait eu du mal à la reconnaitre. Tout semblait plus sombre, le moindre insecte avait cessé de voler et les arbres semblaient mourir de l’intérieur. Seule l’adrénaline permettait à Sirius de continuer à avancer pourtant à chaque pas, il se revoyaient marcher avec Léwina et Arthur à ses côtés et rien qu’à cette pensée, il sentit les larmes lui monter.
Il avait été aisé de retrouver la zone de l’affrontement tant les souvenirs étaient encore imprimés au fer rouge dans l’esprit de Sirius. C’est alors qu’il l’avait vu, étendu de tout son long, aussi paisible qu’un enfant qui dormait. Pour une fois, ce fut Owen qui rompit la formation en premier. Il se précipita et se lança aux pieds de son frère. Tandis que James, Lily et Peter s’arrêtèrent pour surveiller la zone, Sirius s’approcha d’un pas tremblant des Lei. Le spectacle qu’il y vit lui glaça le sang. Il vit ses yeux définitivement clos, son sourire définitivement effacé et ses traits éternellement tiré dans une expression de terreur pure. Sirius ne put regarder plus longtemps et tourna le regard.
Owen posa délicatement la main sur la poitrine de son frère mort, là où il aurait dû sentir les battements de son cœur. Le Poufsouffle serra les dents en sentant les larmes perler aux coins de ses yeux. Il ne devait pas craquer, il ne pouvait pas craquer, pas maintenant. Il ferma alors les yeux et se détacha du corps froid de son frère. Il jeta un regard aux autres. Lily et Peter montaient la garde tandis que James réconfortait Sirius qui se tenait à un arbre, en proie au malaise.
Owen souffla et sortit sa baguette. Il jeta une dernière fois un regard à son frère puis leva les yeux et se promit de ne pas les abaisser une nouvelle fois. Alors qu’il agitait sa baguette en l’air, Owen se mit à chuchoter de sorte à ce que seulement son frère puisse l’entendre :
-Repose en paix, toi qui n’as jamais eu peur de la mort, mais qui était bien trop jeune pour une telle fin.
*****
Sirius finit par lâcher son regard de la glace et s’enfonça dans la cuisine où il trouva Léwina. Cette dernière, tout comme lui, était habillée d’une tenue entièrement noire à l’exception du large bandeau émeraude qui retenait ses cheveux. Sirius n’eut pas besoin de demander pour savoir quelle était la couleur favorite d’Arthur.
Le regard de Sirius parcourut doucement le visage de Léwina alors que celle-ci jetait la fin de son assiette. Elle était méconnaissable. Enfin, n’importe qui aurait pu tomber dans le piège. La véritable Léwina était cachée sous d’épaisses couches de maquillage. Ses joues avaient été rosi et lui donnait un air heureux, le noir autour de ses yeux empêchait le regard de tomber sur ses cernes, son rouge à lèvres camouflait ses lèvres mordues et ensanglantés. Son fond de teint cachait la pâleur de sa peau et sa fatigue criante.
Cela faisait trois jours qu’Artur était mort.
A son réveil, Léwina était entrée dans une colère noire, comme l’avait présagé Sirius. A cet instant, ils étaient seuls chez eux et le Gryffondor avait bien cru qu’il n’arriverait pas à la contenir. Il avait réussi à la calmer seulement en déclarant qu’ils étaient retournés chercher le corps d’Arthur et que l’enterrement aurait bientôt lieu. Les bras de Léwina étaient alors retombés le long de son corps et la flamme qui animait son regard l’avait quitté. Depuis ce moment, Sirius n’avait entendu Léwina prononcé seulement des monosyllabes. Son visage était tout le temps fermé et ni la joie ni la tristesse ne vint jamais le perturber. Elle semblait avoir perdu son âme.
La nuit, Sirius n’arrivait pas à fermer un œil. Il entendait la douce respiration de Léwina qui se plaçait dos à lui et cela le rassurait : il avait au moins la certitude qu’elle était toujours en vie. Impuissant était un mot bien trop faible pour décrire comment Sirius se sentait actuellement. Léwina ne vivait plus : elle se levait, s’entrainait, faisait des siestes toute la journée, en oubliant de boire et manger. Ses joues s’étaient creusées, ses cernes épaissies et son corps amaigri. Il était facile de voir que Léwina se laissait dépérir. Sirius n’avait plus qu’un seul espoir. C’était que l’enterrement de son meilleur l’aide à faire son deuil pour qu’elle puisse enfin aller de l’avant. C’était en pensant à cela qu’il attrapa le bras de sa copine et qu’ils transplanèrent.
Sirius reconnut facilement la maison des Lei qui se dressait devant lui. Il ressentit un pincement au cœur en repensant aux bons souvenirs qu’il avait passés ici et plus largement à tous les bons souvenirs qu’il avait avec Arthur.
Léwina se détacha de lui et commença à s’avancer vers la maison. Sirius ne savait plus quoi faire, il était complètement perdu. Il avait tenté de faire parler Léwina, il lui avait laissé du temps pour elle, il avait même tenté de la mettre en colère dans l’espoir vain de la faire réagir. Mais Léwina n’était plus vraiment Léwina. Et si repenser aux souvenirs d’Arthur ne lui avait pas assez déchiqueté le cœur, cette réalisation finit de le faire.
Les Lei avaient profité de l’immensité de leur jardin de campagne pour faire la cérémonie dans un cadre plus personnel. Il y avait de nombreuses rangées de chaises en bois et sur chacune d’entre elle était accrochée une fleur blanche. Au bout de l’allée, on retrouvait une petite estrade où serait probablement déposé le cercueil. Sirius et Léwina s’en approchèrent et ils marquèrent un temps d’arrêt à quelques mètres de la foule. D’un regard, Sirius reconnut la famille des Lei. Il était évident de voir leur tristesse et son cœur ne put que se serrer davantage. Pourtant, dans cette foule de sorciers habillés en noir, ils se démarquaient. La mère d’Arthur portait une écharpe violette et elle pleurait à chaque larme dans l’épaule de son mari qui lui caressait avec douceur ses cheveux. Rose se tenait droite à côté d’eux mais son regard triste souligné par un étonnant maquillage rouge parlait pour elle. Enfin, Owen et ses chaussures jaunes était accroché au bras de Sturgis et l’expression de douleur plaquée sur son visage était difficile à voir. Sirius en détourna le regard.
Peu loin, le Gryffondor reconnut Anna avec d’autres gens qu’il supposa être sa famille. Il s’approcha d’elle, ignorant Léwina qui semblait prendre racine. Dès qu’elle le vit, Anna s’approcha de lui et lui offrit une longue étreinte. La pauvre Serdaigle était trempée par des larmes silencieuses qui ne souhaitaient s’arrêter. Elle et Sirius n’avaient jamais été aussi proches que durant ses précédents jours.
Il avait fallu seulement huit heures avant qu’Anna se retrouve dans son salon à pleurer comme il n’était pas permis, le remerciant d’avoir ramené le corps de celui qu’elle aimait. La Serdaigle lui avait ensuite parlé de tous ses souvenirs. Elle avait commencé son récit lorsqu’Arthur était venu lui parler lors d’un cours de Sortilège. Elle lui avait raconté ses piteuses techniques de drague et Sirius s’était autorisé à rire en imaginant le jeune Arthur dire de telles choses. Anna lui avait parlé de la façon dont tout le monde avait tenté de la dissuader de sortir avec Arthur Lei, de la façon dont tout le monde lui disait toujours de se méfier de Léwina Malfoy qui semblait très amoureuse de son copain, mais surtout de la façon qu’Arthur avait de la regarder et de lui sourire. Sirius n’avait pas besoin de voir la scène à travers une Pensine pour voyager dans les souvenirs les plus intimes qu’Anna lui partageait. Elle racontait tout avec une telle justesse que Sirius n’avait qu’à fermer les yeux et se retrouvait dans les couloirs de Poudlard à voir Arthur faire des sourires charmeurs à la Serdaigle.
La nuit s’était couché une nouvelle fois et Sirius avait amené à manger et des boissons. Cette nuit-là, il avait fini complètement saoul à pleurer et rire avec quelqu’un qu’il découvrait à peine et dont le cœur devait être détruit d’une façon qu’il ne saurait l’imaginer. A ce moment, Léwina dormait et même si elle avait cru entendre des voix lors de l’un de ses multiples réveils, elle avait préféré ignorer tout cela.
Anna avait tout préparé pour l’enterrement. Depuis trois jours, elle ne faisait que courir. Cela lui allait bien, à vrai dire, cela faisait moins de temps pour penser. Elle savait que lorsque tout serait terminé, sa peine l’assaillirait d’une telle façon qu’elle n’était pas sûre d’en ressortir en vie. Au moins, elle espérait honorer Arthur une dernière fois.
A un moment ou à un autre elle avait dû décider qui prendrait la parole lors de l’enterrement. En effet, Anna avait choisi une cérémonie dynamique qui mettait en avant le rire en évoquant des anecdotes passées. Sans jamais en avoir parler avec le concerné, elle savait que c’était ce qu’il aurait voulu. Rapidement, son choix s’était porté sur Léwina. Aussi, qui ne choisirait pas la meilleure amie du défunt pour faire un discours ? Elle était alors partie la rencontrer chez elle. Elle avait revu Sirius et l’avait salué chaleureusement. Elle découvrait à peine cet homme mais la soirée qu’ils avaient partagé lui avait mis du baume au cœur. Bien sûr, la plaie restait béante et infermable mais elle avait arrêté de piquer, durant quelques heures.
Elle avait été très surprise en voyant le visage de Sirius se décomposer lorsqu’elle lui avait annoncé son souhait. Le Gryffondor avait cherché ses mots sans jamais les trouver : il semblait avoir une raison mais était incapable de l’énoncer à voix haute. Alors, Anna avait décidé de prendre la situation en mains et était monté pour annoncer la nouvelle à Léwina. Une chose était certaine, le regard qu’elle lui avait lancé resterait graver dans sa mémoire jusqu’à sa mort. Il était vide, empreint d’un mépris total. Enfin, Léwina avait détourné les yeux et les larmes étaient montés dans ceux d’Anna. Elle avait crié sur Léwina et avait dit des choses si horribles qu’elle n’aurait jamais pensé prononcer un jour. Mais la Serpentard n’avait pas bougé et n’avait pas relevé le regard.
Ce fut Sirius qui avait fini par amener Anna dehors. Il lui avait fallu pas moins de vingt minutes pour calmer la Serdaigle et lui expliquer que Léwina n’était pas réellement elle-même en ce moment. La copine d’Arthur avait fini par croire à ses paroles seulement quand les larmes avaient commencé à dévaler le visage du Gryffondor. Elle l’avait donc choisi lui.
*****
-Bonjour à tous, merci d’être avec nous aujourd’hui pour honorer une dernière fois Arthur, tué par les forces du mal.
Anna ne s’était pas imaginée avec une telle prestance face à une telle foule qui la scrutait alors qu’elle s’était avancée sur l’estrade. Une force nouvelle sembla voir le jour en elle et elle n’eut pas besoin de chercher à savoir d’où elle venait : Arthur venait lui donner un coup de main pour affronter cette dure journée.
Anna parla alors pendant plusieurs minutes, elle évoqua diverses anecdotes qui fit rire la foule. La boule qu’elle avait dans la gorge l’empêchait parfois de parler mais quelque chose en elle, la force d’Arthur, fit en sorte que tous les mots soient parfaitement prononcés.
Il n’était pas abusif pour elle de dire qu’Arthur avait été et resterait probablement la personne qu’elle avait le plus aimé dans sa vie. Jamais, elle ne se serait imaginée le perdre. Pourtant, ce jour était bel et bien arrivé. Elle repensait à tous les bons moments qu’ils avaient partagé alors qu’elle dévoila une partie de son intimité à la foule pour clôturer son discours. Bien qu’elle aurait aimé qu’il dure encore cent ans pour continuer à oublier le présent et vivre dans le passé.
-Arthur aimait m’entendre raconter toutes sortes de choses. Il disait qu’il m’aimait comme ce n’était permis et qu’il se réjouissait chaque jour de m’avoir à ses côtés. Il aimait que je lui parle avant qu’il s’endorme, il me demandait de raconter ma journée ou de parler de mes passions. Il écoutait toujours attentivement avec un sourire sur les lèvres. Arthur a toujours été une oreille attentive pour qui que ce soit et le compter parmi ses proches a toujours été une chance. Arthur aimait rire et même si ce son ne parviendra plus jamais à nos oreilles, rappelez-vous du Arthur souriant qui aime raconter des blagues et qui savait toujours apporter sa lumière dans les plus sombres moments.
Anna fut applaudie, descendit de l’estrade en pleurs et vint serrer la mère de son copain dans ses bras. Owen et Rose montèrent ensuite sur l’estrade et leur discours fut tout autant touchant que celui qu’avait fait Anna quelques minutes plus tôt. Ils parlèrent longuement de l’enfance de leur frère et Sirius découvrit tout un pan de la vie de son ami dont il n’avait jamais entendu parler. Les larmes lui montèrent mais il se promit de ne pas pleurer pour l’instant.
Ce fut rapidement son tour. James lui tapa l’épaule en lui souhaitant bon courage alors qu’il se levait. Non, Sirius ne se sentait pas à sa place ici alors qu’il marchait dans l’allée pour rejoindre l’estrade. Sa main qui tenait les feuilles qu’il avait gribouillé tremblait sans pouvoir s’arrêter. Il ne se sentait pas légitime et ce sentiment ne put que s’amplifier lorsqu’il se retourna et qu’il découvrit la foule qui le regardait. Arthur avait de nombreux proches : il y avait toute sa famille, ses amis, des membres de l’Ordre et des gens que Sirius n’avait jamais aperçu mais qui semblaient eux aussi touché par l’émotion. Comment s’était-il retrouvé là ? Sa gorge s’assécha immédiatement et parler lui semblait impossible. C’était Léwina qui aurait dû être sur cette estrade, pas lui. Elle aurait parlé de la façon dont Arthur l’avait rendu meilleure, comme il avait été pendant longtemps l’un de ses seuls amis, celui auquel elle n’hésitait jamais à se confier. Mais non, Léwina était gentiment assise dans la foule et c’est lui qui se retrouvait ici. Qu’avait-il à raconter que n’aurait pu raconter James, Remus ou Emmeline ? Il connaissait réellement Arthur depuis si peu d’années qu’elles se comptaient sur les doigts d’une seule main. Sirius sentit sa respiration s’accélérer, il allait faire un malaise.
Pourtant, son regard s’accrocha à un autre. Il était larmoyant mais quelques centimètres plus bas trainait un faible sourire sur ses lèvres. Anna lui souriait. Elle avait confiance en lui. Alors Sirius prit une longue inspiration. Ce discours n’était pas pour lui, il n’avait pas besoin d’haranguer une foule dont le deuil durerait quelques heures. Non, ce discours était pour Anna pour lui montrer à quel point Arthur avait été aimé. Ce discours était aussi pour Léwina car même si elle ne pouvait parler aujourd’hui, son regard était fixé sur lui et étonnamment, il ne lui semblait pas aussi froid que ces derniers jours.
-J’ai détesté Arthur au début, lance-t-il jetant un froid dans la foule. En regardant en arrière, je crois pas qu’il n’y avait pas de véritables raisons à part des querelles stupides de maisons à Poudlard. J’ai toujours eu beaucoup de préjugés par rapport à la maison des Serpentard mais quand j’ai rencontré Arthur, ils se sont tous envolés.
Sirius prit une longue inspiration mais le regard que lui lançait Anna le rassura alors il reprit ses notes et continua :
-Je n’ai pas eu la chance de connaître Arthur pendant aussi longtemps que sa famille, naturellement, ou pendant aussi longtemps qu’Anna mais il m’a fallu vraiment peu de temps pour qu’il devienne un de mes amis proches. Je savais qu’en toute situation, je pouvais aller le voir, si jamais j’avais le besoin de rire ou si je voulais me confier. Mais…
Sirius tourna et retourna ses feuilles : il lui en manquait une. La panique prit d’assaut son être pendant quelques secondes mais, en se surprenant lui-même, il fut capable de reprendre rapidement en racontant simplement ce qu’il avait sur le cœur.
-Arthur était un ami incroyable, d’autres pourront vous le dire bien mieux que moi. Sûrement car Arthur était doté d’une loyauté sans pareil qui la suivit jusqu’à son dernier souffle. Il avait décidé qu’il préférait mourir que de laisser un de ses amis se faire tuer et c’est de cet Arthur que je me rappellerai. De celui qui refuse de fuir devant l’adversité. Et je…
Son regard se perdit momentanément dans celui de Léwina. Ses yeux noirs l’hypnotisèrent de sorte à ce qu’il oublie le monde autour de lui. Cette fois-ci, il en était sûr, Léwina posait sur lui un regard doux, ce qu’elle n’avait pas fait depuis plusieurs jours maintenant. Il souhaita lui chuchoter ses mots rien qu’à elle, pour lui rappeler qu’elle ne serait jamais seule. Or, le sort d’amplification qu’il avait imposé à sa voix fit en sorte que tout le monde l’entende lorsqu’il affirma :
-Ceux que nous aimons ne nous quittent jamais vraiment, nous pouvons toujours les trouver, dans nos cœurs.